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23/05/2014 | BELGIQUE | N°C.13.0286.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 mai 2014, C.13.0286.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0286.F

A.-S. C.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

contre

1. D. C.,

2. N. H.,

defenderesses en cassation,

representees par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cou

r

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 decembre2012 par la cour d'appel de Mons.

Le 5 mai ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0286.F

A.-S. C.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

contre

1. D. C.,

2. N. H.,

defenderesses en cassation,

representees par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 decembre2012 par la cour d'appel de Mons.

Le 5 mai 2014, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et l'avocat general

Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

Articles 544, 546, 577-2, S: 6, et 578 du Code civil

Decisions et motifs critiques

L'arret, qui met à neant le jugement du premier juge, dit qu'ilappartiendra aux notaires instrumentants de revoir leur etat liquidatif[...], notamment en evaluant par equivalent la valeur des biens detournesen violation des droits de la demanderesse, evaluee au jour de laconvention de cession du [31] mars 2005, par les motifs que :

« 2) Validite de la cession de l'avoiement du 3 mars 2005 [lire :

31 mars 2005]:

La convention de cession du [31] mars 2005 a pour objet la cessiond'elements tant immateriels (droit au bail sur diverses parcelles, quotaslaitier et betteravier, etc.) que materiels (betails, engins agricoles,outils, stocks, etc.).

(La demanderesse) invoque la nullite ou à tout le moins l'inopposabilitede la convention du [31] mars 2005.

Il est constant que cette cession portait, à tout le moins en partie, surdes biens sur lesquels (la demanderesse) disposait d'un droit denue-propriete pour un quart.

La convention de cession du [31] mars 2005 est cependant valable, lanullite prevue par l'article 1599 [du Code civil] est une nulliterelative, seul l'acheteur ayant qualite pour l'invoquer à l'exclusion destiers.

En vendant des biens dont elle savait n'etre, pour partie d'entre eux,qu'usufruitiere, (la deuxieme defenderesse) n'en a pas moins commis unefaute en relation causale avec le dommage subi par (la demanderesse) dufait de la disparition, à tout le moins de la modification de substance,de certains biens faisant l'objet de son droit de nue-propriete.

Il appartiendra aux notaires instrumentants de poursuivre les operationsde liquidation-partage en evaluant par equivalent la valeur des biensainsi detournes en fraude des droits de (la demanderesse), evaluee au jourde la convention de cession du [31] mars 2005.

(La demanderesse) ne sollicitant pas la decheance du droit d'usufruit de(la deuxieme defenderesse), il convient de considerer que celui-ci serareporte, sous la forme de quasi-usufruit (s'agissant d'un capital enargent), sur la valeur desdits biens ».

Griefs

En vertu de l'article 577- 2, S: 6, du Code civil, ne sont valables quemoyennant le concours de tous les coproprietaires les autres actesd'administration et les actes de disposition relatifs à des biensindivis.

Cette disposition impose des lors l'unanimite des coproprietaires(titulaires de droits indivis) - regle de l'unanimite - pourl'accomplissement des actes d'administration et des actes de disposition.

La sanction du non-respect de la regle de l'unanimite est l'inopposabilitede l'acte incrimine à l'indivisaire dont l'accord n'a pas eteprealablement recueilli.

L'indivisaire qui n'a pas marque son accord sur l'acte de disposition encause peut des lors se prevaloir de son inopposabilite. Il dispose dudroit d'ignorer l'acte accompli sans avoir respecte la regle del'unanimite et des lors en violation de ses droits.

Ainsi qu'il ressort des motifs critiques, l'arret constate que :

- la convention litigieuse de cession du 31 mars 2005 a pour objet lacession d'elements tant immateriels (droit au bail sur diverses parcelles,quotas laitier et betteravier, etc.) que materiels (betails, enginsagricoles, outils, stocks, etc.) ;

- la demanderesse invoque la nullite ou à tout le moins l'inopposabilitede la convention du [31] mars 2005 ;

- il est constant que la convention de cession portait, à tout le moinsen partie, sur des biens sur lesquels la demanderesse disposait d'un droitde nue-propriete pour un quart.

L'arret devait en consequence decider que la demanderesse, qui disposed'un droit de nue-propriete pour un quart de biens ayant fait l'objet dela convention litigieuse, avait le droit d'ignorer la convention decession critiquee conclue sans son accord nonobstant les droits indivisdont elle disposait.

L'arret se limite cependant à retenir une faute dans le chef de laseconde defenderesse en relation causale avec un dommage resultant pour lademanderesse de la disparition ou de la modification de substance decertains biens faisant l'objet de son droit de nue-propriete.

Il invite en consequence les notaires instrumentants à tenir compte de cedommage en evaluant par equivalent la valeur des biens ainsi detournes enfraude des droits de la demanderesse.

Ce faisant, l'arret viole l'article 577-2, S: 6, du Code civil en refusantd'appliquer la sanction d'inopposabilite qui en decoule et n'est paslegalement justifie. Il viole egalement les articles 544, 546 du Codecivil en refusant à la demanderesse le droit de se prevaloir de son droitde nue-propriete et l'article 578 de ce code en donnant à la secondedefenderesse plus de droits que ceux qui lui sont reconnus par cettedisposition.

III. La decision de la Cour

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par les defenderesses etdeduite de ce qu'il omet de viser l'article 826 du Code civil :

Le moyen fait grief à l'arret de dire la convention de cession du 31 mars2005 valable à l'egard de la demanderesse alors que l'article 577-2, S:6, du Code civil commanderait la solution contraire.

La violation de cette seule disposition suffirait, si le moyen etaitfonde, à entrainer la cassation.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le fondement du moyen :

Suivant l'article 577-2, S: 6, du Code civil, les actes de disposition nesont valables que moyennant le concours de tous les coproprietaires.

Cette disposition regit les rapports entre les proprietaires indivis d'unbien, à l'exclusion des rapports pouvant exister entre ces personnes etdes tiers.

Il s'ensuit que l'acte de cession d'un bien indivis à un tiers, fut-ilvalable à l'egard de ce dernier, est inopposable à celui de sescoproprietaires qui n'y a pas consenti.

L'arret, qui constate que, par convention du 31 mars 2005, la secondedefenderesse a cede à la premiere la totalite de l'exploitation agricoledependant du patrimoine commun ayant existe entre elle et feu son epoux,que cette cession des elements materiels et immateriels composant laditeexploitation « portait, à tout le moins en partie, sur des biens surlesquels [la demanderesse] disposait d'un droit de nue-propriete pour unquart » et que cette derniere « invoque la nullite ou à tout le moinsl'inopposabilite de la convention [precitee] », n'a pu, sans violerl'article 577-2, S: 6, du Code civil, considerer que « la convention[litigieuse] est cependant valable, [que] la nullite prevue à l'article1599 [du meme code] est une nullite relative, seul l'acheteur ayantqualite pour l'invoquer à l'exclusion des tiers », que la secondedefenderesse « a commis une faute en relation causale avec le dommagesubi par [la demanderesse] du fait sinon de la disparition à tout lemoins de la modification de substance de certains des biens faisantl'objet de son droit de nue-propriete » et que les operations deliquidation-partage devront se fonder sur une « evalu[ation] parequivalent [...] des biens ainsi detournes en fraude des droits de [lademanderesse], [en tenant compte de leur valeur] au jour de la conventionde cession du 31 mars 2005 ».

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il statue sur la validite de laconvention de cession du 31 mars 2005 ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du vingt-trois mai deux mille quatorze parle president de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+-----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+------------+----------------|
| M. Delange | D. Batsele | A. Fettweis |
+-----------------------------------------------+

23 MAI 2014 C.13.0286.F/7


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.13.0286.F
Date de la décision : 23/05/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-05-23;c.13.0286.f ?
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