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14/03/2014 | BELGIQUE | N°F.13.0007.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 mars 2014, F.13.0007.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.13.0007.F

VILLE DE LA LOUVIERE, representee par son college communal, dont lesbureaux sont etablis à La Louviere, en l'hotel de ville,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Louvain, Koning Leopold I straat, 3, ou il estfait election de domicile,

contre

NLMK LA LOUVIERE, societe anonyme dont le siege social est etabli à

La Louviere, rue des Rivaux, 2,

defenderesse en cassation,

ayant pour consei

l Maitre Olivier Bertin, avocat au barreau de Bruxelles,dont le cabinet est etabli à Ixelles, place du Champ de...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.13.0007.F

VILLE DE LA LOUVIERE, representee par son college communal, dont lesbureaux sont etablis à La Louviere, en l'hotel de ville,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Louvain, Koning Leopold I straat, 3, ou il estfait election de domicile,

contre

NLMK LA LOUVIERE, societe anonyme dont le siege social est etabli à

La Louviere, rue des Rivaux, 2,

defenderesse en cassation,

ayant pour conseil Maitre Olivier Bertin, avocat au barreau de Bruxelles,dont le cabinet est etabli à Ixelles, place du Champ de Mars, 2, ou ilest fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 5 septembre2012 par la cour d'appel de Mons.

Le 17 fevrier 2014, l'avocat general Andre Henkes a depose des conclusionsau greffe.

Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et l'avocat general AndreHenkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente un moyen, dont la premiere branche estlibellee dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 159, 162, specialement alinea 2, 2DEG, et 170, S: 4, de laConstitution ;

- articles 6, 37, 183 et 464, 1DEG, du Code des impots sur les revenus,tel que coordonne par l'arrete royal du 10 avril 1992, confirme par laloi du

12 juin 1992 ;

- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- articles 1er et 2 du reglement-taxe pris par la ville de La Louviere, le21 mars 2001, etablissant, pour les exercices 2001 à 2006, une taxeindustrielle compensatoire ;

- articles 1er et 2 du reglement-taxe pris par la ville de La Louviere,le 15 mars 2007, etablissant une taxe industrielle compensatoire.

Decisions et motifs critiques

L'arret, qui dit l'appel de la defenderesse fonde, ordonne le degrevementdes taxes industrielles compensatoires litigieuses en se fondant sur lesmotifs suivants :

« Aux termes de l'article 464, 1DEG, du Code des impots sur les revenus1992, les communes ne sont pas autorisees à etablir des centimesadditionnels à l'impot des personnes physiques, à l'impot des societes,à l'impot des personnes morales et à l'impot des non-residents ou destaxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impots, sauftoutefois en ce qui concerne le precompte immobilier ;

En raison de la separation voulue par le legislateur de la fiscalitelocale et de la fiscalite de l'Etat, la similarite des taxes doit etreappreciee du point de vue de la base de calcul ;

Une taxe communale generale qui est fondee sur un des elementsconstitutifs essentiels determinant directement la base de l'impot sur lesrevenus constitue, des lors, une taxe similaire interdite au sens del'article 464, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992 ;

Le revenu cadastral constitue la base du precompte immobilier et est unecomposante essentielle du revenu net imposable dans l'impot des personnesphysiques ;

En droit, il n'y a pas de difference entre prendre pour base le revenucadastral lui-meme et prendre pour base une valeur egale au revenucadastral affecte d'un coefficient quelconque, puisque cette valeur atoujours pour base le revenu cadastral (C.E., 23 septembre 2010, arretnDEG 207.637, F.J.F., nDEG 2011/89) ;

L'article 464, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992 n'autorise,des lors, pas les provinces et les communes à etablir des taxescommunales sur le revenu cadastral ;

En l'espece, la taxe industrielle compensatoire, qui a ete approuvee parle conseil communal de (la demanderesse) lors de ses deliberations du 21mars 2001 et du 15 mars 2007, est etablie sur la base de la valeur venaleau

1er janvier 1975 des immeubles batis et non batis et de la valeur d'usageau

1er janvier 1975 du materiel et de l'outillage ;

Ces deux valeurs prennent donc pour base unique le revenu cadastral ; lefait que celui-ci soit affecte d'un coefficient multiplicateur ne modifiepas la nature de cette base ;

La taxe communale litigieuse utilise le revenu cadastral comme base decalcul ;

Une taxe locale qui est fondee sur un des composants essentiels quideterminent directement la base des impots sur les revenus constitue une`taxe similaire' interdite au sens de l'article 464, 1DEG, du Code desimpots sur les revenus 1992 (Cass., 10 octobre 2008, F.06.0096.N ; Cass.,10 decembre 2009, F.08.0041.N) ;

En raison de la violation de l'article 464, 1DEG, du Code des impots surles revenus 1992, ces reglements fiscaux doivent rester sans application;

La [demanderesse] ne pouvait pas estimer que la perception de la taxelitigieuse est autorisee par l'article 464, 1DEG, du Code des impots surles revenus 1992, au motif qu'il s'agirait d'une taxe perc,ue sur la baseou sur le montant du precompte immobilier calcule sur pied du revenucadastral ;

C'est à tort que (la demanderesse) estime que la taxe industriellecompensatoire est une taxe directe assimilee à la patente, c'est-à-direune taxe qui atteint les contribuables en raison de l'exercice de leurindustrie, de leur commerce ou de leur profession sur la base d'indices etindependamment du benefice ou du profit realise par eux ;

Le fait imposable declenchant l'exigibilite de la taxe litigieuse est ladetention d'un immeuble bati ou non dans lequel se deroule une activiteindustrielle ou la detention de materiel et outillage ;

La taxe ne frappe pas une activite, mais le revenu des immeubles etmateriel et de l'outillage affectes ou censes affectes à une certaineutilisation ».

Griefs

L'article 464, 1DEG, du Code des impots sur les revenus de 1992 interditaux communes et provinces d'etablir des centimes additionnels à l'impotdes personnes physiques, à l'impot des societes, à l'impot des personnesmorales et à l'impot des non-residents, ou des taxes similaires sur labase ou sur le montant de ces impots, sauf en ce qui concerne le precompteimmobilier.

L'article 465 de ce code autorise neanmoins les communes à etablir unetaxe additionnelle à l'impot des personnes physiques.

L'article 464, 1DEG, du Code des impots sur les revenus de 1992 constitueune restriction à l'autonomie fiscale des communes, telle qu'elle estconsacree par la Constitution en ses articles 162, alinea 2, 2DEG, et 17,S: 4. Partant, cette disposition est d'interpretation restrictive.

Cette interdiction trouve à s'appliquer, d'abord, aux centimesadditionnels aux quatre impots sur les revenus (impot des personnesphysiques, impot des societes, impot des personnes morales et impot desnon-residents).

Elle vise ensuite les taxes similaires à l'impot des personnes physiques,à l'impot des societes, à l'impot des personnes morales et à l'impotdes non-residents, etablies sur la base ou sur le montant de ces impots.

En l'espece, il ressort des constatations de l'arret que la taxeindustrielle compensatoire, levee par la demanderesse, est calculee sur labase de la valeur venale, au 1er janvier 1975, des immeubles batis et nonbatis dans lesquels se deroule une activite industrielle, commerciale,financiere, agricole, artisanale ou autre, et de la valeur d'usage, au 1erjanvier 1975, du materiel et de l'outillage (article 1er desreglements-taxes des 21 mars 2001 et 15 mars 2007 ).

Selon le meme article 1er des reglements-taxes, la valeur venale oud'usage s'obtient forfaitairement par l'application de la formule suivante:

revenu cadastral industriel et/ou outillage de l'annee d'imposition x 100

5,3

Le meme article 1er prevoit encore que, par revenu cadastral et/ououtillage, il faut entendre les revenus auxquels l'administration ducadastre attribue un code 3F, 4F, 5F ou 6F.

Les reglements-taxes disposent aussi que, pour le calcul de la valeurvenale, il sera tenu compte du revenu cadastral industriel, materiel ououtillage pris en compte par le ministere des Finances dans son calcul deprecompte immobilier.

Selon l'article 2 des memes reglements-taxes, la taxe est due par leredevable du precompte immobilier.

Premiere branche

Il n'est pas conteste que la taxe en litige ne constitue pas des centimesadditionnels à l'impot des personnes physiques, à l'impot des societes,à l'impot des personnes morales ou à l'impot des non-residents. La seulequestion en debat est de savoir s'il s'agit, ou non, d'une taxe similaireaux impots sur les revenus, calculee sur la meme base ou le meme montantque ceux-ci.

La taxe industrielle compensatoire, telle qu'adoptee par la demanderesse,est calculee sur la base de la valeur venale ou d'usage, selon le cas, desimmeubles batis et non batis ainsi que du materiel et outillage vises parl'article 1er des reglements-taxes et repondant aux caracteristiques yfixees.

Le revenu cadastral des biens immobiliers soumis à taxation ne constituepas la base de calcul ou de perception de la taxe industriellecompensatoire : il n'intervient qu'en tant qu'element servant à ladetermination de la valeur venale ou de la valeur d'usage des biens soumisà taxation, selon la formule enterinee par la demanderesse pour fixer labase de perception de la taxe.

Il s'ensuit que l'arret, qui declare fonde l'appel de la defenderesse,reforme le jugement du premier juge et conclut que la taxe industriellecompensatoire est une taxe prohibee par l'article 464, 1DEG, du Code desimpots sur les revenus de 1992, aux motifs que le revenu cadastralconstitue la base du precompte immobilier et est une composanteessentielle du revenu net imposable à l'impot des personnes physiques,qu'en l'espece, la taxe en litige est calculee sur la base du revenucadastral, des lors que valeur venale et valeur d'usage prennent pour baseunique le revenu cadastral et que la circonstance que le revenu cadastralest affecte d'un coefficient ne modifie pas la nature de cette base :

- viole les articles 1er et 2 du reglement-taxe du 21 mars 2001 ainsi queles articles 1er et 2 du reglement-taxe du 15 mars 2007 dans la mesure ou,selon ces dispositions des reglements-taxes, la taxe n'est pas calculeesur la base du revenu cadastral, meme affecte d'un coefficient, mais surla base de la valeur venale ou d'usage, selon le cas, des biensimmobiliers soumis à taxation ;

- à tout le moins, viole la foi due à l'article 1er des reglements-taxesdes 21 mars 2001 et 15 mars 2007 et les articles 1319, 1320 et 1322 duCode civil, en lisant dans les dispositions precitees des reglements-taxesune enonciation qu'ils ne contiennent pas, des lors qu'il considere que lataxe en litige est calculee sur la base du revenu cadastral affecte d'uncoefficient quelconque et ce, alors que, selon les reglements-taxes, lataxe est etablie sur la base de la valeur venale ou d'usage et que lerevenu cadastral n'intervient qu'en tant qu'element servant au calcul deladite valeur venale ou d'usage mais ne constitue pas la base deperception de la taxe ;

- viole l'article 464, 1DEG, du Code des impots sur les revenus de 1992et, pour autant que de besoin, les articles 162, specialement alinea 2,2DEG, et 170, S: 4, de la Constitution, qui consacrent l'autonomie fiscaledes communes, dans la mesure ou n'etant pas calculee sur la base du revenucadastral et n'etant pas etablie sur la base ou sur le montant des impotssur les revenus, la taxe en litige n'est pas visee par l'interdictionedictee par l'article 464, 1DEG, precite, qui ne prohibe que les taxescommunales calculees sur la base ou sur le montant des impots sur lesrevenus ;

- viole l'article 159 de la Constitution dans la mesure ou il refuse defaire application des reglements-taxes des 21 mars 2001 et 15 mars 2007alors, pourtant, que la taxe industrielle compensatoire n'est pascontraire à l'article 464 du Code des impots sur les revenus de 1992.

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

Aux termes de l'article 464, 1DEG, du Code des impots sur les revenus1992, les provinces, les agglomerations et les communes ne sont pasautorisees à etablir des centimes additionnels à l'impot des personnesphysiques, à l'impot des societes, à l'impot des personnes morales et àl'impot des non-residents ou des taxes similaires sur la base ou sur lemontant de ces impots, sauf toutefois en ce qui concerne le precompteimmobilier.

En leur article 1er, les reglements communaux, du 21 mars 2001 pour lesexercices 2002 à 2005 et du 15 mars 2007 pour l'exercice 2007,etablissent au profit de la demanderesse une taxe industriellecompensatoire egale à moins d'un pourcent de la valeur venale au 1erjanvier 1975 des immeubles batis et non batis dans lesquels se deroule uneactivite industrielle, commerciale, financiere, agricole, artisanale ouautre et de la valeur d'usage au 1er janvier 1975 du materiel et del'outillage. L'article 1er prevoit egalement que la valeur venale oud'usage s'obtient forfaitairement par l'application de la formule« revenu cadastral industriel et/ou outillage de l'annee d'imposition x100/5,3 », le revenu cadastral s'entendant de celui auquell'administration du cadastre attribue un code 3F, 4F, 5F ou 6F et qui estapplique par le ministere des Finances dans son calcul du precompteimmobilier.

En vertu des articles 478 et 483 du Code des impots sur les revenus 1992,le revenu cadastral des biens concernes est etabli en appliquant à leurvaleur venale ou d'usage le taux de 5,3 p.c., de sorte que la valeurvenale ou d'usage servant de base au calcul de la taxe peut etrereconstituee en appliquant au revenu cadastral un coefficient de 100/5,3.

Il s'ensuit que les taxes industrielles compensatoires litigieuses portentsur la valeur venale des immeubles et sur la valeur d'usage du materiel etde l'outillage, et non sur leur revenu, et que, partant, elles neconstituent pas des taxes similaires prohibees, etablies sur la base ousur le montant des impots enumeres à l'article 464, 1DEG, precite.

En decidant le contraire, l'arret viole l'article 1er des reglements-taxesainsi que l'article 464, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992.

Le moyen est fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres branches du moyen, qui nesauraient entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Gustave Steffens, Michel Lemal et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du quatorze mars deux mille quatorze par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat generalAndre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+-------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+-----------+-------------|
| G. Steffens | M. Regout | A. Fettweis |
+-------------------------------------------+

14 MARS 2014 F.13.0007.F/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.13.0007.F
Date de la décision : 14/03/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-03-14;f.13.0007.f ?
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