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26/05/2014 | BELGIQUE | N°S.12.0106.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 mai 2014, S.12.0106.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.12.0106.F

OFFICE NATIONAL D'ALLOCATIONS FAMILIALES POUR TRAVAILLEURS SALARIes, dontle siege est etabli à Bruxelles, rue de Treves, 70,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

1. C. V., avocat, en sa qualite d'administrateur provisoire des biens deC. G., defendeur en cassation,

represente par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avo

cat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fa...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.12.0106.F

OFFICE NATIONAL D'ALLOCATIONS FAMILIALES POUR TRAVAILLEURS SALARIes, dontle siege est etabli à Bruxelles, rue de Treves, 70,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

1. C. V., avocat, en sa qualite d'administrateur provisoire des biens deC. G., defendeur en cassation,

represente par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

2. S. M.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 14 mai 2012 parla cour du travail de Liege.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport.

L'avocat general delegue Michel Palumbo a conclu.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

* articles 7, 13, 14 et 16 de la loi du 11 avril 1995 visant àinstituer « la charte » de l'assure social ;

* article 488bis-K du Code civil ;

* article 1138, specialement 2DEG, du Code judiciaire ;

* principe general du droit dit principe dispositif ;

* article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, signee à Rome le 4 novembre 1950 et approuveepar la loi du 13 mai 1955 ;

* principe general du droit relatif au respect des droits de la defense.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque prononce la nullite de la decision litigieuse du demandeurdu 17 novembre 2006, decide qu'au cours de la periode examinee, C. G.etait l'allocataire des allocations familiales et confirme le jugement dupremier juge en ce que celui-ci avait declare fondee la demande originairedu premier defendeur et condamne le demandeur à lui verser lesallocations familiales qui devaient revenir à C. G. à partir du 1eroctobre 2006, par tous ses motifs, specialement les motifs suivants :

« La nullite de la decision administrative litigieuse

La decision litigieuse [du demandeur] du 17 novembre 2006 a ete prise surla base de l'article 69, S: 1er, alinea 3, des lois relatives auxallocations familiales pour travailleurs salaries, coordonnees le 19decembre 1939. (...)

Il s'en deduit, comme le premier juge le souligne à bon droit, que ladecision [du demandeur] du 17 novembre 2006 a ete prise conformement àl'article 69, S: 1er, alinea 3, des lois coordonnees.

Cela etant, il faut tenir compte de l'article 488bis-K du Code civil, quifigure dans le chapitre intitule `De l'administration provisoire des biensappartenant à un majeur'.

Ce regime a pour effet de frapper la personne protegee d'une incapacitejuridique, totale ou partielle selon les limites fixees par le juge depaix (qui decide de l'administration provisoire et qui designel'administrateur provisoire), uniquement dans la sphere de la gestion desbiens de cette personne, laquelle, pour le surplus, reste apte àl'exercice de tous ses droits subjectifs : reserve faite del'accomplissement des actes à effets patrimoniaux induits (...).

Aux termes de cet article 488bis-K, les significations et notifications àfaire aux personnes pourvues d'un administrateur provisoire sont faites àce dernier à son domicile ou à sa residence.

Par `significations et notifications à faire', ce prescrit legal vise lesactes juridiques qui, pour produire leurs effets, doivent etre signifiesou notifies à leur destinataire (...).

En vue de mettre cet article en oeuvre dans le cas d'espece, il fautd'abord verifier si une decision prise en execution de l'article 69, S:1er,

alinea 3, doit etre l'objet d'une `notification à faire', non seulementau pere, mais aussi à la mere. A ce sujet, l'article 69 est muet.

Il s'impose alors de se referer à la loi du 11 avril 1995 visant àinstituer `la charte' de l'assure social. L'article 2, 8DEG, de cette loiest applicable à la decision adoptee en vertu dudit article 69, S: 1er,alinea 3, car cette decision constitue un acte juridique unilateral deportee individuelle, emanant d'une institution de securite sociale etayant pour but de produire un effet de droit, non seulement à l'egard dupere, auquel la qualite d'allocataire est attribuee, mais aussi envers lamere, à laquelle cette qualite est retiree.

Selon l'article 7, alinea 1er, de la loi du 11 avril 1995, lesinstitutions de securite sociale et les services charges du paiement desprestations sociales sont tenus de faire connaitre aux personnesinteressees, au plus tard au moment de l'execution, toute decisionindividuelle motivee les concernant ; la notification doit en outrementionner les possibilites de recours existantes ainsi que les formes etdelais à respecter à cet effet.

Il suit que, la mere etant une personne `interessee' et `concernee' ausens de cet article, puisque la qualite d'allocataire lui est enlevee, ladecision prise conformement à l'article 69, S: 1er, alinea 3, doit etrel'objet d'une `notification à faire' à la mere. Du reste, [le demandeur]lui-meme en etait convaincu des lors qu'il a notifie à madame G. sadecision du 17 novembre 2006.

Le probleme, pour [le demandeur], c'est qu'il n'a pas notifie cettedecision, au plus tard au moment de son execution, à l'administrateurprovisoire, [le premier defendeur], comme l'imposait l'article 488bis-K.

Quelle est la sanction de la violation de cet article ? C'est la nullitede la decision qui n'a pas ete regulierement notifiee (et malgre, le casecheant, l'article 860 du Code judiciaire) (ibid., p. 48 ; cf. C. trav.Liege, 9e ch., 8 nov. 2010, RG 2010/AU/144).

Par consequent, l'absence de notification, qui a pour seul effet lanullite de la decision non notifiee, ne doit pas etre analysee comme unefaute dans le chef de l'organisme de securite sociale, faute dont ilfaudrait apprecier si elle a cause un dommage et dommage dont il faudraitmesurer l'ampleur afin de fixer une reparation proportionnee.

C'est donc à tort, à l'estime de la cour [du travail], que le [premierjuge] s'est engage sur ce terrain juridique, au point de transformerl'action originaire [du premier defendeur], qui contestait la decisionlitigieuse, en une action en responsabilite civile contre [le demandeur]et de donner ainsi l'impression que les allocations familiales au paiementdesquelles ce dernier a ete condamne constitueraient des dommages etinterets.

En conclusion, il s'impose de constater la nullite de la decisionlitigieuse du 17 novembre 2006.

La decision judiciaire

En vertu de son pouvoir de pleine juridiction, il appartient au juge deremplacer la decision administrative frappee de nullite par une nouvelledecision, la plus appropriee possible au cas d'espece (...).

Il ne saurait ici s'agir de confirmer la decision par ailleurs annulee endecidant à nouveau du transfert de la qualite d'allocataire de la mere aupere, comme suite à la demande de ce dernier, à la lumiere desrenseignements repris dans le registre national des personnes physiques.

Il ne saurait non plus s'agir de mesurer la responsabilite [du demandeur]et d'apprecier si elle est attenuee, voire aneantie, par la responsabilitecivile de l'administrateur provisoire, le magistrat cantonal etant audemeurant le seul juge de la qualite de sa gestion.

Il s'impose en realite de determiner et de prendre en compte les droits demadame G. et, plus precisement, son droit à etre titulaire de la qualited'allocataire pendant la periode qui a debute le 1er octobre 2006 et dontil est permis de constater qu'elle a pris fin le 30 juin 2007 puisque [ledemandeur] a ete remplace par l'O.N.S.S.A.P.L. à compter du 1er juillet.

Il ressort de l'article 69, S: 1er, des lois coordonnees qu'en regle, lesallocations familiales sont payees à la mere, sauf si celle-ci n'elevepas effectivement l'enfant.

Or, il se trouve que les pieces versees au dossier de la procedureetablissent que, pendant toute la periode du 1er octobre 2006 au 30 juin2007, madame G. a reellement eleve l'enfant, l'a heberge et l'a entretenu,à l'exclusion du pere. Cette situation n'est d'ailleurs pas contestee par[le demandeur]. Quant [au second defendeur], il n'a pas comparu pour ladementir. Il l'a au contraire reconnue des lors qu'il apparait que, dansle cadre d'une procedure de conciliation devant le juge de paix, il aaccepte de payer une contribution alimentaire pour les frais de l'enfantà partir du 1er juin 2006.

Il convient en consequence de constater qu'au cours de la periodeexaminee, madame G. avait la qualite d'allocataire, quand bien meme, parl'effet d'une erreur ou d'une negligence qui lui serait imputable ou quiserait le fait de l'administrateur provisoire, l'enfant n'a pas ete, dansle registre de la population, inscrit à son domicile.

Des lors, en partie pour d'autre motifs que ceux du [premier juge], ilechet de confirmer le dispositif du jugement attaque en ce qu'il declarefondee l'action originaire et condamne [le demandeur] à payer [au premierdefendeur] les allocations familiales qui devaient revenir à madame G. àpartir du 1er octobre 2006. Il convient aussi de completer ce dispositifen precisant que la periode concernee, qui a debute à cette dernieredate, a pris fin le 30 juin 2007.

A cet egard, l'appel est donc non fonde ».

Griefs

Premiere branche

Le jugement du premier juge a decide que le demandeur avait commis unefaute en ne notifiant pas la decision litigieuse du 17 novembre 2006 aupremier defendeur et que cette faute civile avait cause un dommage àmadame G., correspondant à l'ensemble des allocations familiales verseespar le demandeur au second defendeur depuis le 1er octobre 2006. C'estdonc sur le fondement d'une responsabilite civile extracontractuelle quece jugement avait condamne le demandeur à l'egard de madame G.

Le demandeur a interjete appel de ce jugement. Il contestait ainsi devantla cour du travail l'existence d'un lien causal entre une eventuelle fautedans son chef et le dommage de madame G., soutenait l'existence d'unefaute dans le chef de madame G. et du second defendeur et soutenait àtout le moins que le dommage de madame G. etait limite.

Le premier defendeur concluait devant la cour du travail à laconfirmation du jugement du premier juge des lors qu'à son estime, ledemandeur avait effectivement commis une faute en lien causal avec ledommage de madame G.

L'auditorat general pres la cour du travail limitait egalement le debat,en son avis ecrit depose le 9 decembre 2011, à l'existence d'uneresponsabilite civile extracontractuelle du demandeur.

Aucune des parties à la cause ne demandait donc à entendre annuler ladecision prise par le demandeur le 17 novembre 2006 et statuer sur laqualite d'allocataire de madame G. ou du second defendeur, et à remplacerainsi la decision litigieuse par une nouvelle decision.

L'arret attaque procede neanmoins en ce sens. Il prononce la nullite de ladecision du demandeur du 17 novembre 2006 et decide qu'au cours de laperiode examinee, madame G. avait la qualite d'allocataire. Ce faisant,l'arret attaque modifie l'objet de la demande, meconnait le principegeneral du droit dit principe dispositif et viole l'article 1138, 2DEG, duCode judiciaire.

En outre, en statuant sur la nullite de la decision du 17 novembre 2006 etsur la qualite d'allocataire de madame G. ou du second defendeur sansrouvrir les debats sur ce point, alors que les parties limitaient leurdebat à l'existence d'une responsabilite extracontractuelleprincipalement du demandeur, l'arret attaque meconnait le principe generaldu droit relatif au respect des droits de la defense et l'article 6 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, signee à Rome le 4 novembre 1950 et approuvee par la loidu 13 mai 1955.

Seconde branche

En vertu de l'article 7 de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer« la charte » de l'assure social, les institutions de securite socialeet les services charges du paiement des prestations sociales sont tenus denotifier aux personnes interessees, au plus tard au moment de l'execution,toute decision individuelle motivee les concernant.

L'article 14 de la meme loi determine les mentions que doivent contenirles decisions d'octroi ou de refus des prestations, et dispose, en sondeuxieme alinea, que le defaut d'une des mentions ainsi requises impliqueque le delai de recours ne commence pas à courir.

Aucune sanction specifique n'est ainsi prevue par la loi en cas de defautde notification de la decision conformement à l'article 7 de la charte del'assure social. Il convient donc tout au plus, en cette hypothese, defaire application de la meme sanction que celle liee au defaut d'une desmentions requises en application de l'article 14 de la charte ou derechercher la responsabilite civile de l'institution de securite socialelorsque ce defaut de notification a cause un prejudice à l'assure social.

L'absence de notification d'une decision emanant d'une institution desecurite sociale à l'egard d'un assure social n'invalide en tout cas pasla decision elle-meme, des lors que cette regle imposant la notificationn'est pas prevue à peine de nullite.

L'arret attaque considere que la decision litigieuse devait etre notifiee[au premier defendeur] en vertu de l'article 7, alinea 1er, de la loi du11 avril 1995 precitee et de l'article 488bis-K du Code civil. Il decidequ'en l'absence d'une telle notification, cette decision est nulle.

En decidant ainsi que la decision litigieuse est nulle au seul motif quecelle-ci n'a pas ete notifiee [au premier defendeur], alors qu'une tellesanction n'est pas prevue par la loi du 11 avril 1995 visant à instituerla charte de l'assure social et que, tout au plus, la seule sanctionapplicable etait celle consistant en l'absence de prise de cours du delaide recours contre cette decision ou l'ouverture d'une action enresponsabilite civile extracontractuelle contre l'institution de securitesociale fautive, l'arret attaque viole les articles 7, 13, 14 et 16 de laloi du 11 avril 1995 visant à instituer « la charte » de l'assuresocial et, pour autant que de besoin, l'article 488bis-K du Code civil.

Second moyen

Dispositions legales violees

* article 69, specialement S:S: 1er et 3, des lois relatives auxallocations familiales pour travailleurs salaries, coordonnees [le] 19decembre 1939, tels que ces paragraphes etaient applicables tant avantqu'apres leurs modifications par les lois des 24 decembre 2002 et 20juillet 2006, et avant leur modification par la loi du 22 decembre2008 ;

* article 149 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque, apres avoir dit pour droit que la decision litigieuse du17 novembre 2006 avait ete prise par le demandeur conformement àl'article 69, S: 1er, alinea 3, des lois relatives aux allocationsfamiliales pour travailleurs salaries, coordonnees le 19 decembre 1939, etavoir neanmoins annule cette decision en raison de son defaut denotification [au premier defendeur], decide que madame G. avait, durant laperiode examinee, la qualite d'allocataire et, de ce fait, confirme lejugement du premier juge en tant que celui-ci avait declare fondee lademande originaire [du premier defendeur] et condamne le demandeur à luiverser les allocations familiales qui devaient revenir à madame G. àpartir du 1er octobre 2006, par tous ses motifs, specialement les motifscites au premier moyen sous le titre « La decision judiciaire ».

Griefs

Premiere branche

L'article 69 des lois coordonnees, tel qu'il etait applicable apres sesmodifications par les lois des 24 decembre 2002 et 20 juillet 2006,disposait :

« S: 1er. Les allocations familiales et de naissance sont payees à lamere.

Si la mere n'eleve pas effectivement l'enfant, les allocations familialessont payees à la personne physique ou morale qui remplit ce role.

Lorsque les deux parents qui ne cohabitent pas exercent conjointementl'autorite parentale au sens de l'article 374 du Code civil et quel'enfant n'est pas eleve exclusivement ou principalement par un autreallocataire, les allocations sont payees integralement à la mere.Toutefois, les allocations familiales sont payees integralement au pere,à sa demande, lorsque l'enfant et lui-meme ont la meme residenceprincipale au sens de l'article 3, alinea 1er, 5DEG, de la loi du 8 aout1983 organisant un registre national des personnes physiques. à lademande des deux parents, le versement peut etre effectue sur un compteauquel ils ont l'un et l'autre acces. Lorsque les parents ne s'accordentpas sur l'attribution des allocations familiales, ils peuvent demander autribunal du travail de designer l'allocataire et ce dans l'interet del'enfant.

La prime d'adoption est payee à l'adoptant.

Si les epoux ou les cohabitants, au sens de l'article 343 du Code civil,ont adopte ensemble l'enfant, ils designent celui d'entre eux à qui laprime d'adoption est payee. En cas de contestation ou de non-designation,la prime est payee à l'adoptante si les epoux ou les cohabitants sont desexe different, ou au plus age des epoux ou des cohabitants lorsqueceux-ci sont de meme sexe. (...)

S: 3. Si l'interet de l'enfant l'exige, le pere, la mere, l'adoptant, letuteur officieux, le tuteur, le curateur ou l'attributaire, selon le cas,peut faire opposition au paiement à la personne visee aux S:S: 1er, 2 ou2bis, conformement à l'article 594, 8DEG, du Code judiciaire ».

Conformement à cette disposition, lorsque les deux parents ne cohabitentpas et exercent conjointement l'autorite parentale, la mere perc,oitl'integralite des allocations familiales, sauf lorsqu'un tiers, distinctdu pere, eleve l'enfant. Les allocations familiales sont neanmoins payeesau pere, à sa demande, lorsque l'enfant et lui ont la meme residenceprincipale. En cette hypothese, seul le critere de la residence principaledu pere et de l'enfant doit etre pris en consideration, independamment dela question de savoir quel parent eleve effectivement l'enfant.

Lorsqu'un conflit surgit dans l'attribution des allocations familiales, letribunal designe l'allocataire au regard du seul critere de l'interet del'enfant (article 69, S: 1er, alinea 3, in fine, et S: 3, des loiscoordonnees, tel qu'il est applicable in casu).

En l'espece, l'arret attaque constate que, durant la periode litigieuse du1er octobre 2006 au 30 juin 2007, les parents ne cohabitaient plus, quel'enfant etait domicilie avec son pere et que celui-ci avait fait lademande pour etre allocataire. Il n'etait par ailleurs nullement contesteque madame G. et le second defendeur exerc,aient alors conjointementl'autorite parentale. L'arret decide, partant, que c'est conformement àl'article 69, S: 1er, alinea 3, des lois coordonnees precitees que ledemandeur avait alloue au second defendeur les allocations familialesdurant cette periode.

Apres avoir annule cette decision pour defaut de notification [au premierdefendeur], l'arret attaque estime devoir remplacer cette decision annuleepar une nouvelle decision.

Statuant, partant, sur la qualite d'allocataire du pere ou de la meredurant la periode examinee, l'arret attaque estime qu' « il ressort del'article 69, S: 1er, des lois coordonnees qu'en regle les allocationsfamiliales sont payees à la mere, sauf si celle-ci n'eleve paseffectivement l'enfant » et constate que madame G. elevait l'enfant. Ilreconnait de ce fait à madame G. la qualite d'allocataire durant laperiode litigieuse au seul motif que l'enfant etait eleve, heberge etentretenu exclusivement par elle.

Pourtant, conformement à l'article 69, S: 1er, des lois coordonnees,lorsque les parents ne cohabitent pas, la qualite d'allocataire estreconnue à la mere sauf si un tiers, autre que le pere, eleveprincipalement ou exclusivement l'enfant, ou si le pere et l'enfant ont lameme residence principale et que le pere demande l'octroi des allocationsfamiliales.

L'arret attaque ne pouvait donc pas constater que madame G. et le seconddefendeur ne cohabitaient pas, que le second defendeur avait la memeresidence principale que l'enfant, au sens de l'article 69, S: 1erprecite, et avait fait une demande d'octroi des allocations familiales,mais statuer sur ce droit aux allocations familiales au regard du criterede l'education effective de l'enfant.

L'arret attaque qui, statuant sur l'octroi des allocations familialesensuite de la demande formulee par le second defendeur, reconnait laqualite d'allocataire à la mere au seul motif que celle-ci elevaitl'enfant, alors que l'octroi des allocations familiales au pere qui enfait la demande et qui ne cohabite pas avec la mere est independant ducritere de l'education effective et de la prise en charge de l'enfant,meconnait l'article 69, specialement S:S: 1er et 3, des loiscoordonnees, tel que vise au moyen.

En outre, lorsque les parents non cohabitants ne s'accordent pas surl'attribution des allocations familiales, ou qu'une personne interessees'oppose au paiement des allocations familiales à l'allocataire designe,le critere d'attribution des allocations familiales est celui de l'interetde l'enfant (article 69 des lois coordonnees, tel qu'applicable enl'espece). L'arret attaque n'a donc pas pu, en tout etat de cause,trancher un desaccord entre madame G. et le second defendeur quant àl'attribution des allocations familiales, en ayant egard à celui desparents qui eleve l'enfant, alors que le seul critere pertinent est celuide l'interet de l'enfant (violation de l'article 69, specialement S:S: 1er et 3, des lois coordonnees, tel que vise par le moyen).

Seconde branche

L'arret attaque, d'une part, constate que la decision litigieuse prisepar le demandeur le 17 novembre 2006 et attribuant au second defendeur, àsa demande, les allocations familiales, etait conforme à l'article 69, S:1er,

alinea 3, des lois coordonnees, dans sa version applicable au moment desfaits, des lors qu'en vertu de cette disposition, « la caissed'allocations familiales fait automatiquement droit à la demande exprimeepar le pere, sans devoir verifier si celui-ci heberge et eleveeffectivement l'enfant, lorsque le registre national des personnesphysiques indique qu'ils ont la meme residence principale ».

Cependant, apres avoir annule la decision litigieuse et dit pour droitqu'il devait y substituer sa propre decision, l'arret attaque, d'autrepart, declare qu' « il ressort de l'article 69, S: 1er, des loiscoordonnees qu'en regle les allocations familiales sont payees à la mere,sauf si celle-ci n'eleve pas effectivement l'enfant » et que madame G.elevant alors l'enfant, la qualite d'allocataire devait lui etreattribuee.

En reconnaissant ainsi successivement en vertu de l'article 69, S: 1er,precite, d'une part, que le pere avait automatiquement droit auxallocations familiales des lors que celui-ci et l'enfant avaient la memeresidence principale, independamment de la question de savoir qui des deuxparents heberge et eduque effectivement l'enfant, et, d'autre part, queles allocations familiales doivent etre versees à la mere, sauf dansl'hypothese ou celle-ci n'eleve pas effectivement l'enfant, limitant doncl'attribution des allocations familiales au pere au seul cas ou la meren'eleve pas l'enfant, l'arret attaque contient des motifs contradictoires.Une telle contradiction de motifs equivaut à une absence de motifs etl'arret attaque meconnait, partant, l'article 149 de la Constitution.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Dans ses conclusions, le premier defendeur demandait, en qualited'administrateur provisoire de la mere de l'enfant, la condamnation dudemandeur à lui payer les allocations familiales pour la periode du 1eroctobre 2006 au 14 decembre 2007.

En condamnant le demandeur à payer ces allocations à ce defendeur pourla periode du 1er octobre 2006 au 30 juin 2007, l'arret attaque ne modifiepas l'objet de la demande, ne meconnait pas le principe dispositif et neviole pas l'article 1138, 2DEG, du Code judiciaire.

Pour le surplus, l'arret attaque, qui prononce cette condamnation sur labase de l'article 69, S: 1er, alinea 1er, des lois relatives auxallocations familiales pour travailleurs salaries, coordonnees le 19decembre 1939, dont les parties discutaient l'application dans leursconclusions, ne meconnait pas le principe general du droit relatif auxdroits de la defense et ne viole pas l'article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la seconde branche :

Aux termes de l'article 7, alinea 1er, de la loi du 11 avril 1995 visantà instituer la charte de l'assure social, les institutions de securitesociale et les services charges du paiement des prestations sociales sonttenus de faire connaitre aux personnes interessees, au plus tard au momentde l'execution, toute decision individuelle motivee les concernant ; lanotification doit en outre mentionner les possibilites de recoursexistantes ainsi que les formes ct delais à

respecter à cet effet.

Conformement à l'article 14, alinea 1er, de la charte, les decisionsd'octroi ou de refus des prestations doivent contenir les mentionssuivantes : lDEG la possibilite d'intenter un recours devant lajuridiction competente ; 2DEG l'adresse des juridictions competentes ;3DEG le delai et les modalites pour intenter un recours et 4DEG le contenudes articles 728 et 1017 du Code judiciaire. L'alinea 2 poursuit que, sila decision ne contient pas les mentions prevues à l'alinea 1er, le delaide recours ne commence pas à courir.

L'article 23, alinea 1er, dispose que, sans prejudice des delais plusfavorables resultant des legislations specifiques, les recours contre lesdecisions prises par les institutions de securite sociale competentes enmatiere d'octroi, de paiement ou de recuperation de prestations doivent,à peine de decheance, etre introduits dans les trois mois de leurnotification ou de la prise de connaissance de la decision par l'assuresocial en cas d'absence de notification.

Il resulte de l'ensemble de ces dispositions que, en regle, lorsqu'uneinstitution de securite sociale doit notifier sa decision à l'assuresocial interesse, l'absence de notification n'entraine pas la nullite dela decision mais affecte le delai de recours, qui ne commence pas àcourir.

L'arret attaque constate que le premier defendeur a forme, en qualited'administrateur provisoire de la mere de l'enfant, un recours contre ladecision du demandeur designant le pere comme allocataire des allocationsfamiliales à partir du 1er octobre 2006 et qu'il a reclame le paiementdes allocations revenant à la mere depuis cette date. Il considere sansetre critique que cette derniere etait interessee par la decision dudemandeur et que celui-ci devait la notifier au premier defendeurconformement aux articles 7 de la charte et 488bis-K du Code civil, cequ'il n'a pas fait.

Il suit de ces enonciations que, le delai de recours forme contre ladecision litigieuse n'ayant pas commence à courir pour le premierdefendeur, la cour du travail devait statuer sur le fondement de sademande et, des lors, se prononcer sur le droit aux allocations familialeslitigieuses.

La decision de statuer sur ce droit aux allocations se trouve ainsijustifiee par un motif de droit deduit des articles 7, alinea 1er, 14,alineas 1er et 2, et 23, alinea 1er, de la charte de l'assure social.

Le moyen qui, fut-il fonde, ne saurait entrainer la cassation, est denued'interet, partant, irrecevable.

Sur le second moyen :

Quant aux deux branches reunies :

L'arret attaque constate que l'enfant est ne le 26 mars 2005 ; que « lesparents ont mis fin à leur cohabitation » ; que « l'enfant a vecu aunouveau domicile de sa mere » qui l'a eleve ; qu' « il est cependantreste inscrit au domicile de son pere » et que le demandeur a paye à cedernier à la demande de celui-ci les allocations familiales pour laperiode du 1er octobre 2006 au 30 juin 2007.

Il designe la mere comme allocataire de ces allocations et condamne ledemandeur à les payer au premier defendeur, et le pere à les rembourserau demandeur, aux motifs qu'« il ressort de l'article 69, S: 1er, deslois coordonnees qu'en regle, les allocations familiales sont payees à lamere, sauf si celle-ci n'eleve pas effectivement l'enfant », qu'enl'espece la mere « a reellement eleve l'enfant, l'a heberge et l'aentretenu, à l'exclusion du pere » durant cette periode et que ladesignation de la mere comme allocataire est « equitable ».

Il suit de ces motifs que sa decision correspond, selon l'arret attaque,à l'interet de l'enfant.

La cour du travail a donc statue en ce sens, en application de l'article69, S: 1er, alinea 3, des lois coordonnees, à la demande d'un des parentsqui ne cohabitaient pas et ne s'accordaient pas sur l'attribution desallocations familiales, l'exercice conjoint de l'autorite parentale prevupar l'article 374, S: 1er, alinea 1er, du Code civil n'etant pas conteste.Elle n'a pas pris sa decision au seul motif que l'enfant etait eleve,heberge et entretenu exclusivement par sa mere.

Le moyen qui, en ses deux branches, repose sur une interpretation inexactede l'arret attaque, manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de quatre cent huit euros vingt-six centimesenvers la partie demanderesse et à la somme de cent six eurosvingt-quatre centimes envers la premiere partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononce enaudience publique du vingt-six mai deux mille quatorze par le president desection Albert Fettweis, en presence de l'avocat general delegue MichelPalumbo, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+--------------------------------------+
| L. Body | M. Lemal | M. Delange |
|-----------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
+--------------------------------------+

26 MAI 2014 S.12.0106.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.12.0106.F
Date de la décision : 26/05/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-05-26;s.12.0106.f ?
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