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14/02/2014 | BELGIQUE | N°F.13.0060.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 février 2014, F.13.0060.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

481



NDEG F.13.0060.F

HIRAKO, societe de droit suisse dont le siege est etabli à Geneve(Suisse), rue d'Italie, 11,

demanderesse en cassation,

ayant pour conseil Maitre Alain G. Vandamme, avocat au barreau deBruxelles, dont le cabinet est etabli à Woluwe-Saint-Lambert, boulevardBrand Whitlock, 106, ou il est fait election de domicile,

contre

Etat belge, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

repre

sente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la V...

Cour de cassation de Belgique

Arret

481

NDEG F.13.0060.F

HIRAKO, societe de droit suisse dont le siege est etabli à Geneve(Suisse), rue d'Italie, 11,

demanderesse en cassation,

ayant pour conseil Maitre Alain G. Vandamme, avocat au barreau deBruxelles, dont le cabinet est etabli à Woluwe-Saint-Lambert, boulevardBrand Whitlock, 106, ou il est fait election de domicile,

contre

Etat belge, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 25 avril 2012par la cour d'appel de Liege, statuant comme juridiction de renvoi ensuitede l'arret de la Cour du 30 avril 2009.

Le 20 janvier 2014, l'avocat general Andre Henkes a depose des conclusionsau greffe.

Le president Christian Storck a fait rapport et l'avocat general AndreHenkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* articles 149 et 171 de la Constitution ;

* articles 233 et 360 du Code des impots sur les revenus 1992 ;

* article 1er, alinea 2, de la loi du 17 juillet 1975 relative à lacomptabilite et aux comptes annuels des entreprises ;

* articles 200, 204, 3DEG, a), et 205, 1DEG, de l'arrete royal du 27aout 1993 d'execution du Code des impots sur les revenus 1992 ;

* article 19, alinea 4, de l'arrete royal du 18 octobre 1976 portantexecution de la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilite etaux comptes annuels des entreprises.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque rejette le recours de la demanderesse par les motifssuivants :

« Quant à la taxation de la totalite des loyers payes anticipativementen 1991

Que les benefices des societes etrangeres resultant, meme sansintervention d'un etablissement belge, de l'alienation ou de la locationde biens immobiliers sis en Belgique sont imposables à l'impot desnon-residents suivant le regime applicable aux etablissements belges selonles articles 228, S: 2, 3DEG, a), 233, alinea 1er, 235, 2DEG, et 246,1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992 (cf. J. Kirkpatrick et D.Garabedian, Le regime fiscal des societes en Belgique, Bruylant, 2003,nDEG 5.85, p. 484) ;

Que les conventions preventives de la double imposition reconnaissent dureste en regle un pouvoir d'imposition des revenus et plus-valuesimmobiliers à l'Etat dans lequel se situe l'immeuble et que tel est lecas de la convention entre le royaume de Belgique et la Confederationsuisse en vue d'eviter les doubles impositions en matiere d'impots sur lerevenu et sur la fortune, signee à Berne le 28 aout 1978 et approuvee parla loi du 2 septembre 1980, dont l'article 6 relatif aux revenusimmobiliers dispose ce qui suit :

`S: 1er. Les revenus qu'un resident d'un Etat contractant tire de biensimmobiliers (y compris les revenus des exploitations agricoles ouforestieres) situes dans l'autre Etat contractant sont imposables dans cetautre Etat.

S: 2. L'expression « biens immobiliers » a le sens que lui attribue ledroit de l'Etat contractant ou les biens consideres sont situes.L'expression comprend en tout cas les accessoires, le cheptel mort ou vifdes exploitations agricoles et forestieres, les droits auxquelss'appliquent les dispositions du droit prive concernant la proprietefonciere, l'usufruit des biens immobiliers et les droits à des paiementsvariables ou fixes pour l'exploitation ou la concession de l'exploitationde gisements mineraux, sources et autres ressources naturelles ; lesnavires, bateaux et aeronefs ne sont pas consideres comme des biensimmobiliers.

S: 3. Les dispositions du paragraphe 1er s'appliquent aux revenusprovenant de l'exploitation ou de la jouissance directes, de la locationou de l'affermage, ainsi que de toute autre forme d'exploitation de biensimmobiliers.

S: 4. Les dispositions des paragraphes 1er et 3 s'appliquent egalementaux revenus provenant des biens immobiliers d'une entreprise ainsi qu'auxrevenus des biens immobiliers servant à l'exercice d'une professionindependante' ;

Qu'en vertu de l'article 1er, alinea 2, de la loi du 17 juillet 1975relative à la comptabilite et aux comptes annuels des entreprises, `lespersonnes physiques qui n'ont pas leur domicile en Belgique, lesentreprises de droit etranger visees aux 2DEG, 3DEG et 4DEG de l'alinea1er ainsi que les groupements europeens d'interet economique ayant leursiege à l'etranger ne sont soumis aux dispositions du present chapitrequ'en ce qui concerne les succursales et sieges d'operation qu'ils ontetablis en Belgique. L'ensemble de leurs succursales et sieges d'operationdans le pays est considere comme une entreprise. Les livres, comptes etpieces justificatives relatifs à ces sieges et succursales sont conservesen Belgique' et que [la demanderesse] ne dispose pas d'une succursale oud'un siege d'operation en Belgique des lors qu'elle n'est pas representeepar un mandataire capable de l'engager envers les tiers (cf. Cass., 30avril 2009, F.07.0087.F ; 24 mars 1930, Pas., 1930, I, 170 ; 18 decembre1941, Pas., 1941, I, 467 ; cf. egalement J. Kirkpatrick et D. Garabedian,op. cit, nDEG 5.72, p. 476) ;

Qu'il s'ensuit que [la demanderesse] n'etait pas soumise à la loi du 17juillet 1975 relative à la comptabilite et aux comptes annuels desentreprises pour l'exercice comptable en cause ;

Qu' `en pareil cas, le droit comptable n'impose pas à la societeetrangere de tenir une comptabilite distincte des produits et chargesrelatifs à son ou à ses immeubles loues situes en Belgique [...]. Lasociete etrangere devra neanmoins tenir une telle comptabilite pourpermettre de determiner la base de l'impot des non-residents-societes...' (cf. J. Kirkpatrick et

D. Garabedian, op. cit, nDEG 5.85, p. 484) ;

Que [la demanderesse], qui soutient que sa comptabilite tenue en Belgiqueàinsi que la comptabilite qu'elle tient en Suisse pour l'etablissementprincipal de la societe demontrent bien un report des loyers des 29 anneesfutures pour les affecter aux 29 exercices imposables ulterieurs', neproduit aucun bilan et plus generalement aucun element de ses comptesannuels suisses et produit au titre de comptabilite simplifiee pour sesactivites en Belgique uniquement une annexe à sa declaration fiscale àl'impot des non-residents-societes reprenant simplement les postesreportes dans les divers cadres de sa declaration ainsi que les quatrepostes explicatifs du montant de la perte declaree de 768.806 francs ;

Que [la demanderesse] cite à l'appui de son argumentation tendant aureport de taxation des loyers relatifs aux annees futures l'arret de lacour d'appel de Gand du 9 janvier 1997 relatif à un contribuable nedevant tenir qu'une comptabilite simplifiee et ayant admis le report surun exercice ulterieur d'une facture d'acompte relative à des travaux nonexecutes ;

Que la doctrine citee par [la demanderesse] releve à cet egard ;

`L'administration decida d'incorporer cette facture d'acompte dans lebenefice imposable de 1986. L'entrepreneur s'y opposait parce qu'il avaitinscrit la facture d'acompte sous la rubrique des produits à reporter, cequi entrainait, selon lui, un report de l'imposition à 1987. Si lesysteme de la comptabilite simplifiee n'impose pas de « comptes deregularisation », rien n'empeche, par contre, d'utiliser cette technique.Il est etabli, en l'espece, que le contribuable y a effectivement recouru'(S. Van Crombrugge, `Le fisc doit respecter la technique des comptes deregularisation', Fiscologue, 14 mars 1997, nDEG 605, p. 3) ;

`Le contribuable comptabilise le montant sur un compte « produits àreporter »' (R. Van den Eeckhaut, Commentaire de l'arret de la courd'appel de Gand du 9 janvier 1997 dans Le Courrier fiscal produit par [lademanderesse] sans autre precision de date) ;

`Dans son arret du 9 janvier 1997, la cour d'appel de Gand avait àconnaitre du cas d'un contribuable qui tenait une comptabilite simplifiee.Ce dernier avait neanmoins utilise la technique de regularisation prevuepar l'arrete royal du 8 octobre 1976, propre à la comptabilite complete,pour reporter le montant d'une facture emise au cours d'un exercice versun exercice comptable ulterieur. Il convient enfin de relever que, dans lecas d'espece, le contribuable n'avait pas materiellement tenu un compte deregularisation mais avait recouru à la technique de regularisation surune base informelle' [O. Bertin, Annotations fiscales autour de l'avisnDEG 174/1 de la Commission des normes comptables (Bulletin C.N.C., nDEG38, fevrier 1997), Comptabilite et fiscalites pratiques, octobre 1998, pp.63-64] ;

Que l'annexe à la declaration fiscale produite au titre de comptabilitesimplifiee ne mentionne pas les loyers de 15.000.000 francs encaisses en1991 ; qu'aucun des documents produits par [la demanderesse] ne permetde faire apparaitre au niveau comptable le report de 29/30e du produit queconstitue la perception du loyer de 15.000.000 francs en 1991 et que forceest de constater, en l'espece, l'absence de preuve par [la demanderesse] de l'utilisation de la technique des comptes de regularisation, fut-cedans une comptabilite simplifiee et sans respecter les formes propres àla comptabilite complete, aux produits encaisses en 1991 ;

Qu'il ne s'agit pas d'imposer à [la demanderesse] de produire sescomptes annuels suisses mais de constater qu'elle n'etablit ni par unecomptabilite propre à ses activites en Belgique ni par sa comptabilitesuisse avoir utilise la technique comptable des comptes deregularisation ;

Que la regle constitutionnelle de l'annualite de l'impot invoquee par [lademanderesse] est consacree à l'article 171 de la Constitution selonlequel `les impots au profit de l'Etat, de la communaute et de la regionsont votes annuellement. Les regles qui les etablissent n'ont force quepour un an si elles ne sont pas renouvelees' et qu'il s'agit en realite dela regle de l'annualite de l'autorisation de lever l'impot, qui estetrangere au mode de calcul de l'impot, comme le releve à juste titre [ledefendeur] ;

Que le principe de l'annualite de l'impot est notamment consacre enmatiere d'impot sur les revenus par l'article 360 du Code des impots surles revenus 1992 mais ne constitue pas le fondement des regles comptableset en particulier de la regle de l'article 19, alinea 4, de l'arrete royaldu 18 octobre 1976, comme le soutient [la demanderesse] ;

Qu'en vertu de cet article 360, `l'impot du pour un exercice d'impositionest etabli sur les revenus que le contribuable a recueillis pendant laperiode imposable. Le Roi determine la periode imposable et les revenusqui s'y rapportent' ;

Qu'en vertu de l'article 200 de l'arrete royal d'execution dudit code, laperiode imposable coincide avec l'annee precedant celle dont le millesimedesigne l'exercice d'imposition, pour l'application de l'impot desnon-residents etabli notamment conformement à l'article 233 de ce code,lorsque les interesses ne tiennent pas de comptabilite ou tiennent unecomptabilite par annee civile ;

Que l'article 204, 3DEG, a), du meme arrete dispose que les revenus de laperiode imposable visee aux articles 199 à 203 sont des benefices ouprofits constates ou presumes de cette periode et que l'article 205, 1DEG,precise que, pour l'application dudit article 204, 3DEG, a), `lesbenefices ou profits qui ressortent d'une comptabilite sont censes avoirete recueillis à la date de cloture de l'exercice comptable auquel ils serapportent' ;

Que, si le benefice imposable d'une entreprise correspond effectivement enprincipe à son benefice comptable, [la demanderesse] ne produit pas unecomptabilite enregistrant les loyers en cause perc,us et reportant sur unexercice ulterieur une partie de ceux-ci ;

Que [la demanderesse] ne peut se prevaloir d'une ecriture comptable deregularisation qu'elle n'a pas passee pour obtenir l'effet comptable etfiscal qui resulte d'une telle ecriture ;

Qu'aussi, dans ce contexte, est-ce à juste titre que [le defendeur] ataxe le produit represente par les loyers encaisses en 1991 ».

Griefs

Premiere branche

L'article 1er, alinea 2, de la loi du 17 juillet 1975 relative à lacomptabilite et aux comptes annuels des entreprises dispose comme suit :

« Les personnes physiques, qui n'ont pas leur domicile en Belgique, lesentreprises de droit etranger visees aux 2DEG, 3DEG et 4DEG de l'alinea1er ainsi que les groupements europeens d'interet economique ayant leursiege à l'etranger ne sont soumis aux dispositions du present chapitrequ'en ce qui concerne les succursales et sieges d'operation qu'ils ontetablis en Belgique. L'ensemble de leurs succursales et siegesd'operation dans le pays est considere comme une entreprise. Les livres,comptes et pieces justificatives relatifs à ces sieges et succursalessont conserves en Belgique ».

L'arret attaque constate :

« Qu'en vertu de l'article 1er, alinea 2, de la loi du 17 juillet 1975relative à la comptabilite et aux comptes annuels des entreprises, `lespersonnes physiques qui n'ont pas leur domicile en Belgique, lesentreprises de droit etranger visees aux 2DEG, 3DEG et 4DEG de l'alinea1er ainsi que les groupements europeens d'interet economique ayant leursiege à l'etranger ne sont soumis aux dispositions du present chapitrequ'en ce qui concerne les succursales et sieges d'operation qu'ils ontetablis en Belgique. L'ensemble de leurs succursales et siegesd'operations dans le pays est considere comme une entreprise. Les livres,comptes et pieces justificatives relatifs à ces sieges et succursalessont conserves en Belgique' et que [la demanderesse] ne dispose pas d'unesuccursale ou d'un siege d'operation en Belgique des lors qu'elle n'estpas representee par un mandataire capable de l'engager envers les tiers ;

Qu'il s'ensuit que [la demanderesse] n'etait pas soumise à la loi du 17juillet 1975 relative à la comptabilite et aux comptes annuels desentreprises pour l'exercice comptable en cause ;

Qu' `en pareil cas, le droit comptable n'impose pas à la societeetrangere de tenir une comptabilite distincte des produits et chargesrelatifs à son ou à ses immeubles loues situes en Belgique [...]. Lasociete etrangere devra neanmoins tenir une telle comptabilite pourpermettre de determiner la base de l'impot des non-residents-societes' ».

L'arret attaque constate donc, conformement à l'arret de la Cour decassation du 30 avril 2009, que la demanderesse n'est pas soumise àl'obligation de tenir une comptabilite dans les formes requises par la loidu

17 juillet 1975.

Or, il decide ensuite :

« Que [la demanderesse], qui soutient que sa comptabilite tenue enBelgique àinsi que la comptabilite qu'elle tient en Suisse pourl'etablissement principal de la societe demontrent bien un report desloyers des 29 annees futures pour les affecter aux 29 exercices imposablesulterieurs', ne produit aucun bilan et plus generalement aucun element deses comptes annuels suisses et produit au titre de comptabilite simplifieepour ses activites en Belgique uniquement une annexe à sa declarationfiscale à l'impot des non-residents-societes reprenant simplement lespostes reportes dans les divers cadres de sa declaration ainsi que lesquatre postes explicatifs du montant de la perte declaree de 768.806 francs » et encore « que l'annexe à la declaration fiscale produite autitre de comptabilite simplifiee ne mentionne pas les loyers de 15.000.000francs encaisses en 1991 ; qu'aucun des documents produits par [lademanderesse] ne permet de faire apparaitre au niveau comptable le reportde 29/30e du produit que constitue la perception du loyer de 15.000.000francs en 1991 et que force est constater, en l'espece, l'absence depreuve par [la demanderesse] de l'utilisation de la technique des comptesde regularisation, fut-ce dans une comptabilite simplifiee et sansrespecter les formes propres à la comptabilite complete, aux produitsencaisses en 1991 ; qu'il ne s'agit pas d'imposer à [la demanderesse] deproduire ses comptes annuels suisses mais de constater qu'elle n'etablitni par une comptabilite propre à ses activites en Belgique ni par sacomptabilite suisse avoir utilise la technique comptable des comptes deregularisation ».

L'arret attaque en conclut « que, si le benefice imposable d'uneentreprise correspond effectivement en principe à son benefice comptable,[la demanderesse] ne produit pas une comptabilite enregistrant les loyersen cause perc,us et reportant sur un exercice ulterieur une partie deceux-ci ; que [la demanderesse] ne peut se prevaloir d'une ecriturecomptable de regularisation qu'elle n'a pas passee pour obtenir l'effetcomptable et fiscal qui resulte d'une telle ecriture ; qu'aussi, dans cecontexte, est-ce à juste titre que [le defendeur] a taxe le produitrepresente par les loyers encaisses en 1991 ».

En deniant tout effet à la piece comptable produite par la demanderesserelativement à l'imputation comptable du loyer qui lui a ete verse en unefois et en jugeant qu'elle « n'etablit ni par une comptabilite propre àses activites en Belgique ni par sa comptabilite suisse avoir utilise latechnique comptable des comptes de regularisation », l'arret attaque viole l'article 1er, alinea 2, de la loi du 17 juillet 1975, puisque,precisement, à defaut de remplir les conditions enumerees par cetarticle, la demanderesse n'etait astreinte à aucun formalisme particulieret pouvait se contenter de tenir une comptabilite simplifiee.

L'arret attaque exige, en effet, de la demanderesse qu'elle etablisse parune comptabilite propre à ses activites en Belgique, ou par sacomptabilite suisse, avoir utilise la technique comptable des comptes deregularisation. Il considere que la technique simplifiee à laquelle lademanderesse a recouru et que le document produit par elle necorrespondent pas aux exigences precitees.

Ce faisant, l'arret impose à la demanderesse de tenir une comptabiliterepondant à des exigences qui ne reposent sur aucun fondement legal. Eneffet, des lors que, par l'effet de l'article 1er, alinea 2, de la loi du17 juillet 1975, la demanderesse n'est pas soumise à un formalisme legaldans la tenue de sa comptabilite - ce que l'arret attaque constate -, celui-ci n'a pu, sans violer cet article, decider que la demanderesse «n'etablit ni par une comptabilite propre à ses activites en Belgique nipar sa comptabilite suisse avoir utilise la technique comptable descomptes de regularisation ». En decidant cela, l'arret attaque ajoute àla prescription legale en definissant des exigences comptables relativesaux societes non residentes ne repondant pas aux conditions de l'article1er, alinea 2, de la loi du 17 juillet 1975.

Par ailleurs, en violation de l'article 149 de la Constitution, il estcontradictoire, dans le meme arret, de constater que la demanderesse n'estpas soumise au formalisme comptable de la loi du 17 juillet 1975 et peutdonc recourir à une comptabilite denuee de formalisme et, ensuite, derejeter la piece produite par la demanderesse relativement à la tenue desa comptabilite simplifiee et la consignation comptable de l'operationlitigieuse, etant le fractionnement annuel d'un montant global, paye enune fois et en debut de bail, correspondant à l'ensemble des loyers dussur la periode de prise en location du bien immobilier appartenant à lademanderesse. Il est en effet contradictoire de constater l'absenced'exigence de formalisme comptable et d'imposer le respect de celui-ci enexigeant la production d'une comptabilite allant au-delà de la simpleproduction d'une piece comptable etablie sans formalisme.

L'arret attaque n'est donc pas legalement justifie et viole, partant, lesdispositions precitees.

Seconde branche

L'arret attaque justifie egalement le rejet du recours introduit par lademanderesse en considerant que, dans la determination des reglespermettant de rattacher des revenus locatifs à un exercice fiscal donne,le principe d'annualite de l'impot - enonce à l'article 171 de laConstitution - ne constitue pas le fondement des regles comptablesapplicables, parmi lesquelles l'article 19, alinea 4, de l'arrete royal du18 octobre 1976 portant execution de la loi du 17 juillet 1975 relative àla comptabilite et aux comptes annuels des entreprises.

L'arret attaque precise, neanmoins, que le principe d'annualite de l'impotest consacre par l'article 360 du Code des impots sur les revenus 1992,lequel constitue une regle de droit fiscal et non de droit comptable.

Or, note l'arret attaque, les autres dispositions du droit fiscaletablissant un lien entre les revenus et l'exercice d'imposition prevoientque :

1DEG pour l'application de l'impot des non-residents, etabli notammentconformement à l'article 233 du Code des impots sur les revenus 1992,lorsque les interesses ne tiennent pas de comptabilite ou tiennent unecomptabilite par annee civile, la periode imposable coincide avec l'anneeprecedant celle dont le millesime designe l'exercice d'imposition (article200 de l'arrete royal d'execution du Code des impots sur les revenus 1992);

2DEG les revenus de la periode imposable visee aux articles 199 à 203sont des benefices ou profits constates ou presumes de cette periode(article 204, 3DEG, a), du meme arrete d'execution) ;

3DEG les benefices ou profits qui ressortent d'une comptabilite sontcenses avoir ete recueillis à la date de cloture de l'exercice comptableauquel ils se rapportent (article 205, 1DEG, du meme arrete d'execution).

L'arret attaque en conclut que, « si le benefice imposable d'uneentreprise correspond effectivement en principe à son benefice comptable,[la demanderesse] ne produit pas une comptabilite enregistrant les loyersen cause perc,us et reportant sur un exercice ulterieur une partie deceux-ci » et qu'elle « ne peut se prevaloir d'une ecriture comptable deregularisation qu'elle n'a pas passee pour obtenir l'effet comptable etfiscal qui resulte d'une telle ecriture ».

Ce faisant, l'arret meconnait :

1DEG le principe de l'annualite de l'impot (article 171 de laConstitution) : en vertu de ce principe et de l'article 19, alinea 4, del'arrete royal du

18 octobre 1976, les produits et charges, afferents à un revenu, doiventetre actes dans les comptes de l'exercice auquel ils se rapportent et, sinecessaire, etre reportes aux comptes d'un exercice ulterieur de lasociete, conformement au principe de l'image fidele du droit comptable ;or, l'arret attaque considere que le principe d'annualite ne constitue pasle fondement des regles comptables et en particulier de l'article 19,alinea 4, precite ;

2DEG l'article 1er de la loi du 17 juillet 1975, puisque, en se fondantsur les articles 200, 204, 3DEG, a), et 205, 1DEG, de l'arrete royal du 27aout 1993 d'execution du Code des impots sur les revenus 1992, l'arretattaque exige la production d'une comptabilite enregistrant les loyers encause perc,us et reportant sur un exercice ulterieur une partie deceux-ci, alors que la demanderesse pouvait se contenter d'une comptabilitesimplifiee ; en outre, l'arret attaque denie à la demanderesse le droitde se prevaloir, au titre de sa comptabilite simplifiee, d'une ecriturecomptable de regularisation et ce, au motif « qu'elle [ne l]'a pas passeepour obtenir l'effet comptable et fiscal qui resulte d'une telle ecriture». L'arret attaque exige donc la tenue, de maniere formelle, de comptesde regularisation, alors qu'il ne s'agit là que d'une simple option etque la demanderesse peut legalement se contenter d'une comptabilitesimplifiee.

En constatant que la demanderesse « ne produit pas une comptabiliteenregistrant les loyers en cause perc,us et reportant sur un exerciceulterieur une partie de ceux-ci » et qu'« elle ne peut se prevaloird'une ecriture comptable de regularisation qu'elle n'a pas passee pourobtenir l'effet comptable et fiscal qui resulte d'une telle ecriture »,l'arret attaque n'est pas legalement justifie et viole les dispositions del'article 1er de la loi du 17 juillet 1975.

III. La decision de la Cour

Sur la fin de non-recevoir opposee au pourvoi par le defendeur et deduitede ce que, apres un premier pourvoi, aucun autre pourvoi ne peut etreadmis contre la meme decision :

Hormis le cas prevu à l'article 40, alinea 4, de la loi du 15 juin 1935concernant l'emploi des langues en matiere judiciaire et le cas dedesistement regulier, une partie ne peut, en matiere fiscale, se pourvoirune seconde fois contre la meme decision, meme si le second pourvoi estforme avant le rejet du premier.

Apres qu'elle eut forme contre l'arret attaque un premier pourvoi endeposant le 10 aout 2012 au greffe de la Cour une requete qui avait etesignifiee le 8 aout au defendeur, la demanderesse a depose le 14 aout 2012au greffe de la cour d'appel une autre requete, signifiee la veille audefendeur.

Des lors que la demanderesse s'est regulierement desistee le 21 janvier2013 de son premier pourvoi, qui avait ete inscrit au role de la Cour lejour meme du depot de la requete, le nouveau pourvoi qu'elle a forme le 14aout 2012 echappe à l'application de la regle d'ordre public que resumel'adage « Pourvoi sur pourvoi ne vaut ».

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le moyen :

Quant à la premiere branche :

Apres avoir decide que la demanderesse « n'etait pas soumise à la loi du17 juillet 1975 relative à la comptabilite et aux comptes annuels desentreprises pour l'exercice comptable en cause », l'arret attaqueconsidere que la demanderesse, « qui soutient que sa comptabilite tenueen Belgique àinsi que la comptabilite qu'elle tient en Suisse pourl'etablissement principal de la societe demontrent bien un report desloyers des vingt-neuf annees futures pour les affecter aux vingt-neufexercices imposables ulterieurs', ne produit aucun bilan et plusgeneralement aucun element de ses comptes annuels suisses et produit autitre de comptabilite simplifiee pour ses activites en Belgique uniquementune annexe à sa declaration fiscale à l'impot des`non-residents-societes' reprenant simplement les postes reportes de sadeclaration ainsi que les quatre postes explicatifs du montant de la pertedeclaree », et « qu'aucun des documents produits par [la demanderesse]ne permet de faire apparaitre au niveau comptable le report de vingt-neuftrentiemes du produit que constitue la perception du loyer de quinzemillions de francs en 1991 et que force est de constater en l'especel'absence de preuve par [la demanderesse] de l'utilisation de la techniquedes comptes de regularisation, fut-ce dans une comptabilite simplifiee etsans respecter les formes propres à la comptabilite complete, auxproduits encaisses en 1991 ».

Il suit de ces motifs que, loin d'imposer à la demanderesse la productiond'elements comptables allant au-delà d'une simple piece comptable denueede formalisme, l'arret attaque rejette la these de la demanderesse parceque, de la piece qu'elle produit, ne resulte pas la preuve qu'elle a« utilise la technique comptable des comptes de regularisation ».

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la seconde branche :

Des lors que l'arret attaque considere que la demanderesse n'etablit pasque la somme encaissee au titre de loyers a ete reportee jusqu'àconcurrence de vingt-neuf trentiemes sur les exercices ulterieurs, il nemeconnait pas le principe de l'annualite de l'impot et ne viole aucune desdispositions legales visees au moyen, en cette branche, en decidant que lataxation de cette somme releve en totalite de l'exercice d'imposition1992.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de cent septante et un euros nonante-deuxcentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Martine Regout, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononce enaudience publique du quatorze fevrier deux mille quatorze par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Andre Henkes, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

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| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
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| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
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14 FEVRIER 2014 F.13.0060.F/16


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.13.0060.F
Date de la décision : 14/02/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-02-14;f.13.0060.f ?
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