Cour de cassation de Belgique
Arret
178
NDEG D.12.0014.F
J.-M. R.,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,
contre
1. BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE LIEGE, dont les bureauxsont etablis à Liege, au Palais de Justice, place Saint-Lambert, 16,
2. PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LIEGE,
3. PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES,
defendeurs en cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre la sentence rendue le 28 mars2012 par le conseil de discipline d'appel francophone et germanophone desavocats.
Le conseiller Mireille Delange a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente trois moyens.
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Le moyen reproche à la sentence attaquee de ne pas repondre auxconclusions du demandeur qui soutenait ignorer les propos qui lui etaientreproches.
En enonc,ant que la sentence du conseil de discipline a precise les griefsdisciplinaires, notamment par la reproduction des extraits critiques deslettres du demandeur, de sorte que ce dernier a beneficie d'un procesequitable devant le conseil de discipline d'appel et que son droit dedefense a ete respecte, la sentence attaquee repond aux conclusionsprecitees du demandeur.
Dans la mesure ou il invoque la violation de l'article 149 de laConstitution, le moyen manque en fait.
Pour le surplus, le moyen fait valoir que le demandeur devait avoir lapossibilite de se defendre des le debut de l'instruction menee à sacharge et, partant, pour ce faire, d'etre precisement informe des faitsqui lui sont reproches.
L'article 6, S: 3, a), de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales ne s'applique pas à l'instructionpreparatoire disciplinaire.
L'article 6, S: 1er, de la Convention ne s'y applique pas davantage dansla mesure ou il garantit le droit consacre par l'article 6, S: 3, a),comme un element specifique du droit au proces equitable.
Dans la mesure ou il invoque la violation des articles 6, S:S: 1er et 3,a), de la Convention, le moyen est irrecevable.
Le respect des droits de la defense n'implique pas que celui qui faitl'objet de poursuites disciplinaires doive, des le debut de l'instructionmenee à sa charge, etre precisement informe des faits materiels qui luisont reproches et n'exclut pas qu'il prenne effectivement connaissance desfaits pour lesquels il est poursuivi à la suite de la decision rendue enpremiere instance, pour autant que, dans cette hypothese, la contradictionait ete respectee.
La sentence attaquee constate que, « devant le conseil de disciplined'appel [...], [le demandeur] reconnait lui-meme que la sentence[entreprise] a permis de preciser le second grief, notamment par lareproduction des extraits de ses lettres au batonnier ».
La sentence attaquee releve, sans etre critiquee, que « devant leditconseil, [le demandeur] a beneficie d'un proces equitable, notamment enpouvant discuter tous les elements de preuve de maniere contradictoire eten le faisant effectivement dans ses conclusions ».
La sentence attaquee deduit legalement de ces enonciations que « lesdroits de defense [du demandeur] n'ont [...] pas ete meconnus ».
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le deuxieme moyen :
Quant à la premiere branche :
Le moyen, en cette branche, reproche à la sentence attaquee de neconstater ni que les comportements reproches au demandeur ont porteatteinte à l'honneur de l'Ordre des avocats et aux principes de dignite,de probite et de delicatesse, sanctionnes par l'article 456 du Codejudiciaire, ni les elements constitutifs de cette infractiondisciplinaire.
La sentence attaquee enonce que le demandeur a contrevenu aux dispositionsde l'article 456 du Code judiciaire, d'une part, en ecrivant au batonnierqu'il n'avait aucune obligation de respecter et d'appliquer les lettres dece dernier alors que ces lettres imposaient le respect de dispositionsadoptees de maniere democratique et non violente et bien connues dudemandeur, circonstances qui justifient le respect du à l'autorite legaleet aux normes de comportement, d'autre part, en adoptant une attituderebelle et polemique.
Elle constate par ces enonciations que les comportements decrits ont porteatteinte à l'honneur et aux principes sanctionnes par l'article 456 duCode judiciaire. Il s'agit des elements constitutifs de l'infractiondisciplinaire.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Le fait pour un avocat d'adopter une attitude rebelle et polemique àl'egard du batonnier et de lui ecrire ne pas avoir l'obligation derespecter ses lettres est susceptible de constituer une atteinte àl'honneur de l'Ordre et aux principes de dignite, de probite et dedelicatesse, sanctionnes par l'article 456 du Code judiciaire.
Pour le surplus, le moyen, en cette branche, invite la Cour à proceder àune appreciation des faits de la cause qui n'est pas en son pouvoir.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Sur le troisieme moyen :
Aux termes de l'article 460, alinea 6, du Code judiciaire, le conseil dediscipline peut, dans sa sentence, mettre à charge de l'avocat concerneles frais qui ont ete occasionnes par l'enquete et l'instructiond'audience.
La sentence attaquee met à charge du demandeur les frais de la procedured'appel fixes forfaitairement à 500 euros, sans constater ni quel'enquete et l'instruction d'audience ont occasionne des frais en appel nila raison pour laquelle il serait impossible de determiner le dommage dela demanderesse autrement qu'en equite.
Elle ne justifie pas legalement sa decision.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse la sentence attaquee en tant qu'elle met à charge du demandeur lesfrais de procedure d'appel fixes forfaitairement à 500 euros ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de la sentencepartiellement cassee ;
Condamne le demandeur aux trois quarts des depens et le premier defendeurà un quart de ceux-ci ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant le conseil de discipline d'appelfrancophone et germanophone des avocats, autrement compose.
Les depens taxes à la somme de mille trois cent quatre-vingt-trois eurosquatre-vingt-trois centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Mireille Delange, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, et prononce enaudience publique du vingt et un fevrier deux mille quatorze par lepresident Christian Storck, en presence de l'avocat general ThierryWerquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
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| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
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21 fevrier 2014 D.12.0014.F/6