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16/05/2014 | BELGIQUE | N°F.10.0092.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 mai 2014, F.10.0092.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.10.0092.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, en la personne du directeurregional de l'administration de la fiscalite des entreprises et desrevenus au centre de controle de Bruxelles V, dont les bureaux sontetablis à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 50,

demandeur en cassation,

contre

GIMLE, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, avenue Delleur, 18,

defenderesse en cassation,

aya

nt pour conseils Maitres Reinhold Tournicourt et Frederic Lettany,avocats au barreau de Bruxelles,...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.10.0092.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, en la personne du directeurregional de l'administration de la fiscalite des entreprises et desrevenus au centre de controle de Bruxelles V, dont les bureaux sontetablis à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 50,

demandeur en cassation,

contre

GIMLE, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, avenue Delleur, 18,

defenderesse en cassation,

ayant pour conseils Maitres Reinhold Tournicourt et Frederic Lettany,avocats au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est etabli àWoluwe-Saint-Pierre, avenue de Tervueren, 270, et Maitres Maurice Kringset Martine Eulaerts, avocats au barreau de Bruxelles, dont le cabinet estetabli à Schaerbeek, boulevard Lambermont, 304, ou il est fait electionde domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 31 mars 2010par la cour d'appel de Bruxelles.

Par arret du 1er juin 2012, la Cour a pose à la Cour de justice del'Union europeenne une question prejudicielle à laquelle cettejuridiction a repondu par son arret nDEG C-322/12 du 3 octobre 2013.

Le president de section Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 24, 183, 185 et, pour autant que besoin, 192, S: 1er, du Codedes impots sur les revenus 1992 ;

- articles 3, 4 et 16 de l'arrete royal du 8 octobre 1976 relatif auxcomptes annuels des entreprises, remplaces par les articles 3, 4 et 13 del'arrete royal du 12 decembre 1983.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate que :

« La defenderesse a ete constituee le 26 novembre 1998 par monsieur A. S.et madame B. L., tous deux de nationalite suedoise et residents anglais.La defenderesse a notamment pour objet social la prise de participationsdans toutes societes et la gestion de celles-ci.

Le 27 novembre 1998, la defenderesse a acquis 50 actions de la societe dedroit suedois TV-Shop Europe AB, dont monsieur S. est egalement fondateur,pour un montant de 5.000 couronnes suedoises, soit 100 couronnes suedoisespar action. La defenderesse a vendu ces memes actions le 4 janvier 1999 àla societe de droit suedois Electronic Retailing AB, pour un prix de17.000.000 couronnes suedoises, soit 340.000 couronnes suedoises paraction.

La defenderesse a comptabilise, à la suite de cette vente, une plus-valuede 74.776.696 francs qu'elle a immunisee sur la base de l'article 192, S:1er, du Code des impots sur les revenus 1992.

Dans sa declaration à l'impot des societes pour l'exercice d'imposition2000, la defenderesse a majore la situation du debut des reserves jusqu'àconcurrence de cette plus-value afin de diminuer jusqu'à due concurrencele mouvement des reserves de l'annee.

Par un avis de rectification du 19 novembre 2002, l'administration aestime que la plus-value realisee à l'occasion de la vente de ces actionsetait imposable à titre d'augmentation de la valeur de l'actif intervenueà la suite `d'une plus-value realisee à l'occasion de l'achat desactions, c'est-à-dire à la suite de la sortie de l'actif monetaireremplace par les actions dont la valeur reelle est plus elevee que le prixpaye'.

Le fonctionnaire taxateur a presume que la valeur des actions reprisesdans la convention de vente du 4 janvier 1999 est la valeur exactequ'avaient les memes actions au moment de leur acquisition par [ladefenderesse] le 27 novembre 1998.

Saisi par la defenderesse d'un recours dirige contre la decision du 18juillet 2003, par laquelle le fonctionnaire delegue par le directeurregional avait rejete sa reclamation à l'encontre de la cotisation àl'impot des societes de l'exercice d'imposition 2000, etablie à sa chargesous l'article 263.574 du role de la commune de Watermael-Boitsfort, lepremier juge a rec,u la demande de la defenderesse et l'a declareerecevable et fondee. Il a ordonne le degrevement de la cotisationlitigieuse et a condamne [le demandeur] à restituer, avec les interetsmoratoires, toutes sommes indument perc,ues du chef de la cotisation ainsidegrevee »,

l'arret considere que

« Devant la cour [d'appel], [le demandeur] soutient avec raison que lepremier juge avait admis sa these selon laquelle le prix d'acquisition desactions de la societe TV-Shop etait sous-estime et que le veritable prixd'acquisition representant la valeur reelle des actions etait le prix devente obtenu lors de la vente quasi simultanee, 38 jours apres leuracquisition.

Le demandeur soutient encore, avec raison, qu'aucun element objectif nepermet d'expliquer la difference entre la valeur des actions à leur dated'achat et leur prix de vente 3.400 fois plus eleve obtenu 38 jours plustard.

En l'espece toutefois, il est inoperant d'examiner si, comme le soutient le demandeur, c'est justement que le premier juge avait decide que lavaleur reelle des actions au moment de leur acquisition correspondait auprix prevu dans la convention de revente et d'examiner si le prix modestedes actions [paye] par la defenderesse avait ete arrete par les parties envue d'avantager la defenderesse.

En effet, n'est pas fondee la these de l'administration selon laquelle, euegard à l'exigence d'une information financiere fidele portee parl'article 3 de l'arrete royal comptable de 1976, 1. il conviendrait deraisonner en termes d'accroissement de patrimoine dans le casd'acquisitions à titre gratuit ou à titre partiellement gratuit et nonpar reference au seul cout historique puisque celui-ci serait enl'occurrence derisoire et 2. l'augmentation du patrimoine realise à titregratuit devrait etre evaluee à sa juste valeur, celle-ci devant etrecomprise comme le montant pour lequel l'element d'actif acquis peut etrenegocie entre des parties independantes bien informees, concluant unetransaction de leur plein gre. Cette these de l'administration, fondee surl'article 16 de l'arrete comptable precite, qui, selon l'administration,obligeait [la defenderesse] à ecarter le cout historique d'acquisitionpour ne tenir compte que de la valeur reelle des titres, ne peut en effetjouer que dans un cas `exceptionnel'. Certes, l'avis nDEG 126/17 de laCommission des normes comptables sur lequel s'appuie [le demandeur] voit,dans une operation similaire à celle de l'espece, un cas exceptionnelobligeant la substitution de la valeur reelle au prix historique mais,comme l'ont souligne de nombreux auteurs, l'avis nDEG 126/17 de laCommission des normes comptables manque en droit dans la mesure ou lesdispositions de l'arrete royal comptable du 8 octobre 1976 evaluent tousles actifs lors de leur entree dans le patrimoine d'une entreprise enfonction des moyens qu'il a fallu ceder en contrepartie pour les obtenir.L'avis precite de la commission n'est donc une reference que pour un droitcomptable futur mais non pour le droit comptable positif [....].

Pour le surplus, l'obligation qu'auraient, selon l'interpretation del'arrete comptable par l'administration, les entreprises d'ecarter le couthistorique d'acquisition pour le remplacer par la valeur reelle du bien,neglige la disposition de l'article 4, alinea 2, de l'arrete royalprecite, qui permet à une entreprise de donner une image fidele de sonpatrimoine en fournissant dans l'annexe aux comptes annuels des`informations complementaires', sans pour autant l'obliger à deroger àla regle uniforme d'evaluation en fonction du cout historique de tous lesactifs lors de leur entree dans le patrimoine, ce qui ecarte, dans le casdes acquisitions à titre gratuit ou partiellement gratuit, le caractere`exceptionnel' contraignant l'entreprise à deroger au principe du prixd'acquisition »,

et decide en consequence que

« C'est à tort, comme l'a decide le premier juge, que la cotisationlitigieuse a tenu compte pour le calcul de la base imposable de laplus-value de 74.776.696 francs ».

Griefs

En vertu de l'article 185 du Code des impots sur les revenus 1992, lessocietes sont imposables sur le montant total des benefices, y compris lesdividendes distribues.

Sur la base de l'article 183 du Code des impots sur les revenus 1992, sousreserve des derogations prevues dans le titre du code relatif à l'impotdes societes, les revenus soumis à l'impot des societes ou exoneres duditimpot sont, quant à leur nature, les memes que ceux qui sont envisages enmatiere d'impot des personnes physiques et leur montant est determined'apres les regles applicables aux benefices.

Bien que l'article 24 du Code des impots sur les revenus 1992 enumere leselements principaux des benefices (dont notamment le beneficed'exploitation proprement dit et les plus-values realisees ou exprimees),ni cette disposition ni aucune autre disposition du Code des impots surles revenus 1992 ne contient une definition de la notion de beneficeimposable.

Cette absence de definition s'explique par le fait que les beneficesimposables des entreprises sont - sauf derogation expresse de la loifiscale - determines conformement aux regles du droit comptable (Cass., 20fevrier 1997) et il est constant que, pour l'exercice d'imposition 2000,les regles comptables de valorisation des elements d'actif d'uneentreprise sont à trouver dans l'arrete royal du 8 octobre 1976 relatifaux comptes annuels des entreprises.

L'article 20 dudit arrete pose comme regle de base que :

« Sans prejudice de l'application des articles 16, 27, 27bis et 34, leselements de l'actif sont evalues à leur valeur d'acquisition et sontportes au bilan pour cette meme valeur, deduction faite des amortissementset reductions de valeurs y afferents.

Par valeur d'acquisition, il faut entendre, soit le prix d'acquisitiondefini à l'article 21, soit le cout de revient defini à l'article 22,soit la valeur d'apport definie à l'article 23 ».

En vertu de cette disposition, il convient de valoriser les actifs entrantdans le patrimoine de l'entreprise à leur valeur d'acquisition, etantentendu que, lorsque l'actif en question est acquis à titre onereux à lasuite d'un contrat de vente, il y a lieu d'avoir egard au prix d'achataugmente des frais accessoires, conformement à l'article 21 de ce memearrete royal du 8 octobre 1976.

L'article 3 de l'arrete royal du 8 octobre 1976 prevoit cependant que« les comptes annuels doivent donner une image fidele du patrimoine, dela situation financiere ainsi que du resultat de l'entreprise » et, enapplication de ce principe, l'article 16 de l'arrete royal dispose que :

« Dans le cas exceptionnel ou l'application des regles d'evaluationprevues au present chapitre (soit le Chapitre II - Regles d'evaluation) neconduirait pas au respect de l'article 3, il y a lieu d'y deroger parapplication dudit article 3.

Une telle derogation doit etre mentionnee et justifiee dans l'annexe.

L'estimation de l'influence de cette derogation sur le patrimoine, lasituation financiere et le resultat de la societe est indiquee dansl'annexe relative aux comptes de l'exercice au cours duquel cettederogation est introduite pour la premiere fois ».

Il s'agit là de la fonction derogatoire qui est attachee au principe del'image fidele.

En l'espece, il est constant que c'est sur cette base legale (soitl'application combinee des articles 3 et 16 de l'arrete royal du 8 octobre1976) que l'administration s'est appuyee tant devant le tribunal depremiere instance que devant la cour d'appel pour contester lacomptabilisation des actifs litigieux (soit les actions de la societe dedroit suedois TV-Shop Europe AB) à leur prix d'acquisition.

L'exigence de l'image fidele comporte egalement une fonction que l'onqualifie generalement de complementarite et qui trouve son fondement dansl'article 4 de l'arrete royal du 8 octobre 1976, specialement en sonalinea 2 :

« Les comptes annuels sont etablis en conformite avec les dispositions dupresent arrete.

Si l'application des dispositions du present arrete ne suffit pas poursatisfaire à l'article 3, des informations complementaires doivent etrefournies dans l'annexe ».

Il est à noter que l'arrete royal precite ne contient aucune reglefaisant prevaloir la fonction de complementarite (article 4, alinea 2) duprincipe de l'image fidele sur la fonction derogatoire (article 16) de cememe principe ; au contraire, il resulte des termes memes de l'article 16precite que l'application d'une derogation aux regles d'evaluationimplique obligatoirement, de maniere concomitante, un devoird'informations complementaires à fournir dans les annexes.

A cet egard, il est constant qu'en l'espece, aucune informationcomplementaire, quant à la valorisation des actions TV-Shop Europe ABlors de leur acquisition, n'a ete fournie par la defenderesse en annexe desa declaration (pieces 66 à 86 du dossier administratif).

De ce qui precede, on peut donc conclure qu'en droit comptable belge, ilexiste une presomption que l'application des regles etablies par la loicomptable conduit à l'obtention d'une image fidele et que, d'une part, sil'application d'une prescription comptable quelconque ne suffit pas pourque les comptes annuels donnent une image fidele du patrimoine, de lasituation financiere et du resultat de l'entreprise, des informationscomplementaires doivent alors etre fournies dans l'annexe, conformement àl'article 4 precite de l'arrete, d'autre part, si l'application d'uneprescription comptable en matiere d'evaluation des elements du patrimoinede l'entreprise se revele impropre à donner une image fidele de celle-ci,il convient en outre, conformement à l'article 16 precite de l'arrete, dederoger à l'application mecanique de la regle d'evaluation contenue dansl'arrete royal du 8 octobre 1976.

Il est imperieux d'observer que les termes de l'article 16 de l'arrete, àsavoir « il y a lieu d' y deroger », conduisent à conferer à laderogation un caractere obligatoire et non un caractere simplementfacultatif, mais que cette derogation n'est toutefois applicable que «dans le cas exceptionnel ou [...] ».

La notion de « cas exceptionnel » n'est pas definie dans la legislationcomptable ; on rappellera toutefois que le principe de l'image fideletrouve son origine dans la quatrieme directive europeenne 78/660/CEE du 25juillet 1978 relative aux comptes annuels de certaines formes de societes(publiee au Journal officiel des Communautes europeennes du 14 aout 1978 -L 222), directive qui a ete transposee en droit belge par la loi du 1erjuillet 1983 modifiant la loi comptable du 17 juillet 1975 et par l'arretedu 12 septembre 1983 modifiant l'arrete royal du 8 octobre 1976 ; dans lerapport au Roi (Pasin., 1983, 1475), precedant cet arrete du 12 septembre1983, la transposition de la directive est commentee comme suit pour cequi concerne le principe de l'image fidele :

« En application de l'article 2, S: 3, de la quatrieme directive, unereference explicite est introduite dans l'arrete au principe selon lequelles comptes annuels doivent donner une image fidele du patrimoine, de lasituation financiere ainsi que du resultat de l'entreprise.

De maniere generale, cette image fidele resultera de l'application desschemas et des regles d'evaluation deposes dans l'arrete.

L'objectif de l'image fidele pourra toutefois exiger l'insertion, dansl'annexe, de renseignements complementaires (article 4, alinea 2) et, dansdes cas exceptionnels, justifier une modification de l'intitule desrubriques (article 9, alinea 2) ou de la presentation des comptes annuels(article 10, alinea 2), ou impliquer l'adoption de regles d'evaluationdifferentes (article 16, alinea 1er), ou la modification de reglesd'evaluation utilisees anterieurement (article 17, alinea 2) ».

La directive precitee ne definit pas davantage ce qu'il y a lieud'entendre par « cas exceptionnel » mais la Cour de justice de l'Unioneuropeenne a eu l'occasion d'interpreter ces termes de la maniere suivante:

« 31. La directive ne precisant pas ce qu'il convient d'entendre par `casexceptionnels', il y a lieu d'interpreter cette expression à la lumierede l'objectif vise par cette directive, selon lequel, ainsi qu'il a eteindique au point 26 du present arret, les comptes annuels des societesvisees doivent donner une image fidele de leur patrimoine, de leursituation financiere ainsi que de leurs resultats (voir, egalement, en cesens, arret Tomberger).

32. Les cas exceptionnels vises à l'article 31, paragraphe 2, de ladirective sont donc ceux dans lesquels une evaluation separee ne donneraitpas une image aussi fidele que possible de la situation financiere reellede la societe concernee » (arret du 14 septembre 1999, affaire C-275/97).

L'objectif d'une presentation fidele de la situation patrimoniale etfinanciere d'une societe est donc un element primordial à prendre enconsideration lorsqu'il s'agit d'appliquer l'effet derogatoire.

L'enseignement de la Cour de justice rejoint celui qui peut etre tired'une interpretation du terme « exceptionnel » en recourant au senscommun, tel qu'il resulte des dictionnaires ; en effet, selon le petitRobert, est exceptionnel « ce qui constitue une exception, ce qui esthors de l'ordinaire » et les antonymes de « exceptionnel » sont lestermes suivants : regulier, banal, commun, courant, habituel, normal,ordinaire.

Il s'ensuit que la lecture combinee des articles 3 et 16 de l'arrete royaldu 8 octobre 1976, issus de la transposition en droit belge de lalegislation europeenne, impose de deroger au principe de lacomptabilisation d'actifs au prix d'acquisition lorsque le prix paye necorrespond manifestement et objectivement pas à la valeur des biensincrimines, donnant par là une image faussee et erronee du patrimoine, dela situation financiere ainsi que du resultat de l'entreprise.

De ce qui precede, il resulte que, apres avoir admis « qu'aucun elementobjectif ne permet d'expliquer la difference entre la valeur des actionsà leur date d'achat et leur prix de vente 3.400 fois plus eleve obtenu 38jours plus tard », l'arret n'a pu legalement decider qu' « en l'especetoutefois, il est inoperant d'examiner si, comme le soutient le demandeur,c'est justement que le premier juge avait decide que la valeur reelle desactions au moment de leur acquisition correspondait au prix prevu dans laconvention de revente et d'examiner si le prix modeste des actions [paye]par la defenderesse avait ete arrete par les parties en vue d'avantager ladefenderesse » au motif que« n'est pas fondee la these de l'administration selon laquelle, eu egardà l'exigence d'une information financiere fidele portee par l'article 3de l'arrete royal comptable de 1976, 1. il conviendrait de raisonner entermes d'accroissement de patrimoine dans le cas d'acquisitions à titregratuit ou à titre partiellement gratuit et non par reference au seulcout historique puisque celui-ci serait en l'occurrence derisoire et 2.l'augmentation du patrimoine realise à titre gratuit devrait etre evalueeà sa juste valeur, celle-ci devant etre comprise comme le montant pourlequel l'element d'actif acquis peut etre negocie entre des partiesindependantes bien informees, concluant une transaction de leur plein gre.Cette these de l'administration, fondee sur l'article 16 de l'arretecomptable precite, qui, selon l'administration, obligeait [ladefenderesse] à ecarter le cout historique d'acquisition pour ne tenircompte que de la valeur reelle des titres, ne peut en effet jouer que dansun cas `exceptionnel'. Certes, l'avis nDEG 126/17 de la Commission desnormes comptables sur lequel s'appuie [le demandeur] voit, dans uneoperation similaire à celle de l'espece, un cas exceptionnel obligeant lasubstitution de la valeur reelle au prix historique mais, comme l'ontsouligne de nombreux auteurs, l'avis nDEG 126/17 de la Commission desnormes comptables manque en droit dans la mesure ou les dispositions del'arrete comptable du 8 octobre 1976 evaluent tous les actifs lors de leurentree dans le patrimoine d'une entreprise en fonction des moyens qu'il afallu ceder en contrepartie pour les obtenir. L'avis precite de lacommission n'est donc une reference que pour un droit comptable futur maispas pour le droit comptable positif » (violation des articles 3, 4, 16 del'arrete royal du 8 octobre 1976 relatif aux comptes annuels desentreprises, 24, 183, 185 et, pour autant que besoin, 192, S: 1er, duCode des impots sur les revenus 1992).

Pour les memes raisons, en decidant que « l'obligation qu'auraient, selonl'interpretation de l'arrete comptable par l'administration, lesentreprises d'ecarter le cout historique d'acquisition pour le remplacerpar la valeur reelle du bien neglige la disposition de l'article 4, alinea2, de l'arrete royal precite, qui permet à une entreprise de donner uneimage fidele de son patrimoine en fournissant dans l'annexe aux comptesannuels des `informations complementaires', sans pour autant l'obliger àderoger à la regle uniforme d'evaluation en fonction du cout historiquede tous les actifs lors de leur entree dans le patrimoine, ce qui ecarte,dans le cas des acquisitions à titre gratuit ou partiellement gratuit, lecaractere `exceptionnel' contraignant l'entreprise à deroger au principedu prix d'acquisition », l'arret viole une seconde fois les articles 3,4, 16 de l'arrete royal du 8 octobre 1976 relatif aux comptes annuels desentreprises, 24, 183, 185 et, pour autant que besoin, 192, S: 1er, duCode des impots sur les revenus 1992.

III. La decision de la Cour

Apres avoir releve que le demandeur « soutient avec raison que le premierjuge avait admis sa these selon laquelle le prix d'acquisition des actionsde la societe TV-Shop etait sous-estime et que le veritable prixd'acquisition representant la valeur reelle des actions etait le prix devente obtenu lors de la vente quasi simultanee, 38 jours apres leuracquisition », et considere qu'« aucun element objectif ne permetd'expliquer la difference entre la valeur des actions à leur date d'achatet leur prix de vente 3.400 fois plus eleve obtenu 38 jours plus tard »,l'arret admet la comptabilisation desdites actions à leur cout historiqued'acquisition et non à leur valeur reelle et decide en consequence quec'est à tort que la cotisation litigieuse a tenu compte pour le calcul dela base imposable de la plus-value de 74.776.696 francs belges.

Le moyen fait valoir que les articles 3, alinea 1er, 4 et 16, alinea 1er,de l'arrete royal du 8 octobre 1976 relatif aux comptes annuels desentreprises, dans leur version applicable au litige, qui transposent endroit interne l'article 2, 3DEG, 4DEG et 5DEG, de la quatrieme directive78/660/CEE du Conseil du 25 juillet 1978 fondee sur l'article 54,paragraphe 3, sous g), du Traite et concernant les comptes annuels decertaines formes de societes, imposent de deroger au principe de lacomptabilisation d'actifs au prix d'acquisition lorsque, comme enl'espece, le prix paye ne correspond manifestement pas à la valeur reelledes biens concernes, donnant par là une image faussee du patrimoine, dela situation financiere ainsi que du resultat de l'entreprise.

Dans son arret precite du 3 octobre 2013, la Cour de justice de l'Unioneuropeenne a dit pour droit que « le principe de l'image fidele enonce àl'article 2, paragraphes 3 à 5, de la quatrieme directive 78/660/CEE duConseil du 25 juillet 1978 [...] ne permet pas de deroger au principe del'evaluation des actifs sur la base de leur prix d'acquisition ou de leurcout de revient, figurant à l'article 32 de ladite directive, au profitd'une evaluation sur la base de leur valeur reelle, lorsque le prixd'acquisition ou le cout de revient desdits actifs est manifestementinferieur à leur valeur reelle ».

Le moyen, qui repose sur le soutenement contraire, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de cent cinquante-sept euros soixante-cinqcentimes envers la partie demanderesse et à la somme de trois cent dixeuros cinquante-deux centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersMartine Regout, Gustave Steffens, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel,et prononce en audience publique du seize mai deux mille quatorze par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalAndre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+-----------+----------------|
| G. Steffens | M. Regout | Chr. Storck |
+----------------------------------------------+

16 MAI 2014 F.10.0092.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.10.0092.F
Date de la décision : 16/05/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-05-16;f.10.0092.f ?
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