Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.13.1473.N
1. B. V. S.,
* prevenu,
2. P. V. H.,
* prevenu,
3. VAN HULLE PAUL GRONDWERKEN, s. a.,
* civilement responsable,
demandeurs en cassation,
* Me Frederik Vanden Bogaerde, avocat au barreau de Courtrai.
I. La procedure devant la Cour
V. Les pourvois sont diriges contre le jugement rendu en degred'appel le 20 juin 2013 par le tribunal correctionnel d'Ypres,statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arret rendu parla Cour le 27 novembre 2012.
Les demandeurs presentent deux moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat general Marc Timperman a conclu.
II. La decision de la Cour
* Sur le premier moyen
1. Le moyen invoque la violation des articles 13.1.h) du reglement(CE) nDEG 561/2006 du Parlement europeen et du Conseil du 15 mars 2006relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la legislationsociale dans le domaine des transports par route, modifiant lesreglements (CEE) nDEG 3821/85 et (CE) nDEG 2135/98 du Conseil etabrogeant le reglement (CEE) nDEG 3820/85 du Conseil (ci-apresreglement (CE) nDEG 561/2006 du 15 mars 2006), 149 de la Constitution,195 du Code d'instruction criminelle et 2 in fine de l'arrete royal du14 juillet 2005 portant execution du reglement (CEE) nDEG 3821/85 du20 decembre 1985 concernant l'appareil de controle dans le domaine destransports par route (ci-apres arrete royal du 14 juillet 2005), ainsique la violation de la charge de la preuve en matiere repressive: ladecision rendue par le jugement attaque est incompatible avecl'article 13.1.h) du reglement (CE) nDEG 561/2006 du 15 mars 2006 etimpose à tort le fardeau de la preuve aux demandeurs; conformement àl'article 3 du reglement (CEE) nDEG 3821/85 du 20 decembre 1985, ladispense prevue dans cette disposition du respect des durees deconduite et des temps de repos peut egalement etre appliquee par lesEtats membres à l'obligation d'equiper le vehicule d'un tachygraphe;par l'article 2 in fine de l'arrete royal du 14 juillet 2005, laBelgique a applique la dispense de l'appareil de controle; l'article 2in fine de l'arrete royal du 14 juillet 2005 dispose en effet quel'obligation d'equiper le vehicule automobile d'un appareil decontrole ne s'applique pas aux vehicules vises à l'article 6 del'arrete royal du 9 avril 2007 portant execution du reglement (CE)nDEG 561/2006 du Parlement europeen et du Conseil du 15 mars 2006relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la legislationsociale dans le domaine des transports par route, modifiant lesreglements (CEE) nDEG 3821/85 et (CE) nDEG 2135/98 du Conseil etabrogeant le reglement (CEE) nDEG 3820/85 du Conseil (ci-apres arreteroyal du 9 avril 2007); il appartient au ministere public d'etablirque le transport des demandeurs au moment des faits releve du champd'application du reglement (CE) nDEG 561/2006 du 15 mars 2006; enstatuant autrement, le jugement attaque viole la charge de la preuveen matiere repressive et n'est pas legalement justifie ; si l'on admetque la grue transportee etait utilisee lors de travaux de voirie, ladispense est applicable etant donne que le vehicule etait utilise àce moment pour effectuer notamment des travaux dans le cadre desactivites liees à l'evacuation des eaux usees, à la protectioncontre les inondations, à l'entretien et à la surveillance de lavoirie.
Si la Cour adopte une autre interpretation de l'article 13.1.h) dureglement (CE) nDEG 561/2006 du 15 mars 2006, il y a lieu de poser àla Cour de justice la question prejudicielle suivante: "La dispenseprevue à l'article 13.1.h) du reglement (CE) nDEG 561/2006 du 15 mars2006 doit-elle etre interpretee en ce sens qu'elle peut egalements'appliquer à un vehicule transportant un autre vehicule qui serautilise, immediatement apres le transport en question, dans le cadred'activites liees à l'evacuation des eaux usees, à la protectioncontre les inondations ou à l'entretien et à la surveillance de lavoirie?"
2. L'article 13.1.h) du reglement (CE) nDEG 561/2006 du 15 mars 2006dispose que: "Pour autant que cela ne soit pas prejudiciable auxobjectifs vises à l'article 1er, chaque Etat membre peut accorder desderogations aux articles 5 à 9 et subordonner ces derogations à desconditions particulieres sur son territoire ou, avec l'accord del'Etat interesse, sur le territoire d'un autre Etat membre,applicables aux transports effectues par les vehicules suivants:vehicules utilises dans le cadre des activites liees à l'evacuationdes eaux usees, à la protection contre les inondations, (...), àl'entretien et à la surveillance de la voirie (...)."
L'article 6.f), de l'arrete royal du 9 avril 2007 portant execution dureglement (CE) 561/2006 du 15 mars 2006 dispose que: "Ne sont passoumis aux articles 5 à 9 du reglement, les transports effectues parles vehicules suivants: vehicules utilises dans le cadre des activitesliees à l'evacuation des eaux usees, à la protection contre lesinondations, (...) à l'entretien et à la surveillance de la voirie(...)."
L'article 2 de l'arrete royal du 14 juillet 2005 dispose que:
"Tous les vehicules automobiles immatricules en Belgique et affectesà un transport par route de voyageurs ou de marchandises doivent etreequipes d'un appareil de controle ci-apres denomme "tachygraphe" dontles mesures sont enregistrees."
La presente disposition ne s'applique pas aux vehicules automobilesmentionnes à l'annexe Iere et aux vehicules vises à l'article 6 del'arrete royal du 9 avril 2007. "
L'article 18, S: 1er, de l'arrete royal du 14 juillet 2005 dispose queles infractions au reglement (CEE) nDEG 3821/85 et à l'arrete sontpunies conformement aux articles 2 et 2bis de la loi du 18 fevrier1969.
3. Les vehicules vises par l'article 6.f), de l'arrete royal du 9avril 2007 portant execution du reglement (CE) 561/2006 du 15 mars2006 sont par consequent dispenses de l'obligation generale d'equiperd'un appareil de controle les vehicules automobiles affectes à untransport par route de voyageurs ou de marchandises. Il ressort duconsiderant (23) du preambule du reglement (CE) 561/2006 du 15 mars2006 suivant lequel les derogations nationales doivent etre limiteesaux elements qui ne sont pas soumis à la concurrence et de l'objectifmentionne à l'article 1er du reglement (CE) nDEG 561/2006 du 15 mars2006 d'harmonisation des conditions de la concurrence que ce regimederogatoire est de stricte interpretation.
Il s'ensuit que la dispense ne vaut que pour les vehicules utilisesexclusivement et au moment des constatations dans le cadre desactivites liees à l'evacuation des eaux usees, à la protectioncontre les inondations, à l'entretien et à la surveillance de lavoirie.
En tant qu'il se fonde sur une autre conception juridique, le moyenmanque en droit.
Il n'y a pas lieu de poser la question prejudicielle qui prend pourpostulat cette meme conception juridique erronee.
4. Un prevenu qui invoque la dispense d'une obligation penalementsanctionnee est tenu de faire en sorte que son allegation paraisseplausible. S'il y parvient, il appartient à la partie poursuivante derefuter cette allegation rendue plausible.
En tant qu'il se fonde sur une autre conception juridique, le moyenmanque en droit.
5. Le jugement attaque considere que:
- le demandeur 1 a declare que, le 2 septembre 2008, il avait quittel'entreprise de Tielt, pour charger une grue à Staden et latransporter ensuite à Sint-Kruis-Brugge pour des travaux deterrassement;
- le demandeur 2 a declare que, le 2 septembre 2008, le demandeur 1devait aller chercher une grue à Staden pour la transporter d'unchantier de la firme à destination d'un autre chantier à Bruges;
- le demandeur 2 a declare que l'activite principale de la firme estl'entretien et l'amenagement de la voirie;
- des lors que les demandeurs invoquent le regime derogatoire del'article 13.1.h) du reglement (CE) nDEG 561/2006 du 15 mars 2006, ilssont tenus de demontrer qu'au moment des constatations, le tracteurlitigieux etait effectivement utilise dans le but d'entretenir lavoirie et les accotements ou les egouts afin de prevenir lesinondations conformement au marche attribue à la demanderesse 3;
- se ralliant au ministere public, le tribunal constate qu'ilsn'apportent nullement cette preuve in concreto; la simple productiondes contrats des marches attribues par la province de Flandreoccidentale et la ville de Bruges ne suffit pas; ceux-ci concernent eneffet exclusivement des travaux d'entretien de la voirie provincialedans la region de Bruges, ainsi que l'entretien de fosses et de coursd'eau non navigables dans la region de Bruges pour une periode d'uneannee calendrier;
- à la lumiere de la declaration du demandeur 1 et de celle dudemandeur 2, l'on peut conclure que, ce jour-là, le tracteur fututilise pour le transport entre un trajet Tielt-Staden-Bruges d'unegrue dans le but d'effectuer des travaux de terrassement;
- les pieces que les demandeurs presentent en ce qui concerne lesmarches attribues en matiere d'entretien de la voirie et des voiesd'eau dans la region de Bruges ne constituent ainsi qu'une petitepartie des activites regulieres de la demanderesse 3;
- dans ces circonstances concretes, les demandeurs ne peuventpretendre serieusement qu'ils ont ete surpris alors qu'ilseffectuaient des activites liees à l'entretien de la voirie ou àl'evacuation des eaux afin de prevenir les inondations;
- l'utilisation d'une grue ne s'identifie pas a priori avec de tellesactivites et, meme territorialement, l'utilisation de la grue nesaurait pas davantage s'y identifier, etant donne que le demandeur 1 aexplicitement admis qu'elle a ete enlevee de Staden, en vue de travauxde terrassement à Sint-Kruis-Brugge.
- à supposer meme que l'objectif poursuivi etait d'employer la gruedans l'execution de travaux d'entretien de voirie et d'evacuation deseaux dans la region de Bruges, la grue ne pouvait etre enlevee àStaden à l'aide du tracteur litigieux sans l'emploi correct du disquetachygraphe.
Par ces motifs, les juges d'appel ont legalement justifie ladeclaration de culpabilite des demandeurs 1 et 2.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
* (...)
Par ces motifs
La Cour
Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le president de section Paul Maffei, les conseillersBeatrijs Deconinck, Filip Van Volsem, Alain Bloch et Erwin Francis, etprononce en audience publique du onze fevrier deux mille quatorze parle president de section Paul Maffei, en presence de l'avocat generalMarc Timperman, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
11 fevrier 2014 P.13.1473.N/1