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03/03/2014 | BELGIQUE | N°C.13.0224.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 mars 2014, C.13.0224.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

3882



NDEG C.13.0224.F

1. B. D. C.,

2. P. D. C.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, societe de droit anglais ayant en Belgique unsiege d'exploitation etabli à Etterbeek, avenue des Nerviens, 9,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Isabelle Heenen, avocat à la Cour de

cassation,dont le cabinet est etabli à Uccle, Dieweg, 274, ou il est fait electionde domicile.

I. La procedure devant la ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

3882

NDEG C.13.0224.F

1. B. D. C.,

2. P. D. C.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, societe de droit anglais ayant en Belgique unsiege d'exploitation etabli à Etterbeek, avenue des Nerviens, 9,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Uccle, Dieweg, 274, ou il est fait electionde domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 25 septembre2012 par la cour d'appel de Mons, statuant comme juridiction de renvoiensuite de l'arret de la Cour du 2 avril 2010.

Le 24 decembre 2013, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Par ordonnance du 23 janvier 2014, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat general Jean MarieGenicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 3 et 8, alinea 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre ;

- articles 6, 1131, 1133, 1134, 1162, 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- article 19bis de la loi du 9 juillet 1975 relative au controle desentreprises d'assurances ;

- article 14 de l'arrete royal du 22 fevrier 1991 portant reglementgeneral relatif au controle des entreprises d'assurances.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque declare l'appel des demandeurs non fonde et confirme lejugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf celles qui concernent la liquidation des depens.

Il rejette ainsi comme non fondee la demande des demandeurs tendant àentendre condamner la defenderesse à leur payer la somme de 61.973,38euros à majorer des interets.

Il condamne les demandeurs in solidum au paiement des indemnites deprocedure, taxees pour la defenderesse à la somme de 6.600 euros.

L'arret attaque fonde ces decisions sur les motifs suivants :

« Faits et antecedents de la procedure

J. D.C. a mis fin à ses jours le 13 decembre 1999, apres avoir tue saseconde epouse et ensuite leur fille, D. D. C. Il est egalement le pere dedeux enfants d'un premier mariage, [les demandeurs].

Il avait souscrit, le 5 juin 1997, une demande d'assurance emanant deCigna (actuellement [la defenderesse]), par laquelle celle-ci proposait unplan de protection prevoyant le paiement de 2.500.000 francs en cas dedeces accidentel avec une periode d'assurance gratuite en cas de renvoide la demande avant le 15 juin 1997, moyennant une prime mensuelle de 500francs.

Ce document precise qu'en cas de deces, le capital sera verse auxheritiers legaux, à moins que l'assure ne souhaite designer un autrebeneficiaire, ce qu'il s'engage à notifier expressement par ecrit àl'assureur.

Par lettre du 12 juin 1997, Cigna accuse reception de la demanded'assurance et adresse à J. D. C. les conditions generales et particulieres de la police.

Dans la meme lettre, elle offre d'assurer egalement l'epouse de J. D. C.,moyennant paiement d'une seconde prime de 500 francs par mois.

Les conditions particulieres datees du 12 juin 1997 precisent commebeneficiaire `voir conditions generales' et fixent la prime mensuelle à500 francs, payable via le compte American Express.

Les conditions generales definissent le beneficiaire comme suit : `A moinsque l'assure n'ait avise l'assureur de l'identite d'un autre beneficiaire,la somme prevue en cas de deces de l'assure est versee à son conjointsurvivant non separe de corps ni divorce, à defaut aux heritiers legaux,à l'exclusion de l'Etat'.

J. D. C. signe, ensuite de cette nouvelle offre, une demande d'assuranceau nom de son epouse, A. V., le 31 juillet 1997, et ce, moyennant lesupplement de prime annonce.

Par lettre du 6 aout 1997, J. D. C. accuse la reception de la lettre deCigna du 12 juin 1997 et notifie sa volonte de modifier la definition des beneficiaires telle qu'elle est reprise aux conditions generales.

Il a ainsi indique l'ordre suivant : A. V., à defaut, sa fille D. D. C.,à defaut, K. R., à defaut les heritiers legaux.

Par lettre du 20 aout 1997, Cigna adresse à J. D. C. un avenant date du8 aout 1997, designant en qualite de beneficiaire : `voir lettre du 6 aout 1997', repondant ainsi au souhait du preneur d'assurance. La primeetait fixee à 500 francs par mois.

Cigna a, par la suite, adresse de nouvelles conditions particulieres,datees du 2 septembre 1997, precisant, d'une part, l'identite du preneurd'assurance, J. D. C. (assure), avec l'identification du beneficiaire'voir lettre du 6 aout 1997' et, d'autre part, l'identite du conjoint, A. V. (assuree), avec l'identification du beneficiaire, `voir conditionsgenerales', avec une prime fixee à 1.000 francs par mois. Ce point faitl'objet de la contestation entre les parties.

Apres le deces des deux assures, le 12 decembre 1999, la [defenderesse],venant aux droits de Cigna, a informe le notaire charge des successions de l'existence d'un contrat souscrit par J. D. C.

Elle a refuse sa couverture.

Resume des theses en presence

[Les demandeurs] invoquent leur qualite d'heritiers de leur demi-soeur,D. D. C., et de leur pere, J. D. C., et le benefice de l'assuranceconclue par ce dernier en qualite de preneur d'assurance et couvrant lerisque reposant sur la tete de l'assuree A. V.

[...] [Les demandeurs] soutiennent que, à la suite du deces d'A. V., l'attribution beneficiaire prevue au contrat litigieux devait s'operer, auvu de ce contrat, non en faveur de J. D. C. mais en faveur de sa fille D.

[...] Ils soutiennent, à titre subsidiaire, que, meme si J. D. C. avait ete le beneficiaire de la garantie en cas de deces de son epouse(quod non), ils sont fondes à obtenir le benefice de la garantied'assurance dans la mesure ou [la defenderesse] ne rapporte pas la preuved'un sinistre intentionnel et ou, meme en cas de sinistre intentionnel,les sanctions contenues dans la police d'assurance de la [defenderesse]n'autorisent pas cette derniere à les exclure du benefice de lagarantie.

[La defenderesse] soutient pour sa part qu'en raison de la definition dubeneficiaire qui figure aux conditions generales de la police, le premierbeneficiaire de la garantie à la suite du deces d'A. V. n'est pas safille D. mais son conjoint survivant, à savoir J. D. C. et que, cedernier ayant intentionnellement provoque le sinistre, la sanction de l'exclusion [prevue] à l'article 4 des conditions generales trouve às'appliquer.

Consequences de ce qui precede quant à la determination des beneficiairesde l'assurance-deces

Pour le contrat dont J. D. C. est l'assure : en cas de deces, lesbeneficiaires sont son epouse, à defaut D. D. C., à defaut, madame R.et à defaut les heritiers legaux.

Pour le contrat dont A. V. est l'assuree, selon les conditionsparticulieres qui renvoient aux conditions generales dont l'article 1er mentionne : le conjoint survivant (donc J. D. C.), à defaut lesheritiers legaux (donc [les demandeurs]).

Concernant la demande [des demandeurs] et le contrat dont A. V. estl'assuree

La compagnie d'assurances considere que, comme J. D. C., qui est lebeneficiaire de la police souscrite sur la tete d'A. V., aintentionnellement provoque le deces de son epouse, il n'aurait pupretendre au benefice de la police en application de l'article 4 desconditions generales qui dispose que les accidents causes par un acteintentionnel du beneficiaire de la police sont exclus.

[...] L'assureur rapporte la preuve que le fait commis est un faitintentionnel, soit un fait commis sciemment et volontairement.

Quant à la sanction du sinistre intentionnel, les [demandeurs]considerent que la sanction edictee à l'article 1er des conditionsgenerales a pour seul effet de priver J. D. C. du benefice de la garantietout en preservant les droits des autres beneficiaires.

Selon eux, il decoule de l'article 8 de la loi du 25 juin 1992 que cettedisposition edicte une decheance qui ne frappe que l'auteur du sinistreet preserve les droits des autres beneficiaires eventuels.

Comme il a ete expose ci-dessus, la distinction entre les categories dedecheance et d'exclusion importe peu au niveau de la charge de la preuvedes lors que l'on fait application de l'article 1315, alinea 2, du Codecivil.

Il y a lieu d'examiner si la sanction ne frappe que l'auteur du sinistreintentionnel et si la police conserve ses entiers effets vis-à-vis desautres assures ou beneficiaires.

En l'espece, la police prevoit explicitement en son article 4 plusieurscauses d'exclusion (qu'il faut distinguer des causes de decheancereprises à l'article 6 de la police).

L'analyse du contrat demontre que l'assureur a etabli une nettedistinction entre ces deux categories.

L'article 4 de la police enonce que `sont exclus les accidents [...]causes par un acte intentionnel de l'assure ou du beneficiaire de lapolice, par suicide ou tentative de suicide, par la participationvolontaire à des crimes ou à des delits'.

Cette disposition mentionne bien une clause d'exclusion du contrat, ce quisignifie que le sinistre n'est pas couvert dans ce cas.

Le risque couvert est le deces accidentel, soit le deces decoulant d'uneatteinte à l'integrite physique de l'assure, atteinte provoquee par unevenement soudain dont une des causes est exterieure à l'organisme decelui-ci (voir les definitions à l'article 1er des conditions generalesde la police).

Un tel risque ne s'apparente pas au suicide, dont il est question enl'espece.

Bien que le principe de la couverture des assures autres que l'auteur del'acte intentionnel soit admis, la loi n'interdit pas à l'assureur deconvenir conventionnellement leur exclusion, comme c'est le cas enl'espece.

Les [demandeurs] soutiennent qu'il existe une contradiction entre lesarticles 4 et 6 de la police puisque l'article 6 dispose : `l'assure etle beneficiaire seront dechus de tout droit decoulant de la police etl'assureur pourra leur reclamer le remboursement de toute somme dejàpayee lorsque le preneur d'assurance, l'assure ou le beneficiaire auraprovoque intentionnellement l'accident [...]. Lorsqu'il y a plusieursbeneficiaires, la police ne sortira ses effets qu'en faveur desbeneficiaires n'ayant pris aucune participation à un des evenements visesau premier alinea ci-dessus'.

Ils soutiennent qu'au vu de cette disposition, la police sanctionne dedecheance du droit à la garantie le beneficiaire qui aintentionnellement cause le sinistre, etant entendu que cette sanctionest personnelle au beneficiaire concerne et qu'elle ne s'etend pas auxautres beneficiaires designes au contrat, lesquels conservent leur droitau benefice de la garantie.

Ils en deduisent que les clauses des contrats d'assurances doivent etreclaires et precises, en application de l'article 14 de l'arrete royal du22 fevrier 1991 portant reglement general relatif au controle desentreprises d'assurances, qui dispose que les conditions des contratsdoivent etre rediges en termes clairs et precis, ce qui impliquenotamment que les clauses des polices doivent etre redigees en manieretelle qu'elles ne soient pas contraires entre elles.

A defaut, ces clauses sont reputees non ecrites, selon l'article 19bis dela loi du 9 juillet 1975 relative au controle des entreprisesd'assurances, et les [demandeurs] en deduisent que la [defenderesse] nepeut se prevaloir ni de l'article 4 ni de l'article 6 de sa police et queseul le regime legal de la decheance trouve à s'appliquer.

A titre subsidiaire, ils soutiennent qu'en tout cas la contradictiondevrait etre resolue dans un sens qui leur est favorable, l'assureurayant stipule à son profit dans ces deux dispositions.

L'article 4 se situe juste apres la disposition decrivant le risque etavant les dispositions relatives au paiement de la prime et à ladeclaration de sinistre (ou sont inserees les dispositions relatives àla decheance).

Les hypotheses visees par ces deux dispositions ne sont pas identiques.

La portee de l'article 6 de la police est de sanctionner les manquementsde l'assure ou du beneficiaire en cas de sinistre non exclu ; sasituation dans le contrat confirme cette interpretation. L'article 6 faitetat de `provoquer intentionnellement l'accident' tandis que l'article 4,dont le libelle en soi est clair et non equivoque, fait etat notamment dedeux cas specifiques qui excluent du benefice de l'assurance :

- l'etat physique ou psychique deficient ( qui n'est pas invoque par lesparties) ;

- un acte intentionnel par suicide, tentative de suicide ou participationvolontaire à des crimes ou à des delits.

Certes, l'utilisation à deux reprises du terme àcte intentionnel' estmalencontreuse, mais l'interpretation contextuelle permet de distinguerdeux entendements differents du meme terme.

Dans le premier cas, l'acte intentionnel qui entraine l'exclusion est soitun acte delictueux, soit un suicide ou une tentative de suicide, tandisque, dans le second cas, il est entendu de maniere plus generale commeetant avoir provoque intentionnellement l'accident ou aggrave les suitesde celui-ci, soit directement, soit en refusant de suivre ou de fairesuivre un traitement medical.

Provoquer directement et intentionnellement un accident est entendu ici àl'exclusion du suicide qui est prevu dans la premiere categorie, ce quiest parfaitement coherent dans la logique de la police.

Il n'y a donc pas de contradiction interne et il est clair que la volontedes parties s'est rencontree sur le point de situer le suicide dans lesclauses d'exclusion de garantie.

L'exclusion implique que le risque n'est pas couvert, quel que soit lebeneficiaire, à l'inverse de la decheance, qui est personnelle (voirnotamment Liege, 17 octobre 2003, R.R.D., 2004, 453 : `Selon l'article 8de la loi du 25 juin 1992, l'assureur ne peut etre tenu de fournir sagarantie à l'egard de quiconque a cause intentionnellement le sinistre.Cette loi a exclu la couverture d'un fait intentionnel mais uniquement àl'egard de celui qui en est l'auteur. Les parents ne pourront se voiropposer par l'assureur le refus de garantie des lors qu'eux-memesremplissent les conditions d'assurance').

La [defenderesse] soutient que les assureurs peuvent substituerconventionnellement à la sanction legale de la decheance une autresanction, telle l'exclusion, en maniere telle qu'en cas de sinistreintentionnel, l'assureur serait en droit de refuser sa garantie, nonseulement à l'auteur du sinistre intentionnel, mais à tout tiersbeneficiaire, ce qui est le cas de l'article 4 des conditions generales de la police dont question.

L'article 8, en son premier alinea, est redige comme suit : `Nonobstanttoute convention contraire, l'assureur ne peut etre tenu de fournir sagarantie à l'egard de quiconque a cause intentionnellement le sinistre'.

Cette disposition est d'ordre public, comme l'indiquent les termes`nonobstant toute convention contraire'.

En vertu de ce texte, en aucun cas, l'assureur ne peut etre tenu defournir sa garantie à l'egard de celui - preneur d'assurance, assure,beneficiaire - qui aurait cause volontairement et sciemment le sinistre.

Cela ne signifie pas pour autant que cette regle lui impose de fournir sagarantie à tout autre beneficiaire etranger au fait intentionnel et luiinterdit d'ecarter, par une disposition contractuelle, sa garantie pourtout autre beneficiaire du contrat etranger au fait intentionnel.

`Une telle (disposition) ne contrevient nullement au caractere d'ordrepublic de l'article 8 et est tout à fait valide' (Liege, 7 novembre2007, For. Ass., 2008, 11, note C. Verdure ; CUP, vol. 106, p. 56, nDEG69).

Il s'ensuit que la clause d'exclusion contenue dans la police et accepteepar J. D. C. est valide et que l'assureur n'est donc pas tenu d'accordersa garantie [aux demandeurs].

Leurs demandes ne sont donc pas fondees ».

Griefs

1.1. J. D. C. avait souscrit en 1997 aupres de la defenderesse uneassurance prevoyant, d'une part, le paiement de 2.500.000 francs en casde deces accidentel de lui-meme et, d'autre part, le paiement de2.500.000 francs en cas de deces accidentel de son epouse, A. V.

Les demandeurs reclament le paiement de 61.973,38 euros (2.500.000 francs)en vertu du contrat dont A. V. est l'assuree.

L'arret attaque decide que, pour le contrat dont A. V. est l'assuree, lesbeneficiaires du contrat sont : le conjoint survivant (donc J. D. C.), àdefaut les heritiers legaux (donc les demandeurs).

L'arret constate que J. D. C. a tue sa seconde epouse, A. V., et aensuite mis fin à ses jours.

1.2. L'arret decide que les demandeurs ne peuvent pretendre au beneficede l'assurance dont A. V. est l'assuree parce que :

- J. D. C., beneficiaire de cette assurance, a intentionnellement provoque le deces de son epouse ;

- l'article 4 des conditions generales de la police enonce que « sontexclus les accidents [...] causes par un acte intentionnel de l'assure oudu beneficiaire de la police, par suicide ou tentative de suicide, par laparticipation volontaire à des crimes ou à des delits » ;

- il s'agit d'une clause d'exclusion (opposable non seulement à J. D. C.,auteur de l'acte intentionnel, mais egalement aux demandeurs) et non d'une clause de decheance ;

- le sinistre n'est partant pas couvert et les demandeurs ne peuventpretendre au benefice de l'assurance.

Premiere branche

2.1. En matiere d'assurance, il convient de distinguer les clauses d'exclusion et les clauses de decheance.

L'exclusion est liee à la definition du risque couvert tandis que la decheance intervient dans le cadre des risques couverts mais sanctionne unmanquement determine par la privation de couverture.

2.2. Aux termes de l'article 8, alinea 1er, de la loi du 25 juin 1992sur le contrat d'assurance terrestre, l'assureur ne peut etre tenu defournir sa garantie à l'egard de quiconque a cause intentionnellement lesinistre.

Cette disposition sanctionne la personne qui a commis une faute intentionnelle. La faute intentionnelle d'un assure ou beneficiairel'expose personnellement à la decheance de garantie. Elle ne peut etreopposee aux autres assures ou beneficiaires qui ne sont pas (co)auteursde l'acte intentionnel.

La faute intentionnelle est partant une cause de decheance de la garantie.

2.3.1. L'article 14 de l'arrete royal du 22 fevrier 1991 portant reglementgeneral relatif au controle des entreprises d'assurances prevoit que les conditions des contrats doivent etre redigees en termes clairs et precis.

L'article 19bis de la loi du 9 juillet 1975 relative au controle des entreprises d'assurances dispose que toutes clauses ou tous accords qui nesont pas conformes aux dispositions de cette loi ou des arretes etreglements pris pour son execution sont censes avoir ete etablis des laconclusion du contrat en conformite avec ces dispositions.

L'article 1162 du Code civil dispose que, dans le doute, la convention s'interprete contre celui qui a stipule et en faveur de celui qui acontracte l'obligation.

Il resulte de ces dispositions que, si le contrat d'assurance contientdes dispositions contradictoires, les conditions des contrats ne sont pasredigees en termes clairs et precis, de sorte que :

- les dispositions contradictoires, qui s'annulent mutuellement, sontconsiderees comme non ecrites et que les dispositions legaless'appliquent ;

- à tout le moins, dans le doute cree par la contradiction desdispositions contractuelles, la disposition la plus favorable à l'assureou au beneficiaire doit s'appliquer.

2.3.2. Les demandeurs ont allegue devant la cour d'appel que le contratd'assurance contient des clauses contradictoires. En effet, selon l'article 4 des conditions generales, le fait d'avoir intentionnellementcause l'accident est une clause d'exclusion (opposable à tous lesbeneficiaires) tandis qu'aux termes de l'article 6 des conditionsgenerales, le fait d'avoir intentionnellement cause l'accident est uneclause de decheance (uniquement opposable au beneficiaire qui a commis cefait ou y a participe).

Se referant aux articles 14 de l'arrete royal du 22 fevrier 1991, 19bisde la loi du 9 juillet 1975 et 1162 du Code civil, les demandeurs ont faitvaloir que ces dispositions contractuelles contradictoires sont reputeesnon ecrites et que la defenderesse ne peut s'en prevaloir, de sorte quec'est le regime legal de la decheance prevu par l'article 8, alinea 1er,de la loi sur le contrat d'assurance terrestre qui s'applique. Lacontradiction entre les dispositions contractuelles doit, à tout lemoins, etre resolue dans un sens favorable aux demandeurs. Dans le doutecree par la contradiction entre les articles 4 et 6 des conditionsgenerales, la police doit s'interpreter contre celui qui a stipule, desorte que, pour le sinistre intentionnel, ne peut etre retenue que lasanction la plus favorable aux demandeurs, c'est-à-dire la decheance.

3. Les dispositions des articles 4 et 6 des conditions generales de lapolice d'assurance litigieuse sont contradictoires.

L'article 4 (« Les exclusions du contrat ») dispose : « Sont exclusles accidents [...] causes par un acte intentionnel de l'assure ou dubeneficiaire de la police, par suicide ou tentative de suicide, par laparticipation volontaire à des crimes ou delits ».

L'article 6 (« Que faire en cas de sinistre ? ») dispose : «Decheance. L'assure et le beneficiaire seront dechus de tout droitdecoulant de la police et l'assureur pourra leur reclamer leremboursement de toutes sommes dejà payees :

- lorsque le preneur d'assurance, l'assure ou le beneficiaire auraprovoque intentionnellement l'accident ou aggrave les suites de celui-ci,soit directement, soit en refusant de suivre ou de faire suivre letraitement medical prescrit ;

(...) Dans ces cas, les primes echues restent dues à l'assureur.

Lorsqu'il y a plusieurs beneficiaires, la police ne sortira ses effets enfaveur des beneficiaires n'ayant pris aucune participation à un desevenements vises au premier alinea ci-dessus ».

Ainsi,

- d'une part, l'article 4 des conditions generales de la police prevoitque le sinistre cause intentionnellement (en l'espece, le fait qu'A. V. aete tuee par J. D. C., beneficiaire de l'assurance) est une cause d'exclusion de la garantie,

- d'autre part, l'article 6 des conditions generales de la police prevoitque le fait d'avoir intentionnellement provoque l'accident (en l'espece,le fait qu'A. V. a ete tuee par J. D. C., beneficiaire de l'assurance) est une cause de decheance qui ne s'appliquera pas aux beneficiaires quin'y ont pas participe.

Par application de l'article 4 des conditions generales, ni J. D. C.,beneficiaire de l'assurance qui a intentionnellement cause la mort d'A.V., ni les demandeurs, beneficiaires de l'assurance qui n'ont pas causeintentionnellement le deces d'A. V. et n'ont pas participe aux faitscommis par J. D. C., ne peuvent pretendre au benefice du contrat.

Par contre, par application de l'article 6 des conditions generales, J.D. C., beneficiaire de l'assurance qui a intentionnellement cause la mortd'A. V., est dechu de tout droit decoulant du contrat d'assurance, alorsque les demandeurs, beneficiaires de l'assurance, qui n'ont pas causeintentionnellement le deces d'A. V. et n'ont pas participe aux faitscommis par J. D. C., ne sont pas dechus de tout droit decoulant ducontrat d'assurance et peuvent partant pretendre au benefice du contrat.

4.1. L'arret attaque decide, d'une part, que les dispositions desarticles 4 et 6 des conditions generales du contrat d'assurance ne sontpas contradictoires, les hypotheses visees par ces dispositions n'etant pas identiques, d'autre part, que l'article 4 (l'exclusion de garantied'assurance) s'applique en l'espece.

L'arret attaque raisonne comme suit :

- dans le premier cas (c'est-à-dire l'article 4 : exclusion de garantie),l'acte intentionnel qui entraine l'exclusion est, soit un actedelictueux, soit un suicide ou une tentative de suicide ;

- dans le second cas (c'est-à-dire l'article 6 : decheance du droit à laprestation d'assurance), l'acte intentionnel est entendu de maniere plusgenerale comme etant « avoir provoque intentionnellement l'accident ouaggrave les suites de celui-ci soit directement, soit en refusant desuivre ou de faire suivre un traitement medical » ;

- « provoque directement ou intentionnellement un accident »(c'est-à-dire l'article 6 : la decheance) est entendu ici à l'exclusiondu suicide qui est prevu dans la premiere categorie (c'est-à-direl'article 4 : l'exclusion), ce qui est parfaitement coherent dans lalogique de la police ;

- il n'y a donc pas de contradiction interne et il est clair que lavolonte des parties s'est rencontree sur le point de situer le suicidedans les clauses d'exclusion de la garantie.

4.2. L'arret attaque perd ainsi de vue que le fait invoque par la defenderesse pour exclure le deces d'A. V. de la garantie d'assurancen'est pas le suicide de celle-ci (ni le suicide de J. D. C.) mais le faitque J. D. C. a volontairement donne la mort à A. V. et a ainsiintentionnellement cause l'accident.

4.3. L'arret attaque decide que « le risque couvert est le deces accidentel, soit le deces decoulant d'une atteinte à l'integrite physiquede l'assure, atteinte provoquee par un evenement soudain dont une descauses est exterieure à l'organisme de celui-ci. (...) Un tel risque nes'apparente pas au suicide, dont il est question en l'espece ».

Il decide egalement que l'article 4 des conditions generales de la policed'assurance concerne le suicide et que l'article 6 de ces conditions ne concerne pas le suicide, de sorte que ces dispositions contractuelles nesont pas contradictoires et qu' « il est clair que la volonte desparties s'est rencontree sur le point de situer le suicide dans lesclauses d'exclusion de garantie ».

En decidant ainsi que la defenderesse refuse de couvrir le deces d'A. V.au motif qu'elle s'est suicidee, ou au motif que le beneficiaire J. D. C.s'est suicide, alors qu'en realite la defenderesse refusa d'allouer auxdemandeurs le benefice du contrat d'assurance au motif qu'A. V. a etetuee par J. D. C., c'est-à-dire au motif que le deces d'A. V. a eteintentionnellement cause par J. D. C., comme il est precise enconclusions additionnelles et de synthese d'appel de la defenderesse,l'arret attaque donne des conclusions de la defenderesse uneinterpretation qui est totalement inconciliable avec leurs termes et leurportee.

L'arret attaque decide en effet que ces conclusions contiennent uneaffirmation (que les demandeurs ne peuvent pretendre au benefice de l'assurance au motif que le deces de l'assuree a ete cause par suicide ou parce que le beneficiaire s'est suicide) qui n'y figure point.

L'arret attaque viole, partant, les articles 1319, 1320 et 1322 du Codecivil.

4.4. II resulte de l'arret que J. D. C. a intentionnellement provoque ledeces d'A. V. et que la defenderesse invoque cette circonstance pourexclure le deces de l'assuree de la garantie d'assurance, c'est-à-direpour refuser aux demandeurs le benefice de l'assurance.

Comme expose ci-avant sous le numero 3, argumentation qui doit etreconsideree comme entierement reprise, les dispositions du contrat d'assurance sont contradictoires quant à la sanction, liee au faitintentionnel commis par J. D. C., c'est-à-dire le fait d'avoirintentionnellement cause la mort de son epouse, A. V..

En decidant que les articles 4 et 6 des conditions generales du contratd'assurance ne sont pas contradictoires au motif que la volonte des parties s'est rencontree sur le point de situer le suicide dans lesclauses d'exclusion de la garantie (article 4 de conditions generales) etque le suicide n'est pas vise par l'article 6 (comportant les causes dedecheance), l'arret attaque ne repond pas au moyen developpe par lesdemandeurs en conclusions, selon lequel la defenderesse refuse à tort deleur allouer le benefice du contrat au motif qu'en vertu de l'article 4des conditions generales du contrat d'assurance, le fait que J. D. C. aintentionnellement cause le deces d'A. V. est une cause d'exclusion degarantie, car :

- en vertu de l'article 4 des conditions generales, le fait que J. D. C. aintentionnellement cause le deces d'A. V. est une cause d'exclusion de lagarantie ;

- en vertu de l'article 6 des conditions generales, le fait que J. D. C. aintentionnellement cause le deces d'A. V. est une cause de decheance nonopposable aux demandeurs ;

- les dispositions des articles 4 et 6 des conditions generales sontcontradictoires ;

- ces dispositions ne peuvent sortir d'effet, de sorte que, soit, c'est leregime legal (l'article 8, alinea 1er, de la loi sur le contratd'assurance terrestre, qui qualifie le fait intentionnel de cause dedecheance) qui s'applique, soit, dans le doute cree par la contradictionentre les articles 4 et 6, la police doit s'interpreter contre celui quia stipule, de sorte qu'il ne peut etre retenu pour le sinistreintentionnel que la sanction la plus favorable aux demandeurs,c'est-à-dire la decheance.

L'arret, qui ne repond pas à ce moyen precis et pertinent que lesdemandeurs avaient developpe en conclusions de synthese apres cassation,n'est, partant, pas regulierement motive (violation de l'article 149 dela Constitution).

4.5. Il resulte de l'arret que J. D. C. a intentionnellement provoque ledeces d'A. V. et que la defenderesse se prevaut de cette circonstancepour exclure le deces de l'assuree de la garantie d'assurance,c'est-à-dire pour refuser aux demandeurs le benefice de l'assurance.

Comme expose ci-avant (au numero 3, argumentation qui doit etreconsideree comme entierement reprise), les dispositions du contrat d'assurance sont contradictoires quant à la sanction liee au faitintentionnel commis par J. D. C., c'est-à-dire le fait d'avoirintentionnellement cause la mort de son epouse, A. V.

En decidant que les articles 4 et 6 des conditions generales du contratd'assurance ne sont pas contradictoires en ce qui concerne la sanction (exclusion ou decheance) qu'entraine le fait intentionnel commis par J. D.C., l'arret donne de ces dispositions contractuelles une interpretation qui est totalement inconciliable avec leurs termes et leur portee : ildecide que les conditions generales du contrat d'assurance prevoient quele fait intentionnel commis par le beneficiaire (le fait que J. D. C. aintentionnellement cause la mort d'A. V.) entraine comme sanctionl'exclusion de garantie (en leur article 4) mais ne prevoient pas que cefait intentionnel entraine la decheance de garantie (qui n'est, auxtermes de l'article 6, pas opposable aux beneficiaires qui n'ont pas participe au fait intentionnel), de sorte que les dispositionscontractuelles ne sont pas contradictoires, alors que les conditionsgenerales du contrat d'assurance prevoient, en leur article 4, que lefait intentionnel commis par le beneficiaire (le fait que J. D. C. aintentionnellement cause la mort d'A. V.) entraine comme sanctionl'exclusion de la garantie (opposable à tous les beneficiaires) et, enleur article 6, que ce fait intentionnel entraine la decheance degarantie (qui n'est pas opposable aux beneficiaires qui n'ont pasparticipe au fait intentionnel), de sorte que les dispositions contractuelles sont contradictoires.

Partant, en decidant que les articles 4 et 6 des conditions generales ducontrat d'assurance ne sont pas contradictoires en ce qui concerne la sanction (exclusion ou decheance) qu'entraine le fait intentionnel commispar J. D. C., de sorte qu'il y a lieu d'appliquer la sanction prevue par l'article 4 (l'exclusion de garantie opposable à tous les beneficiaires),l'arret viole les articles 1319,1320 et 1322 du Code civil.

En outre, en decidant que le fait que J. D. C. a intentionnellement causele deces d'A. V. n'est pas vise par l'article 6 des conditions generalesdu contrat d'assurance (de sorte que les conditions generales necomportent pas de dispositions contradictoires), alors que cette disposition s'applique lorsque le beneficiaire aura provoqueintentionnellement l'accident, l'arret ne reconnait pas au contratd'assurance l'effet qu'il a legalement entre les parties et violel'article 1134 du Code civil.

4.6. Enfin, en decidant que la sanction applicable au fait que J. D. C. aintentionnellement cause le deces d'A. V. est l'exclusion de garantieprevue par l'article 4 des conditions generales de la police d'assuranceet non la decheance prevue par l'article 6 de ces conditions, de sorteque ces dispositions contractuelles ne sont pas contradictoires et sont redigees en termes clairs et precis au sens de l'article 14 de l'arreteroyal du 22 fevrier 1991 et qu'il n'y pas lieu d'appliquer les articles19bis de la loi du 9 juillet 1975 et 1162 du Code civil, au motif que lesuicide est vise à l'article 4 et non à l'article 6 des conditionsgenerales, l'arret viole les articles 19bis de la loi du 9 juillet 1975relative au controle des entreprises d'assurances, 14 de l'arrete royaldu 22 fevrier 1991 portant reglement general relatif au controle desentreprises d'assurances et 1162 du Code civil.

Seconde branche

5.1. En vertu de l'article 6 du Code civil, on ne peut deroger, par desconventions particulieres, aux lois qui interessent l'ordre public et lesbonnes moeurs. Les articles 1131 et 1133 du Code civil disposent en outreque l'obligation sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet et quela cause est illicite quand elle est prohibee par la loi, quand elle estcontraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public.

L'article 3 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre dispose que, sauf lorsque la possibilite d'y deroger par desconventions particulieres resulte de leur redaction, les dispositions decette loi sont imperatives.

L'article 8, alinea 1er, de la loi sur le contrat d'assurance terrestredispose que, nonobstant toute convention contraire, l'assureur ne peutetre tenu de fournir sa garantie à l'egard de quiconque a causeintentionnellement le sinistre.

La sanction, prevue par ledit article 8, alinea 1er, est une decheance. La faute intentionnelle est exclusivement imputable à son auteur. Alorsque l'article 8, alinea 1er, de la loi sur le contrat d'assurance terrestre est une disposition imperative qui ressortit en outre de l'ordrepublic, le contrat d'assurance ne peut etendre (en qualifiant le faitintentionnel de cause d'exclusion au lieu de cause de decheance) lanon-couverture du sinistre à un beneficiaire autre que celui qui acommis le fait intentionnel.

Ledit article 8, alinea 1er, ne laisse aucune place à un amenagement contractuel qui en modifie les effets. La loi ayant reserve au sinistreintentionnel la sanction de la decheance, les assureurs ne peuvent tenterde se soustraire à la volonte du legislateur en transformant le sinistreintentionnel en cause d'exclusion.

5.2. L'article 4 (« Les exclusions du contrat ») des conditions generales du contrat d'assurance, qui prevoit le paiement d'une somme de 2.500.000 francs/61.973,38 euros au deces accidentel d'A. V., stipule : « Sont exclus les accidents [...] causes par un acte intentionnel del'assure ou du beneficiaire de la police, par suicide ou tentative desuicide, par la participation volontaire à des crimes ou delits ».

Cette disposition qualifie ainsi l'acte intentionnel du beneficiaire decause d'exclusion de la garantie.

Une telle clause, derogeant à l'article 8, alinea 1er, de la loi du 25juin 1992, disposition legale imperative qui concerne l'ordre public, ne peut sortir d'effets.

La defenderesse ne peut partant se fonder sur l'article 4 des conditionsgenerales de la police d'assurance pour soutenir que le deces d'A. V.,intentionnellement cause par J. D. C., beneficiaire de la police, setrouve exclu de la garantie, de sorte que les demandeurs, beneficiairesn'ayant pas commis de fait intentionnel et n'ayant pas participe au faitintentionnel commis par J. D. C., ne peuvent beneficier de l'assurance.

En declarant la demande des demandeurs non fondee au motif que le decesd'A. V., intentionnellement cause par J. D. C., est, en vertu de l'article4 des conditions generales de la police d'assurance, exclu de lagarantie, l'arret viole les articles 3 et 8, alinea 1er, de la loi du 25juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, ainsi que les articles 6,1131, 1133 et 1134 du Code civil.

III. La decision de la Cour

Quant à la seconde branche :

En vertu de l'article 8, alinea 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur lecontrat d'assurance terrestre, nonobstant toute convention contraire,l'assureur ne peut etre tenu de fournir sa garantie à l'egard dequiconque a cause intentionnellement le sinistre.

Conformement à l'article 11, alinea 1er, de la meme loi, le contratd'assurance ne peut prevoir la decheance partielle ou totale du droit àla prestation d'assurance qu'en raison de l'inexecution d'une obligationdeterminee imposee par le contrat et à la condition que le manquementsoit en relation causale avec la survenance du sinistre.

Il suit de ces dispositions que seul l'auteur d'une faute intentionnelleou d'un manquement à une obligation determinee du contrat peut etre dechudu benefice de la garantie d'assurance.

L'article 3 de la meme loi dispose que, sauf lorsque la possibilite d'yderoger par des conventions particulieres resulte de leur redaction meme,les dispositions de cette loi sont imperatives.

Partant, est prohibee, dans un contrat d'assurance sur la vie, touteclause contractuelle qui a pour effet de priver de la garantied'assurance, en raison d'une faute intentionnelle, un beneficiaire autreque l'auteur de cette faute.

L'arret constate que J. D. C. a souscrit un contrat d'assurance sur la viesur la tete de son epouse, A. V., que les beneficiaires de ce contrat sontle conjoint survivant, soit J. D. C., et, à defaut, les heritiers legaux,parmi lesquels figurent les demandeurs, et que J. D. C. a mis fin à sesjours apres avoir tue son epouse et ensuite leur fille, D. D. C..

Il constate egalement que l'article 4 du contrat d'assurance stipule que« sont exclus les accidents [...] causes par un acte intentionnel del'assure ou du beneficiaire de la police, par suicide ou tentative desuicide, par la participation volontaire à des crimes ou à desdelits ».

Il considere que le deces d'A. V. resulte d'un fait intentionnel commispar J. D. C..

L'arret, qui considere qu'en vertu de l'article 4 du contrat d'assurance,les demandeurs ne peuvent beneficier des garanties dudit contrat, violeles articles 3 et 8, alinea 1er, de la loi du 25 juin 1992.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner la premiere branche du moyen, qui ne sauraitentrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il statue sur l'appel des demandeurs etsur les depens entre ceux-ci et la defenderesse ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Martine Regout, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononce en audiencepublique du trois mars deux mille quatorze par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

3 MARS 2014 C.13.0224.F/23


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.13.0224.F
Date de la décision : 03/03/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-03-03;c.13.0224.f ?
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