Cour de cassation de Belgique
Arret
3157
NDEG C.13.0246.F
1. ASCOTT INVESTISSEMENTS, societe anonyme dont le siege social estetabli à Chaudfontaine (Embourg), rue de Grady, 59,
2. SOTER, societe anonyme dont le siege social est etabli àChaudfontaine (Embourg), rue de Grady, 59,
demanderesses en cassation,
representees par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,
contre
1. BIOS, societe de droit luxembourgeois en liquidation, dont le siegeest etabli à Luxembourg (Grand-Duche de Luxembourg), rue du Fort Wallis,2,
2. CHARBONNAGES DE GOSSON-KESSALES, societe anonyme en liquidation, dontle siege social est etabli à Grace-Hollogne, rue Joseph Dejardin, 39,
3. MINETA, societe de droit luxembourgeois en liquidation, dont le siegeest etabli à Luxembourg (Grand-Duche de Luxembourg), rue du Fort Wallis,2,
4. N. D.,
5. L. D.,
6. J. D.,
7. M. D.,
8. J. G.,
9. P. G.,
10. COMPAGNIE FINANCIERE DE NEUFCOUR, societe anonyme dont le siege socialest etabli à Fleron (Romsee), rue Churchill, 26,
defendeurs en cassation.
representes par Maitres John Kirkpatrick et Simone Nudelholc, avocats àla Cour de cassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevardde l'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 6 decembre 2012par la cour d'appel de Liege.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, les demanderesses presentent deux moyens.
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la premiere branche :
Le moyen, en cette branche, ne precise pas en quoi l'arret violeraitl'article 17 du Code judiciaire.
Dans la mesure ou il invoque cette disposition, le moyen, en cettebranche, est, comme le soutiennent les defendeurs, irrecevable.
Pour le surplus, en vertu de l'article 514, alinea 1er, du Code dessocietes, applicable au litige, les personnes qui acquierent ou cedent destitres representatifs ou non du capital, conferant le droit de vote, dansles societes anonymes dont les actions ou certificats representant cesactions sont en tout ou en partie cotes au sens de l'article 4 de la loidu 2 mai 2007 relative à la publicite des participations importantes dansdes emetteurs dont les actions sont admises à la negociation sur unmarche reglemente et portant des dispositions diverses, doivent declarercette acquisition ou cette cession dans les cas et selon les modalitesprevues par la loi precitee du 2 mai 2007.
L'article 11 de l'arrete royal du 14 fevrier 2008 relatif à la publicitedes participations importantes prevoit que, des lors que la participationtotale sur laquelle porte l'accord d'action de concert conclu entre lestitulaires du droit de vote atteint, depasse ou tombe sous l'un des seuilsvises à l'article 6 de cette loi ou, le cas echeant, l'un des seuilsstatutaires determines conformement à l'article 18 de cette loi,l'obligation de notification incombe conjointement à toutes les personnesqui sont parties à l'accord, independamment de leur participationindividuelle.
L'article 12, S: 1er, alinea 2, de l'arrete royal dispose que lespersonnes agissant de concert procedent à une seule et uniquenotification commune.
En vertu de l'article 516, S: 1er, 1DEG, du Code des societes, si lesdeclarations requises en vertu de l'article 514 n'ont pas ete effectueesselon les modalites et dans les delais prescrits, le president du tribunalde commerce dans le ressort duquel la societe a son siege, statuant commeen refere, peut prononcer pour une periode d'un an au plus la suspensionde l'exercice de tout ou partie des droits afferents aux titres concernes.
L'article 516, S: 2, alinea 2, de ce code precise que, lorsque la demandea pour objet la suspension precitee de tout ou partie des droits afferentsaux titres concernes, elle doit, si une declaration a ete notifiee, etreintroduite, à peine d'irrecevabilite, quinze jours au plus apres lanotification.
De la combinaison de ces dispositions, il resulte que les personnes,parties à un accord d'action de concert, tenues de proceder auxdeclarations requises lorsque le pourcentage des droits de vote concernespar l'accord atteint, depasse ou tombe sous les seuils vises, doiventproceder, non à des notifications individuelles, mais à une notificationcommune unique, que le juge statuant comme en refere peut suspendrel'exercice du droit de vote afferent aux titres concernes lorsque lesdeclarations requises ne sont pas effectuees selon les modalites et dansles delais prescrits et que la notification de la declaration d'une partieà l'accord d'action de concert vante, realisee à titre individuel ousans viser l'ensemble des parties à cet accord, donne cours au delai dequinze jours dans lequel la demande en suspension contre toutes lesparties à cet accord doit etre introduite à peine d'irrecevabilite.
Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que Neufcour estune societe cotee au sens de l'article 4 de la loi du 2 mai 2007.
L'arret considere, sans etre critique, d'une part, que, « par [une]declaration [du 23 octobre 2008], Gosson-Kessales et Bios ont indique agirensemble », que « [cette] declaration [...] a ete publiee sur le site de[la societe] Neufcour le 6 novembre 2008 », que « la demande [desdemanderesses] est tardive [car] introduite par citation du 16 decembre2008 » et qu' « elle doit des lors etre declaree non recevable »,d'autre part, qu' « il en est de meme de la demande dirigee à l'encontrede N., L. et J. D. ; qu'en effet, N. D., l'indivision R. D. et la societecivile des Sarts ont declare le 28 octobre 2008 detenir ensemble 11,47p.c. des droits de vote ; que cette declaration a ete publiee sur le sitede Neufcour le 6 novembre 2008 et que la citation des [demanderesses] n'aete introduite que par citation signifiee le 16 decembre 2008 ».
Il constate, sans etre davantage critique, que les demanderessessoutiennent que « le groupe D. et G. (ainsi que M. D.) possedent ensemble46,82 p.c. des titres de Neufcour [et] qu'ils agissent de concert enadoptant un comportement parallele pour la gestion de cette societe [...]dans l'interet exclusif de leur groupe ».
Sur la base de ces enonciations, l'arret, qui releve que « J. G., P. G.et Mineta n'ont pas effectue de declaration de transparence » tandis que« M. D. a fait une declaration posterieurement à la citationintroductive d'instance », decide legalement que « l'irrecevabilite dela demande à l'egard de Gosson-Kessales, de Bios, de N., L. et J. D.rejaillit sur J. G., P. G., Mineta et M. D. qui, selon les[demanderesses], ont conclu avec les parties un accord d'action deconcert ».
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la seconde branche :
L'arret considere que, « à suivre la these des [demanderesses], quipretendent que `les groupes D. et G. (ainsi que M. D.) possedent ensemble46,82 p.c. des titres de Neufcour, qu'ils agissent de concert en adoptantun comportement parallele pour la gestion de cette societe [...] dansl'interet exclusif de leur groupe', [...] l'irrecevabilite de la demandeà l'egard de Gosson-Kessales, de Bios, de N., L. et J. D. rejaillit surJ. G., P. G., Mineta et M. D. qui, selon les [demanderesses], ont concluavec les autres parties un accord d'action de concert ».
Ainsi, l'arret ne considere pas que l'existence d'un accord d'action deconcert est averee, mais que la these defendue par les demanderesses del'existence d'un tel accord implique que l'irrecevabilite pour cause detardivete de l'action en suspension à l'egard de certaines parties à cetaccord entraine l'irrecevabilite de l'action à l'egard des autres partiesdont les demanderesses soutiennent qu'elles participent aussi à l'accord.
Le moyen, qui, en cette branche, fait grief à l'arret de declarerl'action irrecevable à l'egard de toutes les parties defenderesses pourle motif qu'elles ont participe à un accord d'action de concert, proceded'une lecture inexacte de l'arret.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Sur le second moyen :
Quant aux deux branches reunies :
Apres avoir enonce que « la charge de la preuve incombe aux[demanderesses] qui doivent demontrer que des actionnaires ou des groupesd'actionnaires de Neufcour agissent de concert », l'arret considere que« [les demanderesses] ne peuvent etre suivies lorsqu'elles estiment que`la seule analyse pertinente est d'abord d'examiner l'existence desdifferents groupes (verifier egalement leur composition et leurconsistance, soit le nombre de droits de vote qu'ils detiennent) avantd'evaluer s'il existe une ou des actions de concert entre eux' » etqu' « il convient au contraire de commencer par determiner si les groupesd'actionnaires vantes par les [demanderesses] agissent de concert ».
Des considerations reproduites au moyen, l'arret deduit que « la demanded'etablissement d'une declaration de transparence commune n'[est] pasfondee à defaut d'accord d'action de concert » et que, des lors, « iln'est pas necessaire d'aborder la question de l'existence des pretendusgroupes vantes par les [demanderesses] », en sorte que « la demande demesures avant dire droit [...] ne presente pas d'utilite ».
Par ces motifs, l'arret, qui adopte une methode d'analyse differente decelle proposee par les demanderesses, rejette la demande de production dedocument visant à identifier l'actionnariat des societes Bios (et deux deses societes liees), Mineta et Charbonnages de Gosson-Kessales, non parceque le fait à prouver n'est pas etabli, mais parce que l'arret examineprealablement la question de l'existence d'un accord d'action de concertentre les pretendus groupes invoques par les demanderesses, qu'il y repondnegativement et que la mesure sollicitee n'est pas de nature à remettreen cause cette conclusion.
L'arret, qui considere ainsi que la demande de production de document« ne presente pas d'utilite », repond aux conclusions des demanderessessoutenant le contraire et justifie legalement sa decision de ne pas yfaire droit.
Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut etre accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demanderesses aux depens.
Les depens taxes à la somme de mille cinq cent soixante-quatre eurosseptante-deux centimes envers les parties demanderesses et à la somme dedeux cent quatre-vingt-sept euros vingt-deux centimes envers les partiesdefenderesses.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Mireille Delange, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, et prononce enaudience publique du vingt et un fevrier deux mille quatorze par lepresident Christian Storck, en presence de l'avocat general ThierryWerquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
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| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
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21 fevrier 2014 C.13.0246.F/1