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12/05/2014 | BELGIQUE | N°S.11.0149.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 mai 2014, S.11.0149.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.11.0149.F

INTERCOMMUNALE D'INCENDIE DE LIEGE ET ENVIRONS - SERVICE REGIONALD'INCENDIE, societe civile ayant emprunte la forme d'une societecooperative à responsabilite limitee, dont le siege est etabli à Liege,rue Ransonnet, 5,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

1. F. L.,

2. D. M.,

defendeurs en cassation.

I. La

procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 1eroctobre 2010 et 4 ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.11.0149.F

INTERCOMMUNALE D'INCENDIE DE LIEGE ET ENVIRONS - SERVICE REGIONALD'INCENDIE, societe civile ayant emprunte la forme d'une societecooperative à responsabilite limitee, dont le siege est etabli à Liege,rue Ransonnet, 5,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

1. F. L.,

2. D. M.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 1eroctobre 2010 et 4 mars 2011 par la cour du travail de Liege.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport.

L'avocat general Jean Marie Genicot a conclu.

II. Les faits

Tels qu'ils ressortent des arrets attaques et des pieces auxquelles laCour peut avoir egard, les faits de la cause peuvent etre ainsi resumes :

- la demanderesse, qui est une intercommunale, occupait durant les annees2004 et 2005 les defendeurs en qualite d'agents statutaires, membres dupersonnel d'intervention ou secouristes-ambulanciers, suivant un regime depauses prevoyant en regle des prestations de douze heures suivies d'unrepos ;

- l'article 2, alinea 2, du reglement relatif aux absences du personnelpour raison medicale, y compris les accidents du travail et sur le chemindu travail, adopte par le conseil d'administration de la demanderesse etapprouve par l'arrete ministeriel du gouvernement wallon du 27 fevrier2004 publie au Moniteur belge du 18 mars 2004, auquel se refere lereglement de travail de la demanderesse, prevoit que l'agent absent pourraison medicale est, en regle, « redevable d'une garde de douze heureschaque fois qu'il aura couvert six gardes prevues dans son horairepreetabli par un certificat medical ».

III. Les moyens de cassation

Le demandeur presente quatre moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Disposition legale violee

Article 149 de la Constitution

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque du 1er octobre 2010 rec,oit l'appel, le declarepartiellement fonde « en ce qu'il doit etre dit pour droit que l'article2, alinea 2, du reglement relatif aux absences du personnel pour raisonmedicale, y compris les accidents du travail et sur le chemin du travailet les maladies professionnelles, adopte par [la demanderesse] est illegal et qu'il ne peut des lors, conformement à l'article 159 de laConstitution, lui etre donne application » et ordonne la reouverture desdebats « sur les heures supplementaires » pour l'ensemble de ses motifstenus pour etre ici expressement reproduits.

Griefs

1. Dans ses conclusions additionnelles et de synthese d'appel, lademanderesse faisait valoir ce qui suit : « cet aspect de la demandequi tend à faire interdiction à la [demanderesse] d'encore faireapplication de l'article 2 du reglement precite ne presente, en tout etatde cause, plus d'interet pour [le second defendeur], des lors qu'il acesse de faire partie du personnel de la [demanderesse] ».

Cette fin de non-recevoir est reformulee par l'arret attaque au pointIV.B.3 dans les termes suivants : « [Le conseil de la demanderesse]considere qu'en tout etat de cause la demande tendant à faireinterdiction à [la demanderesse] d'encore appliquer l'alinea 1er de l'article 2 du reglement doit etre declaree sans objet, des lors que cettenorme a disparu de l'ordonnancement juridique et que celle relative auxdeux alineas [lire : deuxieme alinea] de cette disposition doit egalementetre declaree sans objet en ce qui concerne le premier [defendeur]puisque celui-ci a quitte le service de la demanderesse] ».

2. Par aucun de ses motifs l'arret attaque ne repond à ce moyen invoquepar la demanderesse par lequel elle faisait valoir que l'action dupremier defendeur etait irrecevable à defaut d'interet, ayant cesse defaire partie du personnel de la demanderesse.

Il n'est, des lors, pas regulierement motive et viole, partant, l'article149 de la Constitution.

Deuxieme moyen

Dispositions legales violees

- article 2 du reglement sur les absences du personnel pour raisonmedicale, y compris les accidents du travail et sur le chemin dutravail, adopte par la deliberation du conseil d'administration de lademanderesse du 19 juin 2000 et complete par la deliberation du conseild'administration de la demanderesse du 22 decembre 2003 ;

- article 159 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque du 1er octobre 2010 rec,oit l'appel, le declarepartiellement fonde « en ce qu'il doit etre dit pour droit quel'article 2, alinea 2, du reglement relatif aux absences du personnelpour raison medicale, y compris les accidents du travail et sur lechemin du travail et les maladies professionnelles, adopte par [lademanderesse] est illegal et qu'il ne peut des lors, conformement àl'article 159 de la Constitution, lui etre donne application » etordonne la reouverture des debats « sur les heures supplementaires »specialement pour les motifs repris au point V.1 de l'arret :

« 1. L'autorite erga omnes de l'arret du Conseil d'Etat du 2 juin 2008

1.1. En annulant l'article 2, en l'unique alinea qu'il comportait lors durecours dont il a ete saisi, le Conseil d'Etat a dit pour droit qu'etaitillegale la fiction consistant à considerer qu'un sapeur-pompier absentpour raison medicale au cours d'une garde etait apte au travail pour 4heures et 24 minutes des 12 heures que comporte son service.

Il a fait disparaitre cette norme de l'ordonnancement juridique.

L'annulation de cette disposition avec effet retroactif a une valeur ergaomnes en sorte que toute juridiction saisie de son application est tenuede lui denier un quelconque effet.

1.2. Contrairement à ce que soutient [la demanderesse], l'alinea 2 del'article 2 du reglement precite, qui y a ete insere apres que ce qui enetait devenu l'alinea 1er eut fait l'objet d'un recours en annulationdevant le Conseil d'Etat, en constitue bel et bien une simple mesured'execution.

Deux motifs le demontrent à suffisance de droit.

1.2.1. Le libelle meme de l'alinea 2 - qui justifie le principe de larecuperation d'une garde de 12 heures sur six gardes non prestees pourraison medicale - ne laisse aucun doute sur le fait que, dans l'esprit deses redacteurs, cette mesure de recuperation partielle des absences pourmaladie constituait une mesure d'application de la regle enoncee àl'alinea 1er selon laquelle `tout agent absent pour raison medicale est considere comme soumis au regime de prestations des 38 heures par semainereparties sur 5 jours'.

En effet, l'enonce de la regle de recuperation partielle des jours demaladie commence par la determination de l'objectif qu'elle poursuit etqu'elle definit, sans aucune equivoque possible, comme etant laconcretisation de la disposition inscrite à l'alinea 1er dans le cadrede la comptabilisation des prestations annuelles des agents.

1.2.2. C'est donc bien dans la fiction censuree par le Conseil d'Etat etqui a conduit à l'annulation de l'alinea 1er de l'article 2 dureglement litigieux que l'alinea 2 de cette meme disposition trouve appuipour instaurer, en ce qui concerne les absences pour maladie dessapeurs-pompiers et du personnel operationnel, le systeme de recuperationpartielle des gardes non prestees pour cause de maladie.

La circonstance que cette recuperation ne vise qu'un peu moins de lamoitie des heures non prestees pour cause de maladie et soit par ailleursexclue pour les absences de plus de trente jours ou resultant d'unaccident du travail ou d'une maladie professionnelle ne peut lui faireperdre son caractere de mesure d'execution de la regle qui etait inscriteau premier alinea.

C'est en effet, comme le souligne à juste titre le conseil des[defendeurs], exclusivement parce qu'un certain nombre d'heures detravail d'une journee couverte par un certificat medical ont etefictivement considerees, dans l'alinea 1er annule par le Conseil d'Etat,comme non couvertes par cette cause de force majeure medicale, que l'alinea 2 en precise les modalites de recuperation, quand bien memecelle-ci s'opere-t-elle de maniere forfaitaire.

1.3. Des lors la cour [du travail] ne pourrait, sans meconnaitrel'autorite erga omnes s'attachant à l'arret du Conseil d'Etat du 2 juin2008, tout à la fois considerer, d'une part, que le personneloperationnel de [la demanderesse] absent pour raison medicale ne peut etrefictivement place dans un regime hebdomadaire de prestations de 38 heuresreparties sur cinq jours et, d'autre part, que les heures censees noncouvertes par certificat medical - en application de ce meme systeme dontl'illegalite a ete censuree par le Conseil d'Etat - devraient donner lieuà recuperation sous forme de la prestation de gardes compensatoires nonremunerees.

1.4. Il s'ensuit que, puisant son fondement dans une norme qui a disparude l'ordonnancement juridique, l'alinea 2 de l'article 2 du reglementrelatif aux absences du personnel pour raison medicale integre dans lereglement de travail de [la demanderesse] est lui-meme depourvu de toutebase legale, en sorte que, conformement à l'article 159 de laConstitution, il ne peut en etre fait application aux [defendeurs] ».

Griefs

1. L'article 2 du reglement sur les absences du personnel de lademanderesse etait redige comme suit :

« Tout agent absent pour raison medicale est considere comme soumis auregime de prestations des 38 heures par semaine reparties sur cinq jours.

Pour concretiser cette disposition dans le cadre de la comptabilisation deses prestations annuelles, l'agent est redevable d'une garde de 12 heureschaque fois qu'il aura couvert six gardes prevues dans son horairepreetabli par un certificat medical.

Toutefois, si l'absence pour maladie s'etend sur une periode continue detrente jours de calendrier ou plus, cette disposition n'est pasd'application au-delà des trente premiers jours.

Pour toute absence reconnue comme consecutive à un accident du travail,sur le chemin du travail, ou d'une maladie professionnelle, cettedisposition n'est pas d'application ».

2. Par arret du 2 juin 2008 (Swerts, nDEG 183.728), la section ducontentieux administratif du Conseil d'Etat a annule l'alinea 1er decette disposition.

3. On doit, pour interpreter un reglement, rechercher quelle a etel'intention de son auteur plutot que de s'arreter au sens litteral destermes.

Sauf disposition legale contraire, une disposition reglementaire neconstitue une mesure d'execution d'une autre norme que si elle se borneà degager du principe de celle-ci et de son economie generale lesconsequences qui en derivent naturellement d'apres l'esprit qui a presideà sa conception et d'apres les fins qu'elle poursuit. Elle doit, deslors, se limiter à des matieres mineures ou à des points de detail. Entoute hypothese, une mesure d'execution ne peut jamais suspendre la normeexecutee ni dispenser de son execution, ainsi qu'il ressort notamment del'article 108 de la Constitution.

4. En l'occurrence, les alineas 2 à 4 de l'article 2 du reglement sur lesabsences du personnel de la demanderesse ne constituent pas une simplemesure d'execution de l'alinea 1er de ce meme article.

En effet, les alineas 2 à 4 de l'article 2 precite ne se bornent ni àregler une matiere mineure ou un point de detail ni à degager lesconsequences qui decouleraient du principe pose à l'alinea 1er de cetarticle mais aboutissent au contraire systematiquement à un resultatincompatible avec ce principe, de sorte qu'elles dispensent en realite de l'application de cet alinea 1er.

Ainsi, la demanderesse faisait valoir dans ses conclusions additionnelleset de synthese d'appel, sans que ses calculs soient contredits parl'arret attaque ou par les defendeurs : « Pour le surplus, quels quesoient les termes qui y figurent, il ne saurait etre pretendu quel'alinea 2 de l'article 2 du reglement sur les absences pour raison medicale est une pure `mesure d'execution' de l'alinea 1er de la memedisposition, sans quoi l'on ne s'expliquerait pas qu'une garde de 12heures ne soit due en vertu de l'alinea 2 qu'apres que six gardes ont etecouvertes par un certificat medical, alors qu'une difference de 4 heureset 24 minutes existe entre la periode reputee couverte par un certificatmedical en vertu de l'alinea 1er (etant 7 heures et 36 minutes) et une garde de 12 heures, ce qui, sur six gardes, represente plus du doubled'heures dont la `recuperation' est ainsi prevue (six fois 4 heures 24minutes) ».

En d'autres termes, la demanderesse faisait valoir qu'apres six gardes de12 heures couvertes par un certificat medical, un sapeur-pompier seraittenu en vertu de l'alinea 1er precite de prester plus de deux gardescompensatoires de 12 heures, tandis qu'en vertu de l'alinea 2 precite, iln'est tenu de prester qu'une seule garde compensatoire de meme duree.

De meme, les alineas 3 et 4 de l'article 2 precite dispensent lesapeur-pompier de prester des gardes complementaires au-delà des trentepremiers jours d'une absence pour maladie ainsi qu'en cas d'absenceconsecutive à un accident de travail ou sur le chemin du travail ou àune maladie professionnelle, regle qui ne figure nullement, meme en germe,à l'alinea 1er du meme article.

5. Par les motifs reproduits en tete du moyen, l'arret attaque decide ensubstance qu'il resulte tant du libelle de l'article 2 du reglement surles absences du personnel de la demanderesse que de son economie que sonalinea 2 constitue une simple mesure d'execution de son alinea 1er.

Ce faisant, il donne une fausse interpretation de l'article 2 du reglementsur les absences du personnel de la demanderesse (violation de cettedisposition).

Par voie de consequence, l'arret attaque decide à tort que l'illegalitede l'alinea 1er de l'article 2 du reglement sur les absences dupersonnel de la demanderesse rejaillit automatiquement sur l'alinea 2 decet article et commande des lors d'en refuser l'application (violation del'article 159 de la Constitution).

Troisieme moyen

Dispositions legales violees

- article 159 de la Constitution ;

- articles 1er, alinea 2, et 31, S: 1er, de la loi du 3 juillet 1978relative aux contrats de travail ;

- articles 1er et 405 de l'arrete du gouvernement wallon du 18 decembre2003 portant le Code de la fonction publique wallonne ;

- article 1er du decret regional wallon du 22 janvier 1998 relatif austatut du personnel de certains organismes d'interet public relevant dela Region wallonne ;

- articles 1er, S: 1er, et 41 de l'arrete royal du 19 novembre 1988[lire :1998] relatif aux conges et aux absences accordes aux membres dupersonnel des administrations de l'Etat ;

- arrete royal du 22 decembre 2000 fixant les principes generaux du statutadministratif et pecuniaire des agents de l'Etat applicables au personneldes services des gouvernements de communaute et de region et des collegesde la commission communautaire commune et de la commission communautairefranc,aise ainsi qu'aux personnes morales de droit public qui endependent, specialement son article 1er, alinea 1er ;

- articles 1147 et 1148 du Code civil ;

- principe general du droit relatif à la force majeure ;

- article 2 du reglement sur les absences du personnel pour raisonmedicale, y compris les accidents du travail et sur le chemin dutravail, adopte par deliberation du conseil d'administration de lademanderesse du 19 juin 2000 et complete par la deliberation du conseild'administration de la demanderesse du 22 decembre 2003 ;

- article 24 du reglement de travail adopte par la deliberation du conseil d'administration de la demanderesse du 29 septembre 2003 ;

- article 5, S: 1er, du decret regional wallon du 5 decembre 1996 relatifaux intercommunales wallonnes, devenu, apres coordination par l'arrete dugouvernement wallon du 22 avril 2004 portant codification de lalegislation relative aux pouvoirs locaux, l'article L1512-4, S: 4, duCode de la democratie locale et de la decentralisation ;

- article L1523-1, alinea 4, premiere phrase, du Code de la democratielocale et de la decentralisation, coordonne par l'arrete du gouvernementwallon du 22 avril 2004 portant codification de la legislation relativeaux pouvoirs locaux, insere par le decret regional wallon du 19 juillet2006 ;

- articles 1er et 4, alinea 2, de la loi du 8 avril 1965 instituant lesreglements de travail.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque du 1er octobre 2010 rec,oit l'appel, le declarepartiellement fonde « en ce qu'il doit etre dit pour droit que l'article2, alinea 2, du reglement relatif aux absences du personnel pour raisonmedicale, y compris les accidents du travail et sur le chemin du travailet les maladies professionnelles, adopte par [la demanderesse] est illegal et qu'il ne peut des lors, conformement à l'article 159 de laConstitution, lui etre donne application » et ordonne la reouverture desdebats « sur les heures supplementaires » specialement pour les motifsrepris au point V.2 de l'arret :

« 2. La force majeure

A supposer meme que l'alinea 2 de l'article 2, precite, du reglementlitigieux puisse etre analyse distinctement du sort qu'a reserve leConseil d'Etat à l'alinea 1er - ce que soutient [la demanderesse] eninsistant sur l'objectif poursuivi par les dispositions inscrites àl'alinea 2 visant à garantir un calcul plus equitable de la remunerationdes jours de maladie de differentes categories de personnel -, encorereste-t-il que la force majeure rendant impossible l'execution d'uneobligation fait obstacle à ce que celle-ci doive etre ulterieurementexecutee par equivalent.

2.1. Le conseil des [defendeurs] enumere à juste titre les dispositionslegales qui, que ce soit dans le cadre de l'execution du contrat detravail ou dans celui de l'exercice de prestations d'agents statutaires,font de l'incapacite de travail medicalement justifiee un cas de forcemajeure constituant soit une cause de suspension du contrat de travail [note de bas de page : voir l'article 31, S: 1er, de la loi du 3 juillet1978 relative aux contrats de travail], soit un motif d'octroi d'unnombre de jours de conge de maladie jusqu'à concurrence d'un certainquota par annee d'anciennete [note de bas de page : voir l'article 405 duCode de la fonction publique wallonne et l'article 41 de l'arrete royal du19 novembre 1998 relatif aux conges et aux absences accordees aux membresdu personnel des administrations de l'Etat].

2.2. Les consequences qu'entraine la force majeure liee à l'incapacite detravail medicalement justifiee ont ete decrites par M. Jamoulle :`Construite à partir du mecanisme de la force majeure temporaire, lasuspension du contrat debouche en principe sur une situationcontractuelle analogue à celle que secrete le concept de droit civil.L'evenement declenchant la suspension entraine la liberation du debiteur,employeur ou salarie, qui l'invoque : il oblitere, soit par lui-meme, soit par repercussion, l'obligation de travailler' (M. Jamoulle, Lecontrat de travail, t. II, Faculte de Droit, d'Economie et de Sciences sociales de Liege, 1986, 169 et 170).

Le meme auteur ajoute que : `S'inscrivant dans un contrat à executionsuccessive, cette disparition du lien obligatoire presente un caracteredefinitif au regard de la portion de temps affectee : seule la nature duterme dans le contrat conclu pour un travail nettement defini apportequelque correctif à ce principe en appliquant le cas echeant un reportdans le futur de la phase contractuelle ayant souffert de l'inexecution' (M. Jamoulle, op. cit., 170).

2.3. L'article 1148 du Code civil dispose qu'il n'y a lieu à aucunsdommages et interets lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un casfortuit, le debiteur a ete empeche de donner ou de faire ce à quoi iletait oblige, ou a fait ce qui lui etait interdit.

2.4. Il s'ensuit qu'un travailleur engage dans les liens d'un contrat detravail ou un agent statutaire ne peuvent etre legalement contraints decompenser les prestations de travail qu'ils n'ont pu effectuer en raisond'une incapacite de travail medicalement justifiee, celle-ci ayant poureffet de les liberer definitivement de l'execution de l'obligation pourla portion de temps durant laquelle elle a ete rendue temporairement impossible par la survenance de cette cause de force majeure.

2.5. Le Conseil d'Etat erige la force majeure en principe general du droitconsacre par la jurisprudence pour justifier, meme en l'absence d'uneclause exoneratoire expresse, le non-respect d'une regle et eviter lasanction prevue par celle-ci (arret n-o 190.241 du 5 fevrier 2009).

Contrairement à ce que soutient le conseil de [la demanderesse], lacirconstance que l'arrete royal du 22 decembre 2000 fixant les principesgeneraux du statut administratif et pecuniaire des agents de l'Etatimpose l'octroi aux agents empeches d'exercer normalement leurs fonctionspour cause d'incapacite de travail medicalement justifiee des conges demaladie jusqu'à concurrence d'un certain quota en fonction de leur anciennete de service implique necessairement que l'obligation de presterleur service - que, sans l'octroi de ces conges, ils eussent du executer- est definitivement eteinte pour la periode couverte par le certificatmedical et ne peut des lors donner lieu à recuperation au cours d'uneperiode ulterieure ».

Griefs

Premiere branche

1. L'article 1er, alinea 2, de la loi du 3 juillet 1978 relative auxcontrats de travail dispose qu'elle s'applique aux travailleurs vises àl'alinea 1er occupes par l'Etat, les provinces, les agglomerations, lesfederations de communes, les communes, les etablissements publics qui endependent, les organismes d'interet public et les etablissementsd'enseignement libre subventionnes par l'Etat, qui ne sont pas regis parun statut.

Il en resulte que l'article 31, S: 1er, de cette meme loi n'est pasapplicable à un agent statutaire d'une intercommunale, celle-ci etant unetablissement public dependant des communes.

2. L'article 1er de l'arrete du gouvernement wallon du 18 decembre 2003portant le Code de la fonction publique wallonne dispose que la qualited'agent regional est reconnue à tout agent statutaire occupe à titredefinitif dans les services du gouvernement wallon ou dans un organismeauquel est applicable le decret du 22 janvier 1998 relatif au statut du personnel de certains organismes d'interet public relevant de la Regionwallonne.

Il en resulte que l'article 405 de ce code n'est pas applicable à unagent statutaire d'une intercommunale, celle-ci n'etant pas un organismevise à l'article 1er du decret regional wallon du 22 janvier 1998relatif au statut du personnel de certains organismes d'interet publicrelevant de la Region wallonne.

3. L'article 1er, S: 1er, de l'arrete royal du 19 novembre 1998 relatifaux conges et aux absences accordes aux membres du personnel desadministrations de l'Etat dispose qu'il s'applique aux agents de l'Etatsoumis à l'arrete royal du 2 octobre 1937 portant le statut des agentsde l'Etat.

L'article 41 de l'arrete royal precite du 19 novembre 1998 ne s'appliquedonc pas à un agent statutaire d'une intercommunale, n'etant pas unagent de l'Etat.

4. L'article 1er, alinea 1er, de l'arrete royal du 22 decembre 2000 fixantles principes generaux du statut administratif et pecuniaire des agentsde l'Etat applicables au personnel des services des gouvernements decommunaute et de region et des colleges de la commission communautairecommune et de la commission communautaire franc,aise ainsi qu'auxpersonnes morales de droit public qui en dependent dispose que la qualited'agent est reconnue à toute personne qui est occupee à titre definitifà l'administration federale de l'Etat, dans les services d'ungouvernement de communaute ou de region, dans les services du collegereuni de la commission communautaire commune ou dans les services ducollege de la commission communautaire franc,aise.

Il en resulte que cet arrete royal n'est pas applicable à un agentstatutaire d'une intercommunale.

5. La demanderesse est une intercommunale.

Par ailleurs, sans etre contredite ni par l'arret attaque ni par lesdefendeurs, la demanderesse soutenait dans ses conclusions additionnelleset de synthese d'appel que les defendeurs beneficiaient d'une nominationà titre definitif, c'est-à-dire qu'ils avaient la qualite d'agentsstatutaires de la demanderesse.

6. Dans la mesure ou l'arret attaque doit etre interprete comme decidant,par les motifs reproduits en tete du moyen, que les dispositions viseesaux points 1 à 4 ci-avant sont applicables aux defendeurs, alorsqu'elles ne sont pas applicables aux agents statutaires d'uneintercommunale, il viole l'ensemble de ces dispositions.

Par voie de consequence, l'arret attaque refuse illegalement de faireapplication de l'article 2, alinea 2, du reglement sur les absences dupersonnel de la demanderesse au motif que ce reglement serait contraireaux dispositions precitees (violation de cette disposition ainsi que del'article 159 de la Constitution).

Deuxieme branche

1. Selon l'article 1147 du Code civil, le debiteur est condamne, s'il y alieu, au payement de dommages et interets, soit à raison del'inexecution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'execution,toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexecution provient d'une cause etrangere qui ne peut lui etre imputee, encore qu'il n'y ait aucunemauvaise foi de sa part.

Selon l'article 1148 du meme code, il n'y a lieu à aucuns dommages etinterets lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, ledebiteur a ete empeche de donner ou de faire ce à quoi il etait oblige,ou a fait ce qui lui etait interdit.

2. Il resulte de ces deux dispositions, ainsi que du principe general dudroit relatif à la force majeure, que l'obstacle resultant de la forcemajeure de caractere temporaire suspend de plein droit l'execution desdroits et obligations des parties et que, l'obstacle venant àdisparaitre, l'execution des droits et obligations reprend vigueur deplein droit.

3. Par consequent, dans une relation statutaire, lorsqu'un cas de forcemajeure met l'agent temporairement dans l'impossibilite de prester letravail prevu, l'agent n'est pas definitivement libere de son obligationde prester le travail couvert par la force majeure, laquelle est doncdans ce cas depourvue d'effet extinctif. L'execution de ladite obligation est seulement suspendue jusqu'à ce que la force majeure prenne fin.

Au cours de la periode de temps posterieure à la fin de la force majeuretemporaire, l'agent est des lors tenu, sauf disposition legale contraire,d'accomplir aussi bien le travail qu'il est ordinairement tenud'accomplir que le travail dont l'execution a ete suspendue pendant laduree de la force majeure. Il est donc tenu de fournir des prestations detravail complementaires à son horaire de travail ordinaire, pour autantcependant que la duree maximale autorisee du temps de travail ne soit pasdepassee.

4. Par les motifs reproduits en tete du moyen, et specialement au pointV.2.4, l'arret attaque decide qu'il resulte de l'article 1148 du Codecivil et du principe general du droit relatif à la force majeure «qu'un travailleur engage dans les liens d'un contrat de travail ou unagent statutaire ne peuvent etre legalement contraints de compenser les prestations de travail qu'ils n'ont pu effectuer en raison d'uneincapacite de travail medicalement justifiee, celle-ci ayant pour effetde les liberer definitivement de l'execution de l'obligation pour laportion de temps durant laquelle elle a ete rendue temporairement impossible par la survenance de cette cause de force majeure ».

Ce faisant, l'arret attaque attribue illegalement un effet extinctif à laforce majeure de caractere temporaire alors que celle-ci a uniquementpour consequence de suspendre les droits et obligations des parties,ceux-ci reprenant vigueur de plein droit des la fin de la force majeure.

Il viole, partant, les articles 1147 et 1148 du Code civil ainsi que leprincipe general du droit precite.

Par voie de consequence, l'arret attaque refuse illegalement de faireapplication de l'article 2, alinea 2, du reglement sur les absences dupersonnel de la demanderesse au motif que ce reglement serait contraireaux dispositions precitees (violation de cette disposition ainsi que del'article 159 de la Constitution).

Troisieme branche (subsidiaire)

1. Les regles relatives à la force majeure, prevues par les articles 1147et 1148 du Code civil ainsi que par le principe general du droit relatifà la force majeure, presentent un caractere suppletif.

Par consequent, il peut y etre deroge par la volonte des parties ou, dansl'hypothese d'un agent sous statut, par la volonte unilaterale del'autorite occupant cet agent.

2. A tout le moins, s'agissant de regles de rang legislatif, il peut yetre deroge par une norme de meme rang, ou encore par une normereglementaire prise en vertu d'une norme de rang legislatif.

3. Or, d'une part, l'article 5, S: 1er, du decret regional wallon du 5decembre 1996 relatif aux intercommunales wallonnes, devenu, aprescoordination par l'arrete du gouvernement wallon du 22 avril 2004 portantcodification de la legislation relative aux pouvoirs locaux, l'articleL1512-4, S: 4, du Code de la democratie locale et de la decentralisation,et dont le texte est desormais repris à l'article L1523-1, alinea 4,premiere phrase, du meme code depuis la modification de celui-ci par ledecret regional wallon du 19 juillet 2006, dispose que le personnel del'intercommunale est soumis à un regime statutaire ou contractuel.

Cette disposition implique le pouvoir des intercommunales wallonnes denommer leur personnel statutaire et, partant, celui d'en determiner lestatut.

Des lors que cette disposition est de rang legislatif, les reglements prissur cette base par l'intercommunale wallonne peuvent deroger aux articles1147 et 1148 du Code civil ainsi qu'au principe general du droit relatifà la force majeure.

4. D'autre part, l'article 1er de la loi du 8 avril 1965 instituant lesreglements de travail dispose que cette loi s'applique aux travailleurset employeurs, assimile aux travailleurs les personnes qui, autrementqu'en vertu d'un contrat de louage de travail, fournissent desprestations de travail sous l'autorite d'une autre personne, et assimileaux employeurs les personnes qui occupent des [travailleurs] assimiles.

Il en resulte que cette loi est applicable aux agents statutaires d'uneintercommunale.

L'article 4, alinea 2, de cette loi dispose que l'employeur et lestravailleurs sont lies par les dispositions que le reglement de travailcontient.

Des lors que cette disposition est de rang legislatif, le reglement detravail pris par une intercommunale wallonne peut deroger aux articles1147 et 1148 du Code civil ainsi qu'au principe general du droit relatifà la force majeure.

5. La demanderesse est une intercommunale dont le siege est situe enRegion wallonne.

Par ailleurs, sans etre contredite ni par l'arret attaque ni par lesdefendeurs, la demanderesse soutenait dans ses conclusions additionnelleset de synthese d'appel que les defendeurs beneficiaient d'une nominationà titre definitif, c'est-à-dire qu'ils avaient la qualite d'agentsstatutaires de la demanderesse.

6. L'article 24 du reglement de travail adopte le 29 septembre 2003 par leconseil d'administration de la demanderesse dispose que « le presentreglement de travail se refere aux reglements suivants en vigueur àl'I.L.L.E.-S.R.I. [c'est-à-dire au sein de la demanderesse] : (...) f)reglement sur les absences du [personnel] pour raison medicale, y comprisles accidents du travail et sur le chemin du travail, adopte par leconseil d'administration le 19 juin 2000 ».

Par ailleurs, l'article 2 dudit reglement du 19 juin 2000 relatif auxabsences du personnel de la demanderesse a ete complete par unedeliberation du conseil d'administration de la demanderesse du 22decembre 2003.

7. L'arret attaque, par les motifs reproduits en tete du moyen, refuse defaire application aux defendeurs de l'article 2, alinea 2, du reglementrelatif aux absences du personnel de la demanderesse au motif quecelui-ci serait contraire au principe general du droit relatif à laforce majeure et à l'article 1148 du Code civil.

A supposer meme que tel fut le cas - quod non -, l'arret attaque, cefaisant :

a) meconnait le caractere suppletif des regles relatives à la forcemajeure, dont il resulte que la volonte unilaterale de l'autoriteoccupant un agent sous statut a le pouvoir d'y deroger (violation desdispositions visees au point 1 ci-avant) ;

b) meconnait le pouvoir des intercommunales wallonnes de fixer le statutde leurs agents en derogeant, le cas echeant, aux regles relatives à laforce majeure (violation des dispositions visees au point 3 ci-avant) ;

c) meconnait la force obligatoire du reglement relatif aux absences dupersonnel de la demanderesse, incorpore par reference dans le reglementde travail de la demanderesse, lequel a le pouvoir de deroger aux reglesrelatives à la force majeure (violation des dispositions visees auxpoints 4 et 6 ci-avant) ;

d) par voie de consequence, refuse illegalement de faire application del'article 2, alinea 2, du reglement sur les absences du personnel de lademanderesse au motif que ce reglement serait contraire aux reglesrelatives à la force majeure precitees (violation de cette dispositionainsi que de l'article 159 de la Constitution).

Quatrieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 19, alinea 1er, 775, alinea 1er, et 1138, 2DEG, du Code judiciaire ;

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense ;

- articles 1319,1320 et 1322 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

Statuant apres reouverture des debats, l'arret attaque du 4 mars 2011declare l'appel partiellement fonde et condamne la demanderesse à payerà chacun des defendeurs « la remuneration à 100 p.c. de toutes lesgardes compensatoires qu'ils ont ete amenes à prester durant les annees2004 et 2005 en application de l'article 2, alinea 2, du reglement surles absences pour raison medicale, sous deduction des sommes eventuellement payees à ce titre », ainsi qu'aux depens, par l'ensemblede ses motifs reputes etre ici expressement reproduits, et en particulierpar les motifs figurant sous le point III :

« III. La position de la cour [du travail]

1. La methode de calcul adoptee par les [defendeurs] ne peut etre suivie,parce qu'elle aboutit à deduire du temps plein que ceux-ci etaientcenses prester les heures couvertes par certificat medical pourconsiderer que toute heure prestee en sus du resultat obtenu de la sortedevrait etre consideree comme une heure supplementaire.

2. Le libelle confus des rubriques des decomptes produits aux debats par[la demanderesse] laisse effectivement fallacieusement entendre que lenombre d'heures reprises dans la rubrique `heures effectuees' correspondà des heures effectivement prestees.

Or, un examen attentif de ces decomptes revele qu'il n'en est rien.

Chacun des sous-totaux mensuels inclut en realite dans le nombre desheures prestees des heures qui ne l'ont pas ete parce que les interessesetaient en conge de maladie.

Si l'on prend le cas [du premier defendeur] en 2004, l'on constate par exemple que, pour le mois de novembre, 168 heures ont ete comptees comme`effectuees' alors qu'il y a trois gardes de 12 heures qui ne l'ont pasete pour cause de maladie, les 26, 29 et 30 novembre.

Le meme constat peut etre fait en decembre, qui comptabilise 132 heures deprestations alors que n'ont ete effectivement prestees que 72 heures, dufait que cinq gardes de 12 heures n'ont pas ete prestees pour cause demaladie, les 3,4, 11, 12 et 15 decembre.

Le meme test peut etre fait pour 2005, de meme que pour son collegue, [lesecond defendeur] ; voir par exemple le mois de mars 2004, quicomptabilise 141 heures alors que 36 heures n'ont pas ete prestees pourcause de maladie, les 27, 30 et 31 mars ; idem en mai, juin, octobre,novembre et decembre.

3. Il s'ensuit que les gardes compensatoires que les interesses onteffectuees du fait qu'ils avaient excede leur quota de gardes couvertespar certificat medical n'ont pas ete prestees au-delà du regimehebdomadaire de 38 heures de travail.

Il reste que, comme l'a decide la cour [du travail] dans son arretinterlocutoire, il ne pourrait etre admis que ces prestations de travailne soient pas remunerees.

[La demanderesse] est donc redevable envers les [defendeurs] de laremuneration ordinaire à 100 p.c. des gardes compensatoires prestees.

Les comptes individuels de remuneration des interesses n'etant pasproduits aux debats, la cour [du travail] ne peut verifier si celles-ciont ete ou non remunerees et se bornera des lors à statuer sur leprincipe, en condamnant [la demanderesse] à payer à chacun des[defendeurs] la remuneration à 100 p.c. de toutes les gardescompensatoires qu'ils ont ete amenes à prester durant les annees 2004 et2005, sous deduction des sommes eventuellement payees à ce titre.

Contrairement à ce que soutient [la demanderesse], les depens doiventetre mis à sa charge du fait qu'elle a succombe dans sa pretentiond'imposer aux [defendeurs] des gardes compensatoires non remunerees ».

Griefs

Premiere branche

1. Dans le dispositif de leurs conclusions apres reouverture des debats,les defendeurs demandaient d' « allouer aux [defendeurs] les montantscorrespondant aux heures supplementaires determinees aux presentesconclusions ».

Dans les memes conclusions, ils relevaient qu'ils « doivent doncdemontrer que le total des prestations de travail effectivementaccomplies dans le cadre du role de garde majorees des prestations degarde compensatoire excede la duree hebdomadaire du travail calculee surune base annuelle ».

2. L'arret attaque constate que « les gardes compensatoires que lesinteresses ont effectuees du fait qu'ils avaient excede leur quota degardes couvertes par certificat medical n'ont pas ete prestees au-delàdu regime hebdomadaire de 38 heures de travail ».

Neanmoins, l'arret attaque condamne la demanderesse à payer à chacun desdefendeurs « la remuneration à 100 p.c. de toutes les gardescompensatoires qu'ils ont ete amenes à prester durant les annees 2004 et2005 en application de l'article 2, alinea 2, du reglement sur lesabsences pour raison medicale, sous deduction des sommes eventuellement payees à ce titre ».

Ainsi, l'arret attaque accorde aux defendeurs, non l'indemnisation desheures supplementaires par rapport à la duree hebdomadaire de travailcalculee sur une base annuelle, mais l'indemnisation de l'ensemble desheures prestees dans le cadre des gardes compensatoires, independammentdu point de savoir si ces gardes constituaient ou non des heuressupplementaires par rapport à la duree hebdomadaire de travail calculeesur une base annuelle.

3. Ce faisant, l'arret attaque accorde aux defendeurs un avantage qu'ilsn'avaient pas demande et statue, des lors, ultra petita (violation del'article 1138, 2DEG, du Code judiciaire).

4. Par ailleurs, à defaut d'avoir permis à la demanderesse de presenterses observations sur cette question, l'arret attaque viole le principegeneral du droit relatif au respect des droits de la defense.

Seconde branche

1. Il ressort de l'article 19, alinea 1er, du Code judiciaire qu'unjugement definitif epuise la juridiction du juge sur la questionlitigieuse, de sorte que, dessaisi dans cette mesure de la cause, il nepeut plus ulterieurement remettre en cause sa decision sur ce point.

2. Il ressort de l'article 775, alinea 1er, du Code judiciaire que lesdebats posterieurs à une reouverture des debats doivent etre limites àl'objet de cette reouverture, de sorte que le juge ne peut statuer surdes points etrangers à celle-ci.

3. L'arret du 1er octobre 2010 decide :

« Si les [defendeurs] ne pouvaient, au vu des developpements quiprecedent, etre contraints de compenser, fut-ce partiellement, les gardesqu'ils n'avaient pu prester en raison d'une incapacite de travailmedicalement justifiee, il leur incombe de demontrer in concreto qu'enprestant quand meme l'une ou l'autre des gardes compensatoires qui leuretaient demandees, ils auraient preste des heures supplementaires.

Il a ete dit supra que la question du depassement de la duree hebdomadairede travail doit etre appreciee, conformement à la loi du 14 decembre2000 fixant certains aspects de l'amenagement du temps de travail dans lesecteur public à laquelle fait reference l'article 1er, alinea 3, dureglement de travail de [la demanderesse], sur une base annuelle.

Il s'ensuit qu'il appartient aux [defendeurs] d'apporter la preuve,chiffres à l'appui, que le total des prestations de travail effectivementaccomplies dans le cadre du role de garde specifique dessapeurs-pompiers, majorees des gardes compensatoires qu'ils onteffectuees, excedait la duree hebdomadaire de travail calculee sur unebase annuelle, ce qui n'est pas etabli dans le chef des [defendeurs].

Il convient, comme cela a ete acte au proces-verbal d'audience, d'ordonnerla reouverture des debats à cet effet ».

Ainsi, cet arret decide que les gardes compensatoires prestees par lesdefendeurs ne devaient etre indemnisees par la demanderesse qu'au cas oules defendeurs parviendraient à demontrer que ces gardes impliquaient laprestation d'heures supplementaires par rapport à la duree hebdomadairede travail calculee sur une base annuelle, et limite la reouverture desdebats à cette question.

4. L'arret attaque du 4 mars 2011 constate que « les gardescompensatoires que les interesses ont effectuees du fait qu'ils avaientexcede leur quota de gardes couvertes par certificat medical n'ont pasete prestees au-delà du regime hebdomadaire de 38 heures de travail ».

Neanmoins, l'arret attaque condamne la demanderesse à payer à chacun desdefendeurs « la remuneration à 100 p.c. de toutes les gardescompensatoires qu'ils ont ete amenes à prester durant les annees 2004 et2005 en application de l'article 2, alinea 2, du reglement sur lesabsences pour raison medicale, sous deduction des sommes eventuellement payees à ce titre ».

5. Ce faisant, l'arret attaque du 4 mars 2011 :

a) indemnise les defendeurs alors que les conditions de cetteindemnisation enoncees dans son precedent arret definitif du 1er octobre2010 - à savoir l'accomplissement de gardes compensatoires impliquantdes heures supplementaires par rapport à la duree hebdomadaire detravail calculee sur une base annuelle - ne sont pas remplies et, par consequent, remet en cause la decision prise dans l'arret definitif du 1eroctobre 2010 (violation de l'article 19, alinea 1er , du Codejudiciaire) ;

b) statue sur une question etrangere à l'objet de la reouverture desdebats ordonnee par son arret interlocutoire du 1er octobre 2010(violation de l'article 775, alinea 1er, du Code judiciaire) ;

6. A tout le moins, au cas ou il doit s'interpreter comme considerant que l'indemnisation qu'il accorde constitue la suite logique de l'arretinterlocutoire du 1er octobre 2010, alors l'arret attaque lit dans cetarret interlocutoire une decision qui ne s'y trouve pas, donne, des lors,de celui-ci une interpretation inconciliable avec ses termes et meconnait, partant, la foi qui lui est due (violation des articles 1319,1320 et 1322 du Code civil).

IV. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

L'arret attaque du 1er octobre 2010 « dit pour droit que l'article 2,alinea 2, du reglement relatif aux absences du personnel [de lademanderesse] est illegal et qu'il ne peut des lors, conformement àl'article 159 de la Constitution, lui etre donne application » et il« ordonne la reouverture des debats sur les heures supplementaires »,invitant les defendeurs à « demontrer in concreto qu'en prestant [...]des gardes compensatoires qui leur etaient demandees [en application decet article 2, alinea 2], ils auraient preste des heuressupplementaires ».

Ne se prononc,ant pas sur l'application, pour l'avenir, de l'article 2,alinea 2, du reglement au premier defendeur, l'arret n'etait pas tenu derepondre aux conclusions de la demanderesse qui soutenait que ce derniern'avait plus interet à demander cette interdiction des lors qu'il nefaisait plus partie de son personnel.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le troisieme moyen :

Quant à la premiere branche :

L'arret attaque du 1er octobre 2010 enonce que, « que ce soit dans lecadre de l'execution du contrat de travail ou dans celui de l'exercice deprestations d'agents statutaires », les articles 31, S: 1er, de la loi du3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, 405 du Code de lafonction publique wallonne et 41 de l'arrete royal du 19 novembre 1998relatif aux conges et aux absences accordes aux membres du personnel desadministrations de l'Etat « font de l'incapacite de travail medicalementjustifiee [...] soit une cause de suspension du contrat de travail soit unmotif d'octroi d'un nombre de jours de conge de maladie jusqu'àconcurrence d'un certain quota par annee d'anciennete » et que « lacirconstance que l'arrete royal du 22 decembre 2000 fixant les principesgeneraux du statut administratif et pecuniaire des agents de l'Etat[applicables au personnel des services des gouvernements de communaute etde region et des colleges de la commission communautaire commune et de lacommission communautaire franc,aise ainsi qu'aux personnes morales dedroit public qui en dependent] impose l'octroi aux agents empechesd'exercer normalement leurs fonctions pour cause d'incapacite de travailmedicalement justifiee des conges de maladie, jusqu'à concurrence d'uncertain quota en fonction de leur anciennete de service, impliquenecessairement que l'obligation de prester leur service - que sansl'octroi de ces conges ils eussent du executer - est definitivementeteinte pour la periode couverte par le certificat medical et ne peut deslors donner lieu à recuperation au cours d'une periode ulterieure ».

Par ces enonciations, l'arret attaque ne considere pas que lesdispositions qu'il cite s'appliquent à la relation de travail des partiesmais que, dans cette relation comme dans les relations de travail salarieou statutaire regies par ces dispositions, l'obligation de fournir leservice est definitivement eteinte pour la periode couverte parl'incapacite de travail medicalement justifiee et ne peut donner lieu àrecuperation au cours d'une periode ulterieure.

Reposant sur une lecture inexacte de l'arret attaque, le moyen, en cettebranche, manque en fait.

Quant aux deuxieme et troisieme branches reunies :

Les motifs cites en reponse à la premiere branche du moyen suffisent àfonder la decision de l'arret attaque du 1er octobre 2010 de ne pas faireapplication de l'article 2, alinea 2, du reglement de la demanderesse.

Dans la mesure ou il est dirige contre les motifs surabondants que l'arretattaque deduit de l'article 1148 du Code civil et du principe general dudroit relatif à la force majeure, le moyen qui, en ces deux branches, nesaurait entrainer la cassation, est denue d'interet et, des lors,irrecevable.

Pour le surplus, la regle que l'incapacite de travail regulierementjustifiee libere definitivement l'agent de l'obligation de fournir leservice durant la periode d'incapacite de travail, et ne peut des lorsdonner lieu à recuperation au cours d'une periode ulterieure, n'est pasune application des articles 1147 et 1148 du Code civil ou du principegeneral du droit relatif à la force majeure, mais une regle propre à larelation de travail subordonne, destinee à en assurer la stabilite.

En enonc,ant cette regle, l'arret attaque ne fait pas application desarticles du Code civil et du principe general du droit precites et nedecide pas que la volonte unilaterale de l'autorite occupant un agent sousstatut, les dispositions legales conferant à cette autorite le pouvoir dedeterminer le statut de cet agent, le reglement de travail ou l'article 2,alinea 2, du reglement litigieux ne sauraient deroger à ces articles ouà ce principe.

Dans la mesure ou il est recevable, le moyen, en ces deux branches, nepeut etre accueilli.

Sur le deuxieme moyen :

Les motifs vainement critiques par le troisieme moyen constituent unfondement distinct et suffisant de la decision de l'arret attaque du 1eroctobre 2010 de ne pas faire application de l'article 2, alinea 2, dureglement de la demanderesse.

Le moyen, qui ne saurait entrainer la cassation de cette decision, estdenue d'interet et, des lors, irrecevable.

Sur le quatrieme moyen :

Quant à la premiere branche :

Dans leurs conclusions d'appel apres reouverture des debats, chacun desdefendeurs demandait les « montants correspondants » à « 48 heuressupplementaires à remunerer ».

L'arret attaque du 4 mars 2011 decide que les defendeurs n'ont pas « eteamenes à prester [d'heures de travail supplementaire] au cours des annees[2004 et 2005] en application [du] systeme de gardes compensatoires [prevupar l'article 2, alinea 2, du reglement de la demanderesse] ».

Il condamne neanmoins cette derniere à payer aux defendeurs « laremuneration à 100 p.c. de toutes les gardes compensatoires qu'ils ontete amenes à prester durant les annees 2004 et 2005 en application del'article 2, alinea 2, du reglement [...], sous deduction des sommeseventuellement payees à ce titre », au motif que, meme si « les gardescompensatoires [...] n'ont pas ete prestees au-delà du regimehebdomadaire de 38 heures de travail », « il ne pourrait etre admis queces prestations de travail ne soient pas remunerees ».

En condamnant de la sorte la demanderesse à payer aux defendeurs laremuneration d'heures de travail non supplementaires, l'arret attaqueviole l'article 1138, 2DEG, du Code judiciaire.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du quatrieme moyen, qui nesaurait entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque du 4 mars 2011 ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, president, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Koen Mestdagh,Mireille Delange, et Antoine Lievens, et prononce en audience publique dudouze mai deux mille quatorze par le president de section ChristianStorck, en presence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Lutgarde Body.

+-----------------------------------------+
| L. Body | A. Lievens | M. Delange |
|-------------+-------------+-------------|
| K. Mestdagh | A. Fettweis | Chr. Storck |
+-----------------------------------------+

12 MAI 2014 S.11.0149.F/3


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.11.0149.F
Date de la décision : 12/05/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-05-12;s.11.0149.f ?
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