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12/05/2014 | BELGIQUE | N°S.12.0136.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 mai 2014, S.12.0136.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.12.0136.F

A. W.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Anvers, Amerikalei, 187/302, ou il est faitelection de domicile,

contre

ALTERNATIVE DLS, anciennement denommee Neue Alternative, association sansbut lucratif dont le siege est etabli à Eupen, rue de l'Industrie, 38,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 26 mars 20

12par la cour du travail de Liege.

Le president de section Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.12.0136.F

A. W.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Anvers, Amerikalei, 187/302, ou il est faitelection de domicile,

contre

ALTERNATIVE DLS, anciennement denommee Neue Alternative, association sansbut lucratif dont le siege est etabli à Eupen, rue de l'Industrie, 38,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 26 mars 2012par la cour du travail de Liege.

Le president de section Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general Jean Marie Genicot a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail ;

- articles 111, 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- articles 35 et 39 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

L'arret rejette les demandes de la demanderesse tendant à entendrecondamner la defenderesse au paiement de la somme de 665,05 euros à titred'indemnite de preavis et de 3.990,24 euros à titre de dedommagement pourlicenciement abusif, aux motifs suivants :

« a) Indemnite de preavis

L'article 35 de la loi relative aux contrats de travail dispose

que :

`Chacune des parties peut resilier le contrat sans preavis ou avantl'expiration du terme pour un motif grave laisse à l'appreciation du jugeet sans prejudice de tous dommages-interets s'il y a lieu.

Est consideree comme constituant un motif grave, toute faute grave quirend immediatement et definitivement impossible toute collaborationprofessionnelle entre l'employeur et le travailleur.

Le conge pour motif grave ne peut plus etre donne sans preavis ou avantl'expiration du terme lorsque le fait qui l'aurait justifie est connu dela partie qui donne conge depuis trois jours ouvrables au moins.

Peut seul etre invoque pour justifier le conge sans preavis ou avantl'expiration du terme, le motif grave notifie dans les trois joursouvrables qui suivent le conge.

à peine de nullite, la notification du motif grave se fait soit parlettre recommandee à la poste, soit par exploit d'huissier de justice.

Cette notification peut egalement etre faite par la remise d'un ecrit àl'autre partie. La signature apposee par cette partie sur le double del'ecrit ne vaut que comme accuse de reception de la notification.

La partie qui invoque le motif grave doit prouver la realite de ce dernier; elle doit egalement fournir la preuve qu'elle a respecte les delaisprevus aux alineas 3 et 4' ;

La lettre de licenciement a ete envoyee sous pli recommande à la poste àl'avocat de [la demanderesse] ;

etant donne que la lettre de [la demanderesse] du 2 mars 2010, danslaquelle elle invite [la defenderesse] « à s'adresser dorenavantuniquement à mes avocats (l'adresse vous etant bien connue) et à ne pascontinuer à m'importuner», doit etre consideree comme une election dedomicile, la signification du conge sans preavis est legitime et valable ;

La lettre de licenciement est suffisamment precise pour permettre à [lademanderesse] de savoir ce qui lui est reproche et pour permettre à lacour [du travail] de verifier si les reproches dont il est fait etat dansla lettre de licenciement correspondent à ceux qui sont souleves au coursde la procedure ;

L'absence non excusee au travail constitue un manquement continu auxobligations contractuelles et il incombe à l'employeur de determiner àquel moment ce manquement a depasse la mesure de la faute grave. Au momentdu licenciement, l'absence du travail perdurait encore ;

Le delai de preavis de trois jours a donc ete respecte ;

L'absence non excusee depuis le 28 avril 2008 et ce, alors que [lademanderesse] avait ete informee que le conge parental demande ne pouvaitpas lui etre accorde legalement, constitue une faute grave qui a ebranlela relation de confiance entre les parties au contrat et constitue unmotif grave de licenciement au sens de l'article 35 precite ;

etant donne que le motif grave de licenciement est dejà etabli sur labase de l'absence non excusee, il ne faut plus verifier les autres motifsde licenciement ;

Lors d'un licenciement fonde pour motif grave, une indemnite de preavisn'est pas due ;

Des lors, l'appel incident est fonde ;

b) Licenciement abusif

Selon l'article 63 de la loi relative aux contrats de travail, estconsidere comme abusif le licenciement effectue pour des motifs qui n'ontaucun lien avec l'aptitude ou la conduite de l'ouvrier ou qui ne sont pasfondes sur les necessites du fonctionnement de l'entreprise ou duservice ;

etant donne que le licenciement pour motif grave etait fonde, ce qui etaitnecessairement lie à la conduite de [la demanderesse], le licenciement nepeut pas etre abusif ;

En consequence, un dedommagement correspondant n'est pas du ;

L'appel n'est pas fonde sur ce point ».

Griefs

En vertu de l'article 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contratsde travail, chacune des parties peut resilier le contrat sans preavis ouavant l'expiration du terme pour un motif grave laisse à l'appreciationdu juge, sans prejudice de tous dommages et interets s'il y a lieu.

Aux termes du l'alinea 4 (lire : 5) dudit article 35, la notification dumotif grave se fait, à peine de nullite, soit par lettre recommandee àla poste, soit par exploit d'huissier de justice. Cette notification peutegalement etre faite par la remise d'un ecrit à l'autre partie (alinea 5[lire : 6] de l'article 35).

La notification du motif grave par lettre recommandee a lieu au domicileou, à defaut de domicile, à la residence du destinataire (article 35 dela loi relative aux contrats de travail ; article 35 du Code judiciaire).

En vertu de l'article 111 du Code civil, lorsqu'un contrat contient, de lapart des parties ou de l'une d'elles, election de domicile pourl'execution de ce meme acte dans un autre lieu que celui du domicile reel,les significations, demandes et poursuites relatives à cet acte pourrontetre faites au domicile convenu et devant le juge de ce domicile.

Dans le meme sens, l'article 39 du Code judiciaire dispose que, lorsque ledestinataire a elu domicile chez un mandataire, la signification et lanotification peuvent etre faites à ce domicile.

L'election de domicile consiste dans la creation volontaire d'un domicilespecial, independant du domicile general qui subsiste entierement parailleurs, pour l'execution d'un acte ou d'une serie d'actes determines.

L'election de domicile peut etre implicite, à condition que la volonteainsi exprimee soit certaine.

L'election de domicile a un caractere specifique. Elle est limitee à uneaffaire determinee et ne vaut que pour l'acte au sujet duquel elle a etefaite.

En l'espece, l'arret decide que la lettre du 2 mars 2010 (il s'agit enrealite d'une lettre datee du 5 mars 2010) de la demanderesse, danslaquelle elle invite la defenderesse « à s'adresser dorenavantuniquement à mes avocats (l'adresse vous etant bien connue) et à ne pascontinuer à m'importuner », doit etre consideree comme une election dedomicile.

Ladite lettre du 2 [lire : 5] mars 2010 n'indiquant pas de maniereexplicite ou implicite que la demanderesse aurait elu domicile chez sonavocat, ni quels seraient les actes pour lesquels l'election de domicileaurait ete faite, l'arret n'a pu, sans violer les articles 111 du Codecivil et 39 du Code judiciaire, decider que, dans la lettre du 5 mars2010, la demanderesse avait fait election de domicile et que, partant, lasignification du conge sans preavis etait legitime et valable (violationdes articles 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail et 35 du Code judiciaire).

Par ailleurs, en decidant qu'en invitant la defenderesse « à s'adresserdorenavant uniquement à mes avocats (l'adresse vous etant bien connue) etde ne pas continuer à m'importuner », la demanderesse aurait eludomicile chez son avocat, l'arret donne de la lettre de la demanderesse du5 mars 2010 une interpretation inconciliable avec ses termes et viole deslors la foi due à cet acte (violation des articles 1319, 1320 et 1322 duCode civil).

En decidant enfin qu'etant donne que le licenciement pour motif graveetait fonde, le licenciement ne peut pas etre abusif, l'arret viole toutesles dispositions legales indiquees dans le moyen.

III. La decision de la Cour

L'article 35, alinea 5, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contratsde travail, qui dispose que, à peine de nullite, la notification du motifgrave de licenciement se fait soit par lettre recommandee à la poste,soit par exploit d'huissier de justice, n'exclut pas que cettenotification puisse se faire à un domicile elu par celui à qui elle estdestinee.

L'election de domicile visee à l'article 111 du Code civil consiste en lacreation, volontaire ou imposee par la loi, d'un domicile special,independant du domicile general qui subsiste entierement par ailleurs,pour l'execution d'un acte ou d'une serie d'actes determines.

L'arret constate que, « par lettre recommandee du 14 juillet 2010,adressee au conseil de [la demanderesse], [celle-ci a ete] licenciee sanspreavis pour motif grave » et considere que, « etant donne que la lettredu 2 [lire : 5] mars 2010 de [la demanderesse], dans laquelle elle invite[la defenderesse] `à s'adresser dorenavant à [son] avocat (l'adresse[lui] etant bien connue [...]) et à ne pas continuer à [l']importuner',doit etre consideree comme une election de domicile, la notification duconge [...] est [...] valable ».

En deduisant de cette lettre que la demanderesse avait elu domicile aucabinet de son conseil, l'arret ne donne pas de cet acte uneinterpretation inconciliable avec ses termes et ne viole pas, partant, lafoi qui lui est due.

Des lors qu'il ressort de l'ensemble de ses motifs que ladite lettre a eteadressee à la defenderesse dans le cadre specifique des relations detravail nouees entre les parties, l'arret a pu, sur la base d'uneappreciation qui git en fait, tenir dans ce cadre l'expression de lavolonte de la demanderesse pour une election de domicile et lui enreconnaitre l'effet sans violer aucune des dispositions legales visees aumoyen.

Celui-ci ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de cinq cent septante-deux euros deuxcentimes en debet envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, president, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Koen Mestdagh,Mireille Delange, et Antoine Lievens, et prononce en audience publique dudouze mai deux mille quatorze par le president de section ChristianStorck, en presence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Lutgarde Body.

+-----------------------------------------+
| L. Body | A. Lievens | M. Delange |
|-------------+-------------+-------------|
| K. Mestdagh | A. Fettweis | Chr. Storck |
+-----------------------------------------+

12 MAI 2014 S.12.0136.F/2


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.12.0136.F
Date de la décision : 12/05/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-05-12;s.12.0136.f ?
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