Cour de cassation de Belgique
Arret
* NDEG P.14.1051.N
* D. D.,
* inculpe, detenu,
demandeur en cassation,
* Me Bert Partoens, avocat au barreau de Tongres.
* I. la procedure devant la cour
Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 19 juin 2014 par lacour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur fait valoir un moyen dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat general Damien Vandermeersch a conclu.
II. la decision de la cour
* Sur le moyen :
1. Le moyen invoque la violation de l'article 5.3 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales :l'arrete ne repond pas aux circonstances precises mentionnees dans larequete de mise en liberte provisoire d'ou ressort le depassement dudelai raisonnable; l'arret fait une application erronee de cettedisposition lorsqu'il constate qu'au moment de l'arret de renvoi, ledelai raisonnable n'avait pas ete depasse; la pretendue demanded'actes d'instruction complementaires n'est pas la cause du retardderaisonnable; le danger de recidive n'est plus pertinent eu egard aulaps de temps ecoule et comporte, en outre, une violation de lapresomption d'innocence.
2. L'article 5.3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'hommeet des libertes fondamentales dispose que : "Toute personne arretee oudetenue, dans les conditions prevues au paragraphe 1er, c, du presentarticle, doit etre aussitot traduite devant un juge ou un autremagistrat habilite par la loi à exercer des fonctions judiciaires eta le droit d'etre jugee dans un delai raisonnable, ou liberee pendantla procedure. La mise en liberte peut etre subordonnee à une garantieassurant la comparution de l'interesse à l'audience".
Il resulte de cette disposition, qui vise à proteger la liberteindividuelle, que si la duree de la detention preventive n'est plusraisonnable, l'interesse doit etre mis en liberte.
3. La question de savoir si la duree de la detention preventive pourun accuse renvoye devant la cour d'assises est raisonnable estappreciee souverainement en fait par le juge qui statue sur la requetede mise en liberte provisoire visee à l'article 27, S: 1er, de la loidu 20 juillet 1990 relative à la detention preventive. Cetteappreciation ne peut s'effectuer de maniere abstraite ou generale,mais doit etre concrete, compte tenu des elements specifiques dechaque cause.
En tant qu'il critique cette appreciation des faits ou oblige la Courà proceder à un examen en fait, pour lequel elle est sans pouvoir,le moyen est irrecevable.
4. La duree de la detention preventive exerce une influence surl'obligation de motivation de la decision de maintien de la detention,des lors que les motifs qui, initialement, semblaient adequats,peuvent perdre leur valeur justificative du fait du laps de tempsecoule. Il ne s'en deduit toutefois pas que, lorsqu'il apprecie lecaractere raisonnable de la detention preventive, le juge ne pourraitplus tenir compte en aucune maniere du danger de recidive.
En tant qu'il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque en droit.
5. Lorsqu'il apprecie le maintien de la detention preventive engeneral et la condition du delai raisonnable prevue à l'article 5.3de la Convention en particulier, le juge qui tient compte d'un dangerde recidive deduit de plusieurs condamnations penales passees en forcede chose jugee, ne meconnait pas la presomption d'innocence del'interesse.
En tant qu'il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque en droit.
6. Les juges d'appel ont considere que :
- la condition du delai raisonnable doit etre appreciee au moment deleur decision et non au moment de l'examen probable de la cause par lacour d'assises ;
- il y a lieu de conclure, en se fondant sur l'ordre et la successiondes mesures de d'instruction et la conclusion des rapportsd'expertise, qu'au moment de l'arret de renvoi, à savoir le 11 avril2012, le delai raisonnable de la detention n'avait pas ete depasse ;
- à l'ouverture de la session de la cour d'assises, à savoir le 14octobre 2013, il ne fut pas question d'un delai deraisonnable de ladetention ;
- à la requete du procureur general, le president de la courd'assises, par ordonnance du 4 septembre 2013, a remis la cause a eteremise en raison d'actes d'instruction concernant l'implicationeventuelle d'une ou plusieurs autres personnes ;
- il ne resulte pas du delai qui s'est ecoule depuis cette ordonnancepour les motifs qui y sont exprimes, combine au deroulement anterieurde l'enquete et les mesures de mise en etat de la cause, qu'au momentde l'arret attaque, la detention ne peut etre consideree commederaisonnable ;
- il existe un danger grave de recidive des lors que le demandeur aete condamne par le jugement du tribunal correctionnel de Bruxelles du28 mars 2011 à un emprisonnement de sept mois du chef notamment detentative de vol avec effraction, destruction, coups et blessuresvolontaires, commis en decembre 2009, en etat de recidive legale,apres une condamnation anterieure par le jugement du tribunalcorrectionnel de Bruxelles du 1er decembre 2008 du chef de menace,coups et blessures volontaires, rebellion, destruction et outragecommis au cours de la periode situee entre le 15 decembre 2006 etjuillet 2008, à une peine d'emprisonnement de trente mois et à uneamende, en partie avec sursis, une partie des faits punis par cesjugements ayant ete commis apres les faits du chef desquels ledemandeur a ete renvoye devant la cour d'assises le 11 avril 2012.
Par ces motifs, les juges d'appel ont apprecie de maniere concrete,compte tenu des elements specifiques de la cause, le caractereraisonnable de la detention preventive du demandeur au moment de leurdecision, ont repondu aux arguments invoques par le demandeur dans sarequete et ont legalement justifie leur decision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
Le controle d'office :
7. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le chevalier Jean de Codt, premier president, lesconseillers Geert Jocque, Mireille Delange, Filip Van Volsem etKoenraad Moens, et prononce en audience publique du premier juilletdeux mille quatorze par le premier president Jean de Codt, en presencede l'avocat general Damien Vandermeersch, avec l'assistance dugreffier Johan Pafenols.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
1er JUILLET 2014 P.14.1051.N/1