Cour de cassation de Belgique
Arret
* NDEG P.13.2055.N
* I. P. A. L. J. M. L.,
prevenu,
demandeur,
Me Raf Verstraeten, avocat au barreau de Bruxelles,
* II. P. A. L. J. M. L.,
prevenu,
demandeur,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
* les deux pourvois contre
L'ORDRE DES MEDECINS VETERINAIRES, ayant elu domicile au siege du conseilregional de l'Ordre des medecins veterinaires,
partie civile,
defendeur.
* I. la procedure devant la cour
VI. VII. Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 21novembre 2013 par la cour d'appel de Gand, chambrecorrectionnelle.
VIII. Les demandeurs font respectivement valoir deux moyenssimilaires dans des memoires distincts annexes au presentarret, en copie certifiee conforme.
IX. Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
X. L'avocat general Marc Timperman a conclu.
II. la decision de la cour
XI. (...)
Sur la recevabilite des pourvois :
1. Confirmant le jugement dont appel, l'arret declare prescritel'action publique exercee du chef de la prevention C etirrecevable l'action publique exercee du chef de laprevention I3. En ce qui concerne le demandeur I, il declareles faits des preventions A1, A2, B1 (pour le medicamentEstrumante), B2, D5, D8, E1, E7 et I2, non etablis etl'acquitte de ces chefs et le met hors cause sans frais. Ence qui concerne le demandeur II, il declare les faits sousles preventions D1, D3 (uniquement les 6 novembre 2007, 4decembre 2007 et 23 janvier 2008), D6, D8, E2, E3, E4, E6,E7, F1, G2, I1 et I2 non etablis, l'acquitte de ces chefs etle met hors cause sans frais.
Dans la mesure ou ils sont egalement diriges contre ces decisions,les pourvois des demandeurs, chacun en ce qui les concerne, sontirrecevables, à defaut d'interet.
Sur le premier moyen :
2. Le moyen invoque la violation des articles 105, 108 de laConstitution, et 6, S:S: 1er et 2, de la loi du 28 aout 1991sur l'exercice de la medecine veterinaire : l'arret decide,à tort, que les dispositions de l'article 3, S: 1er, alinea3, et S: 3, alinea 2, de l'arrete royal du 10 avril 2000portant des dispositions relatives à la guidance veterinairesont legales lorsque celles-ci permettent qu'il soit derogeà la liberte d'un responsable de choisir le veterinaireagree avec lequel un contrat de guidance veterinaire a eteconclu ; contrairement à la premisse des juges d'appel, ilresulte de l'article 6, S: 1er, de la loi du 28 aout 1991 quele responsable jouit d'une totale liberte à ce niveau ; cecaractere absolu a ete expressement confirme au cours de lagenese de la loi du 28 aout 1991 et egalement mise en exerguepar la Cour constitutionnelle par son arret nDEG 16/2013 du21 fevrier 2013 ; la competence que le legislateur confere auRoi par l'article 6, S: 2, de cette meme loi, concernantl'effet plus precis du regime de l'accompagnement veterinairene permet pas de deroger à la liberte absolue du responsabledans le choix du veterinaire agree.
3. L'article 1er, 3DEG, de la loi du 28 aout 1991 dispose : « Pourl'application de la presente loi, on entend par 3DEG responsable : leproprietaire ou le detenteur qui exerce une gestion et unesurveillance habituelles et directes sur des animaux ».
L'article 6 de cette meme loi dispose :
« S: 1er. Une convention ecrite de guidance veterinaire peut etreconclue entre un medecin veterinaire agree ou une personne moraleveterinaire agreee conformement à l'article 4, alinea 4, de lapresente loi et un responsable. Un organisme, un institutuniversitaire ou un etablissement scientifique reconnu par leministre qui a la sante publique dans ses attributions peut, soit desl'elaboration de la convention ecrite, soit lors de l'execution decelle-ci, etre associe à la guidance. La convention ecrite doit etrecommuniquee par le medecin veterinaire ou la personne moraleveterinaire charge de la guidance au Conseil regional de l'Ordre desmedecins veterinaires.
S: 2. Le Roi peut, apres consultation du Conseil superieur de l'Ordredes medecins veterinaires et du Conseil national de l'Agriculture,fixer les conditions auxquelles les differentes formes de guidanceveterinaire doivent repondre, notamment en ce qui concerne lafourniture de medicaments par le medecin veterinaire charge de laguidance et la detention ainsi que l'administration de cesmedicaments par le responsable.
Il peut, selon la meme procedure, fixer certaines regles relativesaux droits et obligations reciproques des parties.
Il peut, selon la meme procedure, fixer des mesures de controle ».
4. L'article 3, S: 1er, alineas 1er et 3, de l'arrete royal du 10avril 2000 dispose :
« Tout responsable peut designer un veterinaire agree conformementà l'article 4, alinea 4, de la loi, comme medecin veterinaire chargede la guidance. Le veterinaire agree peut refuser cette designation.(...)
Si pour une espece donnee, une convention ecrite en vue de lasurveillance epidemiologique et de la prevention des maladies àdeclaration obligatoire est conclue entre le responsable et unveterinaire agree, la convention de guidance pour cette meme especedoit obligatoirement etre conclue avec le meme veterinaire agree. »
5. L'article 1er, 1DEG et 2DEG, de l'arrete royal du 28 fevrier 1999portant des mesures speciales en vue de la surveillanceepidemiologique et de la prevention des maladies de bovins àdeclaration obligatoire dispose : « Pour l'application du presentarrete, il faut entendre par : 1DEG Responsable : le detenteur quiexerce une gestion et une surveillance habituelles et directes surles bovins ; 2DEG Veterinaire d'exploitation : veterinaire agree,designe par le responsable conformement aux dispositions de l'article2, pour executer les controles reglementaires dans l'entitegeographique et les interventions prophylactiques sur les bovins dutroupeau ».
L'article 2, S: 1er, alinea 1er, premiere phrase, de ce meme arreteroyal dispose : « Tout responsable est tenu de designer unveterinaire d'exploitation ».
6. Il ressort de l'article 6, S: 1er, de la loi du 28 aout 1991relative à l'exercice de la medecine veterinaire et de la genese decette loi que le responsable par espece animale choisit librement lemedecin veterinaire agree avec lequel il souhaite conclure uneconvention ecrite de guidance veterinaire.
Il n'est pas deroge à cette liberte de choix tant en ce qui concernela conclusion d'une convention de guidance veterinaire qu'en ce quiconcerne le medecin veterinaire agree par la disposition de l'article3, S: 1er, alinea 3 de l'arrete royal du 10 avril 2000. Leresponsable dispose aussi de la liberte de choisir un veterinaired'exploitation avec lequel il conclut une convention ecrite en vue dela surveillance epidemiologique et de la prevention des maladies àdeclaration obligatoire.
7. Il ressort des termes de l'article 6, S: 2, de la loi du 28 aout1991, de la genese de cette loi et des objectifs poursuivis par lelegislateur qu'en vertu de l'article 6, S: 2, precite combine àl'article 3, S: 1er, alinea 3, de l'arrete royal du 10 avril 2000, leRoi pouvait determiner que si le responsable veut conclure uneconvention ecrite avec un medecin veterinaire agree en vue de laguidance veterinaire et qu'il a dejà conclu une convention avec unmedecin veterinaire agree qu'il a librement choisi pour collaborercomme veterinaire d'exploitation à la surveillance epidemiologiqueet à la prevention des maladies à declaration obligatoire, laguidance veterinaire doit aussi etre assuree par ce medecinveterinaire agree.
Le moyen, qui est deduit d'une autre premisse juridique, manque endroit.
Sur le second moyen :
Quant à la premiere branche :
8. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 1er,5DEG, de la loi du 28 aout 1991 sur l'exercice de la medecineveterinaire : en decidant que l'existence prealable de contacts plusqu'occasionnels et sporadiques avec la societe est une condition pourdesigner le veterinaire d'exploitation agree qui est le plus habiliteà conclure une convention de guidance veterinaire, l'arret ajouteune condition qui ne figure pas dans le descriptif de la notion deguidance veterinaire prevue à l'article 1er, 5DEG, de la loi du 28aout 1991 ni n'en resulte.
9. Les juges d'appel ont fonde leur decision selon laquelle la doublefonction de veterinaire d'exploitation et de veterinaire charge de laguidance n'est nullement contraire à l'objectif du legislateur,notamment sur la consideration que le veterinaire d'exploitationentretient les liens les plus etroits avec l'exploitation et est lapersonne ideale pour proceder de fac,on optimale et effective à laprevention visee par le legislateur, à l'exclusion de toute autrepersonne qui, sans etre le veterinaire d'exploitation, a des contactsdavantage occasionnels et sporadiques avec l'exploitation. Par cemotif, l'arret n'ajoute pas une condition au descriptif de la notionde guidance veterinaire prevue à l'article 1er, 5DEG, de la loi du28 aout 1991.
Le moyen, en cette branche, se fonde sur une lecture erronee del'arret et manque, par consequent, en fait.
Quant à la deuxieme branche :
10. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 1,2DEG, 3, 4 et 5 de l'arrete royal du 28 fevrier 1999 portant desmesures speciales en vue de la surveillance epidemiologique et de laprevention des maladies de bovins à declaration obligatoire : aumotif qu'un veterinaire d'exploitation entretient des contacts plusqu'occasionnels et sporadiques avec l'exploitation du responsable eta meme les liens les plus etroits, l'arret viole la notion legale deveterinaire d'exploitation telle que decrite à l'article 1er, 2DEG,de l'arrete royal du 28 fevrier 1999 et lie aux articles 3, 4 et 5dudit arrete royal des consequences qui ne peuvent leur etreassociees.
11. L'article 1er, 2DEG, de l'arrete royal du 28 fevrier 1999 prevoitque, pour l'application de cet arrete, par veterinaire d'exploitationil faut entendre le veterinaire agree, designe par le responsableconformement aux dispositions de l'article 2, pour executer lescontroles reglementaires dans l'entite geographique et lesinterventions prophylactiques sur les bovins du troupeau.
Selon l'article 2, S: 1er, alinea 2, troisieme phrase, de ce memearrete royal, un veterinaire agree peut conclure au maximum centconventions visees par ledit arrete royal avec des responsables.
L'article 3, S: 1er, dudit arrete royal impose au responsable defaire appel au veterinaire d'exploitation dans les quarante-huitheures de l'introduction d'un nouveau bovin dans un local d'isolementde son entite geographique. L'article 4, S: 1er, oblige leresponsable à faire immediatement appel au veterinaired'exploitation qu'il a designe lorsqu'il constate un ou plusieursanimaux presentant une salivation anormale. L'article 5, S: 1er,impose au responsable, lorsqu'il observe chez un bovin de sontroupeau tout signe de maladie contagieuse, de faire appelimmediatement au veterinaire d'exploitation qu'il a designe.
12. Les juges d'appel ont fonde la decision selon laquelle la doublefonction de veterinaire d'exploitation et de veterinaire charge de laguidance n'est nullement contraire à l'objectif du legislateur,notamment sur la consideration que le veterinaire d'exploitationentretient des liens les plus etroits avec l'exploitation et est lapersonne ideale pour proceder de fac,on optimale et effective à laprevention visee par le legislateur, à l'exclusion de toute autrepersonne qui, sans etre le veterinaire d'exploitation, a des contactsdavantage occasionnels et sporadiques avec l'exploitation. Par cemotif, ils n'ont pas viole la notion legale de veterinaired'exploitation telle que decrite à l'article 1er, 2DEG, de l'arreteroyal du 28 fevrier 1999 ni n'ont lie aux articles 3, 4 et 5 duditarrete royal des consequences qui ne peuvent leur etre associees.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la troisieme branche :
13. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles1er, 5DEG, de la loi du 28 aout 1991 sur l'exercice de la medecineveterinaire et 1er, 2DEG, de l'arrete royal du 28 fevrier 1999portant des mesures speciales en vue de la surveillanceepidemiologique et de la prevention des maladies de bovins àdeclaration obligatoire : l'arret decide, de maniere implicite maiscertaine, que la guidance veterinaire suppose egalement que leveterinaire agree le plus habilite dans cette mission est leveterinaire qui habite dans les environs de l'exploitation et que telest ipso facto le cas du veterinaire d'exploitation ; le lieu ou estetabli le veterinaire ne constitue neanmoins pas un critere dans lechoix du veterinaire agree en charge de la guidance veterinaire ;ainsi, l'arret viole les notions de guidance veterinaire et deveterinaire d'exploitation.
14. La decision de l'arret selon laquelle le cumul fait par l'article3, S: 1er, alinea 3, de l'arrete royal du 28 fevrier 1999 entreveterinaire d'exploitation et veterinaire charge de la guidance n'estpas contraire à l'objectif du legislateur, se fonde essentiellementsur la constatation que ces deux fonctions ont une finalitepreventive et que le veterinaire d'exploitation a les liens les plusetroits avec l'exploitation et se trouve ainsi etre la personneideale pour realiser de fac,on optimale la prevention visee par lelegislateur.
La consideration relative à la situation geographique du veterinaireconcerne un motif surabondant.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la quatrieme branche :
15. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article1er, 5DEG, de la loi du 28 aout 1991 : en decidant qu'il resulte dela concordance dans la finalite de la prevention que les qualites deveterinaire d'exploitation et de veterinaire agree charge de laguidance veterinaire doivent etre associes, l'arret viole les notionsde guidance veterinaire au sens de l'article 1er, 5DEG, de la loi du28 aout 1991 et de surveillance epidemiologique au sens de l'article1er, 5DEG, de l'arrete royal du 28 fevrier 1999 ; la disciplinescientifique qu'est l'epidemiologie veterinaire ne se conjugue pasavec la surveillance epidemiologique telle qu'elle est regie parl'arrete royal du 28 fevrier 1999 ; les differentes obligationslegales du veterinaire d'exploitation et du veterinaire charge de laguidance permettent parfaitement que l'ensemble de leurs tachesrespectives soient remplies par differents veterinaires ; eu egard àla finalite distincte des deux fonctions, une interdiction de cumuls'avererait beaucoup plus logique.
16. L'arret fonde le cumul critique par le moyen, en cette branche,non seulement sur la finalite de prevention des deux fonctions, maisegalement sur le fait que la guidance doit etre developpee de lafac,on la plus optimale et que le lien entre exploitation etveterinaire charge de la guidance ne peut etre occasionnel ousporadique.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, se fonde sur unelecture incomplete de l'arret et manque en fait.
17. Il resulte du descriptif de la notion de guidance veterinaire del'article 1er, 5DEG, de la loi du 28 aout 1991 et des missions duveterinaire d'exploitation ensuite de l'arrete royal du 28 fevrier1999 que les taches tant du veterinaire d'exploitation que duveterinaire charge de la guidance ont la meme finalite, à savoir laprevention. La circonstance que le veterinaire d'exploitation exerceegalement une tache de controle n'y fait pas obstacle.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etreaccueilli.
Quant à la cinquieme branche :
18. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 10et 11 de la Constitution : le cumul admis par l'arret des qualites deveterinaire d'exploitation et de veterinaire charge de la guidanceviole le principe d'egalite ; le critere enonce à l'article 3, S:1er, alinea 3, et S: 3, de l'arrete royal du 28 fevrier 1999 de laconclusion ou non d'une convention avec un eleveur responsabledetermine en vue de la surveillance epidemiologique et de laprevention des maladies à declaration obligatoire n'est paspertinent à la lumiere de l'objectif poursuivi par le legislateuravec le regime de guidance veterinaire ; tout medecin veterinaire estcense pouvoir s'acquitter de maniere adequate des taches attendues delui dans le cadre de la guidance veterinaire, ainsi que le reconnaitla Cour constitutionnelle par l'arret nDEG 16/2013 du 21 fevrier2013.
19. A la lumiere des objectifs du legislateur, à savoir developperune guidance veterinaire efficace et eviter les contacts occasionnelsou sporadiques entre l'exploitation et le veterinaire choisi, etcompte tenu de la finalite de prevention des fonctions de veterinaired'exploitation et veterinaire charge de la guidance, le critere duchoix dejà porte sur un veterinaire d'exploitation dans laconclusion d'une convention au sens de l'arrete royal du 28 fevrier1999 est pertinent pour y associer la qualite de veterinaire chargede la guidance.
L'arret peut ainsi legalement decider que ce cumul ne constitue pasune violation du principe d'egalite.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Le controle d'office
20. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nulliteont ete observees et les decisions sont conformes à la loi.
Par ces motifs,
* * La Cour
* Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le president de section Paul Maffei, les conseillersFilip Van Volsem, Alain Bloch, Peter Hoet et Erwin Francis, etprononce en audience publique du six mai deux mille quatorze par lepresident de section Paul Maffei, en presence de l'avocat generalMarc Timperman, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
6 MAI 2014 P.13.2055.N/1