Cour de cassation de Belgique
Arret
3881
NDEG C.13.0277.F
1. Au Fil des jours, societe privee à responsabilite limitee dont lesiege social est etabli à Wavre, rue de Nivelles, 71,
2. P. D. F. D. L.,
3. B. B.,
demandeurs en cassation,
representes par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,
contre
1. Axa Belgium, societe anonyme venant aux droits et obligations de lasociete anonyme Winterthur Europe Assurances, dont le siege social estetabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,
2. Institut de la Providence, association sans but lucratif dont le siegeest etabli à Wavre, rue de Nivelles, 52,
defenderesses en cassation,
representees par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,
en presence de
1. F. D.,
2. F. D.,
3. Axa Belgium, societe anonyme venant aux droits et obligations de lasociete anonyme Axa Royale Belge, dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,
4. KBC Assurances, societe anonyme dont le siege social est etabli àLouvain, Professor Roger Van Overstraetenplein, 2,
parties appelees en declaration d'arret commun.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 17 decembre2012 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Les demandeurs presentent deux moyens libelles dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions legales violees
- articles 34, S: 2, alinea 1er, 35, S: 4, et 86 de la loi du 25 juin 1992sur le contrat d'assurance terrestre ;
- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.
Decisions et motifs critiques
Apres avoir constate que les sinistres sont survenus les 21 mai et
30 juin 1999, l'arret releve l'absence d'un acte interruptif deprescription dans le cadre du droit propre de la personne lesee contrel'assureur du responsable et declare, par consequent, prescrite la demandeformee par les demandeurs contre la premiere defenderesse, en qualited'assureur en responsabilite civile de la seconde defenderesse, parcitation signifiee le 19 juillet 2004.
L'arret fonde sa decision sur les motifs qu'il indique sous le titre « Lademande d'intervention aupres de l'assureur », consideres ici commeintegralement reproduits, et plus particulierement sur les considerationssuivantes :
« Les [demandeurs] affirment que leur demande d'intervention aupres descompagnies d'assurances a pour effet d'interrompre la prescription envertu de l'article 35, S: 4, de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre.
Cet article dispose que `la prescription de l'action visee à l'article34, S: 2, est interrompue des que l'assureur est informe de la volonte dela personne lesee d'obtenir l'indemnisation de son prejudice. Cetteinterruption cesse au moment ou l'assureur fait connaitre par ecrit, à lapersonne lesee, sa decision d'indemnisation ou son refus'. L'article 34,S: 2, vise ci-dessus concerne la prescription de cinq ans de l'actionresultant du droit propre dont dispose la personne lesee contre l'assureurdu responsable.
Les [demandeurs] n'etablissent cependant pas avoir interpelle directementl'assureur des tiers responsables pour obtenir l'indemnisation de leurprejudice, alors qu'il faut que la personne lesee manifeste son intentiond'obtenir le paiement de l'indemnite pour que la prescription de l'actiondirecte soit immediatement interrompue ; si aucune forme n'est prescrite,la victime sera neanmoins attentive à se reserver un moyen de preuve[...]. Les lettres que [le demandeur] a adressees directement àl'Institut de la Providence les 21 mai, 12 juin et 1er juillet 1999 nesont pas interruptives de la prescription au sens de l'article 35, S: 4,de la loi du 25 juin 1992.
Aucune piece soumise à la cour [d'appel] par les parties n'atteste del'interpellation de l'assureur adverse par la personne lesee pour obtenirla reparation de son prejudice.
S'il est vrai que la compagnie d'assurances Winterthur a ecrit, le
11 aout 1999, à l'exploitante de la societe `Au Fil des jours', elle n'apas ete informee par celle-ci de sa volonte d'etre indemnisee mais sembleavoir ete mise au courant de la situation par son assuree elle-meme, [laseconde defenderesse], à la suite du fax du 9 aout 1999 de l'expert R.
L'information par cette derniere, presumee responsable, à son assureur ducontenu de ce fax ne saurait constituer l'expression de la manifestationde la volonte de la personne lesee d'obtenir l'indemnisation de sonprejudice, au sens de l'article 35, S: 4, de la loi du 25 juin 1992.
Aucun acte interruptif de prescription ne peut donc etre retenu à l'egardde l'assureur du presume responsable ».
Griefs
Premiere branche
1. En vertu de l'article 34, S: 2, alinea 1er, de la loi du 25 juin 1992sur le contrat d'assurance terrestre, l'action resultant du droit propreque la personne lesee possede contre l'assureur en vertu de l'article 86se prescrit par cinq ans à compter du fait generateur du dommage ou, s'ily a infraction penale, à compter du jour ou celle-ci a ete commise.
En vertu de l'article 35, S: 4, de cette loi, la prescription de l'actionresultant du droit propre que la personne lesee possede contre l'assureurdu responsable est interrompue des que l'assureur est informe de lavolonte de la personne lesee d'obtenir l'indemnisation de son prejudice etcette interruption cesse au moment ou l'assureur fait connaitre par ecrit,à la personne lesee, sa decision d'indemnisation ou son refus.
Cette disposition ne pose aucune exigence de forme quant à la manieredont l'assureur doit etre informe de la volonte de la personne leseed'etre indemnisee.
Elle requiert uniquement que l'assureur soit informe de la volonte de lapersonne lesee d'obtenir l'indemnisation de son prejudice et n'impliquepas que l'information vienne de la personne lesee elle-meme. L'assureurpeut aussi etre informe par l'assure mis en cause par la personne lesee.
Il n'est en outre pas necessaire que l'assureur soit informe de la volontede la personne lesee d'exercer precisement l'action visee à l'article 86de la loi. Une information concernant la procedure judiciaire diligenteecontre l'assure par la personne lesee peut donc suffire.
2. L'arret constate que la seconde defenderesse a informe son assureur, lapremiere defenderesse, du contenu du fax du 9 aout 1999 de l'expert R. etque la premiere defenderesse « a ecrit, le 11 aout 1999, à l'exploitantede la societe `Au Fil des jours' ».
Il ressort en outre des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que lapremiere defenderesse a assiste à l'integralite de la procedured'expertise, ainsi qu'en atteste le rapport d'expertise.
L'arret considere toutefois :
- que les demandeurs n'etablissent pas avoir interpelle directementl'assureur des tiers responsables pour obtenir l'indemnisation de leurprejudice ; qu'aucune piece soumise à la cour [d'appel] par les partiesn'atteste de l'interpellation de l'assureur adverse par la personne leseepour obtenir reparation de son prejudice ;
- que les lettres que [le demandeur] a adressees directement à la secondedefenderesse les 21 mai, 12 juin et 1er juillet 1999 ne sont pasinterruptives de la prescription ;
- que, s'il est vrai que la premiere defenderesse a ecrit, le 11 aout1999, à l'exploitante de la societe `Au Fil des jours', elle n'a pas eteinformee par celle-ci de sa volonte d'etre indemnisee mais semble avoirete mise au courant de la situation par son assuree elle-meme, la secondedefenderesse, à la suite du fax du 9 aout 1999 de l'expert R. ;l'information par cette derniere, presumee responsable, à son assureur ducontenu de ce fax ne saurait constituer l'expression de la manifestationde la volonte de la personne lesee d'obtenir l'indemnisation de sonprejudice au sens de l'article 35, S: 4, de la loi du 25 juin 1992.
3. L'arret considere ainsi que la prescription de l'action resultant dudroit propre que la personne lesee possede contre l'assureur duresponsable en vertu de l'article 86 de la loi sur le contrat d'assurancen'est pas interrompue par le simple fait que l'assureur a ete informe dela volonte de la personne lesee d'obtenir une indemnisation pour ledommage qu'elle a subi si cette information ne vient pas de la personnelesee elle-meme mais de l'assure mis en cause par la personne lesee.
En considerant sur cette base que la prescription de l'action desdemandeurs resultant du droit propre que la personne lesee possede contrel'assureur du responsable en vertu de l'article 86 de la loi sur lecontrat d'assurance n'a pas ete interrompue alors qu'il suffisait quel'assureur ait ete informe de la volonte des demandeurs d'obtenirl'indemnisation de leur dommage pour que cette prescription soitinterrompue, les juges d'appel n'ont pas legalement justifie leur decision(violation des articles 34, S: 2, alinea 1er, 35, S: 4, et 86 de la loi du25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre).
Seconde branche
1. Les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil interdisent au juge demeconnaitre la foi due aux actes sur lesquels il fonde sa decision.
Le juge viole la foi due à un acte s'il donne de cet acte uneinterpretation qui est inconciliable avec ses termes et sa portee. Tel estle cas si le juge decide que l'acte contient une affirmation qui ne s'ytrouve pas ou s'il refuse de lui attribuer une affirmation qui s'y trouve.
2. Par une lettre du 20 septembre 1999, adressee à l'expert H. mais dontcopie a ete reservee notamment au conseil de la premiere defenderesse, leconseil des demandeurs a insiste « tout particulierement aupres desparties adverses et de leurs assureurs afin que ceux-ci liberent sansdelai ce qu'ils considerent comme un incontestablement du ».
Il resulte de cette lettre, soumise à la cour d'appel, que lesdemandeurs ont interpelle la premiere defenderesse pour obtenirl'indemnisation de leur prejudice.
Or, l'arret releve que « [les demandeurs] n'etablissent cependant pasavoir interpelle directement l'assureur des tiers responsables pourobtenir l'indemnisation de leur prejudice, alors qu'il faut que lapersonne lesee manifeste son intention d'obtenir le paiement del'indemnite pour que la prescription de l'action directe soitimmediatement interrompue [...] ; qu'aucune piece soumise à la cour[d'appel] par les parties n'atteste de l'interpellation de l'assureuradverse par la personne lesee pour obtenir la reparation de sonprejudice ».
L'arret fonde sa decision sur l'ensemble des pieces soumises à la courd'appel par les parties, y compris donc la lettre du 20 septembre 1999 duconseil des demandeurs.
En considerant qu' « aucune piece soumise à la cour [d'appel] par lesparties n'atteste de l'interpellation de l'assureur adverse par lapersonne lesee pour obtenir la reparation de son prejudice », alors qu'ilresulte de la lettre du 20 septembre 1999, soumise à la cour d'appel etsur laquelle celle-ci se fonde, que les demandeurs ont interpelle lapremiere defenderesse pour obtenir l'indemnisation de leur prejudice,l'arret refuse de lire dans cette lettre une enonciation qui s'y trouve etdonne des lors de celle-ci une interpretation inconciliable avec sestermes et, partant, viole la foi qui lui est due (violation des articles1319, 1320 et 1322 du Code civil).
Second moyen
Dispositions legales violees
- article 149 de la Constitution ;
- articles 2 et 2262bis, S: 1er, alinea 2, du Code civil ;
- principe general du droit suivant lequel les lois nouvelles n'ont pasd'effet retroactif mais s'appliquent, en regle, immediatement aux effetsfuturs des situations anterieures pour autant que cette application neporte pas atteinte à des droits irrevocablement acquis ;
- article 35, S: 3bis, de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre, insere par l'article 9 de la loi du 22 aout 2002,entree en vigueur le 19 janvier 2003 ;
- articles 9 et 13 de la loi du 22 aout 2002 portant diverses dispositionsrelatives à l'assurance obligatoire de la responsabilite en matiere devehicules automoteurs.
Decisions et motifs critiques
Apres avoir releve l'absence d'un acte interruptif de prescription, tantdans le cadre du droit propre de la personne lesee contre l'assureur duresponsable que dans le cadre de l'action en responsabilite exercee par lapersonne lesee contre l'auteur du dommage, l'arret ecarte en toutehypothese l'application de l'article 35, S: 3bis, de la loi du 25 juin1992 sur le contrat d'assurance terrestre et decide que, compte tenu de ladate des sinistres
(21 mai et 30 juin 1999), les demandes formees par les demandeurs àl'encontre des parties defenderesses etaient prescrites au moment de lacitation qui leur a ete signifiee le 19 juillet 2004.
L'arret fonde sa decision sur les motifs qu'il indique sous le titre « Lademande d'intervention aupres de l'assureur », consideres ici commeintegralement reproduits, et plus particulierement sur les considerationssuivantes :
« C'est à tort que les [demandeurs] invoquent encore l'application del'article 35, S: 3bis, de la loi du 25 juin 1992.
Cette disposition enonce que `l'interruption de la prescription del'action de la personne lesee contre un assure entraine l'interruption dela prescription de son action contre l'assureur' et vice versa.
Outre l'absence, en l'espece, d'un acte interruptif de prescription, tantdans le cadre du droit propre de la personne lesee contre l'assureur duresponsable que dans le cadre de l'action en responsabilite exercee parcelle-ci contre l'auteur du dommage, il convient de relever que l'article35, S: 3bis, n'a ete insere dans la loi du 25 juin 1992 que par la loi du22 aout 2002, entree en vigueur le 19 janvier 2003.
Cette loi, qui cree une nouvelle cause d'interruption de la prescription,ne saurait conferer à un acte accompli sous l'empire de la loi anciennel'effet, que cette loi ne lui attribue pas, d'interrompre la prescriptionen cours ».
Griefs
1. Conformement à l'article 2262bis, S: 1er, alinea 2, du Code civil,insere par la loi du 10 juin 1998, les actions en reparation d'un dommagefondees sur une responsabilite extracontractuelle se prescrivent par cinqans à partir du jour qui suit celui ou la personne lesee a eueffectivement connaissance du dommage ou de son aggravation et del'identite de la personne responsable.
En vertu de l'article 35, S: 3bis, de la loi du 25 juin 1992, insere parla loi du 22 aout 2002 et entre en vigueur le 19 janvier 2003 (article13), l'interruption ou la suspension de la prescription de l'action de lapersonne lesee contre l'assureur entraine l'interruption ou la suspensionde la prescription de son action contre l'assure.
2. En vertu du principe general du droit vise au moyen, consacre parl'article 2 du Code civil, suivant lequel la loi n'a point d'effetretroactif, une loi nouvelle est, en regle, applicable à des situationsnees posterieurement à son entree en vigueur et aux effets futurs desituations nees sous l'empire de l'ancienne loi qui se produisent ou sepoursuivent sous l'empire de la nouvelle loi, pour autant que cetteapplication ne porte pas atteinte à des droits irrevocablement fixes.
Conformement à ce principe, la loi du 22 aout 2002, qui prevoit une caused'interruption ou de suspension de la prescription de l'action de lapersonne lesee à l'egard de l'assure qui ne figure pas dans la loiapplicable au moment de la naissance de l'action, est applicable à cetteprescription à compter de son entree en vigueur le 19 janvier 2003, pourautant qu'à cette date cette action ne soit pas encore prescrite en vertude la loi ancienne.
3. Il s'ensuit que l'arret, qui ecarte l'application de l'article 35, S:3bis, de la loi du 25 juin 1992 au seul motif qu'il n'a ete insere dans laloi du 25 juin 1992 que par la loi du 22 aout 2002, entree en vigueur le19 janvier 2003, et que cette loi, qui cree une nouvelle caused'interruption de la prescription, ne saurait conferer à un acte accomplisous l'empire de la loi ancienne l'effet, que cette loi ne lui attribuepas, d'interrompre la prescription en cours, sans constater qu'à la datede l'entree en vigueur de la loi du 22 aout 2002 (le
19 janvier 2003), l'action de la partie lesee contre l'assure etait dejàprescrite conformement à l'article 2262bis, S: 1er, alinea 2, du Codecivil, ne justifie pas legalement sa decision (violation du principegeneral du droit vise au moyen et des articles 2, 2262bis, S: 1er, alinea2, du Code civil, 35, S: 3bis, de la loi du
25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, 9 et 13 de la loi du 22aout 2002 portant diverses dispositions relatives à l'assuranceobligatoire de la responsabilite en matiere de vehicules automoteurs).
A tout le moins, à defaut de comporter dans ses motifs les elementspermettant d'apprecier si l'action de la partie lesee contre la [seconde]defenderesse etait dejà prescrite conformement à l'article 2262bis, S:1er, alinea 2, du Code civil, l'arret ne permet pas à la Cour d'exercerson controle de legalite et n'est des lors pas regulierement motive(violation de l'article 149 de la Constitution).
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la premiere branche :
Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen, en cette branche, par lesdefenderesses et deduite de sa nouveaute :
Le moyen, en cette branche, critique les motifs de l'arret qui, pourdecider qu'aucun acte interruptif de prescription ne peut etre retenu àl'egard de la premiere defenderesse, assureur de la seconde defenderesse,considere que celle-ci n'a pas ete informee de la volonte de la personnelesee d'obtenir la reparation de son prejudice.
N'est, en principe, pas nouveau le moyen qui critique un motif que le jugedonne à l'appui de sa decision.
La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.
Sur le fondement du moyen, en cette branche :
En vertu de l'article 34, S: 2, alinea 1er, de la loi du 25 juin 1992 surle contrat d'assurance terrestre, l'action resultant du droit propre quela personne lesee possede contre l'assureur en vertu de l'article 86 seprescrit par cinq ans à compter du fait generateur du dommage ou, s'il ya infraction penale, à compter du jour ou celle-ci a ete commise.
L'article 35, S: 4, de cette loi dispose que la prescription de cetteaction est interrompue des que l'assureur est informe de la volonte de lapersonne lesee d'obtenir l'indemnisation de son prejudice et que cetteinterruption cesse au moment ou l'assureur fait connaitre par ecrit, à lapersonne lesee, sa decision d'indemnisation ou son refus.
Cette disposition ne reserve pas l'effet interruptif de la prescriptionqu'elle prevoit à l'information fournie à l'assureur par la personnelesee elle-meme.
L'arret constate que « [la premiere defenderesse] n'a pas ete informeepar [la premiere demanderesse] de sa volonte d'etre indemnisee mais sembleavoir ete mise au courant de la situation par son assuree elle-meme, [laseconde defenderesse], à la suite du fax du 9 aout 1999 de l'expertR. », conseil technique des demandeurs.
L'arret releve encore que « l'expert technique de [la premieredefenderesse] [a], dans sa lettre du 21 septembre 1999 adressee àl'expert judiciaire », commente le fax precite de l'expert R.
L'arret, qui reconnait que la premiere defenderesse a ete informee par sonassuree, à la reception du fax du 9 aout 1999, de la volonte desdemandeurs d'obtenir des ce moment la prise en charge des frais denettoyage du magasin sinistre, mais considere qu' « aucun acteinterruptif de prescription ne peut [...] etre retenu à l'egard del'assureur du presume responsable » au motif que « [les demandeurs]n'etablissent [...] pas avoir interpelle directement l'assureur des tiersresponsables pour obtenir l'indemnisation de leur prejudice », viole lesdispositions legales precitees.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
Sur le second moyen :
Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par les defenderesses etdeduite de sa nouveaute :
Le moyen critique les motifs de l'arret qui, apres avoir constatel'absence d'un acte interruptif de prescription de l'action directe de lapersonne lesee contre l'assureur, rejette en outre l'application del'article 35, S: 3bis, de la loi du 25 juin 1992, par la considerationque, creant une nouvelle cause d'interruption de la prescription, il nesaurait conferer à un acte accompli sous l'empire de la loi anciennel'effet, que cette loi ne lui attribue pas, d'interrompre la prescriptionen cours.
N'est, en principe, pas nouveau le moyen qui critique un motif que le jugedonne à l'appui de sa decision.
La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.
Sur le fondement du moyen :
En vertu de l'article 2262bis, S: 1er, alinea 2, du Code civil, l'actionen reparation d'un dommage fondee sur une responsabiliteextracontractuelle se prescrit par cinq ans à partir du jour qui suitcelui ou la personne lesee a eu effectivement connaissance du dommage oude son aggravation et de l'identite de la personne responsable.
Selon l'article 35, S: 3bis, de la loi du 24 juin 1992, insere par la loidu 22 aout 2002 et entre en vigueur le 19 janvier 2003, l'interruption oula suspension de la prescription de l'action de la personne lesee contrel'assureur entraine l'interruption ou la suspension de la prescription deson action contre l'assure et inversement.
En vertu du principe general du droit de la non-retroactivite des lois,consacre par l'article 2 du Code civil, une loi nouvelle est en principeapplicable aux situations nees posterieurement à son entree en vigueur etaux effets futurs de situations nees sous l'empire de la loi ancienne quise produisent ou se prolongent sous l'empire de la loi nouvelle, pourautant que cette application ne porte pas atteinte à des droits dejàirrevocablement fixes.
En conformite de ce principe, auquel la loi du 25 juin 1992 ne deroge passur ce point, l'article 35, S: 3bis, de cette loi, qui cree une nouvellecause d'interruption de la prescription de l'action de la personne leseecontre l'assure, par le fait de l'interruption de la prescription de sonaction contre l'assureur, est applicable, des son entree en vigueur le 19janvier 2003, à la prescription en cause lorsque l'interruption resulted'un acte contre l'assureur qui s'est produit sous l'empire de la loiancienne et dont les effets se prolongent sous l'empire de la loinouvelle, pour autant que l'action de la personne lesee contre l'assure nesoit pas encore prescrite à ce moment.
L'arret, qui rejette l'application de l'article 35, S: 3bis, de la loi auseul motif que cette disposition « ne saurait conferer à un acteaccompli sous l'empire de la loi ancienne l'effet, que cette loi ne luiattribue pas, d'interrompre la prescription en cours », sans examiner si,au moment de son entree en vigueur, l'action contre l'assure etait dejàprescrite et si l'interruption etait toujours en cours, viole ladisposition ainsi que le principe general du droit precites.
Le moyen est fonde.
Il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du premier moyen, qui nesaurait entrainer une cassation plus etendue.
Et les demandeurs ont interet à ce que l'arret soit declare commun auxparties appelees à la cause devant la Cour à cette fin.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel ;
Declare le present arret commun à F. D., F. D., la societe anonyme AxaBelgium et la societe anonyme KBC Assurances ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Mireille Delange, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, et prononce enaudience publique du vingt et un fevrier deux mille quatorze par lepresident Christian Storck, en presence de l'avocat general ThierryWerquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
+------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
|-----------------+----------------+-------------|
| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
+------------------------------------------------+
21 fevrier 2014 C.13.0277.F/16