Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG D.12.0023.F
L. D.,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,
contre
ORDRE DES PHARMACIENS, dont le siege est etabli à Saint-Gilles, avenueHenri Jaspar, 94,
defendeur en cassation,
represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre les decisions rendues les
22 septembre 2011 et 11 octobre 2012 par le conseil d'appel d'expressionfranc,aise de l'Ordre des pharmaciens.
Le 9 mai 2014, l'avocat general Andre Henkes a depose des conclusions augreffe.
Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat general AndreHenkes a ete entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Le demandeur presente trois moyens libelles dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions legales violees
* articles 2 et 1068 du Code judiciaire ;
* articles 20, S: 1er, et 25, S: 4, alinea 1er, de l'arrete royal nDEG80 du
10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des pharmaciens ;
* article 27 de l'arrete royal du 29 mai 1970 reglant l'organisation etle fonctionnement des conseils de l'Ordre des pharmaciens.
Decisions et motifs critiques
La sentence attaquee du 22 septembre 2011 rec,oit les appels et, avant defaire droit plus avant, ordonne la reouverture des debats afin depermettre aux parties, apres avoir echange de nouvelles conclusions sielles le souhaitent, ainsi qu'au delegue du conseil national de l'Ordre,d'exposer contradictoirement leur point de vue concernant l'incidenceeventuelle de l'arret rendu le 5 avril 2011 par la Cour de justice del'Union europeenne sur les poursuites disciplinaires à l'egard dudemandeur.
Cette sentence constate tout d'abord que la sentence du conseil provincial du 30 novembre 2009 est entachee du motif d'annulationsuivant :
« Composition du conseil provincial
A juste titre, la defense du [demandeur] releve que les membres du conseilprovincial presents au cours des debats relatifs au rapport du pharmacieninstructeur n'etaient pas les memes que ceux qui ont decide de la mise enprevention du [demandeur] ;
Le 16 mars 2009, ont entendu le rapport du pharmacien instructeur B. lespharmaciens T., T., G., D., B., F., L. et S. ;
Le 20 avril 2009, ont delibere sur le rapport d'instruction lespharmaciens T., G., D., B., F., L. et S., le pharmacien T. etant excuse ;
Le 7 septembre 2009, ont decide de la mise en prevention du [demandeur]les pharmaciens T., T., G., D., B. et L., le pharmacien F. etant excuseet le pharmacien S. etant absent ;
Il apparait ainsi que le pharmacien T. n'a pas participe à ladeliberation du 20 avril 2009 et que le pharmacien F. ainsi que lepharmacien S. n'ont pas participe à celle du 7 septembre 2009 ;
Le conseil d'appel constate que la procedure n'est pas reguliere, ladecision de renvoi en audience disciplinaire du 7 septembre 2009 n'ayantpas ete prise par tous les membres du conseil provincial ayant entendu lerapport d'instruction et ayant participe à l'ensemble du delibere ;
Le defaut de regularite de la procedure d'instruction est un premier motifd'annulation de la sentence du conseil provincial du 30 novembre 2009 ».
La sentence attaquee du 22 septembre 2011 considere cependant que cemotif d'annulation n'empeche pas le conseil d'appel de statuer valablementsur la prevention :
« Quant à l'effet devolutif de l'appel
Le [demandeur] ne conteste pas que le conseil d'appel peut legalementdecider, apres avoir annule la sentence disciplinaire entreprise, destatuer par voie de dispositions nouvelles sur l'ensemble des faits de lacause en application de l'article 25, S: 4, de l'arrete royal nDEG 80 du10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des pharmaciens ;
Il fait toutefois plaider que les poursuites seraient en l'especeirremediablement viciees en sorte que le conseil d'appel ne pourraitsuppleer les lacunes du dossier ;
Par application de l'article 1068 du Code judiciaire, des lors que le juged'appel applique la loi et le principe general du droit relatif au respectdes droits de la defense, l'examen de la cause en degre d'appel tend àmettre à neant les illegalites et la violation des droits de la defensequi auraient ete commises en premiere instance (Cass., 20 decembre 2001,nDEG D.00.0032.N) ;
Il suffit, pour qu'il soit satisfait à la regle de l'article 6, S: 1er,de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, suivant laquelle la cause doit etre entendue par untribunal impartial, que cette regle soit respectee par le conseil d'appel,organe juridictionnel de pleine juridiction competent pour controler enfait et en droit les decisions du conseil provincial ».
Statuant apres reouverture des debats, la sentence attaquee du
11 octobre 2012 annule la sentence du conseil provincial du 30 novembre2009 et, evoquant et statuant par voie de dispositions nouvelles, dit lespoursuites disciplinaires recevables et partiellement fondees, acquitte ledemandeur du premier grief de la prevention et dit les deuxieme ettroisieme griefs etablis à sa charge, et inflige au demandeur du chef desdeuxieme et troisieme griefs reunis de la prevention la sanction de lareprimande.
Griefs
1. Selon l'article 1068, alinea 1er, du Code judiciaire, rendu applicableà la procedure devant le conseil d'appel d'expression franc,aise del'Ordre des pharmaciens par l'article 2 du Code judiciaire, tout appeld'un jugement definitif ou avant dire droit saisit du fond du litige lejuge d'appel.
Cet effet devolutif de l'appel est confirme par l'article 25, S: 4,alinea 1er, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967 relatif àl'Ordre des pharmaciens, qui prevoit que les conseils d'appel connaissentde l'ensemble de la cause, meme sur le seul appel du pharmacien.
L'effet devolutif de l'appel ne permet cependant pas au juge d'appel destatuer sur le fond de la contestation en cas de saisine irreguliere dupremier juge.
2. Selon l'article 20, S: 1er, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre1967, le conseil provincial agit soit d'office, soit à la requete duconseil national, du ministre qui a la sante publique dans sesattributions, du procureur du Roi ou de la commission medicale, soit surplainte d'un pharmacien ou d'un tiers. Le bureau met l'affaire àl'instruction. Il instruit lui-meme ou designe dans le sein du conseil uneou plusieurs personnes chargees d'instruire conjointement avecl'assesseur. Il designe un rapporteur. Le bureau peut charger une personnede la tenue des ecritures. Dans les cas de plainte, le bureau s'efforced'amener l'accord des parties et dresse eventuellement un proces-verbal deconciliation. Quand l'instruction est terminee, le bureau ou le rapporteurfait rapport au conseil.
Selon l'article 27, alineas 2 et 3, de l'arrete royal du 29 mai 1970reglant l'organisation et le fonctionnement des conseils de l'Ordre despharmaciens, des la cloture de l'instruction, le president porte l'affaireà l'ordre du jour d'une prochaine seance du conseil. Le conseil decide,le rapporteur entendu et par decision motivee, soit de classer l'affairesans suite, soit d'ordonner une enquete complementaire, soit de fairecomparaitre le pharmacien.
Il resulte de la combinaison de ces dispositions que les poursuitesdisciplinaires à l'encontre du pharmacien sont introduites par ladecision du conseil provincial de faire comparaitre le pharmacien et quecette decision doit etre prise apres avoir entendu le rapport del'instruction effectuee par le bureau ou par le pharmacien instructeur.
3. Par les motifs reproduits en tete du moyen, la sentence attaquee du 22septembre 2011 decide que la procedure n'est pas reguliere des lors que ladecision de renvoi en audience disciplinaire du demandeur prise le
7 septembre 2009 n'a pas ete prise par tous les membres du conseilprovincial ayant entendu le rapport d'instruction et ayant participe àl'ensemble du delibere.
Elle decide neanmoins qu'en depit de cette irregularite affectant ladecision d'appeler à comparaitre le demandeur et, des lors, la saisine duconseil provincial, l'effet devolutif de l'appel autorise le conseild'appel à statuer sur le fond des poursuites.
Sur la base de ces premisses, la sentence attaquee du [11 octobre 2012]declare partiellement etablies les preventions mises à charge dudemandeur.
4. Ce faisant, les sentences attaquees meconnaissent la portee de l'effetdevolutif de l'appel, qui n'autorise pas le juge d'appel à statuer sur lefond de la cause lorsqu'il constate une irregularite affectant la saisinedu premier juge (violation de toutes les dispositions visees en tete dumoyen et plus particulierement des articles 1068, alinea 1er, du Codejudiciaire et 25, S: 4, alinea 1er, de l'arrete royal nDEG 80 du 10novembre 1967) ou, à tout le moins, la portee des articles 20, S: 1er, del'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967 et 27, alineas 2 et 3, del'arrete royal du 29 mai 1970 en refusant de voir dans la decision duconseil provincial de l'Ordre des pharmaciens de faire comparaitre lepharmacien concerne l'acte de saisine de cette juridiction disciplinaire.
Deuxieme moyen
Dispositions legales violees
* articles 28, 56 et 101 du Traite sur le fonctionnement de l'Unioneuropeenne (à savoir le Traite instituant la Communaute economiqueeuropeenne du 25 mars 1957, approuve par la loi du 2 decembre 1957,modifie en dernier lieu par le Traite de Lisbonne du 13 decembre 2007modifiant le Traite sur l'Union europeenne et le Traite instituant laCommunaute europeenne, approuve par la loi du 19 juin 2008) et, entant que de besoin, les lois d'approbation precitees ;
* articles 149 et 159 de la Constitution ;
* articles 15, S: 1er, alinea 2, et 20, S: 1er, de l'arrete royal nDEG80 du
10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des pharmaciens ;
* article 27 de l'arrete royal du 29 mai 1970 reglant l'organisation etle fonctionnement des conseils de l'Ordre des pharmaciens ;
* principe general du droit interdisant au juge de faire applicationd'une norme contraire à une norme superieure ;
* principe general du droit relatif à la primaute sur les dispositionsdu droit national des dispositions du droit international (y comprisle droit europeen) ayant un effet direct.
Decisions et motifs critiques
La sentence attaquee du 11 octobre 2012 annule la decision du conseilprovincial du 30 novembre 2009 et, evoquant et statuant par voie dedispositions nouvelles, dit les poursuites disciplinaires recevables etpartiellement fondees, acquitte le demandeur du premier grief de laprevention, dit les deuxieme et troisieme griefs etablis à sa charge etinflige au demandeur du chef des deuxieme et troisiemes griefs reunis dela prevention la sanction de la reprimande.
Elle releve à cet egard dans ses motifs que le troisieme grief est lie audeuxieme.
S'agissant plus particulierement du deuxieme grief de la prevention, lasentence attaquee du 11 octobre 2012 est fondee sur les motifs suivants.
Elle commence par rappeler le libelle de la prevention dans les termessuivants :
« Depuis novembre 2008, avoir effectue ou tolere que soit effectuee unepublicite personnelle contraire aux regles essentielles de la professionet tombant tout à la fois dans l'inexactitude d'une pretendue prioritesur internet [et] dans le demarchage de clientele, dans le denigrement deses confreres, dont les officines seraient moins bien achalandees que lasienne ou encore qui n'apporteraient pas à leur patientele les memessoins ou le meme interet que ceux que lui-meme prodigue via son siteinternet ».
Cette sentence se prononce tout d'abord sur la liste des piecessusceptibles d'etablir cette prevention :
« Le [demandeur] conteste l'imputabilite des faits qui lui sontreproches ; notamment, il ne s'estime pas responsable des propos qui luisont pretes par les journalistes ;
Il dresse une liste de sept pieces du dossier (pieces 6, 7, 9a, 9b, 10, 11et 12) qui selon lui sont susceptibles d'etre rattachees au deuxieme griefde la prevention sans pouvoir toutefois, à son avis, servir de fondementà une faute deontologique de sa part ;
La liste etablie par le [demandeur] n'est pas exhaustive ; d'autres piecesversees au dossier peuvent etre susceptibles d'etre rattachees au deuxiemegrief de la prevention, qui vise l'ensemble de la publicite effectueedirectement ou indirectement par le [demandeur] lors du lancement du siteinternet ou à la suite de ce lancement ».
Ensuite, la sentence decompose son raisonnement en trois ordres de motifsdifferents.
Premierement, elle reproche au demandeur des faits de demarchage :
« Le [demandeur] ne peut etre suivi lorsqu'il refute ses propres proposou ceux du sieur M. tels qu'ils sont rapportes par les journalistes dontle role est precisement de les porter à la connaissance du public.
Aucun element du dossier ne permet de mettre en doute la veracite despropos du [demandeur] et du sieur M. tels qu'ils sont repris par lesjournalistes apres la conference de presse ou lors d'interviews.
Les publications promotionnelles effectuees par le [demandeur] sur lesite newpharma.be sont significatives de sa volonte de `demarcher' unenouvelle clientele en s'adressant à chaque internaute qui lit un messagedepassant la simple information sur la nature de l'activiteprofessionnelle de Newpharma (article 92 du code de deontologie) ».
Deuxiemement, la sentence reproche au demandeur d'avoir exerce uneactivite à caractere principalement commercial :
« Ainsi que le soulignent le president du conseil national de l'Ordre despharmaciens et le magistrat assesseur, le dossier disciplinaire faitapparaitre que le lancement du site newpharma.be s'entoure de nombreusesreferences purement commerciales ;
L'annonce du lancement du site internet a fait l'objet d'une publicationdans les pages economiques du quotidien Le Soir du 7 novembre 2008 sous larubrique `Commerce : un pharmacien de ... se lance sur le net' ;
La page `Accueil : qui sommes-nous ?' du site precise que newpharma.be estune veritable pharmacie belge offrant toutes les facilites d'un sitee-commerce, creant une confusion entre la pratique de la pharmacie etl'exercice d'une activite commerciale ;
Le caractere commercial performant de Newpharma a ete reconnu parl'attribution en avril 2009 du prix de la meilleure entreprise belged'e-commerce à l'occasion de la quatrieme edition des BeCommerce Awards(piece 9b du dossier) ;
Les conditions generales de vente en ligne s'appliquent à toutes lesoperations commerciales concernant les produits mis en vente par lasociete Pharmacie Discry au sein de sa pharmacie internet Newpharma ;
Elles indiquent au point 6.3 que Newpharma se reserve le droit de refuserou d'annuler toute commande d'un client, notamment en cas de probleme depaiement de la commande concernee ou d'un litige relatif au paiement d'unecommande anterieure ;
Cette clause, qui est applicable quel que soit le produit delivre parnewpharma.be, confirme le caractere essentiellement commercial del'initiative du [demandeur] et heurte le principe selon lequel lepharmacien ne peut refuser la delivrance pour des motifs economiques(article 31 du code de deontologie) ;
Le comparant n'est pas credible lorsqu'il indique qu'au contraire d'autressites (pharmaceutiques) Newpharma n'affichent pas de prix barres ;
L'examen des pieces 16/1, 16/2 et 16/3 du dossier revele que sontpresentes à la vente sur internet une serie de produits (Biogram,Oligosol, Calorilight, Mustela, Baume Synthelabo, Avent Sucette Silicone,Nisyleen Forte, B-magnum Comprimes, Saforelle Savon, Adrenostim Funciomet,Caudalie Tisane Bio, Sirop De Canneberges Revogan) avec des prix barresdonnant ainsi à Newpharma l'apparence d'un magasin en ligne pratiquantdes prix `discount' ;
Est egalement significative de l'operation commerciale mise au point parle [demandeur] l'annonce, des le mois de novembre 2008, et donc bienanterieurement à la publication de l'arrete royal du 21 janvier 2009l'autorisant, que l'ensemble des medicaments est disponible sur le sitenewpharma.be ; (...)
L'ensemble des pieces du dossier fait apparaitre de maniere indubitableque le but poursuivi par le comparant n'etait nullement celui de la santedu patient et celui de la sante publique, mais bien le developpement d'uneactivite à caractere principalement commercial ».
Ces motifs doivent etre rapproches des considerations liminaires enonceespar la sentence attaquee du 11 octobre 2012 à propos des trois griefs dela prevention :
« La deontologie pharmaceutique reconnait actuellement le principe de laliceite de la publicite ;
Toutefois, la publicite directe ou indirecte en faveur d'une officinedeterminee ou de son prolongement sur internet ne peut tendre à confondrela profession de pharmacien avec l'exercice d'un negoce ni reduire cetteprofession liberale au rang d'activites purement commerciales, lesquelles,pour honorables qu'elles soient, ne jouissent pas de la meme autoritemorale et sociale dont est necessairement investie une branche de l'art deguerir comme l'est la pharmacie ;
L'objet des regles de deontologie est entre autres de preserver lapharmacie de toute derive mercantile et de tout demarchage de clientele ;il y va de l'interet general des patients :
Le pharmacien, auxiliaire de sante publique, dont les missions premieressont la delivrance du medicament et le conseil au patient, doit s'abstenirde pratiques commerciales qui, sans etre reprehensibles ou illegales,donnent de l'exercice de la pharmacie une vision mercantile et sont denature à alterer sa credibilite et les relations de confiance avec lespatients ».
Troisiemement et enfin, la sentence attaquee du 11 octobre 2012 reprocheau demandeur qu'aient ete tenus sous sa responsabilite des proposdenigrants à l'egard de ses confreres :
« A juste titre le president du conseil national de l'Ordre despharmaciens et le magistrat assesseur dudit conseil affirment que le[demandeur] est solidaire des declarations publiques du sieur M. lorsqu'ils'exprime à propos du lancement de newpharma.be ;
Les pieces du dossier revelent que le sieur M., sans etre contredit àl'epoque du lancement du site internet, a tenu, sous la responsabilite du[demandeur], des propos à la presse laissant supposer que Newpharma esten mesure d'offrir sur le net des services plus complets et de meilleurequalite que ceux proposes par les confreres pharmaciens ;
L'on peut relever les declarations suivantes : `Nous ne sommes pas desdiscounters du medicament. Nous nous focalisons sur la qualite. [...] Lepatient est donc ainsi potentiellement mieux informe (pieces 9a et 10 dudossier)'. [...] `Le site recense 20.000 produits disponibles, soit dixfois plus de choix que dans une pharmacie independante (piece 9a dudossier)'.[...] `Vous connaissez beaucoup de pharmaciens qui vous posentdes questions sur votre etat de sante ou vos antecedents medicaments quandvous lui demandez une boite d'aspirines ? En matiere d'information, notresite va meme un cran plus loin qu'une pharmacie classique puisque lesnotices des medicaments sont consultables. L'acheteur peut se renseignersur les effets secondaires ou les contre-indications d'un medicament avantmeme de l'avoir achete' (piece 7 du dossier) ;
Ces declarations constituent des propos denigrants pour les autrespharmaciens, propos qui n'ont pas fait l'objet de dementi lorsqu'ils ontete rapportes dans la presse et qui sont egalement attentatoires auxdevoirs d'entraide, de solidarite et de confraternite entre lespharmaciens ;
Le [demandeur] consacre les pages 25 à 34 de ses conclusions à unecritique en regle d'autres sites internet pharmaceutiques que celui deNewpharma ;
Le [demandeur] ne peut s'exonerer de sa responsabilite professionnelle enarguant du fait que des confreres se livrent à des pratiques commercialesqu'il qualifie de derives et qu'il dit desapprouver ».
La sentence attaquee du 11 octobre 2012 conclut que « les faits decritsau deuxieme grief de la prevention sont etablis et constituent uneatteinte à l'honneur, à la probite et à la dignite de la professionpharmaceutique ».
Griefs
Premiere branche
1. Les articles 28, S: 1er, 56, alinea 1er, et 101, S: 1er, du Traite surle fonctionnement de l'Union europeenne ont un effet direct et primentdes lors les normes deontologiques applicables en Belgique (principegeneral du droit relatif à la primaute sur les dispositions du droitnational des dispositions de droit international, y compris le droiteuropeen, ayant un effet direct). Le juge ne peut des lors faireapplication d'une norme deontologique belge contraire à ces dispositionsde droit europeen (principe general du droit interdisant au juged'appliquer une norme contraire à une norme superieure et article 159 dela Constitution).
2. Selon l'article 28, S: 1er, de ce traite, l'Union comprend une uniondouaniere qui s'etend à l'ensemble des echanges de marchandises et quicomporte l'interdiction, entre les Etats membres, des droits de douane àl'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet equivalent,ainsi que l'adoption d'un tarif douanier commun dans leurs relations avecles pays tiers.
Selon l'article 56, alinea 1er, du meme traite, les restrictions à lalibre prestation des services à l'interieur de l'Union sont interdites àl'egard des ressortissants des Etats membres etablis dans un Etat membreautre que celui du destinataire de la prestation.
A cet egard, le domaine des soins de sante n'est pas soustrait au domainedes libertes de circulation, parmi lesquelles figurent les libertesprecitees de circulation des marchandises et de prestation des services(voy. C.J.C.E. (gr. ch.), 19 mai 2009, Commission c/ Italie, C-531/06,point 35).
3. Interpretant l'article 24, S: 1er, de la directive 2006/123 duParlement europeen et du Conseil du 12 decembre 2006 relative aux servicesdans le marche interieur, la Cour de justice de l'Union europeenne aconsidere qu'il s'oppose à une reglementation nationale qui interdittotalement aux membres d'une profession reglementee d'effectuer des actesde demarchage (voy. C.J.U.E. (gr. ch.), 5 avril 2011, Societe fiduciairenationale d'expertise comptable, C-119/09).
Dans cette decision, la Cour de justice a precise que « cette conclusionest conforme à l'objectif de ladite directive qui consiste, ainsi qu'il aete rappele au point 26 du present arret, à eliminer les obstacles à lalibre prestation des services entre les Etats membres. En effet, unereglementation d'un Etat membre interdisant aux experts-comptables deproceder à tout acte de demarchage est susceptible d'affecter davantageles professionnels provenant d'autres Etats membres, en les privant d'unmoyen efficace de penetration du marche national en cause. Une telleinterdiction constitue, des lors, une restriction à la libre prestationdes services transfrontaliers » (point 43).
Par consequent, meme dans le domaine des soins de sante qui est exclu duchamp d'application de la directive 2006/123 par son article 2, S: 2, f),l'interdiction totale adressee aux membres d'une profession reglementeed'effectuer des actes de demarchage est contraire à la liberte deprestation de services et, le cas echeant, à la liberte de circulationdes marchandises.
4. Par ailleurs, selon l'article 101, S: 1er, du Traite sur lefonctionnement de l'Union europeenne, sont incompatibles avec le marcheinterieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes decisionsd'associations d'entreprises et toutes pratiques concertees qui sontsusceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pourobjet ou pour effet d'empecher, de restreindre ou de fausser le jeu de laconcurrence à l'interieur du marche interieur.
A cet egard, il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice del'Union europeenne qu'un acte d'un ordre professionnel peut constituer unedecision d'association d'entreprises au sens de cette disposition (voy.C.J.C.E., 19 fevrier 2002, Wouters, C-309/99, point 64, concernant unordre d'avocats ; concernant un ordre de pharmaciens, voy. T.P.I.U.E., 26octobre 2010, CNOP et CCG c/ Commission, T-23/09, point 71).
5. Par le premier ordre de motifs vises en tete du moyen, la sentenceattaquee du 11 octobre 2012 decide que le demandeur a porte atteinte àl'honneur, à la probite et à la dignite de la profession pharmaceutique,des lors que les publications promotionnelles effectuees par lui sur lesite newpharma.be sont significatives de sa volonte de « demarcher » unenouvelle clientele en s'adressant à chaque internaute qui lit un messagedepassant la simple information sur la nature de l'activiteprofessionnelle de Newpharma, en contravention avec l'article 92 du codede deontologie de l'Ordre des pharmaciens.
6. Ce faisant, la sentence attaquee du 11 octobre 2012 donne effet à uneinterdiction totale d'effectuer des actes de demarchage adressee auxmembres de l'Ordre des pharmaciens, laquelle constitue une restriction nonjustifiee de la liberte de prestation de services (violation de l'article56, alinea 1er, du Traite sur le fonctionnement de l'Union europeenne) et,le cas echeant, de la liberte de circulation des marchandises (violationde l'article 28, S: 1er, de ce traite), cette interdiction totaleconstituant par ailleurs une restriction non justifiee à la concurrencepar une decision d'association d'entreprises (violation de l'article 101,S: 1er, du meme traite). Pour les memes motifs, elle viole, en tant quede besoin, les lois d'approbation du Traite sur le fonctionnement del'Union europeenne visees en tete du moyen. Elle viole par ailleurs lesprincipes generaux du droit vises en tete du moyen et l'article 159 de laConstitution en faisant application d'une norme de droit nationalcontraire à ces dispositions de droit europeen ayant un effet direct quilui sont superieures.
7. Dans la mesure ou le moyen suscite des questions d'interpretation dudroit de l'Union, le demandeur invite la Cour de cassation à poser laquestion prejudicielle suivante à la Cour de justice de l'Unioneuropeenne avant de statuer sur le moyen, conformement à l'article 267 duTraite sur le fonctionnement de l'Union europeenne :
« L'interdiction totale de toute forme de demarchage de la clienteleadressee par un ordre professionnel, tel que l'Ordre des pharmaciens,charge de la reglementation de la profession de pharmacien,constitue-t-elle une restriction justifiee à la liberte de prestation deservices garantie par l'article 56 du Traite sur le fonctionnement del'Union europeenne, à la liberte de circulation des marchandises garantiepar l'article 28 de ce traite et à la libre concurrence garantie parl'article 101 du meme traite ? »
Deuxieme branche
1. Selon l'article 15, S: 1er, alinea 2, de l'arrete royal nDEG 80 du
10 novembre 1967, le Roi peut, par arrete delibere en conseil desministres, donner force obligatoire au code de deontologie pharmaceutiqueet aux adaptations qui seraient elaborees par le conseil national.
2. Le code de deontologie adopte par l'Ordre des pharmaciens n'ayant pasete approuve par le Roi, il est depourvu de force obligatoire.
3. Par le premier ordre de motifs vises en tete du moyen, la sentenceattaquee du 11 octobre 2012 decide que le demandeur a porte atteinte àl'honneur, à la probite et à la dignite de la profession pharmaceutique,des lors que les publications promotionnelles effectuees par lui sur lesite newpharma.be sont significatives de sa volonte de « demarcher » unenouvelle clientele en s'adressant à chaque internaute qui lit un messagedepassant la simple information sur la nature de l'activiteprofessionnelle de Newpharma, en contravention avec l'article 92 du codede deontologie de l'Ordre des pharmaciens.
4. Ce faisant, la seconde decision attaquee deduit entierement l'atteinteportee à l'honneur, à la probite et à la dignite de la professionpharmaceutique d'une meconnaissance de l'article 92 du Code de deontologiede l'Ordre des pharmaciens.
Des lors, il confere force obligatoire à une disposition qui en estdepourvue (violation de l'article 15, S: 1er, alinea 2, de l'arrete royalnDEG 80 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des pharmaciens).
Troisieme branche
1. Dans ses conclusions additionnelles et de synthese d'appel, ledemandeur relevait que « le conseil national [lui] reproche [...] pour lapremiere fois en degre d'appel [...] de s'etre rendu responsable depratiques commerciales donnant une vision mercantile de l'exercice de sapharmacie et de nature à alterer sa credibilite et les relations deconfiance avec les clients (article 101 du code de deontologie) et qui,d'autre part, se heurterait à l'article 31 du code de deontologie envertu duquel le pharmacien doit refuser la delivrance pour des motifseconomiques ».
Il faisait valoir à cet egard que « ces griefs concernent des faits quisont etrangers aux faits decrits dans les preventions originaires. Ilssont enonces pour la premiere fois en degre d'appel par le conseilnational. Ils doivent par consequent, de jurisprudence constante, etredeclares irrecevables ».
2. Par le deuxieme ordre de motifs vises en tete du moyen, la sentenceattaquee du 11 octobre 2012 decide que le demandeur a porte atteinte àl'honneur, à la probite et à la dignite de la profession pharmaceutiqueen developpant une activite à caractere principalement commercial.
3. Ni par ces motifs ni par aucun autre la sentence attaquee du
11 octobre 2012 ne repond au moyen de defense invoque dans les conclusionsprecitees par lequel le demandeur faisait valoir que le conseil d'appeln'etait pas regulierement saisi d'une prevention reprochant au demandeurde s'etre rendu responsable de pratiques commerciales donnant une visionmercantile de l'exercice de sa pharmacie et en deduisait que le conseild'appel ne pouvait regulierement statuer sur une telle prevention.
Cette sentence n'est, des lors, pas regulierement motivee (violation del'article 149 de la Constitution).
Quatrieme branche
1. Selon l'article 20, S: 1er, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre1967, le conseil provincial agit soit d'office, soit à la requete duconseil national, du ministre qui a la sante publique dans sesattributions, du procureur du Roi ou de la commission medicale, soit surplainte d'un pharmacien ou d'un tiers. Le bureau met l'affaire àl'instruction. Il instruit lui-meme ou designe dans le sein du conseil uneou plusieurs personnes chargees d'instruire conjointement avecl'assesseur. Il designe un rapporteur. Le bureau peut charger une personnede la tenue des ecritures. Dans les cas de plainte, le bureau s'efforced'amener l'accord des parties et dresse eventuellement un proces-verbal deconciliation. Quand l'instruction est terminee, le bureau ou le rapporteurfait rapport au conseil.
2. Selon l'article 27, alineas 2 et 3, de l'arrete royal du 29 mai 1970,des la cloture de l'instruction, le president porte l'affaire à l'ordredu jour d'une prochaine seance du conseil. Le conseil decide, lerapporteur entendu et par decision motivee, soit de classer l'affaire sanssuite, soit d'ordonner une enquete complementaire, soit de fairecomparaitre le pharmacien.
3. Il resulte de la combinaison de ces dispositions que le conseilprovincial et, en degre d'appel, le conseil d'appel sont saisis in rem,c'est-à-dire d'un fait reproche au pharmacien, independamment de saqualification juridique.
Si le conseil provincial et, en degre d'appel, le conseil d'appel peuvent,dans le respect des droits de la defense, requalifier les faits dont ilssont saisis, ils ne peuvent en revanche, sans commettre d'exces depouvoir, etendre d'initiative leur saisine à des faits non vises dans laprevention sur la base de laquelle le pharmacien poursuivi a ete invite àcomparaitre.
4. La sentence attaquee du 11 octobre 2012 constate que le deuxieme griefde la prevention pour laquelle le demandeur a ete invite à comparaitreetait libelle dans les termes suivants :
« Depuis novembre 2008, avoir effectue ou tolere que soit effectuee unepublicite personnelle contraire aux regles essentielles de la professionet tombant tout à la fois dans l'inexactitude d'une pretendue prioritesur internet [et] dans le demarchage de clientele, dans le denigrement deses confreres, dont les officines seraient moins bien achalandees que lasienne ou encore qui n'apporteraient pas à leur patientele les memessoins ou le meme interet que ceux que lui-meme prodigue via son siteinternet ».
5. Par le deuxieme ordre de motifs vises en tete du moyen, la sentencedecide que le demandeur a porte atteinte à l'honneur, à la probite et àla dignite de la profession pharmaceutique en developpant une activite àcaractere principalement commercial.
6. Ce faisant, la sentence declare etablis des faits n'ayant pas faitl'objet de l'invitation à comparaitre adressee au demandeur, des lors quele developpement d'une activite à caractere principalement commercial nese confond pas avec le fait d'effectuer ou de tolerer que soit effectueeune publicite personnelle contraire aux regles essentielles de laprofession.
Elle commet des lors un exces de pouvoir en declarant etablis des faitsexcedant sa saisine (violation de l'article 20, S: 1er, de l'arrete royalnDEG 80 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des pharmaciens et del'article 27, alineas 2 et 3, de l'arrete royal du 29 mai 1970 reglantl'organisation et le fonctionnement des conseils de l'Ordre despharmaciens).
Cinquieme branche
1. Dans ses conclusions additionnelles et de synthese d'appel, ledemandeur faisait valoir que les propos du sieur M. ne lui etaient pasimputables des lors que celui-ci, « que la decision querellee presenteerronement comme le `collaborateur' [du demandeur], n'est nullement le`collaborateur' de ce dernier. O. M. est le gerant de la societe Smartvalue, qui est un prestataire informatique qui assume seul laresponsabilite de ses propos. [Le demandeur], et [sa societe], sontetrangers à la structure de la societe Smartvalue ».
2. Par le troisieme ordre de motifs vises en tete du moyen, la sentenceattaquee du 11 octobre 2012 decide que le demandeur a porte atteinte àl'honneur, à la probite et à la dignite de la profession pharmaceutiquedes lors que le sieur M. a tenu, « sous la responsabilite du[demandeur] », des propos denigrants à l'egard de confreres pharmaciens.
3. Ni par ces motifs ni par aucun autre cette sentence ne repond au moyende defense invoque dans les conclusions precitees par lequel le demandeurfaisait valoir qu'il n'etait pas responsable des propos tenus par le sieurM. sur lequel il n'avait pas autorite et donc, implicitement maisnecessairement, qu'il ne lui incombait pas de dementir de tels propos,ceux-ci ne lui etant pas imputables.
En l'absence de reponse à ce moyen, la sentence attaquee du
11 octobre 2012 n'est pas regulierement motivee (violation de l'article149 de la Constitution).
Troisieme moyen
Disposition legale violee
Article 15, S: 1er, alinea 2, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre1967 relatif à l'Ordre des pharmaciens
Decisions et motifs critiques
La sentence attaquee du 11 octobre 2012 annule la decision du conseilprovincial du 30 novembre 2009 et, evoquant et statuant par voie dedispositions nouvelles, dit les poursuites disciplinaires recevables etpartiellement fondees, acquitte le demandeur du premier grief de laprevention, dit les deuxieme et troisieme griefs etablis à sa charge etinflige au demandeur du chef des deuxieme et troisiemes griefs reunis dela prevention la sanction de la reprimande.
S'agissant plus particulierement du troisieme grief de la prevention, lasentence est fondee sur les motifs suivants :
Elle commence par rappeler le libelle de la prevention dans les termessuivants :
« Depuis novembre 2008 et jusqu'à ce jour, n'avoir pas pris les mesuresnecessaires pour faire cesser la publicite commerciale dont questionci-avant, ou encore pour y apporter les correctifs ou dementisnecessaires pour que cette publicite reste conforme à la deontologieprofessionnelle ».
Elle decide ensuite ce qui suit :
« Il convient d'examiner ce troisieme grief lie au deuxieme en fonctionde la regle rappelee à l'article 93 du code de deontologie selon laquellele pharmacien doit prendre toute mesure necessaire pour cesser ou fairecesser immediatement toute publicite qui ne respecte pas les normesdeontologiques, meme si celle-ci est faite à son insu ou par des tiers,et ce, des qu'il en a pris connaissance ;
Il y a lieu de constater qu'au moment ou il s'est vu notifier l'invitationà comparaitre, le [demandeur] n'avait pas pris la moindre mesure pourrectifier des propos qui lui ont ete attribues ou pour veiller à lasuppression d'actions publicitaires depassant les normes deontologiques ;
Le troisieme grief est etabli et constitue egalement une atteinte àl'honneur, à la probite et à la dignite de la professionpharmaceutique ».
Griefs
1. Selon l'article 15, S: 1er, alinea 2, de l'arrete royal nDEG 80 du
10 novembre 1967, le Roi peut, par arrete delibere en conseil desministres, donner force obligatoire au code de deontologie pharmaceutiqueet aux adaptations qui seraient elaborees par le conseil national.
2. Le code de deontologie adopte par l'Ordre des pharmaciens n'ayant pasete approuve par le Roi, il est depourvu de force obligatoire.
3. Par les motifs vises en tete du moyen, la sentence attaquee du
11 octobre 2012 decide que le demandeur a porte atteinte à l'honneur, àla probite et à la dignite de la profession pharmaceutique, des lorsqu'il s'est abstenu de prendre la moindre mesure pour rectifier des proposqui lui ont ete attribues ou pour veiller à la suppression d'actionspublicitaires depassant les normes deontologiques, en contravention avecl'article 93 du code de deontologie de l'Ordre des pharmaciens.
4. Ce faisant, cette sentence deduit entierement l'atteinte portee àl'honneur, à la probite et à la dignite de la profession pharmaceutiqued'une meconnaissance de l'article 93 du code de deontologie de l'Ordre despharmaciens.
Des lors, il confere force obligatoire à une disposition qui en estdepourvue (violation de l'article 15, S: 1er, alinea 2, de l'arrete royalnDEG 80 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des pharmaciens).
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Suivant l'article 20, S: 1er, alinea 1er, de l'arrete royal nDEG 80 du
10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des pharmaciens, le conseil provincialagit d'office, sur requete ou sur plainte ; l'alinea 2 enonce que lebureau met l'affaire à l'instruction, qu'il instruit lui-meme ou designedans le sein du conseil une ou plusieurs personnes chargees d'instruireconjointement avec l'assesseur et qu'il designe un rapporteur ; l'alinea 4prevoit que, quand l'instruction est terminee, le bureau ou le rapporteurfait rapport au conseil.
L'article 27, alinea 3, de l'arrete royal du 29 mai 1970 reglantl'organisation et le fonctionnement des conseils de l'Ordre despharmaciens precise que le conseil provincial decide, le rapporteurentendu et par decision motivee, soit de classer l'affaire sans suite,soit d'ordonner une enquete complementaire, soit de faire comparaitre lepharmacien.
La decision de faire comparaitre le pharmacien saisit le conseilprovincial des poursuites disciplinaires.
Aux termes de l'article 25, S: 4, de l'arrete royal nDEG 80, les conseilsd'appel connaissent de l'ensemble de la cause, meme sur le seul appel dupharmacien.
Cette derniere disposition ne deroge pas à l'article 1068 du Codejudiciaire, applicable en vertu de l'article 2 de ce code.
L'article 20, S: 2, de l'arrete royal nDEG 80 dispose que le conseild'appel charge un des rapporteurs d'examiner l'affaire, que celui-ci faitrapport au conseil et que, à la demande de ce dernier, il procede à tousdevoirs complementaires d'instruction.
Si, en regle, le conseil d'appel qui annule la sentence du conseilprovincial doit statuer par voie de dispositions nouvelles sur les faitsreproches au pharmacien, il est fait exception à cette regle lorsquel'annulation est fondee sur une irregularite substantielle de la decisionde ce conseil de faire comparaitre le pharmacien.
La sentence attaquee du 22 septembre 2011 annule la sentence du conseilprovincial au motif que « la decision de renvoi en audience disciplinaire[n'a] pas ete prise par tous les membres du conseil provincial ayantentendu le rapport d'instruction et ayant participe à l'ensemble dudelibere » mais considere, sans etre critiquee, que les poursuites nesont pas irremediablement viciees.
Par ces enonciations, la sentence attaquee du 22 septembre 2011 justifielegalement sa decision de « statuer par voie de dispositions nouvellessur l'ensemble des faits de la cause ».
Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le deuxieme moyen :
Quant à la deuxieme branche :
La sentence attaquee du 11 octobre 2012 considere comme etablis les faitsdecrits au deuxieme grief de la prevention, soit d'« avoir effectue outolere que soit effectuee une publicite personnelle contraire aux reglesessentielles de la profession et tombant tout à la fois dansl'inexactitude d'une pretendue priorite sur internet [et] dans ledemarchage de clientele, dans le denigrement de ses confreres, dont lesofficines seraient moins bien achalandees que la sienne ou encore quin'apporteraient pas à leur patientele les memes soins ou le meme interetque ceux que lui-meme prodigue via son site internet », au motif que« l'ensemble des pieces du dossier fait apparaitre de maniere indubitableque le but poursuivi par le [demandeur] n'etait nullement celui de lasante du patient et celui de la sante publique, mais bien le developpementd'une activite à caractere principalement commercial ». Pour arriver àcette conclusion, elle enonce que « la deontologie pharmaceutiquereconnait actuellement le principe de la liceite de la publicite » maisque « la publicite [...] ne peut [...] reduire [ la profession liberalede pharmacien] au rang d'activites purement commerciales » et prend enconsideration, non seulement le demarchage, mais aussi les « referencespurement commerciales » entourant le lancement du site, le refus descommandes pour des motifs economiques, l'affichage de prix barres et lemoment de la publication des annonces sur la disponibilite desmedicaments.
En considerant pour ces motifs que les faits litigieux constituent uneatteinte à l'honneur, à la probite et à la dignite de la professionpharmaceutique, cette sentence se fonde, non sur l'article 92 du code dedeontologie des pharmaciens, mais sur les principes generaux non ecrits relatifs à la moralite, l'honneur, la discretion, la probite, la digniteet le devouement indispensables à l'exercice de la profession depharmacien, s'appliquant aux rapports individuels entre le pharmacien,d'une part, les malades et les confreres, d'autre part, et destines àsauvegarder le caractere non commercial de la profession conformement àl'article 15, S: 1er, alinea 5, de l'arrete royal
nDEG 80.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur une lecture inexacte de lasentence attaquee du 11 octobre 2012, manque en fait.
Quant à la premiere branche :
En fondant sa decision sur les motifs cites en reponse à la deuxiemebranche du moyen, qui constituent ainsi qu'il a ete dit une application,non de l'article 92 du code de deontologie, mais des principes generauxrelatifs à la profession de pharmacien destines à sauvegarder lecaractere non commercial de cette profession, la sentence attaquee du 11octobre 2012 ne donne pas effet à une interdiction totale d'effectuer desactes de demarchage qui serait adressee aux membres de l'Ordre despharmaciens.
Il n'y a pas lieu de poser à la Cour de justice de l'Union europeenne laquestion prejudicielle proposee par le moyen, en cette branche, sur labase d'une interpretation inexacte de la sentence attaquee du 11 octobre2012.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la troisieme branche :
La sentence attaquee du 11 octobre 2012 decide que sont etablis les faitsdecrits aux deuxieme et troisieme griefs de la prevention pour laquelle ledemandeur a ete invite à comparaitre devant le conseil provincial, qu'ilsconstituent chacun des atteintes à l'honneur, à la probite et à ladignite de la profession pharmaceutique et qu'ils justifient ensemble lasanction de la reprimande.
Elle n'etait, des lors, plus tenue de repondre aux conclusions dudemandeur relatives à des reproches qui auraient ete formules par leconseil national pour la premiere fois en degre d'appel, conclusions quesa decision privait de pertinence.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la quatrieme branche :
En considerant que « les faits decrits au deuxieme grief de la prevention[pour laquelle le demandeur a ete invite à comparaitre devant le conseilprovincial] sont etablis et constituent une atteinte à l'honneur, à laprobite et à la dignite de la profession pharmaceutique », la sentenceattaquee du
11 octobre 2012 ne se prononce pas sur des faits autres que ceux pourlesquels le demandeur a ete invite à comparaitre.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur une lecture inexacte de lasentence, manque en fait.
Quant à la cinquieme branche :
Les sentences attaquees des 22 septembre 2011 et 11 octobre 2012 enoncentque le demandeur « reconnait exercer son activite de pharmacien titulaired'officine par le biais de la societe Discry, laquelle a lance le 9octobre 2008 le site internet www.newpharma.be », « qu'à cetteoccasion, [lui-meme] et un sieur O. M. organiserent en novembre 2008 uneconference de presse en vue de promouvoir leur initiative » et que ledemandeur « est solidaire des declarations publiques du sieur M.lorsqu'il s'exprime à propos du lancement de newpharma.be ».
Elles repondent par ces enonciations aux conclusions du demandeur quicontestait que les propos tenus par O. M. lui soient imputables.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Sur le troisieme moyen :
La sentence attaquee du 11 octobre 2012 considere comme etabli letroisieme grief, soit de « n'avoir pas pris les mesures necessaires pourfaire cesser la publicite commerciale dont question au deuxieme grief, ouencore pour y apporter les correctifs ou dementis necessaires pour quecette publicite reste conforme à la deontologie professionnelle », auxmotifs qu' « il convient d'examiner ce [grief] en fonction de la reglerappelee à l'article 93 du code de deontologie selon laquelle lepharmacien doit prendre toute mesure necessaire pour cesser ou fairecesser immediatement toute publicite qui ne respecte pas les normesdeontologiques meme si celle-ci est faite à son insu ou par des tiers »et « qu'au moment ou il s'est vu notifier l'invitation à comparaitre, le[demandeur] n'avait pas pris la moindre mesure pour rectifier les proposqui lui ont ete attribues ou pour veiller à la suppression d'actionspublicitaires depassant les normes deontologiques ».
En considerant pour ces motifs que les faits litigieux constituent uneatteinte à l'honneur, à la probite et à la dignite de la professionpharmaceutique, la sentence precitee se fonde, non sur l'article 93 ducode de deontologie, mais sur les principes generaux non ecrits relatifsà la profession de pharmacien, destines à sauvegarder le caractere noncommercial de la profession et rappeles par cet article.
Le moyen, qui repose sur une lecture inexacte de la sentence attaquee du11 octobre 2012, manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux depens.
Les depens taxes à la somme de quatre cent trois euros cinquante centimesenvers la partie demanderesse et à la somme de cent septante-sept eurosseptante-neuf centimes envers la partie defenderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersMartine Regout, Mireille Delange, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, etprononce en audience publique du trente mai deux mille quatorze par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalAndre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
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| M. Delange | M. Regout | Chr. Storck |
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30 MAI 2014 D.12.0023.F/28