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23/05/2014 | BELGIQUE | N°C.12.0301.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 mai 2014, C.12.0301.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.12.0301.F

1. VILLE DE SERAING, representee par son college communal, dont lesbureaux sont etablis à Seraing, place Communale, 1,

2. ETHIAS, societe anonyme dont le siege social est etabli à Liege, ruedes Croisiers, 24,

demanderesses en cassation,

representees par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. J.-Y. E., avocat, agissant en qualite d'administrateur provi

soire desbiens de M. H.,

2. UNION NATIONALE DES mutualites SOCIALISTES, dont le siege est etabli à...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.12.0301.F

1. VILLE DE SERAING, representee par son college communal, dont lesbureaux sont etablis à Seraing, place Communale, 1,

2. ETHIAS, societe anonyme dont le siege social est etabli à Liege, ruedes Croisiers, 24,

demanderesses en cassation,

representees par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. J.-Y. E., avocat, agissant en qualite d'administrateur provisoire desbiens de M. H.,

2. UNION NATIONALE DES mutualites SOCIALISTES, dont le siege est etabli àBruxelles, rue Saint-Jean, 32-38,

defendeurs en cassation,

en presence de

region wallonne, representee par son gouvernement, en la personne duministre-president, dont le cabinet est etabli à Namur (Jambes), rueMazy, 25-27,

partie appelee en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le

12 octobre 2011 par le tribunal de premiere instance de Huy statuant endegre d'appel et comme juridiction de renvoi ensuite de l'arret de la Courdu 1er mars 2007.

Le 7 mai 2014, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Didier Batsele a fait rapport et l'avocat general Jean MarieGenicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Les demanderesses presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1315 et 1384, alinea 1er, du Code civil ;

- article 870 du Code judiciaire ;

- articles 6, S: 1er, X, 1DEG et 2bis, 8 et 10 de la loi speciale du 8aout 1980 de reformes institutionnelles ;

- article 57, S: 2, de la loi speciale du 12 janvier 1989 relative aufinancement des Communautes et des Regions ;

- article 274 de la nouvelle loi communale du 24 juin 1988 ;

- article L1223-1 du Code wallon de la democratie locale et de ladecentralisation du 22 avril 2004 ;

- articles 1er et 7 de la loi du 9 aout 1948 portant modification à lalegislation sur la voirie par terre ;

- articles 1er, 2 et 3 de l'arrete ministeriel du 11 aout 1994repartissant les voies publiques de la Region wallonne en categoriesfonctionnelles et son annexe.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate que [M. H.] a ete victime d'un accident « sur lequai G. venant d'... vers ... » (chaussee denommee ailleurs plusexactement « avenue G. »), le jugement attaque decide que la premieredemanderesse etait gardienne de cette voirie et condamne les demanderessesà payer au defendeur la somme provisionnelle de 75.000 euros, renvoyantla cause au premier juge pour le surplus ; il condamne egalement lesdemanderesses à payer à la defenderesse la somme de 109.566,81 eurosaugmentee des interets, reservant le surplus et les depens.

Cette decision est fondee sur les motifs que :

« De maniere constante, le gardien de la chose est designe comme celuiqui, dans les faits, en use, en jouit ou la conserve pour son proprecompte, avec pouvoir de surveillance, direction et controle.

La seule qualite de proprietaire de la chose ne confere pas ipso facto autitulaire de ce droit celle de gardien ; l'existence des pouvoirs de lagarde releve d'une appreciation en fait.

La charge de la preuve pese sur la victime à laquelle il revientd'etablir par toutes voies de droit la qualite de gardien du defendeur,ici [la premiere demanderesse].

Elle peut à cet effet recourir aux presomptions, ce qui a alors poureffet de reporter sur ledit defendeur le risque de la preuve (...).

Devant le premier juge, la [premiere demanderesse] n'a pas conteste etregardienne de la chaussee litigieuse lors de l'accident ; elle semblaitmeme s'approprier cette qualite dans le PV de comparution volontaire(`qu'ainsi les obligations de [la premiere demanderesse] en qualite degardienne de la chaussee relevent d'une obligation de moyen et non deresultat') et le texte de ses premieres conclusions d'instance (`que la[premiere demanderesse] ne saurait en effet etre instantanement informeede tout ce qui se passe sur l'ensemble du reseau routier dont elle a lagarde').

La [premiere demanderesse] conteste aujourd'hui cette qualite pourl'imputer à la Region wallonne, avanc,ant que la chaussee litigieuse estune voirie regionale (ce qui n'aurait pas ete constate des l'origine dulitige), comme en attesterait la piece 4 de son dossier, à savoir le plandu reseau routier transmis par le Service public de Wallonie.

Si l'absence de contestation par la [premiere demanderesse] de sa qualitede gardienne de la chaussee viciee, et l'apparente reconnaissance decelle-ci, durant la procedure d'instance, ne constituent pas la preuve dufait qu'elle revetait en droit cette qualite lors du sinistre, cescirconstances - ajoutees au fait que l'administration communale et sonassureur peuvent etre consideres comme familiers des notions en cause -n'en constituent pas moins des presomptions dont la victime peut seprevaloir.

Il appartient des lors à la [premiere demanderesse] de rapporter lapreuve que cette qualite lui etait alors etrangere.

Comme enonce plus haut, il ne peut etre deduit du seul fait (à lesupposer etabli) qu'elle n'ait pas ete proprietaire de la chausseelitigieuse au moment de l'accident, qu'elle n'en aurait effectivement etela gardienne [Il faut relever que la piece 4 du dossier de [la premieredemanderesse] est un plan non date, dont l'auteur n'est pas identifie. Ilne permet pas de determiner ou se situent precisement les lieux del'accident, ni si la N 90, qui engloberait l'avenue G., etaiteffectivement propriete de la Region wallonne lors de l'accident, ce quecelle-ci denie, affirmant, sans autre commentaire, qu'il s'agit d'une voiecommunale].

La [premiere demanderesse] depose un jugement prononce par le tribunal depremiere instance de Liege le 14 decembre 2007, relatif à un autresinistre survenu à une date non determinee sur le `quai G.' à ..., àpropos duquel il a ete reconnu qu'elle n'etait pas gardienne de laditevoirie, et que, `malgre son devoir general de police, la [premieredemanderesse] ne peut voir sa responsabilite engagee sur la base del'article 1384, alinea 1er, du Code civil pour les voiries autres que lessiennes'.

[Le defendeur] objecte opportunement que ce jugement n'a qu'une autoriterelative de chose jugee et qu'il ne lui est donc pas opposable.

Il apparait donc, en definitive, que la [premiere demanderesse] n'apportepas la preuve, lui incombant en l'espece, du fait qu'elle n'auraiteffectivement revetu la qualite de gardienne de la chaussee litigieuse, ausens de l'article 1384, alinea 1er, du Code [civil], lors des faits,ladite qualite etant à suffisance etablie par les presomptions de faitenoncees ci-dessus dont [le defendeur] peut se prevaloir ».

Griefs

Le juge est tenu d'appliquer aux faits qui lui sont soumis lesdispositions legales qui leur sont applicables.

Le gardien d'une chose, au sens de l'article 1384, alinea 1er, du Codecivil, est celui qui jouit de la chose ou la conserve avec pouvoir desurveillance, de direction et de controle.

La charge de la preuve de la qualite de gardien d'une chose atteinte d'unvice incombe, en vertu tant de cette disposition que des articles 1315 duCode civil et 870 du Code judiciaire, à celui qui soutient que cettechose lui a cause un dommage.

Lorsque la qualite de gardien est contestee par le defendeur enresponsabilite, il appartient au juge de determiner s'il conserve la choseavec pouvoir de surveillance, de direction et de controle.

Dans leurs conclusions de synthese d'appel apres cassation, lesdemanderesses soutenaient « que la chaussee litigieuse (avenue G.-N90)n'est en realite pas une voirie communale dependant de la [premieredemanderesse] mais bien une chaussee regionale ainsi qu'en atteste lapiece 4 (de son dossier), à savoir le plan du reseau routier litigieuxtransmis par le Service public de Wallonie ; qu'elle releve donc bien dela garde de la Region wallonne ; [...] que, par ailleurs, [...] [lesdemanderesses] n'ont jamais reconnu que la [premiere demanderesse] seraitla gardienne de la chaussee litigieuse ; que le fait qu'elle n'avait pasdiscute cette circonstance precedemment ne constitue nullement un aveumais decoule uniquement de ce que le caractere regional de l'avenue G. n'apas ete constate des l'origine du present litige ; qu'il n'est en outrepas anormal (qu'elles) ne se soient pas opposees à une comparutionvolontaire des lors que la responsabilite de la [premiere demanderesse]etait notamment recherchee sur [la base] des articles 1382 du Code civilet 135 de la nouvelle loi communale ».

Il s'ensuit que :

Premiere branche

Il resulte des articles 6, S: 1er, X, 1DEG et 2bis, 8 et 10 de la loispeciale du 8 aout 1980 de reformes institutionnelles, 57, S: 2, de la loispeciale du

12 janvier 1989 relative au financement des Communautes et des Regions,274 de la nouvelle loi communale du 24 juin 1988, L 1223-1 du Code wallonde la democratie locale et de la decentralisation du 22 avril 2004, 1er et7 de la loi du 9 aout 1948 portant modification à la legislation sur lavoirie par terre, que les routes nationales faisant partie de la « grandevoirie », etablies sur le territoire d'une region sont gerees parcelle-ci qui a sur ces voiries pouvoir de direction, de surveillance et decontrole et en est partant, en regle, la gardienne au sens de l'article1384, alinea 1er, du Code civil.

Il resulte d'autre part des articles 1er, 2 et 3 de l'arrete ministerieldu

11 aout 1994 repartissant les voies publiques de la Region wallonne et deson annexe que la N90, reliant Mons, Charleroi, Namur et Liege, est unreseau interurbain gere par la Region wallonne et fait meme partie dureseau à grand gabarit (R.G.G.3) de celle-ci, notamment pour le tronc,onTihange-Val Saint Lambert.

Il s'en deduit que le jugement attaque qui, apres avoir constate quel'accident s'est produit à ... avenue G. et sans examiner s'il s'agitd'une voirie geree par la Region wallonne ni relever aucun element dont ilse deduirait dans le chef de la premiere demanderesse un pouvoir dedirection, de surveillance et de controle sur ladite voirie, considere qu'« à supposer etabli » que « la N90, qui engloberait l'avenue G., etaiteffectivement propriete de la Region wallonne lors de l'accident », il nes'en deduirait pas que la premiere demanderesse « n'en aurait (pas)effectivement ete la gardienne » et que celle-ci « n'apporte pas lapreuve, lui incombant en l'espece, du fait qu'elle n'aurait effectivement(pas) revetu la qualite de gardienne de la chaussee litigieuse (...) lorsdes faits », n'est pas legalement justifie (violation de toutes lesdispositions legales visees au moyen).

Deuxieme branche

La garde d'une chose, au sens de l'article 1384, alinea 1er, du Codecivil, etant une notion legale, lorsque la qualite de gardien estcontestee par le defendeur en responsabilite, il appartient au juge dedeterminer s'il conserve la chose avec pouvoir de surveillance, dedirection et de controle.

La qualite de gardien d'une voirie ne peut se deduire de la constatationque « l'administration communale et son assureur [soit les demanderesses]sont familiers des notions en cause » fut-elle ajoutee à « l'absence decontestation par [la premiere demanderesse] de sa qualite de gardienne dela chaussee viciee » et le fait qu'elle « semblait meme s'appropriercette qualite » devant les premiers juges, circonstances dont lejugement attaque admet qu'elles « ne constituent pas la preuve du fait[que la premiere demanderesse] revetait en droit cette qualite lors dusinistre ».

Le jugement attaque, qui deduit de ces seuls elements que la premieredemanderesse « etait, lors de la survenance de l'accident, gardienne dela chaussee viciee », viole tant l'article 1384, alinea 1er, du Codecivil que toutes les autres dispositions visees au moyen.

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

Il resulte des articles 6, S: 1er, X, 1DEG et 2bis, 8 et 10 de la loispeciale du 8 aout 1980 de reformes institutionnelles, 57, S: 2, de la loispeciale du

12 janvier 1989 relative au financement des Communautes et des Regions,applicable en l'espece, 274 de la nouvelle loi communale du 24 juin 1988,L1223-1 du Code wallon de la democratie locale et de la decentralisationdu

22 avril 2004, et 7 de la loi du 9 aout 1948 portant modification à lalegislation sur la voirie par terre que les routes nationales faisantpartie de la « grande voirie », etablies sur le territoire d'une regionsont gerees par celle-ci qui a sur ces voiries pouvoir de direction, desurveillance et de controle et en est partant, en regle, la gardienne ausens de l'article 1384, alinea 1er, du Code civil.

Le jugement attaque qui, apres avoir constate que l'accident s'est produità ... avenue G. et qui, sans examiner s'il s'agit d'une voie geree par laRegion wallonne ni relever aucun element qui etablirait que la premieredemanderesse avait un pouvoir de direction, de surveillance et de controlesur ladite voirie, considere qu' « à supposer etabli » que « la N90,qui engloberait l'avenue G., etait effectivement propriete de la Regionwallonne lors de l'accident », il ne s'en deduirait pas que la premieredemanderesse « n'en aurait [pas] effectivement ete la gardienne » et quecelle-ci « n'apporte pas la preuve, lui incombant en l'espece, du faitqu'elle n'aurait effectivement [pas] revetu la qualite de gardienne de lachaussee litigieuse [...] lors des faits », n'est pas legalementjustifie.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur l'appel en declaration d'arret commun :

Les demanderesses ont interet à ce que l'arret soit declare commun à lapartie appelee devant la Cour à cette fin.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque ;

Declare l'arret commun à la Region wallonne ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant le tribunal de premiere instance de Namur,siegeant en degre d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du vingt-trois mai deux mille quatorze parle president de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+-----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+------------+----------------|
| M. Delange | D. Batsele | A. Fettweis |
+-----------------------------------------------+

23 MAI 2014 C.12.0301.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0301.F
Date de la décision : 23/05/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-05-23;c.12.0301.f ?
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