Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.13.1291.N
A. V., ...
prevenu,
demandeur,
Mes Raoul Kerstens et Luc Arnou, avocats au barreau de Bruges,
contre
SNCB, societe anonyme de droit public,
partie civile,
defenderesse.
I. la procedure devant la cour
Le pourvoi est dirige contre le jugement rendu le 19 juin 2013 par letribunal de premiere instance de Bruges, statuant en degre d'appel.
Le demandeur fait valoir quatre moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat general Marc Timperman a conclu.
II. la decision de la cour
Sur le premier moyen :
Quant à la seconde branche :
1. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 195,alinea 1er, du Code d'instruction criminelle et 1er de la loi du 6mars 1818 concernant les peines à infliger pour les contraventionsaux mesures generales d'administration interieure, ainsi que lespeines qui pourront etre statuees par les reglements des autoritesprovinciales ou communales : le jugement ne permet pas à la Cour deverifier si la declaration de culpabilite du demandeur est legalementetablie ; la motivation ne permet effectivement pas de deduire lesdispositions legales que les juges d'appel ont pris en considerationà cet egard ; le jugement n'est ainsi pas legalement justifie ; deplus, il n'enonce pas toutes les dispositions legales relatives à lapeine appliquee ; il mentionne certes les articles 15, S: 1er, alinea1er, et 18, S: 1er, de l'arrete royal du 20 decembre 2007 portantreglement de police sur les chemins de fer et l'article 1er de la loidu 6 mars 1818, mais pas l'article 3 de la loi du 12 avril 1835concernant les peages et les reglements de police sur les chemins defer ; seule la reference faite par cette disposition legale àl'article 1er de la loi du 6 mars 1818 rend cette derniere dispositionapplicable.
2. L'article 195, alinea 1er, du Code d'instruction criminelle prevoitque tout jugement de condamnation enonce la disposition de la loi dontil est fait application.
Toute decision de condamnation doit enoncer les dispositions legales quicomportent les elements constitutifs de l'infraction declaree etablie etdont il ressort que le fait est legalement punissable, ainsi que lesdispositions legales qui fixent une peine pour ce fait.
3. Le jugement qui declare le demandeur coupable et le punit du chefd'avoir, en tant que voyageur, conformement aux conditions generalesde transport de l'entreprise ferroviaire concernee, accede auxvehicules ferroviaires et aux quais, sans detenir un titre detransport valable ou de ne s'etre pas conforme à ces conditionsgenerales de transport en s'en procurant un, fait notamment referenceaux articles 15, S: 1er, alinea 1er, et 18, S: 1er, de l'arrete royaldu 20 decembre 2007 et à l'article 1er de la loi du 6 mars 1818.
4. L'article 15, S: 1er, alinea 1er, de l'arrete royal du 20 decembre2007 prevoit que les vehicules ferroviaires et les quais ne sontaccessibles qu'aux voyageurs qui, conformement aux conditionsgenerales de transport de l'entreprise ferroviaire concernee,detiennent un titre de transport valable ou qui se conforment auxconditions generales de transport en s'en procurant un.
L'article 18, S: 1er, de ce meme arrete dispose que toute infraction auxdispositions du present arrete est punissable, conformement à l'article 3de la loi du 12 avril 1835 concernant les peages et les reglements depolice sur les chemins de fer, meme si elle a ete commise parinadvertance.
L'article 3 de la loi du 12 avril 1835 prevoit que le gouvernement pourradeterminer les peines, conformement à la loi du 6 mars 1818, pourreprimer les infractions aux reglements de police sur les chemins de fer.
L'article 1er, alinea 1er, de la loi du 6 mars 1818 dispose que lesinfractions aux arretes royaux à l'egard desquelles les lois n'ont pointdetermine ou ne determineront pas les peines particulieres seront puniesd'un emprisonnement de huit jours à quatorze jours et d'une amende devingt-six à deux cents francs ou de l'une de ces peines seulement.
5. En indiquant les articles 15, S: 1er, alinea 1er, et 18, S: 1er, del'arrete royal du 20 decembre 2007 et l'article 1er de la loi du 6mars 1818, le jugement enonce non seulement les dispositions de la loidont il est fait application et qui comportent les elementsconstitutifs de l'infraction du chef de laquelle le demandeur a etedeclare coupable, mais egalement celles qui fixent la peine appliquee.
6. Pour satisfaire à l'article 195, alinea 1er, du Code d'instructioncriminelle, le jugement ne doit pas necessairement mentionner la loidu 12 avril 1835 qui fait reference à l'article 1er de la loi du 6mars 1818 quant à lui enonce et lequel fixe la peine applicable.
7. Pour satisfaire à l'article 195, alinea 1er, du Code d'instructioncriminelle, le jugement attaque ne doit pas davantage enoncer lesdispositions applicables des conditions generales de la defenderesse,ni les dispositions legales relatives au caractere obligatoire de cesconditions generales.
8. Il ne resulte pas de l'enonciation de dispositions legales abrogeesque le jugement attaque qui enonce neanmoins de telles dispositions dela loi applicables, n'observe pas l'article 195, alinea 1er, du Coded'instruction criminelle ou que la Cour ne pourrait exercer soncontrole de la legalite.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la premiere branche :
9. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 149 dela Constitution : le jugement attaque fonde la declaration deculpabilite du demandeur partiellement sur des dispositions de loiexistantes et partiellement sur d'autres abrogees ; le jugementattaque fait reference aux articles 3 et 10 de l'arrete royal du 4avril 1895, lesquels ont pourtant ete abroges à compter du 14 aout2008 par l'article 1er de l'arrete royal du 13 juin 2008 ; il faitreference au reglement general de la defenderesse qui n'etait pasdavantage applicable au moment des faits ; en ce qui concerne lapublication des tarifs dans le Moniteur belge, il fait reference àl'article 13 de la loi du 10 septembre 1807 (du Code de Commerce,Titre VIIbis) qui n'existe plus, à l'arrete royal du 20 decembre 2007et aux conditions generales de transport de la demanderesse de 2009 et2010 ; ces dispositions legales ne peuvent etre conjointementinvoquees ; elle ne permettent pas davantage de savoir quellesdispositions fondent la culpabilite du demandeur ; ainsi, le jugementattaque est contradictoirement motive, ce qui equivaut à un defaut demotivation.
10. Le jugement attaque (...) fonde la declaration de culpabilite dudemandeur notamment sur l'article 15, S: 1er, alinea 1er, de l'arreteroyal du 20 decembre 2007. L'indication des articles 3 et 10 del'arrete royal abroge du 4 avril 1895 (...) ne constitue pas unecontradiction.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
11. Le jugement attaque (...) decide que : « (...) En l'espece, lesconditions generales du 1er decembre 2009 (applicables à partir du 3decembre 2009) et publiees au Moniteur belge du 30 novembre 2009) sontapplicables aux preventions A à H et les conditions generales du 1erfevrier 2010 (applicables à partir du 1er juin 2010) et publiees auMoniteur belge du 14 juin 2010, sont en vigueur ». Ainsi, le jugementattaque indique que les conditions generales de transport du 1erdecembre 2009 sont applicables aux preventions A à H et lesconditions du 1er fevrier 2010 sont applicables aux preventions I àM.
L'indication dans le jugement (...) que le reglement general de ladefenderesse specifie davantage les obligations du voyageur voulant faireusage des infrastructures ferroviaires et fixe notamment les tarifs envigueur ainsi que les supplements administratifs, n'est pas en soicontradictoire.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.
12. L'article 13 de la loi du 25 aout 1891 portant revision du titre duCode de commerce concernant les contrats de transport, tel queremplace par l'article 165, 2DEG, de la loi du 21 mars 1991, disposeque les tarifs applicables au transport de personnes en serviceinterieur sont publies au Moniteur belge par voie d'avis.
Le jugement (...) enonce l'article 13 de la loi du 10 septembre 1807,selon lequel les tarifs applicables au transport de personnes en serviceinterieur sont publies au Moniteur belge. Il decide egalement que lessupplements ne representent pas une sanction, mais font partie des tarifsvises à l'article 13 de la loi du 10 septembre 1807.
Le renvoi à la loi du 10 septembre 1807 au lieu de la loi du 25 aout 1891n'implique pas de contradiction ni de defaut de motivation au sens del'article 149 de la Constitution.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Sur le quatrieme moyen :
13. Le moyen invoque la violation des articles 1.6, 31, 32, 33 de la loidu 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'informationet la protection du consommateur, 2, 1DEG, 73, 74 et 75 de la loi du 6avril 2010 relative aux pratiques du marche et à la protection duconsommateur : le jugement decide, à tort, que les lois enoncees dansle moyen ne sont pas applicables et que les supplements nerepresentent pas une sanction, mais qu'ils font partie des tarifs,contrairement à ce qu'il ressort de la loi du 6 avril 2010, telqu'interpretee par la Cour constitutionnelle ; la defenderesse est unvendeur au sens de la loi du 14 juillet 1991 et une entreprise au sensde la loi du 6 avril 2010 ; ses conditions doivent egalementsatisfaire aux dispositions desdites lois et les supplements doiventetre consideres comme des clauses abusives au sens des articles 32.15et 32.21 de la loi du 14 juillet 1991 et 74, 17DEG et 24DEG, de la loidu 6 avril 2010.
14. L'article 1.6.b) de la loi du 14 juillet 1991 dispose que, pourl'application de cette loi, il faut entendre par vendeur, lesorganismes publics ou les personnes morales dans lesquelles lespouvoirs publics detiennent un interet preponderant qui exercent uneactivite à caractere commercial, financier ou industriel et quioffrent en vente ou vendent des produits ou des services.
L'article 31, S: 2, 2DEG, de la loi du 14 juillet 1991 dispose que pourl'application de la section 2 « Des clauses abusives », il faut entendrepar vendeur non seulement les personnes visees à l'article 1er, 6, maisaussi toute autre personne physique ou morale, à l'exception destitulaires d'une profession liberale telle que definie à l'article 2,1DEG, de la loi du 3 avril 1997 relative aux clauses abusives dans lescontrats conclus avec leurs clients par les titulaires de professionsliberales, qui, dans un contrat conclu avec un consommateur, agit dans lecadre de son activite professionnelle.
L'article 32 de la loi du 14 juillet 1991 enumere les clauses abusivesdans les contrats conclus entre un vendeur et un consommateur.
L'article 33 de cette meme loi regit la sanctionnabilite des clausesabusives.
15. La Cour constitutionnelle a decide, par arret nDEG 159/2005 du 26octobre 2005, que, seulement s'ils sont interpretes comme n'excluantpas du champ d'application de la loi du 14 juillet 1991 sur lespratiques du commerce et sur l'information et la protection duconsommateur, la defenderesse, pour ses prestations de service public,les articles 1.6.b), 31, 32 et 33 de cette loi, lus conjointement,sont compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
16. L'article 2, 1DEG, de la loi du 6 avril 2010 prevoit que, pourl'application de cette loi, on entend par entreprise toute personnephysique ou personne morale poursuivant de maniere durable un buteconomique, y compris ses associations.
L'article 74 de cette meme loi enumere les clauses dans les contratsconclus entre une entreprise et un consommateur qui sont en tout casabusives.
L'article 75 de cette meme loi regit la sanctionnabilite des clausesabusives.
17. Il resulte de ce qui precede que les dispositions legales enonceesdans le moyen s'appliquent aux clauses figurant dans les conventionsconclues entre la defenderesse et un consommateur relatives auxmajorations en cas de non-paiement ou de paiement tardif du prix dutransport.
18. Le jugement attaque qui decide que l'argument de l'applicabilite de laloi du 14 juillet 1991 ne peut etre suivi et que les supplements nerepresentent pas une sanction, mais font partie des tarifs que ledemandeur n'a pas respectes, n'est pas legalement justifie.
Le moyen est fonde.
Le moyen pris d'office :
Disposition legale violee :
- article 202, 1DEG, du Code d'instruction criminelle.
19. L'indemnite visee à l'article 91, alinea 2, de l'arrete royal du 28decembre 1950 portant reglement general sur les frais de justice enmatiere repressive est une indemnite complementaire que le juge esttenu de prononcer à charge de tout condamne en matiere criminelle,correctionnelle ou de police. Elle a un caractere propre et neconstitue pas une peine.
La condamnation au paiement de cette indemnite est limitee à l'effetrelatif de l'appel. L'interdiction pour le juge d'aggraver la situation decelui qui interjette appel seul, a pour consequence que la condamnationd'office complementaire au paiement de cette indemnite ne peut etremajoree sur le seul appel du prevenu.
20. Le jugement dont appel condamne le demandeur à l'indemnite visee àl'article 91, alinea 2, de l'arrete royal du 28 decembre 1950. Sur le seulappel du demandeur, le jugement attaque condamne le demandeur à titrecomplementaire à 18,93 euros, de sorte que l'indemnite visee à l'article91, alinea 2, dudit arrete royal s'eleve à 51,20 euros. Cette majorationviole la disposition legale enoncee dans le moyen.
Sur les autres moyens :
21. Il n'y a pas lieu de repondre aux autres moyens qui ne sauraiententrainer une cassation plus etendue ou sans renvoi.
Le controle d'office
22. Pour le surplus, les formalites substantielles ou prescrites à peinede nullite ont ete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque, en tant qu'il :
- augmente l'indemnite visee à l'article 91, alinea 2, de l'arrete royaldu 28 decembre 1950, telle qu'infligee par le jugement dont appel, de32,27 euros à 51,20 euros ;
- statue sur l'action civile de la defenderesse ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne le demandeur à deux cinquiemes des frais ;
Condamne la defenderesse à deux cinquiemes des frais ;
Laisse le dernier cinquieme à charge de l'Etat ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi, en tant que la cassation concerne ladecision rendue sur l'indemnite visee à l'article 91, alinea 2, del'arrete royal du 28 decembre 1950 ;
Pour le surplus, renvoie la cause, limitee à l'action civile, au tribunalcorrectionnel de la province de Flandre occidentale, siegeant en degred'appel et autrement compose.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Maffei, les conseillers Filip VanVolsem, Alain Bloch, Peter Hoet et Erwin Francis, et prononce en audiencepublique du six mai deux mille quatorze par le president de section PaulMaffei, en presence de l'avocat general Marc Timperman, avec l'assistancedu greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
6 MAI 2014 P.13.1291.N/1