Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.13.1855.N
A. C.,
prevenu, detenu,
demandeur,
* Me Nicholas De Mot, avocat au barreau de Gand,
* * contre
1. LC FORWARDING sa,
(...)
9. TRANSPORT CERPENTIER E & M sprl,
parties civiles,
defendeurs.
I. la procedure devant la Cour
IV. Le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 22 octobre 2013 par lacour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
V. Le demandeur fait valoir deux moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
VI. Le president de section Paul Maffei a fait rapport.
VII. L'avocat general Marc Timperman a conclu.
II. la decision de la Cour
(...)
Sur le premier moyen :
3. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales et 149 dela Constitution : l'arret n'est pas motive à suffisance quant à ladeclaration de culpabilite du chef de l'infraction consistant à avoir etele meneur d'une organisation criminelle ; l'arret ne peut deduire du faitque le demandeur avait chez lui le materiel necessaire à dispositionqu'il etait le meneur d'une structure qu'il a creee en vue de commettredes faits criminels.
4. Le delit consistant à etre le dirigeant d'une organisation criminelleau sens de l'article 324bis du Code penal ne requiert pas que le meneurait cree lui-meme la structure de l'organisation criminelle. Il suffit quel'interesse exerce une fonction dirigeante au sein d'une structureexistante ou creee par un tiers.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
5. Le juge apprecie souverainement en fait si un prevenu exerce un roledirigeant au sein d'une organisation criminelle telle que visee auxarticles 324bis et 324ter, S: 4, du Code penal. La Cour se borne àexaminer si le juge deduit, des constatations qu'il a faites, desconsequences qui ne peuvent etre justifiees par celles-ci ou qui y sontetrangeres.
Dans la mesure ou il critique l'appreciation souveraine des faits parl'arret ou impose à la Cour un examen des faits pour lequel elle est sanspouvoir, le moyen est irrecevable.
7. L'arret decide, par motifs propres et par adoption des motifs dujugement dont appel, que :
- au cours de la perquisition du lieu de la residence du demandeur,diverses marchandises ont ete trouvees qui indiquent qu'elles sontdetenues par une personne ayant eu un role dirigeant dans le vol decartes, leur copie et leur revente, ainsi que cela se produit au seind'une organisation criminelle ;
- des objets ont ete trouves sur le lieu de residence, qui sont d'uneimportance capitale dans le bon deroulement des activites criminelles del'organisation criminelle : des cartes vierges avec bande magnetique,differentes sortes de cartes volees et des lecteurs de cartes ;
- au cours de la perquisition susmentionnee, un ordinateur portable a etesaisi sur lequel figuraient des fichiers texte des donnees des cartesmagnetiques copiees ;
- il ressort de l'instruction que cet ordinateur comportait un softwarepermettant la lecture et l'elaboration de cartes à bande magnetique ;
- le materiel precite ne pouvait provenir d'autres protagonistes en lacause ;
- le demandeur a ete designe comme « captan » - capitaine en franc,ais -et etait connu de tiers sous ce nom ;
- un co-prevenu copiait pour le demandeur des cartes qu'il volait dans desvoitures dans tout le pays ;
- la copie de cartes par ce co-prevenu aurait ete realisee avec unappareil qu'il a rec,u du demandeur ;
- le demandeur etait en contact avec toutes les personnes impliquees,veillait à la transmission des donnees d'une carte à l'autre et assuraitles rendez-vous avec les clients ;
- il ressort des auditions d'un co-condamne que le demandeur avaithabilement pris la tete des operations, notamment en deleguant un certainnombre de taches secondaires ;
- le demandeur etait en outre le point de contact pour toutes lespersonnes impliquees, veillait à la transmission des donnees d'une carteà l'autre et assurait les rendez-vous avec les clients, etc.
Sur la base de l'ensemble de ces elements de fait, les juges d'appel ontpu legalement decider que le demandeur etait une personne dirigeante ausein de l'organisation criminelle.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le second moyen :
8. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales et 21ter dela loi du 17 avril 1878 contenant le Titre preliminaire du Code deprocedure penale : l'arret decide que le delai pour juger la cause dudemandeur n'est pas depasse et se fonde à cet egard sur sa complexite ;l'arret ne peut legalement deduire des faits qu'il constate que le delairaisonnable n'est pas depasse ; la procedure dans son ensemble, en tenantegalement compte de la duree du delibere, a dure un peu plus de cinq ans ;l'arret fait fi des conditions de detention et de l'attitude du demandeuret de celle des autorites, de la duree de l'examen de la cause en degred'appel d'environ 21 mois et du fait que le demandeur a eprouve desdifficultes à trouver un avocat en mesure de le defendre.
9. Il ne ressort pas des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que ledemandeur ait invoque devant les juges d'appel que ses conditions dedetention et ses difficultes à trouver un avocat devaient etre prises enconsideration dans l'appreciation du delai raisonnable.
Dans cette mesure, le moyen est nouveau et, partant, irrecevable.
10. Le juge apprecie souverainement si le delai raisonnable dans lequel leprevenu a le droit de voir sa cause jugee est depasse, à la lumiere descirconstances concretes de la cause telle la complexite de celle-ci,l'attitude du prevenu et celle des autorites judiciaires, sans que cescriteres doivent etre remplis de maniere cumulative.
La Cour examine uniquement si le juge n'a pas deduit des constatationsqu'il a faites des consequences qui ne peuvent etre justifiees parcelles-ci ou qui y sont etrangeres.
11. La complexite de la cause a non seulement un impact sur l'instructionjudiciaire, mais egalement sur la mise en etat de la cause par leministere public et sur l'instruction par le juge en premiere instance eten degre d'appel.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque en droit.
12. L'arret decide que :
- la cause est particulierement complexe, en raison du nombre de faits quise sont produits sur l'ensemble du territoire flamand, du nombre desuspects de diverses nationalites et habitant à l'etranger, du caracteretransfrontalier de l'instruction et du nombre de dossiers de differentsarrondissements en Belgique et en Allemagne ayant du etre annexes ;
- l'instruction n'a nullement pietine apres le 20 janvier 2009 ;
- le dossier a ete communique le 27 juillet 2010 par le juge d'instructionau ministere public ;
- le ministere public a redige, en cette affaire complexe, sesrequisitions finales le 8 avril 2011 et le demandeur a ete renvoye autribunal correctionnel par ordonnance du 15 juin 2011 ;
- la cause a ete introduite le 12 septembre 2011 devant le tribunalcorrectionnel et, apres une remise au 14 novembre 2011, la cause a eteprise en delibere le 19 decembre 2011, apres quoi le jugement fut rendu le30 janvier 2012 ;
- sur l'appel du demandeur et du ministere public, le demandeur a ete citele 4 juillet 2012 à comparaitre devant la chambre des mises en accusationle 15 octobre 2012, date à laquelle la cause a ete une premiere foisremise à l'audience du 20 novembre et ensuite, à la requete dudemandeur, à l'audience du 15 avril 2013 et finalement à celle du 11juin 2013, date à laquelle elle fut prise en delibere.
Sur la base de ces elements, par lesquels l'arret ne tient pas uniquementcompte de la complexite de la cause durant l'instruction judiciaire etl'examen de la cause en premiere instance et en degre d'appel, maisegalement de l'attitude du demandeur et du ministere public, la courd'appel a legalement decide que le delai raisonnable n'etait pas depasse.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
13. Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que la causea ete prise en delibere le 11 juin 2013 par la cour d'appel. Compte tenude la complexite de la cause, la duree du delibere ayant abouti à ladecision rendue le 22 octobre 2013, n'a pas pour consequence que l'examende la cause dans son ensemble a ete deraisonnablement long.
Dans cette mesure, le moyen ne peut davantage etre accueilli.
14. Compte tenu des autres circonstances de la cause, que le juge peutprendre en consideration, le seul fait que le demandeur ait ete prive deliberte dans l'une des affaires, n'a pas necessairement attribue à lalongueur de la procedure un caractere deraisonnable.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
15. Pour le surplus, imposant à la Cour un examen des faits pour lequelelle est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.
Le controle d'office
16. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
* * La Cour
* * Rejette le pourvoi ;
* Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Maffei, les conseillers FilipVan Volsem, Alain Bloch, Peter Hoet et Erwin Francis, et prononce enaudience publique du vingt-cinq mars deux mille quatorze par le presidentde section Paul Maffei, en presence de l'avocat general Marc Timperman,avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du premier president Jean de Codt ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le premier president,
25 mars 2014 P.13.1855.N/1