Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.14.0402.N
B. C.,
personne faisant l'objet d'un mandat d'arret europeen,
demandeur,
Me Wiewiorka, avocat au barreau d'Anvers et Me Wiet Gortis, avocat aubarreau de Bruxelles.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 27 fevrier 2014 par la courd'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur fait valoir un moyen dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
Le premier avocat general Patrick Duinslaeger a conclu.
II. La decision de la Cour :
Sur le moyen :
Quant à la premiere branche :
1. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 6 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales : l'arret declare le mandat d'arret executoire malgre ledepassement du delai raisonnable ; l'execution du jugement doit egalementetre pris en consideration dans le calcul du delai raisonnable ; l'Etatest tenu de veiller à l'execution du jugement dans un delai raisonnable ;l'Etat qui ne fixe pas de delais pour l'execution du jugement en matiererepressive, viole l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales.
2. En tant qu'il est dirige contre l'Etat d'emission, le moyen, en cettebranche, n'est pas dirige contre l'arret et est, partant, irrecevable.
3. L'article 4, 5DEG, de la loi du 19 mars 2003 relative au mandat d'arreteuropeen prevoit que l'execution d'un mandat d'arret europeen peut etrerefusee s'il y a des raisons serieuses de croire que l'execution du mandatd'arret europeen aurait pour effet de porter atteinte aux droitsfondamentaux de la personne concernee, tels qu'ils sont consacres parl'article 6 du Traite sur l'Union europeenne.
L'article 6, alinea 3, du Traite sur l'Union europeenne dispose que lesdroits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Conventioneuropeenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertesfondamentales, font partie du droit de l'Union en tant que principesgeneraux.
L'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales dispose que, pour decider du bien-fonde de touteaccusation en matiere penale dirigee contre elle, toute personne a droità ce que sa cause soit entendue equitablement, publiquement et dans undelai raisonnable.
4. La violation du droit à l'examen du bien-fonde d'une poursuite penaledans un delai raisonnable, garanti par l'article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, ne peutetre examinee par l'instance nationale que pour autant que celle-ci puisseconnaitre de la poursuite penale. Tel n'est pas le cas en ce qui concernela juridiction d'instruction de l'autorite d'execution d'un Etat membrestatuant sur l'execution d'un mandat d'arret europeen. Dans ce cas,l'action publique n'est, en effet, pendante que devant l'autoritejudiciaire d'emission, qui est, des lors, seule competente pour statuersur la poursuite penale.
5. Il en resulte que l'obligation pour la juridiction d'instructiond'examiner le motif de refus prevu à l'article 4, 5DEG, de la loi du 19decembre 2003 n'implique pas que cette juridiction soit egalement tenued'examiner si le delai raisonnable dans lequel la poursuite penale doitfaire l'objet d'un jugement, a ou non ete depasse.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyen,en cette branche, manque en droit.
6. Dans la mesure ou il est dirige, pour le surplus, contre un motifsurabondant, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la deuxieme branche :
7. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 2, S: 4,5DEG, de la loi du 19 decembre 2003 relative au mandat d'arret europeen :le mandat d'arret europeen signifie au demandeur ne comporte pas leselements enonces par cette disposition.
8. Le moyen, en cette branche, est dirige contre le mandat d'arreteuropeen et non contre l'arret et est, partant, irrecevable.
Quant à la troisieme branche :
9. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 4, 5DEG,de la loi du 19 decembre 2003 relative au mandat d'arret europeen :l'arret declare le mandat d'arret europeen executoire alors que ledemandeur n'a jamais ete informe de la procedure de surveillance ou de lalevee du sursis à l'execution de la condamnation lui ayant ete accorde ;il n'a pas ete valablement cite à comparaitre à l'audience à l'issue delaquelle ordonnance en levee du sursis a ete prise le 23 novembre 2001.
10. En vertu de l'article 4, 5DEG, de la loi du 19 decembre 2003,l'execution d'un mandat d'arret europeen est refusee s'il y a des raisonsserieuses de croire que l'execution du mandat d'arret europeen aurait poureffet de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne concernee,tels qu'ils sont consacres par l'article 6 du Traite sur l'Unioneuropeenne.
Le droit du prevenu, cite personnellement ou informe par un autre moyen dela date de l'audience, de faire opposition au jugement rendu alors qu'iln'a pas comparu ne releve pas des droits fondamentaux consacres parl'article 6 du Traite sur l'Union europeenne.
11. Compte tenu du principe de confiance mutuelle entre les Etats membres,le refus de remise doit etre justifie par des elements concretscirconstancies indiquant un danger manifeste pour les droits de lapersonne et ainsi aptes à renverser la presomption de respect de cesdroits dont l'Etat d'emission beneficie.
12. L'arret (...) decide : « [Le demandeur] a ete contradictoirementcondamne à une peine d'emprisonnement avec sursis probatoire. C'est lacondamnation prononcee contradictoirement qui est à la base du mandatd'arret europeen et non la decision de revocation du suris, en raison del'inobservation des conditions imposees, eut-elle ete pretendument prisepar defaut (ce qui est conteste par les autorites polonaises) et qui rendla peine initialement infligee executoire ; les juridictions d'instructionne sont pas tenues de se prononcer sur la legalite et la regularite dumandat d'arret europeen. La legalite et la regularite dudit mandat sont,en cas d'execution, appreciees par l'autorite judiciaire d'emission àlaquelle est remise la personne recherchee. Il ressort à suffisance despieces jointes au dossier que [le demandeur] a bien ete cite dans le cadrede la procedure en revocation du sursis probatoire. La convocation lui aete envoyee à sa derniere adresse connue. Le fait que la convocation nelui soit pas parvenue ne releve que de sa seule responsabilite ; en effet,la personne concernee a omis de transmettre sa nouvelle adresse au servicede probation competent et au tribunal, malgre le fait qu'il en avaitl'obligation. »
Par ces motifs, l'arret justifie legalement la decision selon laquelle ladefense enoncee dans le moyen, en cette branche, ne constitue pas unecause de refus sur la base de l'article 4, 5DEG, de la loi du 19 decembre2003.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la quatrieme branche :
13. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 44 de laloi du 19 decembre 2003 relative au mandat d'arret europeen : l'arret nerefuse pas l'execution du mandat d'arret europeen , alors que lesjugements ont ete prononces avant l'adhesion de la Pologne à l'Unioneuropeenne ou concernent des faits commis avant le 7 aout 2002.
14. En vertu de l'article 44, alinea 1er, de la loi du 19 decembre 2003,ladite loi s'applique à l'arrestation et à la remise d'une personnerecherchee en vertu d'un mandat d'arret europeen entre la Belgique et lesEtats membres de l'Union europeenne à partir du 1er janvier 2004. Lesdemandes de remise anterieures à cette date continueront d'etre regiespar les instruments existants dans le domaine de l'extradition.
15. Il resulte de cette disposition que, hormis l'application de l'article44, S: 1er, alineas 2 et 3, ou de l'article 44, S:S: 2 et 3, de cette memeloi, les demandes rec,ues apres 1er janvier 2004 doivent etreexclusivement examinees selon la loi du 19 decembre 2003, meme si lejugement de condamnation à une peine privative de liberte qui fonde lademande a ete rendu avant le 1er janvier 2004 ou meme si les faits, lejugement de condamnation ou le jugement qui leve le sursis probatoireaccorde sont anterieurs à l'adhesion à l'Union europeenne de l'Etatd'emission.
Le moyen, en cette branche, qui est deduit d'une autre premisse juridique,manque en droit.
Le controle d'office
16. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Luc Van hoogenbemt, president, lesconseillers Geert Jocque, Peter Hoet, Antoine Lievens et Erwin Francis, etprononce en audience publique du dix-huit mars deux mille quatorze par lepresident de section Luc Van hoogenbemt, en presence du premier avocatgeneral Patrick Duinslaeger, avec l'assistance du greffier delegueVeronique Kosynsky.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Michel Lemal ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le conseiller,
18 mars 2014 P.14.0402.N/1