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11/03/2014 | BELGIQUE | N°P.14.0377.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 mars 2014, P.14.0377.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.14.0377.N

P. S.,

Me Hans Rieder, avocat au barreau de Gand.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 25 fevrier 2014 par la courd'appel de Gand, chambre des mises en accusation.

Le demandeur presente un moyen dans un memoire annexe au present arret, encopie certifiee conforme.

Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.

L'avocat general suppleant Marc De Swaef a conclu.

II. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la premie

re branche :

1. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 5.3 de laConvention de sauvegarde des dro...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.14.0377.N

P. S.,

Me Hans Rieder, avocat au barreau de Gand.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 25 fevrier 2014 par la courd'appel de Gand, chambre des mises en accusation.

Le demandeur presente un moyen dans un memoire annexe au present arret, encopie certifiee conforme.

Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.

L'avocat general suppleant Marc De Swaef a conclu.

II. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la premiere branche :

1. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 5.3 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 23, 4DEG, et 30, S: 4, de la loi du 20 juillet 1990relative à la detention preventive, ainsi que la violation du principegeneral du droit relatif à l'obligation de motivation : en ordonnant lemaintien de la detention preventive du demandeur, l'arret violel'article 5.3 de la Convention et n'est pas regulierement motive ; au plusla detention preventive est longue, au moins les indices de culpabilitesont serieux et au plus tous autres motifs justifiant la detention doiventetre preponderants ; eu egard à la jurisprudence de la Cour europeennedes droits de l'homme concernant l'article 5.3 de la Convention, lesmotifs du danger de recidive, du danger de collusion et de securitepublique ont perdu de leur pertinence et ne suffisent plus à justifier ladetention preventive de plus de deux ans ; en ce qui concerne le danger derecidive, il y a lieu de relever que les antecedents du demandeur ne sontpas comparables aux faits du chef desquels il est actuellement endetention preventive ; le danger de collusion n'est pas concretementetabli et est uniquement lie aux indices serieux de culpabilite ; enoutre, l'instruction est en phase finale ; les motifs de securite publiquefont reference aux indices serieux de culpabilite et la gravite du faitmis à charge ne saurait justifier, en soi, une detention preventive delongue duree.

2. L'article 5.3 de la Convention dispose : "Toute personne arretee oudetenue, dans les conditions prevues au paragraphe 1er, c, du presentarticle, doit etre aussitot traduite devant un juge ou un autre magistrathabilite par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droitd'etre jugee dans un delai raisonnable, ou liberee pendant la procedure.La mise en liberte peut etre subordonnee à une garantie assurant lacomparution de l'interesse à l'audience".

Il suit de cette disposition, qui tend à proteger la liberteindividuelle, qu'il y a lieu de liberer l'interesse lorsque la duree de ladetention preventive n'est plus raisonnable.

3. Le juge qui statue sur le maintien de la detention preventive appreciesouverainement si la duree de la detention preventive est raisonnable.Cette appreciation ne peut etre abstraite ou generale, mais doit etreconcrete et tenir compte des elements specifiques de la cause.

4. La duree de la detention preventive a une incidence sur l'obligation demotiver la decision qui la maintient, dans la mesure ou l'ecoulement dutemps peut oter leur pouvoir de justification à des motifs qui, audepart, paraissaient suffisants. Il ne s'ensuit toutefois pas que le jugeappele à apprecier le danger de recidive ou de collusion et les motifs desecurite publique ne pourrait plus avoir egard aux indices serieux deculpabilite.

Dans la mesure ou il soutient une autre these juridique, le moyen, encette branche, manque en droit.

5. Les juges d'appel ne fondent pas le maintien de la detention preventivedu demandeur uniquement sur les indices serieux de culpabilite ou lagravite de l'infraction mise à sa charge, mais ont egalement egard à lacomplexite de l'instruction, au nombre de suspects, à la probabilite ducaractere international de la cause, au comportement du demandeur, audanger de recidive, au danger de collusion et aux motifs de securitepublique.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde sur une lectureincomplete de l'arret et manque en fait.

6. Le juge appele à apprecier le caractere raisonnable de la duree de ladetention preventive peut avoir egard au danger de recidive. Il peutegalement deduire l'existence de ce danger d'antecedents judiciaires quine sont pas comparables aux faits du chef desquels le suspect a ete mis endetention preventive.

Dans la mesure ou il soutient une autre these juridique, le moyen, encette branche, manque en droit.

7. Le juge appele à apprecier le caractere raisonnable de la detentionpreventive peut avoir egard au danger de collusion, meme si l'instructionsemble entamer sa phase finale.

Dans la mesure ou il soutient une autre these juridique, le moyen, encette branche, manque en droit.

8. Les juges d'appel considerent qu'il existe un danger de collusion. Ilsrelevent à cet egard l'existence d'indices serieux de culpabilite dans lechef du demandeur, qui aurait servi d'intermediaire entre le mandataire etles executeurs, sur lesquels, en cette phase de l'instruction, la clarten'est pas encore faite et qu'en consequence, il y a lieu d'eviter que ledemandeur se concerte avec le mandataire, les autres executeurs encore nonidentifies et les autres intermediaires ou influe d'une maniere quelconquesur l'instruction. Dans son requisitoire - dont les juges d'appels'approprient les motifs -, le procureur general a developpe de manieredetaillee les indices serieux de l'existence de liens entre le demandeur,le mandataire et les executeurs. Il a releve plus specialement le mode decommunication par billets et la maniere suivant laquelle le demandeurvoulait prendre contact avec les autres inculpes. Ainsi, les juges d'appelindiquent de maniere concrete, et non de maniere abstraite ou generale, enquoi, selon eux, le danger de collusion consiste.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

9. Par des motifs propres et par appropriation des motifs mentionnes dansle requisitoire du procureur general, les juges d'appel relevent demaniere concrete les indices serieux de culpabilite, le danger derecidive, le danger de collusion et les motifs de securite publique quinecessitent le maintien de la detention preventive du demandeur. Ainsi,ils motivent regulierement et justifient legalement leur decision.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut davantage etreaccueilli.

Quant à la deuxieme branche :

10. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 5.3 et 6de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales : l'arret justifie le maintien de la detention preventive dudemandeur par la constatation que celui-ci ne collabore pas àl'instruction, ce qui est contraire à l'article 6 de la Convention ; envertu de cette disposition, le demandeur a le droit fondamental de seprevaloir du droit de garder le silence et de ne pas collaborer àl'instruction.

11. Le suspect a le droit de garder le silence et peut nier les faits quilui sont imputes. La detention preventive ne peut etre justifiee par leseul motif que le suspect nie sa culpabilite ou refuse de collaborer avecles instances chargees de l'instruction.

12. Toutefois, la circonstance que le suspect invoque le droit au silenceet refuse de collaborer avec les instances chargees de l'instruction peutavoir une incidence sur la conduite et la duree de l'instruction. Le jugepeut prendre cette incidence en consideration lorsqu'il statue sur lemaintien de la detention preventive.

Dans la mesure ou il soutient une autre these juridique, le moyen, encette branche, manque en droit.

13. Par les motifs que "le comportement du (demandeur) (...) n'est pas denature à diligenter l'instruction", "le comportement du (demandeur), quiprefere ne pas faire de declarations substantielles - ce qui est son droitle plus strict - (n'est pas) de nature à diligenter l'instruction","nonobstant le mutisme dans lequel (le demandeur) s'enferme, les autoritesjudiciaires nationales ont opere avec une diligence particuliere afin defaire regulierement progresser ce dossier complexe", "(le suspect)persiste dans son silence, ce qui est son droit (...) mais (n'est pas) denature à diligenter l'instruction" et "son comportement au cours del'instruction", les juges d'appel ne fondent pas le maintien de ladetention preventive sur le fait que le demandeur se prevaut de son droitde garder le silence et de refuser de collaborer avec les instanceschargees de l'instruction mais ont uniquement egard à l'incidence del'exercice de ces deux droits sur le cours et la duree de l'instruction.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

Quant à la troisieme branche :

14. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 5.3 dela Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 23, 4DEG, et 30, S: 4, de la loi du 20 juillet 1990relative à la detention preventive, ainsi que la violation du principegeneral du droit relatif à l'obligation de motivation : les motifs del'arret concernant le danger pour la securite publique, le danger derecidive et le danger de collusion sont enonces en des termesquasi-identiques aux termes des arrets des 24 avril 2012, 7 aout 2012,5 fevrier 2013, 23 mai 2013, 22 aout 2013 et 10 decembre 2013 ;l'article 5.3 de la Convention est viole en ce que ces motifs sontreiteres sans indiquer pourquoi ils seraient encore valables en cettenouvelle phase de la detention preventive.

15. Le juge qui fonde le maintien de la detention preventive sur desmotifs quasi-identiques à ceux qui ont justifie le maintien de ladetention d'un suspect dans une phase anterieure de la procedure, ne violepas l'exigence du delai raisonnable visee à l'article 5.3 de laConvention, pour autant qu'il constate que les circonstances auxquellesces motifs font reference existent encore.

Dans la mesure ou il soutient une autre these juridique, le moyen, encette branche, manque en droit.

16. Par les motifs reproduits dans l'arret, les juges d'appel indiquentque la complexite de la cause, le nombre de suspects, la probabilite ducaractere international de la cause, le comportement du demandeur, ledanger de recidive, le danger de collusion et les motifs de securitepublique sont encore actuels. Ainsi, ils motivent regulierement etjustifient legalement leur decision.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la quatrieme branche :

17. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 5.3 dela Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales : l'arret fonde le maintien de la detention preventive surles necessites de l'instruction, alors que l'article 5.3 de la Convention,tel qu'il est interprete par la Cour europeenne des droits de l'homme, nepermet pas l'utilisation de ce critere lors de l'appreciation du maintiende la detention preventive.

18. Eu egard aux motifs enonces anterieurement, les juges d'appel decidentpar le considerant "Attendu que la personnalite du (demandeur) et son rolespecifique dans les faits, pour lequel il existe des indices, revelentqu'il est necessaire de maintenir la detention afin de pouvoir poursuivrel'instruction", non que le maintien de la detention du demandeur estnecessaire pour l'instruction, mais que ce maintien est necessaire,notamment, en raison du danger de recidive et de collusion existant dansle chef du demandeur.

Le moyen, en cette branche, est fonde sur une lecture inexacte de l'arretet manque en fait.

Le controle d'office

19. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux frais.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Maffei, president, le president desection Luc Van hoogenbemt, les conseillers Alain Smetryns, Filip VanVolsem et Peter Hoet, et prononce en audience publique du onze mars deuxmille quatorze par le president de section Paul Maffei, en presence del'avocat general suppleant Marc De Swaef, avec l'assistance du greffierKristel Vanden Bossche.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

Le greffier, Le conseiller,

11 mars 2014 P.14.0377.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.14.0377.N
Date de la décision : 11/03/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-03-11;p.14.0377.n ?
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