Cour de cassation de Belgique
Arret
213
NDEG C.11.0521.F
F. H.-E., avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite del'entreprise publique à caractere commercial Air Zaire, dont le siegeest etabli à Bruxelles, avenue Louise, 66,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,
contre
1. ETAT BELGE, represente par le secretaire d'Etat à la Mobilite, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue Royale, 180, adjoint au premierministre, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Loi, 16,
defendeur en cassation,
represente par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,
2. BELGOCONTROL, entreprise publique autonome, dont le siege est etablià Schaerbeek, rue du Progres, 80,
3. THE BRUSSELS AIRPORT COMPANY, anciennement denommee BRUSSELSINTERNATIONAL AIRPORT COMPANY, entreprise publique autonome ayantemprunte la forme d'une societe anonyme de droit public, dont le siege estetabli à Schaerbeek, boulevard Auguste Reyers, 80,
defenderesses en cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 20 decembre2010 par la cour d'appel de Mons, statuant comme juridiction de renvoiensuite de l'arret de la Cour du 28 septembre 2007.
Le 17 mars 2014, le procureur general Jean-Franc,ois Leclercq a depose desconclusions au greffe.
Le president de section Albert Fettweis a fait rapport et le premieravocat general Jean-Franc,ois Leclercq a ete entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions legales violees
* principe general du droit relatif au respect des droits de la defense;
* article 774, alinea 2, du Code judiciaire.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque declare non fonde l'appel incident forme par lademanderesse et, avant de statuer plus amplement sur le fondement del'appel principal des defendeurs, sans prejudice des motifs decisoiresdudit arret, ordonne la reouverture des debats sur les questions qu'ilprecise dans ses motifs, lesquelles se rapportent toutes à l'etendue dudommage.
Le rejet de l'appel incident de la demanderesse se fonde plusparticulierement sur les motifs suivants :
« L'autorisation des vols des 13, 20, 27 juin et 4 juillet 1995
Les vols querelles ont ete effectues sous le code Iata attribue à AirZaire, soit `QC', code que la societe Scibe Airlift ne pouvait utiliserque dans le cadre de l'execution de la convention de partenariatcommercial conclue avec Air Zaire.
L'ancienne loi du 18 avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursisde paiement, applicable en l'espece, ne prevoit aucun regime generalrelatif au sort des contrats en cours lors du jugement declaratif defaillite.
Selon la solution degagee par la doctrine et la jurisprudence, il est enpremier lieu admis que la faillite ne met pas fin de plein droit auxcontrats en cours, sauf clause resolutoire expresse ou contrat intuitupersonae.
Le curateur a le droit de choisir d'executer ou de ne pas executer lescontrats en cours, selon l'interet de la masse.
Confronte au refus d'execution du curateur, le cocontractant du failli nepeut agir en execution forcee de la convention à l'encontre de la massemais peut tout au plus demander la resolution du contrat et declarer sacreance d'indemnisation au passif.
En l'espece, le curateur, qui n'avait pas demande l'autorisation depoursuivre les activites de la societe faillie, a choisi de ne pluspoursuivre l'execution du contrat de partenariat commercial conclu avecla societe Scibe Airlift, de sorte que cette derniere ne pouvait pluseffectuer de vol sous la licence `QC'.
Ce n'est toutefois qu'en date du 30 juin 1995 que [la demanderesse] ainforme les [defendeurs] de maniere claire et non equivoque - le courrierdu 22 juin, au demeurant confidentiel, est pour le moins ambigu quant àce - de sa volonte de ne plus executer le contrat conclu avec ScibeAirlift et a demande que les vols organises par cette societe sous lenumero de licence attribue à la faillie soient interdits.
Dans la mesure ou la faillite d'Air Zaire ne mettait pas fin de pleindroit audit contrat et ou [la demanderesse] n'avait pas encore informeles [defendeurs] de son choix, il ne peut etre reproche à ces derniersd'avoir autorise les vols anterieurs à cette date.
Par contre, une telle faute peut leur etre reprochee en ce qui concerne levol du 4 juillet 1995, des lors qu'à cette date, les [defendeurs]avaient ete clairement informes de la position du curateur et etaienttenus de respecter et de faire respecter - la Regie des voies aeriennes dispose d'un pouvoir de police aeronautique en vertu des articles 38 etsuivants de la loi du 27 juin 1937 - sa decision de ne plus permettre àla societe Scibe Airlift de voler sous couvert des droits qu'elle tiraitde la convention du 13 octobre 1994 ».
L'arret attaque en deduit que « [la demanderesse] ne peut des lors pretendre à l'indemnisation que du seul dommage, dont la realite seraitetablie, qui soit en relation causale avec la faute commise par les[defendeurs] en autorisant le vol du 4 juillet 1995 ».
Griefs
Dans ses conclusions additionnelles et de synthese d'appel aprescassation, la demanderesse reprochait aux defendeurs d'avoir fautivementautorise les vols des 13, 20, 27 juin et 4 juillet 1995 effectues par lasociete Scibe Airlift sous le couvert de la licence exclusive de vol dela demanderesse.
Dans leurs secondes conclusions d'appel sur renvoi, les defendeursfaisaient valoir ce qui suit :
« Eu egard au dommage vante par la curatelle qui consisterait uniquementdans la privation de ceder des avantages que la curatelle entend puiserdans sa designation en qualite d'instrument d'exploitation de la ligneBruxelles - Kinshasa, sur la base de l'accord du 10 septembre 1965, onest en droit de s'interroger sur le lien de causalite entre ce dommage etla premiere faute (autorisation d'un vol que la faillite ne permettaitpretendument plus) reprochee [aux defendeurs].
L'analyse de la premiere faute appert donc sans interet ».
Ainsi, les defendeurs n'ont pas specifiquement conteste qu'une fautepuisse leur etre reprochee pour avoir autorise les vols des 13, 20, 27juin et
4 juillet 1995 et se sont bornes à contester le lien causal entre cettefaute et le dommage.
Par les motifs reproduits en tete du moyen, l'arret attaque decidecependant d'office que, sauf le cas des contrats intuitu personae, lafaillite ne met pas fin de plein droit aux contrats en cours de sortequ'aucune faute ne pouvait etre reprochee aux defendeurs pour avoirautorise les vols des 13, 20 et 27 juin 1995, ceux-ci n'ayant eteclairement informes par la demanderesse du refus de celle-ci depoursuivre le contrat conclu avec Scibe Airlift qu'en date du 30 juin1995.
Toutefois, l'arret attaque s'abstient de rouvrir les debats sur ce pointou de recueillir d'une autre maniere les observations de la demanderesseavant de soulever d'office ce moyen de defense. En particulier, l'arretattaque ne permet pas à la demanderesse de presenter ses observationssur (i) le caractere intuitu personae du contrat conclu avec ScibeAirlift, (ii) la question de savoir si, compte tenu de l'effet erga omnesdu jugement declaratif de faillite, les defendeurs devaient ou nons'interroger d'initiative sur la poursuite des contrats en cours et (iii)la date à partir de laquelle les defendeurs ont ete clairement informespar la demanderesse de la decision de celle-ci de ne pas poursuivre lecontrat conclu avec Scibe Airlift.
Par voie de consequence, l'arret attaque viole l'article 774, alinea 2, duCode judiciaire ainsi que le principe general du droit relatif au respectdes droits de la defense.
Deuxieme moyen
Dispositions legales violees
* principe general du droit imposant la publication des traites et destextes legaux et reglementaires, tel qu'il se deduit des articles 167,S: 2, et 190 de la Constitution coordonnee du 17 fevrier 1994, desarticles 68 et 129 de la Constitution du 7 fevrier 1831, de la loi du31 mai 1961 relative à l'emploi des langues en matiere legislative,à la presentation, à la publication et à l'entree en vigueur destextes legaux et reglementaires, des articles 22, 54 à 56 et 84 de laloi speciale du 8 aout 1980 de reformes institutionnelles, desarticles 46 à 48 et 53 de la loi du 31 decembre 1983 de reformesinstitutionnelles pour la Communaute germanophone et des articles 8,32 à 33, 39, 45 à 46, 52, 69, 70bis et 73 de la loi speciale du 12janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, et, pour autant que de besoin, ces dispositions ;
* articles 68 (dans sa redaction en vigueur avant la revision du
5 mai 1993), 128 et 129 de la Constitution du 7 fevrier 1831 ;
* articles 149, 167, 190 et 191 de la Constitution coordonnee du
17 fevrier 1994 ;
* Accord du 10 septembre 1965 entre la Republique democratique du Congoet le royaume de Belgique relatif au transport aerien, approuve par laloi du 14 avril 1965 relative aux accords internationaux prevoyant unmode de reglement pacifique des differends internationaux,specialement les articles II, III, V et VI de cet accord et, pourautant que de besoin, sa loi d'approbation ;
* articles 1382 et 1383 du Code civil.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque declare non fonde l'appel incident forme par lademanderesse et, avant de statuer plus amplement sur le fondement del'appel principal des defendeurs, sans prejudice des motifs decisoiresdudit arret, ordonne la reouverture des debats sur les questions qu'ilprecise dans ses motifs, lesquelles se rapportent toutes à l'etendue dudommage.
Le rejet de l'appel incident de la demanderesse se fonde plusparticulierement sur les motifs suivants :
« L'acceptation par les [defendeurs] de la designation de Scibe Airliftpar l'Etat zairois
[La demanderesse] reproche aux [defendeurs] d'avoir commis une faute enavalisant la decision du ministre zairois des Transports du 5 juillet1995 de designer temporairement la societe Scibe Airlift en qualited'instrument d'exploitation des droits de trafic decoulant de l'accordbelgo-zairois du 10 septembre 1965.
Selon elle, d'une part, cette decision serait illegale car ne satisfaisantpas aux exigences de motivation formelle et se fondant sur un traite nonpublie et ne pouvant lui etre oppose et, d'autre part, les [defendeurs]n'auraient pas agi comme toute autorite raisonnablement prudente etdiligente.
La designation par un des Etats partie à un accord aerien etabli sur labase de la convention de Chicago du 7 decembre 1944 relative àl'aviation civile internationale est une prerogative participant àl'exercice de la puissance publique qui, sous reserve de certainesconditions, s'impose à l'autre Etat.
L'on considere que le caractere souverain de la designation dutransporteur aerien contient deux temperaments :
- d'une part, la legislation d'un Etat peut avoir fixe les criteres dedesignation du ou des transporteurs;
- d'autre part, l'Etat cocontractant peut ne pas accepter la compagniedesignee lorsqu'elle ne reunit pas certaines conditions, comme lecontrole et l'administration par des nationaux du pays de designation, lerespect des regles de l'accord ou de conventions internationales.
Sous ces reserves, il est indeniable que la designation du ou destransporteurs aeriens par un Etat est une decision souveraine vis-à-visde l'autre Etat.
En l'espece, tant la decision ayant designe en son temps la societe AirZaire en qualite d'instrument d'exploitation des droits de traficdecoulant de l'accord belgo-zairois du 10 septembre 1965 que cellesubsequente de designer la societe Scibe Airlift relevaient du pouvoirsouverain de la Republique du Zaire.
Or, [la demanderesse] ne soutient ni ne demontre que la decision prise parcet Etat de remplacer la societe Air Zaire par la societe Scibe Airliften qualite d'instrument d'exploitation des droits de trafic decoulant del'accord de 1965 serait illegale - une telle illegalite devants'apprecier en fonction du droit applicable à cette decision, en l'occurrence le droit zairois - ou fautive. [La demanderesse] n'ad'ailleurs jamais mis en cause la responsabilite de cet Etat pour avoirpris semblable decision.
Cette decision s'imposait à l'Etat belge, celui-ci ne pouvant refuserd'accorder à la societe designee l'autorisation d'exploitation que sicelle-ci ne satisfaisait pas aux conditions requises par l'article III, 3et 4, de la convention de 1965 et le refus d'une telle autorisationd'exploitation s'inscrivant dans le cadre de l'exercice d'une competenceliee, et non discretionnaire.
Or, il n'est pas soutenu ni demontre que la societe Scibe Airlift n'auraitpas rempli ces conditions.
[La demanderesse] soutient vainement que l'Etat belge lui aurait retire les droits qu'elle pretend avoir acquis et qu'il ne pouvait le faire en sefondant sur un traite non publie et partant inopposable.
En effet, comme dit ci-dessus, l'Etat belge n'est pas l'auteur du retraitet en acceptant cette designation, celui-ci s'est simplement conforme auxobligations s'imposant à lui en vertu de la convention de 1965 etauxquelles il ne pouvait se soustraire. Un Etat signataire d'un traiteinternational est tenu d'executer celui-ci de bonne foi et il ne peut deslors lui etre reproche d'avoir commis une faute lorsqu'il execute cesobligations.
C'est en vain que [la demanderesse] pretend que l'Etat belge aurait pu s'opposer à cette designation et se prevaut à ce sujet de ce quecelui-ci avait oppose ce refus à la decision de l'Etat zairois d'avril1996 d'attribuer à nouveau les droits querelles à la « compagnie AirZaire »,
En effet, il resulte du courrier du ministre des Transports et des Communications zairois du 9 avril 1996, accusant la reception de celui deson homologue belge et constatant ce refus - seule piece produite à cesujet - que ce refus est fonde sur le « differend judiciaire qui opposela compagnie Air Zaire à certains de ses agents bruxellois ».
Il apparait egalement de ce courrier que l'Etat zairois refusait dereconnaitre les effets de la decision de declaration de faillite de lasociete Air Zaire par une juridiction belge, cet Etat s'etonnant qu'une« compagnie nationale puisse etre declaree en faillite à partir d'unesuccursale ».
Il est à noter que, dans le cadre de la procedure en declaration defaillite, la cour d'appel de Bruxelles a considere que le caractere desuccursale invoque par la societe Air Zaire etait fictif, que cettesociete se servait de son pseudo statut de societe de droit publiczairoise pour echapper à ses obligations et pour tenter de se soustraire aux regles d'ordre public de la faillite en Belgique et que le siegesocial de cette societe, pretendument etabli à Kinshasa etait fictif,son siege reel se trouvant à Bruxelles.
Il apparait donc que, pour la Belgique, la societe à laquelle, en avril1996, l'Etat zairois voulait attribuer à nouveau les droits querellesetait une societe en faillite, laquelle avait cesse ses activites etpartant ne satisfaisait plus aux conditions prevues à la convention de1965 pour l'octroi de l'autorisation d'exploitation, ce qui permettait deslors de justifier cette decision de refus. Les situations ne sont des lorspas comparables.
Enfin, à supposer que l'acte d'acceptation de la designation faite parl'Etat zairois soit soumis à l'obligation de motivation formelle desactes administratifs, encore faut-il reconnaitre que le vice de formeresultant d'une eventuelle absence de motivation est sans incidence, deslors qu'il est etabli par les elements developpes supra que la decisionaurait ete identique en l'absence de ce vice de forme et que le dommagedont se prevaut la curatelle, à savoir la privation du droitd'exploitation du trafic aerien belgo-zairois, n'est pas la consequence dece vice mais de la decision de l'Etat zairois de designer une autresociete pour exploiter ces droits.
Il suit de ce qui precede qu'il ne peut etre reproche aux [defendeurs]aucune faute resultant de l'acte d'acceptation de la designation faitepar l'Etat zairois qui soit en relation causale avec le dommage dont seprevaut [la demanderesse].
Le dommage et le lien de causalite
[La demanderesse] ne peut des lors pretendre à l'indemnisation que du seul dommage, dont la realite serait etablie, qui soit en relation causaleavec la faute commise par les [demandeurs] en autorisant le vol du 4juillet 1995.
Comme dejà dit supra, la privation du droit d'exploitation du traficaerien belgo-zairois n'est la consequence que de la seule decision del'Etat zairois de designer une autre societe pour exploiter ces droits.
Il n'y a donc aucune relation de causalite entre ce dommage et la fautecommise.
Il en va de meme de la privation de la possibilite de cession des creneauxhoraires et du fonds de commerce, cette perte etant elle-meme uneconsequence de la designation d'une autre societe pour exercer les droitsd'exploitation du trafic aerien belgo-zairois ».
Griefs
Premiere branche
1. Selon l'article 68, alinea 2, de la Constitution du 7 fevrier 1831avant sa modification par la revision du 5 mai 1993, les traites decommerce et ceux qui pourraient grever l'Etat ou lier individuellement desBelges n'ont d'effet qu'apres avoir rec,u l'assentiment des chambres.
De meme, selon l'article 167, S: 2, deuxieme phrase, et S: 3, deuxiemephrase, de la Constitution coordonnee du 17 fevrier 1994, les traitesn'ont d'effet qu'apres avoir rec,u l'assentiment, selon le cas, deschambres ou du parlement competent.
Par ailleurs, si, en cas de conflit entre une norme de droit interne etune norme etablie par un traite, cette derniere doit prevaloir, c'est àla condition que le traite soit dote d'effets directs dans l'ordrejuridique interne.
Il resulte de ces principes que le constituant a etabli une separationentre l'ordre juridique international et l'ordre juridique interne(systeme dualiste) et que la seule circonstance qu'une obligation existedans l'ordre juridique international n'implique pas, en soi, que cetteobligation produise des effets dans l'ordre juridique interne.
2. Dans ses conclusions additionnelles et de synthese d'appel aprescassation, la demanderesse reprochait aux defendeurs de lui avoir opposeun traite non publie au Moniteur belge, à savoir l'Accord du 10septembre 1965 entre la Republique democratique du Congo et le royaume deBelgique relatif au transport aerien, en avalisant la designation deScibe Airlift emanant de l'Etat zairois et, ainsi, en retirant à lademanderesse la licence exclusive de vol dont elle etait titulaire.
L'arret attaque decide que l'acceptation de la designation de ScibeAirlift par l'Etat belge ne peut etre constitutive de faute des lors quel'Etat belge se bornait à executer une obligation que lui imposait letraite. Il decide en effet que « l'Etat belge n'est pas l'auteur duretrait et qu'en acceptant cette designation, celui-ci s'est simplementconforme aux obligations s'imposant à lui en vertu de la convention de1965 et auxquelles il ne pouvait se soustraire. Un Etat signataire d'untraite international est tenu d'executer celui-ci de bonne foi et il nepeut des lors lui etre reproche d'avoir commis une faute lorsqu'il executeces obligations ».
Ainsi, l'arret attaque decide en realite qu'aucune faute ne peut etrereprochee à l'Etat belge dans l'ordre juridique interne des lors qu'il nefaisait qu'executer une obligation s'imposant à lui dans l'ordrejuridique international.
Ce faisant, l'arret attaque s'abstient illegalement de rechercher, commel'y invitait la demanderesse, si l'obligation de l'Etat belge dansl'ordre juridique international pouvait produire des effets au detrimentde la demanderesse dans l'ordre juridique interne. Par consequent, ilmeconnait la separation entre ces deux ordres juridiques (violation de l'article 68, alinea 2, de la Constitution du 7 fevrier 1831 avant sarevision du 5 mai 1993 ainsi que de l'article 167, S: 2, deuxieme phrase, et S: 3, deuxieme phrase, de la Constitution coordonnee du 17fevrier 1994).
3. A tout le moins, à defaut d'indiquer dans ses motifs les raisons pourlesquelles en l'espece il considere que l'execution par l'Etat belge deses obligations sur le plan international excluait qu'il ait commis unefaute dans l'ordre interne alors qu'en regle l'ordre juridiqueinternational est separe de l'ordre juridique interne, l'arret attaque ne permet pas à la Cour d'exercer son controle de legalite. Il n'est deslors pas regulierement motive (violation de l'article 149 de laConstitution coordonnee).
Deuxieme branche
1. En vertu du principe general du droit imposant la publication destraites et des textes illegaux et reglementaires, tout traiteinternational doit etre publie. L'existence de ce principal general dudroit se deduit des articles 167, S: 2, et 190 de la Constitutioncoordonnee du 17 fevrier 1994, des articles 68 et 129 de la Constitutiondu 7 fevrier 1831, de la loi du 31 mai 1961 relative à l'emploi deslangues en matiere legislative, à la presentation, à la publication età l'entree en vigueur des textes legaux et reglementaires, des articles22, 54 à 56 et 84 de la loi speciale du 8 aout 1980 de reformesinstitutionnelles, des articles 46 à 48 et 53 de la loi du 31 decembre1983 de reformes institutionnelles pour la Communaute germanophone et desarticles 8, 32 à 33, 39, 45 à 46, 52, 69, 70bis et 73 de la loispeciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises.
Par consequent, l'accord du 10 septembre 1965 devait etre publie.
2. A titre subsidiaire, l'article 190 de la Constitution coordonnee du 17fevrier 1994 dispose qu'aucune loi, aucun arrete ou reglementd'administration generale, provinciale ou communale n'est obligatoirequ'apres avoir ete publie dans la forme determinee par la loi.
Interprete à la lumiere de l'article 167 de la Constitution coordonnee du17 fevrier 1994, l'article 190 precite impose desormais la publication del'ensemble des traites.
En l'absence de disposition transitoire specifique, l'article 190 de laConstitution coordonnee est d'application immediate aux effets futurs dessituations nees avant son entree en vigueur, survenue le 27 fevrier 1994.
Par consequent, l'article 190 de la Constitution coordonnee imposait lapublication de l'accord du 10 septembre 1965 des lors qu'il s'agissaitd'apprecier ses effets depuis le 27 fevrier 1994.
3. A titre plus subsidiaire, l'article 68, alinea 2, de ta Constitution du
7 fevrier 1831 avant sa modification par la revision du 5 mai 1993disposait que les traites de commerce et ceux qui pourraient greverl'Etat ou lier individuellement des Belges n'ont d'effet qu'apres avoirrec,u l'assentiment des chambres.
L'article 129 de la Constitution du 7 fevrier 1831 disposait qu'aucuneloi, aucun arrete ou reglement d'administration generale, provinciale oucommunale n'est obligatoire qu'apres avoir ete publie dans la formedeterminee par la loi.
Il resulte de la combinaison de ces dispositions que tout traite auquelles chambres ont donne leur assentiment doit etre publie. L'accord du
10 septembre 1965 ayant ete approuve anticipativement par la loi du 14avril 1965 relative aux accords internationaux prevoyant un mode dereglement pacifique des differends internationaux, il devait donc etrepublie.
4. A titre plus subsidiaire encore, l'article 129 precite imposait depublier les traites soumis à l'assentiment des chambres par l'article68, alinea 2, precite.
Par traite de nature à « lier individuellement des Belges » au sens del'article 68, alinea 2, precite, il faut entendre tout traite creant desdroits et des obligations dans le chef des Belges, c'est-à-dire touttraite dote d'effets directs dans l'ordre juridique interne à l'egard des Belges. A cet egard, les etrangers sont assimiles aux Belges en vertudes articles 128 de la Constitution du 7 fevrier 1831 et 191 de laConstitution coordonnee du 17 fevrier 1994.
En l'occurrence, l'accord du 10 septembre 1965 est bien dote d'effetsdirects dans l'ordre juridique interne des lors qu'il prevoit en destermes precis et inconditionnels des droits dans le chef des entreprisesaeriennes concernees. II octroie notamment à celles-ci les facultes etprivileges qu'il enumere (article II), leur accorde le droit d'obtenirl'autorisation requise pour effectuer l'exploitation des services aeriensvises (article III), les exonere de differents droits et taxes (articleV) et leur garantit un traitement juste et equitable (article VI).
Par consequent, l'accord du 10 septembre 1965 devait bien etre publie.
5. Conformement à l'article 8 de la loi du 31 mai 1961 relative àl'emploi des langues en matiere legislative, à la presentation, à lapublication et à l'entree en vigueur des textes legaux etreglementaires, lorsqu'il y a lieu à publication d'un traite auquel leBelgique est partie, cette publication se fait par la voie du Moniteurbelge dans un texte original avec traduction franc,aise ou neerlandaise.
6. Il resulte de l'ensemble des dispositions precitees que la sanction dudefaut de publication d'un traite au Moniteur belge consiste enl'inopposabilite du traite aux citoyens, c'est-à-dire aux personnes quin'exercent pas une parcelle de la puissance publique. En revanche, lescitoyens sont habilites à se prevaloir du traite non publie pour entirer des droits.
Par consequent, lorsqu'un traite a ete regulierement approuve par leschambres et a des lors force obligatoire dans l'ordre juridique interne,l'administration peut valablement en assurer le benefice à desparticuliers. Toutefois, apres en avoir ainsi fait application, l'administration ne peut legalement priver les interesses des droitsqu'elle leur a reconnus.
7. L'arret attaque constate que la societe Air Zaire, representee dans lapresente procedure par la demanderesse, a ete designee par la Republiquedu Zaire conformement à l'article III de l'Accord du 10 septembre 1965.Par consequent, la demanderesse et la compagnie designee par l'Etat belgesur la base de la meme disposition jouissaient ensemble du droit exclusifd'exploiter la ligne aerienne Bruxelles-Kinshasa.
L'arret attaque constate egalement que, le 5 juillet 1995, le ministrezairois des Transports a retire à la demanderesse ce droit exclusif,puisqu'il designait à la place de la demanderesse la societe ScibeAirlift, et que, par decision du 11 juillet 1995, l'Etat belge a avalisecette decision.
L'arret attaque decide cependant que cette decision de l'Etat belge nepeut etre consideree comme fautive des lors qu'il se bornait à donnersuite à une obligation s'imposant à lui en vertu de l'accord de 1965.Il decide en effet que «l'Etat belge n'est pas l'auteur du retrait etqu'en acceptant cette designation, celui-ci s'est simplement conforme auxobligations s'imposant à lui en vertu de la convention de 1965 etauxquelles il ne pouvait se soustraire. Un Etat signataire d'un traiteinternational est tenu d'executer celui-ci de bonne foi et il ne peut deslors lui etre reproche d'avoir commis une faute lorsqu'il execute cesobligations ».
Ce faisant, l'arret attaque oppose illegalement à la demanderesse untraite non publie dont la publication s'imposait (violation de l'ensembledes dispositions visees aux points 1 à 6).
8. Par ailleurs, l'arret attaque considere qu'à supposer que la decisionde l'Etat belge d'accepter la designation de Scibe Airlift en lieu etplace de la demanderesse ait ete regulierement motivee en la forme, cettedecision aurait neanmoins ete identique quant au fond, que « le dommagedont se prevaut la curatelle, à savoir la privation du droit d'exploitation du trafic aerien belgo-zairois n'est pas la consequence dece vice mais de la decision de l'Etat zairois de designer une autresociete pour exploiter ces droits » et qu' « il en va de meme de laprivation de la possibilite de cession des creneaux horaires et du fondsde commerce, cette perte etant elle-meme une consequence de la designation d'une autre societe pour exercer les droits d'exploitation dutrafic aerien belgo-zairois ».
Ainsi, pour apprecier la situation qui se serait produite en l'absence defaute et, des lors, l'existence d'un lien de causalite entre cette fauteet le dommage allegue, l'arret attaque considere que l'Etat belge auraitnecessairement du avaliser la designation de Scibe Airlift en vertu desobligations que faisait peser sur lui l'accord du 10 septembre 1965.
Ce faisant, l'arret attaque oppose à nouveau illegalement à lademanderesse un traite non publie dont la publication s'imposait(violation de l'ensemble des dispositions visees aux points 1 à 6).
En outre, pour apprecier l'existence du lien de causalite entre la fautereprochee aux defendeurs et le dommage allegue par la demanderesse,l'arret attaque compare la situation concrete dont il est saisi à uneautre situation illegale, à savoir le cas ou un traite non publie dontla publication s'imposait est oppose à la demanderesse, et viole, par consequent, la notion legale de lien causal. En effet si, pourl'appreciation du lien de causalite, le juge peut faire abstraction de lafaute elle-meme, encore faut-il que cette situation alternative soitlegitime (violation des articles 1382 et 1383 du Code civil).
Troisieme branche
1. Selon l'article 1382 du Code civil, tout fait quelconque de l'homme quicause à autrui un dommage oblige celui par lequel il est arrive à lereparer.
Selon l'article 1383 du Code civil, chacun est responsable du dommagequ'il a cause, non seulement par son fait, mais encore par sa negligenceou par son imprudence.
Pour apprecier le lien de causalite entre la faute et le dommage exige parces dispositions, le juge doit rechercher si, sans la faute, le dommagese serait produit de la meme maniere.
Ce faisant, il ne lui est pas permis de comparer la situation concretedont il est saisi à une situation purement hypothetique.
Par ailleurs, la seule circonstance que le dommage trouve son origine dansle fait d'une personne n'exclut pas que ce dommage ait ete cause par lafaute d'une autre personne.
2. En l'espece, l'arret attaque constate que, par ordonnance du juge desreferes du 10 juillet 1995, les defendeurs s'etaient vu interdire à peined'astreinte d'autoriser quelque compagnie aerienne que ce soit à assurerle moindre vol sous le numero de licence de la demanderesse.
Il constate cependant que le vol de Scibe Airlift autorise par lesdefendeurs le 11 juillet 1995 à 22 heures 30 a ete effectue sous unnumero de licence different et ce, conformement à la decision dudefendeur du meme jour d'accepter la designation de Scibe Airlift commeinstrument d'exploitation des droits de trafic decoulant de l'accord du 10septembre 1965 en lieu et place de la demanderesse.
L'arret attaque considere qu' « enfin, à supposer que l'acted'acceptation de la designation faite par l'Etat zairois soit soumis àl'obligation de motivation formelle des actes administratifs, encorefaut-il reconnaitre que le vice de forme resultant d'une eventuelle absence de motivation est sans incidence, des lors qu'il est etabli parles elements developpes supra que la decision aurait ete identique enl'absence de ce vice de forme et que le dommage dont se prevaut lacuratelle, à savoir la privation du droit d'exploitation du traficaerien belgo-zairois n'est pas la consequence de ce vice mais de ladecision de l'Etat zairois de designer une autre societe pour exploiterces droits ».
3. Ainsi, il compare la situation concrete dont il est saisi - à savoirle cas ou l'Etat belge a accepte la designation de la societe ScibeAirlift par l'Etat Zairois dans un acte auquel la demanderesse reprochaitd'etre irregulierement motive en la forme - avec une situation purementhypothetique, à savoir celle ou l'Etat belge aurait adopte un acteidentique regulierement motive en la forme, qui plus est à la meme date,soit le 11 juillet 1995 avant
22 heures 30.
Il meconnait, par consequent, la notion legale de lien causal (violationdes articles 1382 et 1383 du Code civil).
4. Par ailleurs, l'arret attaque exclut ce faisant l'existence d'un liende causalite entre la faute reprochee par la demanderesse aux defendeurs,à savoir l'adoption d'une decision en violation des regles relatives àl'obligation de motivation formelle des actes administratifs, et ledommage invoque par la demanderesse au motif que ce dommage trouve sonorigine dans la decision de l'Etat zairois.
Des lors qu'il exclut un tel lien de causalite en raison du seul fait d'untiers - l'Etat zairois - sans constater que, sans la faute reprochee auxdefendeurs, le dommage se serait neanmoins produit de la meme maniere,l'arret attaque meconnait la notion legale de lien causal (violation desarticles 1382 et 1383 du Code civil).
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Le principe general du droit relatif au respect des droits de la defensen'est pas viole lorsque le juge fonde sa decision sur des elements dontles parties pouvaient s'attendre, au vu du deroulement des debats, qu'illes inclue dans son jugement et qu'elles ont des lors pu contredire.
Il ne ressort pas de leurs secondes conclusions d'appel sur renvoi que lesdefendeurs, qui ont fait valoir que l'analyse de la premiere fautereprochee aux defendeurs, soit l'autorisation de vols « que la faillitene permettait pretendument plus », apparaissait sans interet vu l'absencede lien causal entre le dommage vante par la curatelle et cette faute,n'aient pas conteste qu'une faute put leur etre reprochee pour avoirautorise les vols des 13, 20, 27 juin et
4 juillet 1995.
Dans ses conclusions additionnelles et de synthese d'appel aprescassation, la demanderesse a fait valoir, en se referant à de la doctrineen matiere de faillite, qu'il « lui appartenait [...] de decidersouverainement s'il [etait] ou non dans l'interet de la masse depoursuivre l'execution des contrats en cours au jour de l'ouverture de lafaillite » et qu'elle avait demande des le 22 juin 1995 « à la Regiedes voies aeriennes [aux droits de laquelle succedent les defenderesses]d'interdire provisoirement tout vol organise par [la societe] ScibeAirlift sous la licence QC ».
L'arret attaque, qui, pour decider qu'aucune faute ne peut etre reprocheeaux defendeurs pour avoir autorise les vols des 13, 20 et 27 juin 1995,considere, sur la base de ces elements verses aux debats, que, « selonla solution degagee par la doctrine et la jurisprudence, il est en premierlieu admis que la faillite ne met pas fin de plein droit aux contrats encours, sauf clause resolutoire expresse ou contrat intuitu personae », et qu'en l'espece, si le curateur « a choisi de ne plus poursuivrel'execution du contrat de partenariat commercial conclu avec la societeScibe Airlift, de sorte que celle-ci ne pouvait plus effectuer de vol sousla licence QC, [ce] n'est toutefois qu'en date du 30 juin 1995 que [lademanderesse] a informe [les defendeurs] de maniere claire et nonequivoque [...] de sa volonte de ne plus executer le contrat conclu avecScibe Airlift et a demande que les vols organises par cette societe sousle numero de licence attribue à la faillite soient interdits », nemeconnait pas le principe general du droit relatif au respect des droitsde la defense et, n'etant pas tenu d'ordonner la reouverture des debats,ne viole pas l'article 774, alinea 2, du Code judiciaire.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le second moyen :
Quant à la premiere branche :
Dans ses conclusions additionnelles et de synthese d'appel aprescassation, la demanderesse se bornait à denoncer l'absence de publicationde l'Accord du 10 septembre 1965 entre la Republique democratique du Congoet le royaume de Belgique relatif au transport aerien pour en deduire quecelui-ci ne pouvait lui etre oppose. Admettant que cet accord avait rec,u,par l'article unique de la loi du 14 avril 1965 relative aux accordsinternationaux prevoyant un mode de reglement pacifique des accordsinternationaux, l'assentiment des chambres et considerant que cetassentiment constituait la seule condition pour qu'il put produire seseffets en Belgique, elle ne faisait pas valoir que la separation entrel'ordre juridique international et l'ordre juridique interne a pourconsequence que la seule circonstance qu'une obligation existe dansl'ordre juridique international n'implique pas, en soi, que cetteobligation produise des effets dans l'ordre juridique interne.
En l'etat de ces conclusions, il ne peut, de la decision de l'arretattaque qu'aucune faute ne peut etre reprochee à l'Etat belge dansl'ordre juridique interne des lors qu'il n'a fait qu'executer uneobligation s'imposant à lui dans l'ordre juridique international, sededuire que la cour d'appel n'a pas recherche si l'obligation de cet Etatdans l'ordre juridique international pouvait produire des effets audetriment de la demanderesse dans l'ordre juridique interne.
Le grief fait à l'arret attaque de meconnaitre la separation entre cesdeux ordres juridiques est tout entier deduit de la seule abstention, quilui est vainement reprochee, de proceder à cette recherche.
Les motifs de l'arret attaque suffisent pour le surplus à articulercontre lui un moyen de fond et permettent à la Cour d'exercer soncontrole.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la deuxieme branche :
Il ressort de l'arret attaque que l'entreprise publique à caracterecommercial Air Zaire a, en vertu de l'article III de l'Accord du 10septembre 1965 entre la Republique democratique du Congo et le royaume deBelgique relatif au transport aerien, ete designee par la Republique duZaire comme instrument d'exploitation des droits de trafic decoulant decet accord ; que, à la suite de la declaration de faillite de cetteentreprise publique, le ministre zairois des Transports a, le 5 juillet1995, designe temporairement la societe Scibe Airlift pour exploiter cesdroits de trafic ; que cette designation a ete avalisee par le ministrebelge des Transports, et que la demanderesse reproche au defendeur d'avoircommis une faute en avalisant ladite designation « en contravention avecles dispositions de l'accord belgo-congolais du
10 septembre 1965 ».
L'arret attaque considere que la decision de l'Etat zairois de remplacerAir Zaire par la societe Scibe Airlift « s'imposait à l'Etat belge,celui-ci ne pouvant refuser d'accorder à la societe designeel'autorisation d'exploitation que si celle-ci ne satisfaisait pas auxconditions requises par l'article III, 3 et 4, de [l'accord] de 1965 »tandis « qu'il n'est pas soutenu ni demontre que la societe Scibe Airliftn'aurait pas rempli ces conditions ».
En considerant que « l'Etat belge n'est pas l'auteur du retrait et qu'enacceptant [la] designation [de la societe Scibe Airlift], celui-ci s'estsimplement conforme aux obligations s'imposant à lui en vertu de[l'accord] de 1965 et auxquelles il ne pouvait se soustraire ; qu'un Etatsignataire d'un traite international est tenu d'executer celui-ci de bonnefoi et qu'il ne peut des lors lui etre reproche d'avoir commis une fautelorsqu'il execute ces obligations » et en en deduisant que lademanderesse « soutient vainement que l'Etat belge lui aurait retire lesdroits qu'elle pretend avoir acquis et qu'il ne pouvait le faire en sefondant sur un traite non publie et partant inopposable », l'arretattaque se borne à opposer à la demande dont la cour d'appel etaitsaisie les limites que l'article III de l'accord du 10 septembre 1965imprime au droit que la demanderesse, pour fonder cette demande,pretendait puiser dans cette disposition meme.
Il ne viole, ce faisant, aucune des dispositions legales visees au moyen,en cette branche.
Et, des lors que l'arret attaque exclut legalement que le defendeur aitcommis une faute en avalisant la decision de l'Etat zairois, lesconsiderations qu'il consacre au lien de causalite que cette faute eut pupresenter avec le dommage allegue sont surabondantes.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la troisieme branche :
L'arret attaque enonce qu'« à supposer que l'acte d'acceptation [par ledefendeur] de la designation faite par l'Etat zairois soit soumis àl'obligation de motivation formelle des actes administratifs, encorefaut-il reconnaitre que le vice de forme resultant d'une eventuelleabsence de motivation est sans incidence, des lors qu'il est etabli parles elements developpes supra que la decision aurait ete identique enl'absence de ce vice de forme ».
L'arret attaque compare ainsi la situation concrete dont la cour d'appeletait saisie, à savoir l'acte d'acceptation existant depourvu demotivation, à celle ou ce meme acte aurait contenu une motivation etn'aurait des lors pas comporte le vice de forme denonce par lademanderesse.
Dans la mesure ou il soutient que l'arret compare la situation concretedont la cour d'appel etait saisie « à une situation purementhypothetique, à savoir celle ou [le defendeur] aurait adopte un [autre]acte identique regulierement motive en la forme, qui plus est à la memedate, soit le 11 juillet 1995 avant 22 heures 30 », le moyen, en cettebranche, repose sur une lecture inexacte de l'arret et, partant, manque enfait.
Pour le surplus, en enonc,ant qu'en l'absence du vice de forme allegue, ladecision d'acceptation par le defendeur de la designation faite par l'Etatzairois aurait ete identique, l'arret considere que, sans ce vice deforme, l'acte d'acceptation aurait ete pris de la meme maniere et que, parconsequent, le dommage de la demanderesse consistant à avoir ete priveedu droit aerien litigieux se serait produit tel qu'il s'est realise.
Il justifie ainsi legalement sa decision que le vice de forme reproche estsans relation causale avec le dommage invoque.
Les autres considerations de l'arret que critique le moyen, en cettebranche, sont, des lors, surabondantes.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux depens.
Les depens taxes à la somme de six cent douze euros vingt centimes enversla partie demanderesse et à la somme de cent septante-cinq eurosvingt-sept centimes envers la premiere partie defenderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, le president de section Albert Fettweis, les conseillers MartineRegout et Sabine Geubel, et prononce en audience publique du quatre avrildeux mille quatorze par le president de section Christian Storck, enpresence du premier avocat general Jean-Franc,ois Leclercq, avecl'assistance du greffier Patricia
De Wadripont.
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| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Regout |
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| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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4 AVRIL 2014 C.11.0521.F/2