Cour de cassation de Belgique
Arret
497
NDEG C.13.0026.F
1. L. A.,
2. ARCHIVES ET CENTRE CULTUREL A., association sans but lucratif dont lesiege est etabli à Enghien, rue de l'Yser, 8,
demandeurs en cassation,
representes par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,
contre
MEMORIAL C. A., association sans but lucratif dont le siege est etabli àEnghien, rue des Capucins, 5,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 24 septembre2012 par la cour d'appel de Mons.
Le president de section Albert Fettweis a fait rapport.
Le premier avocat general Jean-Franc,ois Leclercq a conclu.
II. Les moyens de cassation
Les demandeurs presentent deux moyens libelles dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions legales violees
- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;
- article 18 de la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans butlucratif, les associations internationales sans but lucratif et lesfondations ;
- article 17 du Code judiciaire.
Decisions et motifs critiques
L'arret declare irrecevable la demande du demandeur tendant à ladissolution judiciaire de la defenderesse sur la base de l'article 18 dela loi du 27 juin 1921, à defaut d'un interet direct et personnel àagir.
L'arret fonde sa decision sur les motifs qu'il indique sub VI« Recevabilite de la demande principale originaire » et, plusparticulierement, sur les considerations suivantes :
« B. (Le demandeur) fait valoir, en vantant l'article 3 des statuts de(la defenderesse), que le but des activites de celle-ci est de conserverle patrimoine culturel et artistique des Freres mineurs capucins et de laSerenissime Maison A. ;
Il releve que les personnes visees par la finalite d'une association (`legroupe-cible') ont un interet à agir, etant leur vocation à recevoir unenrichissement indirect ;
Il ajoute que, pour que ces personnes puissent agir en dissolution, ilsuffit que le comportement reproche (en l'espece, l'usage abusif de lapersonnalite morale) mette leur interet en peril (en l'espece, la vocationdu groupe-cible à recevoir un enrichissement indirect) ;
Il precise qu'il fait partie de la Serenissime Maison A., en ajoutantqu'il est aujourd'hui porteur du titre, depuis le deces de son peresurvenu en date du 15 aout 2011 ;
Il considere que cette qualite de membre de la Serenissime Maison A.suffit à justifier de l'interet requis pour agir en dissolution, des lorsqu'il appartient au `groupe-cible' vise par la finalite de (ladefenderesse) ;
C. Le `tiers interesse' pouvant agir en dissolution judiciaire sur la basede l'article 18 de la loi du 27 juin 1921 est celui qui peut justifierd'un interet au sens de l'article 17 du Code judiciaire ;
L'interet consiste en tout avantage - materiel ou moral - effectif maisnon theorique que le demandeur peut retirer de la demande au moment ou illa forme ;
L'interet doit etre ne et actuel, un interet eventuel ne suffisant pas ;
L'interet doit en outre etre direct et personnel ;
L'article 3 des statuts de (la defenderesse) precise qu'elle a pour objet`de conserver et de developper le site de l'ancien couvent des capucins àEnghien afin de l'amenager comme depot du patrimoine culturel etartistique des Freres mineurs capucins flamands et (de) la Maisonserenissime A. et de l'ouvrir au grand public, et d'encourager ledeveloppement dans toutes les articulations sociales, scientifiques etculturelles' ;
L'objet de l'association est ainsi la conservation d'un site biendetermine, etant l'ancien couvent des capucins à Enghien ;
Il ne ressort pas des statuts vantes que les divers membres de la familleA. seraient vises par la finalite de l'association et auraient vocation àrecevoir un enrichissement indirect ;
Il appartient (au demandeur) de demontrer qu'il a bien un interetpersonnel et direct à agir en dissolution ;
Il n'est pas conteste qu'il n'a aucun lien de droit avec (la defenderesse)et n'en est pas membre ;
Sa seule appartenance à la famille A. ne suffit pas à lui conferer uninteret personnel à agir en dissolution ;
Le fait qu'il soit, ou non, devenu porteur du titre n'y change rien ;
Il ne revendique pas la qualite de representant de la Maison serenissimeA. (...) ;
Enfin, l'existence d'une crypte sous l'eglise du couvent, ou seraiententerres des aieux, ne suffit pas davantage à lui conferer l'interetrequis pour agir en dissolution de l'association ;
Il s'ensuit que c'est à bon droit que le premier juge a considere sademande comme irrecevable ».
Griefs
La demande du demandeur tendait à la dissolution judiciaire de ladefenderesse sur la base de l'article 18 de la loi du 27 juin 1921. Ilconsiderait que la vente du couvent intervenue le 4 octobre 2007constituait une contravention grave à la loi et aux statuts de ladefenderesse.
L'arret declare cette demande irrecevable, à defaut d'un interet directet personnel à agir.
Apres avoir enonce, en se referant à l'article 3 des statuts de ladefenderesse, que l'objet de celle-ci est « de conserver et de developperle site de l'ancien couvent des capucins à Enghien afin de l'amenagercomme depot du patrimoine culturel et artistique des Freres mineurscapucins flamands et (de) la Maison serenissime A. et de l'ouvrir au grandpublic, et d'encourager le developpement dans toutes les articulationssociales, scientifiques et culturelles », l'arret releve :
- que l'objet de l'association est la conservation d'un site biendetermine, etant l'ancien couvent des capucins à Enghien ;
- qu'il ne ressort pas des statuts vantes que les divers membres de lafamille A. seraient vises par la finalite de l'association et auraientvocation à recevoir un enrichissement indirect ;
- qu'il appartient au demandeur de demontrer qu'il a bien un interetpersonnel et direct à agir en dissolution ;
- qu'il n'est pas conteste que le demandeur n'a aucun lien de droit avecla defenderesse et n'en est pas membre ;
- que sa seule appartenance à la famille A. ne suffit pas à lui confererun interet personnel à agir en dissolution ;
- que le fait qu'il soit, ou non, devenu porteur du titre n'y change rien;
- qu'il ne revendique pas la qualite de representant de la SerenissimeMaison A.,
- et que l'existence d'une crypte sous l'eglise du couvent, ou seraiententerres des aieux, ne suffit pas davantage à lui conferer l'interetrequis pour agir en dissolution de l'association.
Premiere branche
1. Les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil interdisent au juge demeconnaitre la foi due aux actes sur lesquels il fonde sa decision. Lejuge meconnait la foi due à un acte s'il donne de cet acte uneinterpretation qui est inconciliable avec ses termes et sa portee. Tel estle cas si le juge decide que l'acte contient une affirmation qui ne s'ytrouve pas ou s'il refuse de lui attribuer une affirmation qui s'y trouve.
2. En vertu de l'article 3 des statuts de la defenderesse,« l'association a pour objet de conserver et de developper le site del'ancien couvent des capucins à Enghien afin de l'amenager comme depot dupatrimoine culturel et artistique des Freres mineurs capucins flamands et(de) la Maison serenissime A. et de l'ouvrir au grand public, etd'encourager le developpement dans toutes les articulations sociales,scientifiques et culturelles ».
Il resulte ainsi de cet article que le but (donc la « finalite ») de ladefenderesse est notamment la conservation du patrimoine culturel etartistique de la Serenissime Maison A. et que les personnes qui fontpartie de la Serenissime Maison A. - donc les membres de la famille A. -ont vocation à beneficier de l'enrichissement indirect procure par cettefacette de la finalite sociale (des lors qu'elles sont, à ce titre,detentrices de ce patrimoine culturel et artistique), sans qu'ils doiventagir comme representants de l'ensemble des membres de cette famille.
3. L'arret declare la demande du demandeur irrecevable à defaut d'uninteret direct et personnel à agir, en considerant, en se referant àl'article 3 des statuts de la defenderesse, que « l'objet del'association est (...) la conservation d'un site bien determine, etantl'ancien couvent des capucins à Enghien », et « qu'il ne ressort pasdes statuts vantes que les divers membres de la famille A. seraient visespar la finalite de l'association et auraient vocation à recevoir unenrichissement indirect ».
L'arret releve egalement que la seule appartenance du demandeur à lafamille A. ne suffit pas à lui conferer un interet personnel à agir endissolution, que le fait qu'il soit, ou non, devenu porteur du titre n'ychange rien et qu'il ne revendique pas la qualite de representant de laSerenissime Maison A.
4. En considerant que l'objet de l'association est la conservation du sitede l'ancien couvent des capucins à Enghien et qu'il ne ressort pas desstatuts de la defenderesse que les divers membres de la famille A.seraient vises par la « finalite » de l'association et auraient vocationà recevoir un enrichissement indirect, alors qu'il resulte de l'article 3des statuts de la defenderesse que le but (et donc la « finalite ») dela defenderesse est notamment la conservation du patrimoine culturel etartistique de la Serenissime Maison A. et donc que les personnes physiquesqui font partie de la Serenissime Maison A. sont visees - à tout le moinsindirectement - par cette finalite, l'arret refuse de lire dans cetarticle une enonciation qui s'y trouve et donne des lors de celui-ci uneinterpretation inconciliable avec ses termes, partant, viole la foi quilui est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).
S'il doit etre interprete comme considerant qu'est seul vise par lafinalite de la defenderesse - entendue comme etant la conservation dupatrimoine culturel et artistique de la Serenissime Maison A. - lerepresentant de la Serenissime Maison A. agissant au nom et pour le comptede l'ensemble des membres de cette famille, alors qu'il resulte del'article 3 des statuts de la defenderesse que les personnes visees par lafinalite de l'association sont entre autres les personnes physiques quifont partie de la Serenissime Maison A., et non pas uniquement lerepresentant de la Serenissime Maison A., l'arret refuse de lire dans cetarticle une enonciation qui s'y trouve et donne des lors de celui-ci uneinterpretation inconciliable avec ses termes, partant, viole la foi quilui est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).
Seconde branche
1. En vertu de l'article 18 de la loi du 27 juin 1921, la demande endissolution judiciaire d'une association sans but lucratif peut etreintroduite par un membre, par tout tiers interesse ou encore par leministere public.
L'article 18 de la loi du 27 juin 1921 ouvre ainsi l'action en dissolutionjudiciaire à tout interesse.
Le tiers interesse pouvant agir en dissolution judiciaire sur la base del'article 18 de la loi du 27 juin 1921 est celui qui peut justifier d'uninteret au sens de l'article 17 du Code judiciaire. L'interet consiste entout avantage materiel ou moral - effectif et non theorique - que ledemandeur peut retirer de la demande qu'il intente au moment ou il laforme.
La notion de tiers interesse doit etre prise dans une acception large.
2. Le demandeur soutenait que, faisant partie de la Serenissime Maison A.,il disposait d'un interet direct et personnel au sens de l'article 17 duCode judiciaire en tant que personne visee par la finalite del'association (groupe-cible), ayant vocation à recevoir un enrichissementindirect.
Il relevait egalement que ses aieux sont enterres dans la crypte sousl'eglise du couvent et invoquait ainsi egalement l'existence d'un interetmoral.
3. L'arret releve « qu'il ne ressort pas des statuts vantes que lesdivers membres de la famille A. seraient vises par la finalite del'association et auraient vocation à recevoir un enrichissement indirect» et que
« l'existence d'une crypte sous l'eglise du couvent, ou seraient enterresdes aieux, ne suffit pas (...) à conferer (au demandeur) l'interet requispour agir en dissolution de l'association ».
L'arret admet ainsi uniquement que les personnes visees par la finalited'une association (groupe-cible) disposent de l'interet requis pour agiren dissolution au sens de l'article 18 de la loi du 27 juin 1921, cetinteret etant leur vocation à recevoir un enrichissement indirect, sansqu'ils puissent toutefois se prevaloir d'un interet moral.
4. En ce qu'il reduit l'interet d'un tiers à agir en dissolution d'uneassociation sans but lucratif à l'existence d'un enrichissement indirect,alors que l'interet peut aussi consister en un prejudice moral, l'arretviole les articles 18 de la loi du 27 juin 1921 et 17 du Code judiciaire.
Second moyen
Dispositions legales violees
- article 18 de la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans butlucratif, les associations internationales sans but lucratif et lesfondations ;
- article 17 du Code judiciaire ;
- article 149 de la Constitution.
Decisions et motifs critiques
L'arret declare irrecevable la demande de la demanderesse tendant à ladissolution judiciaire de la defenderesse sur la base de l'article 18 dela loi du 27 juin 1921, à defaut d'un interet direct et personnel àagir.
L'arret fonde sa decision sur les motifs qu'il indique sub VI« Recevabilite de la demande principale originaire » et, plusparticulierement, sur les considerations suivantes :
« D. Les statuts initiaux de (la demanderesse) precisaient son but socialsans aucune reference à la conservation du site de l'ancien couvent descapucins à Enghien ; c'est seulement par un acte depose au greffe le 5fevrier 2007 que les statuts ont ete modifies en etendant le but social àcette conservation, en des termes reprenant ceux de l'article 3 desstatuts de (la defenderesse) ;
Cette modification n'est manifestement intervenue qu'à la suite destensions entre les parties et en prevision de futurs proces ;
Elle apparait d'autant plus artificielle que (la demanderesse) s'estadjoint un but qu'elle n'a aucun moyen de realiser, des lors qu'elle n'aaucun droit sur le site ;
Il ne suffit evidemment pas à une association de se donner un but socialcopiant celui d'une autre association sans but lucratif pour pouvoirensuite se pretendre un `tiers interesse' au sens de l'article 18 de laloi de 1921 et demander une dissolution judiciaire ;
Il appartient à (la demanderesse) de demontrer qu'elle a un interetdirect et personnel à agir, ce qu'elle demeure en defaut de faire ;
Sa demande n'est des lors pas recevable ».
Griefs
Premiere branche
1. En vertu de l'article 18 de la loi du 27 juin 1921, la demande endissolution judiciaire d'une association sans but lucratif peut etreintroduite par un membre, par tout tiers interesse ou encore par leministere public.
L'article 18 de la loi du 27 juin 1921 ouvre ainsi l'action en dissolutionjudiciaire à tout interesse.
Le tiers interesse pouvant agir en dissolution judiciaire sur la base del'article 18 de la loi du 27 juin 1921 est celui qui peut justifier d'uninteret au sens de l'article 17 du Code judiciaire. L'interet consiste entout avantage materiel ou moral - effectif et non theorique - que ledemandeur peut retirer de la demande qu'il intente au moment ou il laforme.
La notion de tiers interesse doit etre prise dans une acception large.L'association dont le but se rapproche de celui de l'association enliquidation dispose ainsi d'un interet au sens des articles 18 de la loidu 27 juin 1921 et 17 du Code judiciaire, cet interet etant notamment savocation à recevoir l'actif net en cas de dissolution.
2. La demanderesse soutenait qu'elle disposait d'un interet direct etpersonnel au sens de l'article 17 du Code judiciaire et de l'article 18 dela loi du 27 juin 1921, en tant qu'association dont la finalite serapproche de celle de la defenderesse, ayant vocation à recevoir l'actifnet en cas de dissolution.
L'arret se borne à relever le caractere artificiel de la modification dubut social de la demanderesse et qu' « il ne suffit evidemment pas à uneassociation de se donner un but social copiant celui d'une autreassociation sans but lucratif pour pouvoir ensuite se pretendre un `tiersinteresse' au sens de l'article 18 de la loi de 1921 et postuler unedissolution judiciaire », sans constater que la demanderesse se seraitainsi rendue coupable d'une simulation, d'une fraude ou d'un abus dedroit.
3. En refusant ainsi d'admettre qu'une association dont la finalite serapproche de celle de l'association en liquidation dispose de l'interetrequis pour agir en dissolution au sens de l'article 18 de la loi du 27juin 1921, cet interet etant sa vocation à recueillir l'actif net en casde dissolution, l'arret viole les articles 18 de la loi du 27 juin 1921 et17 du Code judiciaire.
Seconde branche
1. Subsidiairement, la simulation suppose que les parties à un actejuridique bilateral ou multilateral conviennent d'un acte apparent destineà donner le change dont les effets sont detruits en tout ou en partie parun acte secret concomitant à l'acte apparent, les deux actes formant unseul et meme accord simulatoire (article 1321 du Code civil).
La fraude suppose une intention malicieuse (principe general du droitFraus omnia corrumpit).
L'abus de droit consiste à exercer un droit d'une maniere qui excedemanifestement les limites de l'exercice normal de ce droit par unepersonne prudente et diligente. Tel est le cas specialement lorsque leprejudice cause est sans proportion avec l'avantage recherche ou obtenupar le titulaire du droit ; dans l'appreciation des interets en presence,le juge doit tenir compte de toutes les circonstances de la cause(principe general du droit prohibant l'abus de droit et article 1134,alinea 3, du Code civil).
2. Le simple fait pour une association sans but lucratif d'adjoindre àson objet social un autre but en vue d'avoir vocation à recueillir leproduit de la liquidation d'une autre association ayant un but comparableou meme de pouvoir agir en dissolution de cette association sur la base del'article 18 de la loi du 27 juin 1921 n'est pas constitutif d'unesimulation, d'une fraude ou d'un abus de droit.
En effet, cette modification, fut-elle tardive, n'est pas necessairementfictive, en sorte qu'elle n'est pas necessairement simulee.
A defaut d'etre animee par une intention malicieuse, elle ne saurait etrele produit d'une fraude.
Enfin, elle n'est que l'expression de l'exercice d'un droit dont onn'aperc,oit pas en quoi l'avantage qui en resulte serait sans proportionavec le prejudice cause par l'exercice de ce droit ou plus generalement enquoi il excederait manifestement l'exercice de ce droit par une personnenormalement diligente et prudente, en sorte qu'elle ne saurait etreconstitutive d'un abus de droit.
3. Il s'ensuit que, s'il faut considerer qu'il aurait implicitement jugeque la modification statutaire à laquelle la demanderesse avait procedeetait constitutive d'une simulation, d'une fraude ou d'un abus de droitpour le motif qu'elle etait intervenue en vue d'un proces en dissolutionjudiciaire de la defenderesse, en sorte qu'elle ne pourrait justifier deson interet à agir dans pareille procedure, l'arret ne comporte pas dansses motifs les constatations permettant à la Cour d'exercer son controlede legalite. Il n'est donc pas regulierement motive et viole de ce chefl'article 149 de la Constitution.
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la premiere branche :
Tel qu'il est reproduit par l'arret, l'article 3 des statuts de ladefenderesse dispose que cette association a pour objet « de conserver etde developper le site de l'ancien couvent des capucins à Enghien afin del'amenager comme depot du patrimoine culturel et artistique des Freresmineurs capucins flamands et de la Maison serenissime A. et de l'ouvrir augrand public, et d'encourager le developpement dans toutes lesarticulations sociales, scientifiques et culturelles ».
En considerant que « l'objet de l'association est ainsi la conservationd'un site bien determine, etant l'ancien couvent des capucins àEnghien », et qu'« il ne ressort pas des statuts vantes que les diversmembres de la famille A. seraient vises par la finalite de l'associationet auraient vocation à recevoir un enrichissement indirect », l'arret nedonne pas de l'article 3 des statuts de la defenderesse une interpretationinconciliable avec ses termes et, des lors, ne viole pas la foi qui luiest due.
Pour le surplus, l'arret ne considere pas qu'est seul vise par la finalitede la defenderesse, entendue comme etant la conservation du patrimoineculturel et artistique de la Serenissime Maison A., le representant decelle-ci agissant au nom et pour compte de l'ensemble des membres de cettefamille.
Quant à la seconde branche :
L'arret enonce que « le `tiers interesse' pouvant agir en dissolutionjudiciaire sur la base de l'article 18 de la loi du 27 juin 1921 [sur lesassociations sans but lucratif, les associations internationales sans butlucratif et les fondations] est celui qui peut justifier d'un interet ausens de l'article 17 du Code judiciaire. L'interet consiste en toutavantage - materiel ou moral - effectif mais non theorique que ledemandeur peut retirer de la demande au moment ou il la forme. L'interetdoit etre ne et actuel, un interet eventuel ne suffisant pas. L'interetdoit en outre etre direct et personnel ».
L'arret considere qu'il ne ressort pas des statuts de la defenderesse queles divers membres de la famille A. seraient vises par la finalite del'association et auraient vocation à recevoir un enrichissement indirect,que le demandeur n'a aucun lien de droit avec la defenderesse et n'en estpas membre, que sa seule appartenance à la famille A. ne suffit pas àlui conferer un interet personnel à agir en dissolution et qu'enfin,l'existence d'une crypte sous l'eglise du couvent, ou seraient enterresdes aieux, ne suffit pas davantage à lui conferer l'interet requis pouragir en dissolution de l'association.
Le moyen, qui, en cette branche, soutient que l'arret reduit l'interetd'un tiers à agir en dissolution d'une association sans but lucratif àl'existence d'un enrichissement indirect, alors que l'interet peut aussiconsister en un prejudice moral, procede d'une interpretation inexacte del'arret.
Le moyen, en chacune de ses branches, manque en fait.
Sur le second moyen :
Quant à la premiere branche :
L'article 18, alinea 1er, de la loi du 27 juin 1921 sur les associationssans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif etles fondations dispose que le tribunal pourra prononcer à la requete soitd'un membre, soit d'un tiers interesse, soit du ministere public, ladissolution de l'association qui 1DEG est hors d'etat de remplir lesengagements qu'elle a contractes ; 2DEG affecte son patrimoine ou lesrevenus de celui-ci à un but autre que ceux en vue desquels elle a eteconstituee ; 3DEG contrevient gravement à ses statuts, ou contrevient àla loi ou à l'ordre public ; 4DEG est restee en defaut de satisfaire àl'obligation de deposer ses comptes annuels conformement à l'article26novies, S: 1er, alinea 2, 5DEG, pour trois exercices sociauxconsecutifs, à moins que les comptes annuels manquants ne soient deposesavant la cloture des debats ; 5DEG ne comprend pas au moins trois membres.
En vertu de l'article 17 du Code judiciaire, l'action ne peut etre admisesi le demandeur n'a pas interet pour la former ; à moins que la loi endispose autrement, la demande formee par une personne physique ou moralene peut etre admise si le demandeur n'a pas un interet personnel etdirect, c'est-à-dire un interet propre.
L'interet propre d'une personne morale ne comprend que ce qui concernel'existence de la personne morale, ses biens patrimoniaux et ses droitsmoraux, specialement son honneur et sa reputation. Ni le fait qu'unepersonne morale poursuive un but similaire, fut-il statutaire, à celuid'une autre association ni la circonstance qu'elle puisse etre appelee àrecueillir l'actif net de cette autre association en cas de liquidation decelle-ci n'entrainent la naissance d'un interet propre à poursuivre sadissolution.
Le moyen, qui, en cette branche, revient à soutenir que la demanderessedispose d'un interet direct et personnel au sens de l'article 17 du Codejudiciaire et de l'article 18 de la loi du 27 juin 1921 pour agir endissolution de la defenderesse au motif qu'elle est une « associationdont la finalite se rapproche de celle de la defenderesse, ayant vocationà recevoir l'actif net [de celle-ci] en cas de dissolution », manque endroit.
Quant à la seconde branche :
Par les motifs reproduits au moyen, l'arret ne considere pas que lamodification statutaire à laquelle la demanderesse a procede, fut-elleartificielle, est constitutive d'une simulation, d'une fraude ou d'un abusde droit.
Le moyen, qui, en cette branche, suppose le contraire, manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux depens.
Les depens taxes à la somme de sept cent soixante-trois euros vingt et uncentimes envers les parties demanderesses et à la somme de deux centtrente-trois euros six centimes envers la partie defenderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, le president de section Albert Fettweis, les conseillers MartineRegout et Sabine Geubel, et prononce en audience publique du quatre avrildeux mille quatorze par le president de section Christian Storck, enpresence du premier avocat general Jean-Franc,ois Leclercq, avecl'assistance du greffier Patricia
De Wadripont.
+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Regout |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+
4 AVRIL 2014 C.13.0026.F/17