Cour de cassation de Belgique
Arret
* NDEG P.12.1265.N
* A. J. G. S.,
* prevenu,
* demandeur en cassation,
* ayant pour conseil Maitre Eric Pringuet, avocat au barreau de Gand.
* * contre
* * 1. J. B.,
* 2. J. K.,
* parties civiles,
defendeurs en cassation.
I. la procedure devant la cour
XII. XIII. Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 11 juin 2012par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
XIV. Le demandeur invoque six moyens dans un memoire annexe au presentarret.
XV. Le president de section Luc Van hoogenbemt a fait rapport.
XVI. Le procureur general Patrick Duinslaeger a conclu.
II. la decision de la cour
Sur la recevabilite du pourvoi :
1. Le demandeur a ete acquitte du chef du fait A.2 mis à sa charge. Sonpourvoi forme contre cette decision est irrecevable, à defaut d'interet.
Sur le premier moyen :
Quant à la premiere branche :
2. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 1er dutitre preliminaire du Code de procedure penale, 130 et 182 du Coded'instruction criminelle : l'arret declare fonde à l'egard du demandeurle fait d'escroquerie, à savoir l'accord du 29 novembre 2006 donne à laconvention d'honoraires d'un montant de 50.000 euros, qui n'etait pas visepar l'ordonnance de renvoi de la chambre du conseil.
3. En matiere correctionnelle ou de police, l'ordonnance de renvoi renduepar une juridiction d'instruction ou la citation à comparaitre devant lajuridiction de jugement saisissent la juridiction de jugement non de laqualification qui y figure, mais des faits tels qu'ils ressortent despieces de l'instruction et qui fondent l'ordonnance de renvoi ou lacitation.
Le juge du fond n'est pas lie par la qualification que la citation oul'ordonnance de renvoi a donnee aux faits. Pour pouvoir proceder à larequalification, il n'est pas requis que les elements de l'infractioninitialement qualifiee et de l'infraction requalifiee soient les memes.Neanmoins est-il requis, moyennant le respect des droits de defense, quela nouvelle qualification ait pour objet le meme fait que l'evenement defait qui constitue l'objet des poursuites, cela pouvait aussi concerner lemoment de la commission de l'infraction.
4. Le juge du fond apprecie souverainement quelle est la qualificationlegale des faits vises par la citation ou par l'ordonnance de renvoi, pourautant que cette qualification ne soit pas inconciliable avec ces faits.
Dans la mesure ou il critique l'appreciation souveraine faite par le jugedu fond de la qualification à donner aux faits ou qu'il requiert unexamen des faits pour lequel la Cour est sans pouvoir, le moyen, en cettebranche, est irrecevable.
5. Ensuite d'une ordonnance rendue le 27 octobre 2010 par la chambre duconseil de Bruges, le demandeur avait ete initialement cite devant letribunal correctionnel du chef d'escroquerie (prevention A), à savoir :
« 1. d'un montant de 25.000,00 euros au prejudice des [deux defendeurs]à Bruges et, par connexite, à Wilrijk, en fevrier/mars 2006 ;
2. (...) ;
3. d'un montant de 25.000,00 euros au prejudice des [deux defendeurs] àBruges et, par connexite, à Wilrijk, en mars 2007. »
A l'audience du 8 mai 2012 de la cour d'appel de Gand, le demandeur avaitete informe que l'infraction d'escroquerie (prevention A) mise à sacharge serait eventuellement requalifiee ainsi qu'il suit, requalificationdont il s'est defendu :
« 1. à Bruges, le 29 novembre 2006, avoir marque son accord pour uneconvention d'honoraires d'un montant de 50.000 euros (obligation de payer)dont l'execution a donne lieu à un premier montant de 25.000 euros verseà Turnhout à un moment non davantage precise situe dans la periode du1er novembre 2006 au 31 decembre 2006' et à un second montant de 25.000euros à Wilrijk à un moment non davantage precise situe dans la periodedu 1er mars 2007 au 31 mars 2007' au prejudice des [deux defendeurs] ;
2. (...). »
6. Par les motifs que l'arret comporte (rubrique 1.4), les juges d'appelont justifie legalement leur decision selon laquelle les faitsd'escroquerie qu'ils ont ainsi requalifies et declares etablis, sont lesmemes que l'evenement de fait ayant fait l'objet de l'ordonnance derenvoi. De ce fait, les juges d'appel ne se sont pas prononces sur desfaits etrangers à leur saisine.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la seconde branche :
7. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 1319,1320 et 1322 du Code civil : en considerant que les agissements de faitmateriels du demandeur enonces dans l'ordonnance de renvoi n'ont pas etemodifies par la requalification des faits, l'arret viole la foi due àcette ordonnance de renvoi ; la requalification a donne lieu à lamodification des date, lieu, objet et prejudicie que concernent les faits.
8. Il ressort de la reponse apportee au moyen, en sa premiere branche, quel'arret interprete l'ordonnance de renvoi visee d'une paniere qui n'estpas inconciliable avec ses termes. Ainsi, les juges d'appel n'ont pasviole la foi due à l'ordonnance de renvoi.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Sur le deuxieme moyen :
9. Le moyen invoque la violation des articles 149 de la Constitution et 16du titre preliminaire du Code de procedure penale : l'arret declare quel'accord donne le 15 decembre 2006 à la demande du demandeur et quistipule que le premier defendeur consent « à votre etat d'honoraires de25.000,00 euros pour les services prestes », s'inscrit pleinement dansles manoeuvres frauduleuses destinees à obtenir ou à poursuivre laremise de ce montant ; la preuve des elements constitutifs de l'infractionmise à charge est subordonnee au contenu du fait juridique anterieur denature civile ; les relations entre le demandeur, en sa qualite d'avocat,et son client constituent un rapport juridique mixte, consistant tant àmandater qu'à accepter le travail intuitu personae.
10. Lorsque l'infraction se rattache à l'execution d'une convention dontl'existence est deniee ou dont l'interpretation est contestee, l'article16 du titre preliminaire du Code de procedure penale impose au juge penalde se conformer aux regles de la preuve de droit civil.
La disposition legale precitee n'est pas applicable, lorsque, tel qu'enl'espece, la convention constitue en soi l'objet de l'infraction et estutilisee pour la commission de l'escroquerie.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le troisieme moyen :
11. Le moyen invoque la violation de l'article 211 (lire : 211bis) du Coded'instruction criminelle : il ne ressort pas de l'arret qu'il a ete renduà l'unanimite des voix, alors que les juges d'appel ont prolonge laperiode delictuelle admise par le premier juge « entre fin novembre 2006et mars 2007 » à une periode delictuelle « du 1er novembre 2006 au 31mars 2007 », ce qui constitue une aggravation de la peine.
12. L'arret declare le demandeur coupable du chef de l'infractiond'escroquerie en raison de l'accord donne ou consenti le 29 novembre 2006par le premier defendeur à une convention d'honoraires d'un montant de50.000 euros.
Le moyen qui se fonde sur une lecture erronee de l'arret manque en fait.
Sur le quatrieme moyen :
13. Le moyen invoque la violation des articles 17 du Code judiciaire, 1382du Code civil, 154 et 189 du Code d'instruction criminelle, ainsi que dela foi due aux actes : l'arret qui declare qu'une eventuelle compensationavec Peter Verbruggen releve des accords conclus entre ce dernier et lepremier defendeur et n'est pas pertinente pour le demandeur, viole la foidue à la declaration du 24 fevrier 2009 de Peter Verbruggen ; l'arret quideclare plus avant que les fonds n'ont ete remis que pour le compte dupremier defendeur, viole la foi due à la declaration precitee et à lapiece 6 deposee par le demandeur ; l'arret qui declare que PeterVerbruggen aurait declare que le demandeur n'a rien fait pour lui, violela foi due à la declaration precitee et aux pieces du dossier repressifconcernant les visites penitentiaires du demandeur à Peter Verbruggen.
14. L'arret interprete la declaration du 24 fevrier 2009 de PeterVerbruggen et à la piece 6 deposee par le demandeur d'une maniere quin'est pas inconciliable avec leurs termes.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
15. L'arret n'interprete pas les pieces du dossier repressif relatives auxvisites penitentiaires du demandeur au premier defendeur. Par consequent,il ne viole pas la foi qui leur est due.
Dans cette mesure, le moyen manque egalement en fait.
16. Pour le surplus, le moyen est integralement deduit de la violationvainement invoquee de la foi due aux actes.
Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.
Sur le cinquieme moyen :
17. Le moyen invoque la violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Codecivil : l'arret qui admet qu'aucune prestation n'a ete fournie par ledemandeur pour les honoraires perc,us, viole la foi due au document du 15decembre 2006 etabli par le premier defendeur qui n'a jamais ete argue defaux.
18. Les juges d'appel ont decide que « les prestations fournies jusqu'àce jour », ainsi qu'il est mentionne dans le document du 15 decembre2006, « n'ont à aucun moment (eu) trait à des dossiers ou `prestations'autres que dans le cadre d'une liberation conditionnelle, alors que lanature des prestations dejà fournies dans ce cadre n'a pas davantage eteprecisee (...) ».
Ainsi, l'arret ne declare pas qu'aucune prestation n'a ete fournie etn'interprete pas l'acte en question d'une maniere inconciliable avec sestermes.
Le moyen manque en fait.
Sur le sixieme moyen :
19. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales et 477 duCode judiciaire, ainsi que de l'egalite des armes : les defendeurs ontpris connaissance, en la cause disciplinaire menee à l'encontre dudefendeur, du dossier disciplinaire et, en tant que partie civile, ontfait usage de ces informations confidentielles obtenues illegalement en lacause penale ayant le meme objet ; cela constitue un avantage inadmissiblequi viole l'egalite des armes.
20. L'arret constate que :
- le dossier repressif ne comporte aucun element concernant le deroulementou la conclusion de la procedure disciplinaire, ni aucune piece provenantdu dossier disciplinaire ;
- les defendeurs n'ont pas davantage fait etat d'elements ou employes depieces qui proviendraient du dossier disciplinaire ou en feraient partie.
Il ne constate pas qu'il ressort du moindre element que les conseils desdefendeurs ont pris connaissance de certains volets du dossier repressifet qu'en leur qualite de partie civile, ils ont fait usage de cesinformations confidentielles obtenues illegalement dans le cadre de lacause penale aujourd'hui pendante.
Le moyen qui oblige la Cour à proceder à un examen des faits, estirrecevable.
Le controle d'office
21. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
* * La Cour
* Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Maffei, president, Luc Vanhoogenbemt, president de section, les conseillers Pierre Cornelis, FilipVan Volsem et Erwin Francis, et prononce en audience publique duvingt-sept mai deux mille quatorze par le president de section PaulMaffei, en presence du procureur general Patrick Duinslaeger, avecl'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction etablie sous le controle du president de section Frederic Closeet transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le president de section,
27 MAI 2014 P.12.1265.N/1