Cour de cassation de Belgique
Arret
5173
NDEG C.10.0537.F
J. E. S. K.,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,
contre
ETAT BELGE, represente par le ministre de la Politique de migration etd'asile, dont le cabinet est etabli à Saint-Josse-ten-Noode, avenue desArts, 7,
defendeur en cassation,
represente par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 26 mai 2010 parla cour d'appel de Liege.
Le 18 decembre 2013, l'avocat general Thierry Werquin a depose desconclusions au greffe.
Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat general ThierryWerquin a ete entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
* articles 10, 11, 144, 145, 159 et 191 de la Constitution ;
* articles 1382 et 1383 du Code civil ;
* article 584 du Code judiciaire ;
* articles 3, specialement alinea 1er, 5DEG à 8DEG, 39/1, 39/2, 39/82,39/84 et 58 de la loi du 15 decembre 1980 sur l'acces au territoire,le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers, l'article 3tel qu'il a ete modifie par la loi du 15 juillet 1996, l'article 58tel qu'il a ete modifie par les lois des 15 juillet 1996 et 15septembre 2006, les articles 39/1, 39/2, 39/82 et 39/84 tels qu'ilsont ete inseres dans la loi du 15 decembre 1980 par la loi du
15 septembre 2006 ;
* articles 13 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'hommeet des libertes fondamentales, signee à Rome le 4 novembre 1950,approuvee par la loi du 13 mai 1955 ;
* articles 2, S: 3, a), 13, 14 et 26 du Pacte international relatif auxdroits civils et politiques, signe à New York le 19 decembre 1966,approuve par la loi du 15 mai 1981 ;
pour autant que de besoin :
* article 602, 2DEG, du Code judiciaire ;
* principe general du droit selon lequel une norme de droitinternational conventionnel ayant des effets directs dans l'ordrejuridique interne doit prevaloir sur le droit interne.
Decisions et motifs critiques
Apres avoir constate 1. que le demandeur, de nationalite camerounaise, aintroduit le 16 juin 2009 aupres de l'ambassade de Belgique à Yaounde une« demande de visa d'etudiant sur la base de l'article 58 de la loi du
15 decembre 1980 et que l'ambassade a pris une decision de refus le 26juillet 2009 [...] qui lui est notifiee le 3 aout 2009 ; que cettedecision est motivee par le fait qu'il ressort du questionnaire completelors de la demande de visa que l'interesse ne peut expliquer son projetd'etudes en Belgique de maniere coherente, qu'il ne justifie pas samotivation quant au choix de l'etablissement d'agronomie de la Haute ecolede la province de Liege et ne repond pas à la plupart des questionsposees ; que l'ambassade conclut que : `l'intention de poursuivre desetudes superieures en Belgique n'est pas etablie. Ces indices constituentun faisceau de preuve d'une tentative de detournement de procedure de visapour etudes à des fins migratoires. En consequence, bien que l'ensembledes documents requis aux articles 58 et suivants de la loi du
15 decembre 1980 (aient ete produits), le visa lui est refuse pour cettetentative d'immigration pseudo-legale' ; que [le demandeur] n'a pasconteste la legalite de cette decision devant le Conseil du contentieuxdes etrangers ; que, le 11 aout 2009, [le demandeur] cita [le defendeur]en refere sur la base de l'article 584 du Code judiciaire et de l'urgenceafin de solliciter sa condamnation à lui delivrer le visa d'etudiant pourl'annee academique 2009-2010, sous astreinte de cinq cents euros par jourde retard » et 2. que le demandeur forme en outre, devant la courd'appel, une demande incidente tendant à voir condamner le defendeur« à le laisser poursuivre le cursus engage »,
l'arret a) statuant sur la demande principale originaire, reformantl'ordonnance entreprise, par laquelle le premier juge, declarantexplicitement statuer au provisoire, apres avoir reconnu l'urgence, avaitcondamne le defendeur, sous peine d'astreinte, à delivrer ou à fairedelivrer au demandeur un visa d'etudiant pour l'annee scolaire2009-2010, « dit que les juridictions de l'ordre judiciaire sont sanscompetence pour ordonner à l'Etat belge la delivrance d'un visa pouretudes sur la base de l'article 58 de la loi du
15 decembre 1980 », b) statuant sur la demande incidente, deboute ledemandeur et c) condamne le demandeur aux depens des deux instances.
Cette decision se fonde sur les motifs suivants :
« L'article 58 [de la loi du 15 decembre 1980] sur lequel est fondee lademande de sejour [du demandeur] confere-t-il à l'etranger un droitsubjectif, l'Etat belge se trouvant dans une situation de competence lieeet devant accorder le visa des que les documents requis par ce texte sontproduits, ou au contraire les autorites consulaires et diplomatiquesdisposent-elles d'une latitude d'appreciation et d'un pouvoirdiscretionnaire, auquel cas il ne peut exister de droit subjectif àl'obtention d'un visa pour etudes ? Tel est l'enjeu du litige dont dependla competence des juridictions de l'ordre judiciaire. Le Conseil ducontentieux des etrangers, juridiction administrative seule competentepour connaitre des recours introduits à l'encontre des decisionsindividuelles prises en application de la loi du 15 decembre 1980, [...]a decide que l'article 58 reconnait à l'etranger qui desire faire desetudes en Belgique et qui remplit les conditions qu'il fixe un droitautomatique à l'autorisation de sejourner plus de trois mois en Belgique,la competence du ministre ou de son delegue en vertu de cette dispositionetant une competence liee l'obligeant à reconnaitre ce droit des quel'etranger repond aux conditions limitatives prevues pour son application.La haute juridiction precise toutefois que `cette competence liee ne peutcependant etre valablement definie en faisant abstraction de la qualite dubeneficiaire du droit de sejour envisage, que le legislateur aformellement determine comme etant un etranger qui desire faire enBelgique des etudes. Dans la perspective ainsi rappelee, il ressort doncde cette disposition que, si l'autorite administrative a l'obligationd'accorder un visa pour etudes lorsque le demandeur a depose les documentsvises aux points 1DEG à 4DEG, elle reste valablement habilitee àverifier, le cas echeant, la volonte du demandeur de faire des etudes enBelgique. Un tel controle ne saurait etre considere comme une conditionsupplementaire que la partie defenderesse ajouterait à l'article 58 de laloi du 15 decembre 1980 mais doit etre compris comme portant sur unelement constitutif de la demande elle-meme [...]. Ce controle doitcependant demeurer marginal et se limiter strictement à verifier larealite, dans sa dimension subjective, du projet d'etudes que le demandeurdesire mettre en oeuvre, verification qui pourrait eventuellement menerl'administration à constater l'eventuelle absence manifeste d'intentiond'effectuer des etudes en Belgique et donc un detournement de procedure'.C'est des lors à tort que le premier juge a decide que le droit defini àl'article 58 est sans condition et que le legislateur n'accorde aucunpouvoir discretionnaire [au defendeur] ; ce faisant, il procede à unelecture parcellaire de la jurisprudence du Conseil du contentieux desetrangers precitee, laquelle precise sans equivoque possible que leministre ou son delegue dispose du droit de controler, outre la productiondes documents requis par l'article 58, si le demandeur de visa areellement et concretement l'intention de faire des etudes en Belgiquepuisqu'il s'agit d'un element constitutif de la demande, ce pouvoir decontrole impliquant un pouvoir d'appreciation. Dans le cadre de recours ensuspension d'extreme urgence contre des decisions refusant le visa pouretudes, le Conseil du contentieux des etrangers refuse du reste, dans lecadre de mesures provisoires, d'ordonner aux autorites de delivrer le visacar, dans le cadre de sa competence d'annulation, `le Conseil ne peut sesubstituer à la partie defenderesse dans l'exercice des pouvoirs que laloi du 15 decembre 1980 confere à cette derniere. Tel seraitimmanquablement le cas si, par le biais de l'octroi de mesuresprovisoires, le Conseil ordonnait à la partie defenderesse de delivrer levisa d'etudes dont le refus constitue precisement l'acte attaque par lademande de suspension' (arrets du C.C.E. des 14 aout 2009 et 17 juillet2009). Il y a lieu de rappeler que, dans le cas d'espece, [le demandeur]n'a pas conteste la legalite de la decision de refus de visa devant leConseil du contentieux des etrangers. En outre, l'article 58 faitexpressement reference à l'article 3 de la loi du 15 decembre 1980, quidispose qu'un etranger peut etre refoule par les autorites chargees ducontrole aux frontieres, notamment pour des motifs touchant à l'ordrepublic. Dans un arret du 16 janvier 2006 relatif à une demande de visapour regroupement familial, la Cour de cassation rappelle que pour qu'unepartie puisse se prevaloir à l'egard de l'autorite administrative d'undroit subjectif, il faut que la competence de cette autorite soitcompletement liee, que l'article 10, alinea 1er, 4DEG, de la loi du 15decembre 1980 dispose qu'est de plein droit admis à sejourner plus detrois mois dans le royaume le conjoint etranger d'un etranger admis ausejour en Belgique, qui vient vivre avec lui, à condition que les deuxpersonnes concernees aient dix-huit ans. La Cour poursuit par la referenceà l'article 11 de la loi, qui permet au ministre ou à son delegue derefuser le droit au sejour à l'etranger qui declare se trouver dans lesconditions de l'article 10, soit parce que cet etranger ne remplit pas unedes conditions dudit article 10, soit parce que l'interesse se trouve dansl'un des cas prevus à l'article 3. La Cour de cassation considere que`ces dispositions legales font apparaitre que, lorsque le ministre ou sondelegue statue sur une demande d'un etranger fondee sur l'article 10, iln'a pas une competence completement liee mais dispose d'une marged'appreciation. La defenderesse n'a des lors aucun droit subjectif ausejour et l'arret ne justifie pas legalement sa decision que `le pouvoirjudiciaire a juridiction pour condamner eventuellement le demandeur àdelivrer la carte de sejour' (Cass., 16 janvier 2006, C.05.0057.F). Cetarret s'applique par analogie au cas d'espece des lors que l'article 58,comme precise ci-avant, fait egalement reference à l'article 3 de la loidu 15 decembre 1980. Il importe peu à cet egard que [le defendeur] nefasse pas reference à des motifs d'ordre public dans la decision refusantle visa des lors que, pour delivrer un visa pour etudes, il dispose d'unpouvoir d'appreciation pour verifier, d'une part, la realite del'intention du demandeur de visa d'effectuer des etudes superieures enBelgique et pour s'assurer, d'autre part, que l'interesse ne se trouve pasdans un des cas vises à l'article 3, ainsi que le prevoit expressement ladisposition legale en cause. Cette disposition legale fait apparaitre que,lorsque [le defendeur] statue sur une demande d'un etranger fondee surl'article 58 de la loi du 15 decembre 1980, il n'a pas une competencecompletement liee mais dispose d'une marge d'appreciation. En consequence,[le demandeur] n'a aucun droit subjectif à l'obtention du visa pouretudes sollicite et les juridictions de l'ordre judiciaire n'ont pascompetence pour se substituer au pouvoir d'appreciation [du defendeur] etpour lui enjoindre de delivrer le visa requis. Quant à la demandeincidente : l'ordonnance de refere etant executoire par provision etprononcee sous peine d'astreinte, [le demandeur] a obtenu un visad'etudes. Il fait valoir que, à la suite de la delivrance de ce visa, ils'est effectivement inscrit à l'ecole d'agronomie à La Reid ou il asuivi les cours et passe sa session de janvier [...]. Il considere enconsequence que [le defendeur] a commis une faute d'appreciation et qu'ila engage sa responsabilite sur la base de l'article 1382 du Code civil, desorte qu'à titre de reparation de sa faute, il doit etre condamne à lelaisser poursuivre le cursus engage. A supposer que [le defendeur] ait malapprecie la situation, la faute alleguee ne pourrait avoir pour seuleconsequence que l'octroi de dommages et interets pour le prejudice subimais elle ne peut conferer [au demandeur] le droit subjectif de rester enBelgique sur la base d'un visa d'etudiant et d'y poursuivre des etudes.Des dommages et interets ne sont du reste pas demandes. Si la motivationde la decision refusant le visa peut avoir paru inadequate [au demandeur],une motivation inadequate n'est pas fautive en soi. Elle concerne desfaits concrets susceptibles d'une certaine appreciation quant à larealite des etudes à entreprendre. Enfin, une instance de recours, leConseil du contentieux des etrangers, existe pour reformer une decisionadministrative illegale ou irreguliere, que [le demandeur] s'est abstenude saisir. Il s'ensuit qu'aucune faute [du defendeur] ne peut etreretenue en l'etat ».
Griefs
Premiere branche
I. L'article 58 de la loi du 15 decembre 1980 sur l'acces au territoire,le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers dispose :
« Lorsque la demande d'autorisation de sejourner plus de trois mois dansle royaume est introduite aupres d'un poste diplomatique ou consulairebelge par un etranger qui desire faire en Belgique des etudes dansl'enseignement superieur ou y suivre une annee preparatoire àl'enseignement superieur, cette autorisation doit etre accordee sil'interesse ne se trouve pas dans un des cas prevus à l'article 3, alinea1er, 5DEG à 8DEG, et s'il produit les documents ci-apres :
1DEG une attestation delivree par un etablissement d'enseignementconformement à l'article 59 ;
2DEG la preuve qu'il possede des moyens de subsistance suffisants ;
3DEG un certificat medical d'ou il resulte qu'il n'est pas atteint d'unedes maladies ou infirmites enumerees à l'annexe de la presente loi ;
4DEG un certificat constatant l'absence de condamnations pour crimes oudelits de droit commun, si l'interesse est age de plus de 21 ans.
A defaut de production du certificat prevu au 3DEG et au 4DEG de l'alinea1er, le ministre ou son delegue peut neanmoins, compte tenu descirconstances, autoriser l'etranger à sejourner en Belgique pour y fairedes etudes.
L'autorisation de sejourner plus de trois mois dans le royaume peut etredemandee par l'etranger selon les modalites fixees par le Roi en executionde l'article 9, alinea 2 ».
L'article 3, alinea 1er, 5DEG à 8DEG, de la loi, auquel l'article 58 faitainsi reference, vise quatre categories d'etrangers qui peuvent etrerefoules par les autorites chargees du controle aux frontieres, àsavoir : 5DEG l'etranger signale aux fins de non-admission dans les Etatsparties à la Convention d'application de l'Accord de Schengen ; 6DEGl'etranger considere par le ministre, apres avis conforme de la Commissionconsultative des etrangers, comme pouvant compromettre les relationsinternationales de la Belgique ou d'un Etat partie à une conventioninternationale relative au franchissement des frontieres exterieures,liant la Belgique ; 7DEG l'etranger considere par le ministre ou sondelegue comme pouvant compromettre la tranquillite publique, l'ordrepublic ou la securite nationale ; 8DEG l'etranger renvoye ou expulse duroyaume depuis moins de dix ans, lorsque la mesure n'a pas ete suspendueou rapportee.
Il ressort du rapprochement de ces dispositions que les autoritesdiplomatiques ou consulaires ne peuvent refuser un visa d'entree àl'etranger qui introduit une demande aux fins de poursuivre en Belgiquedes etudes dans l'enseignement superieur, si cet etranger 1. produit lesquatre documents vises par l'article 58 et 2. ne se trouve pas dans l'undes cas prevus à l'article 3, alinea 1er, 5DEG à 8DEG.
Les conditions visees par l'article 3, alinea 1er, 5DEG à 8DEG,correspondent, soit à des situations objectives par elles-memes (avoirfait l'objet depuis moins de dix ans d'une mesure de renvoi ou d'expulsionqui n'a pas ete suspendue ou rapportee), soit à des situations resultantd'une decision partiellement discretionnaire prise par une autoritedistincte des autorites diplomatiques ou consulaires belges aupres de quila demande est introduite (à savoir les autorites chargees dusignalement, visees par le 5DEG, ou le ministre ou son delegue, vises parles 6DEG et 7DEG).
Or, doit seule etre consideree comme jouissant d'un pouvoirdiscretionnaire l'autorite administrative qui dispose elle-meme d'uneliberte d'appreciation lui permettant, dans les limites de la loi, dedeterminer seule les modalites d'exercice de sa competence et de choisir,en opportunite, la solution qui lui parait la plus adequate.
En revanche, si l'autorite est tenue de prendre une decision preciselorsque sont reunies certaines conditions prevues par la loi, au nombredesquelles l'adoption ou l'absence d'adoption d'une mesure determinee parune autre autorite, l'existence ou la non-existence de cette mesureprealable constitue elle-meme une condition objective qui ne saurait avoirpour effet de conferer un caractere discretionnaire à la competence del'autorite chargee de prendre la decision ulterieure.
A l'egard de l'autorite diplomatique ou consulaire qui rec,oit la demandeintroduite sur pied de l'article 58 de la loi du 15 decembre 1980, ladecision ou l'absence de decision des autorites visees par l'article 3,alinea 1er, 5DEG à 8DEG, de la meme loi constitue un element objectifexterieur et ne confere à ladite autorite diplomatique ou consulaireaucun pouvoir d'appreciation en opportunite quant à la delivrance du visad'etudiant.
La competence de l'autorite diplomatique ou consulaire visee par l'article58 precite est des lors entierement liee.
Le caractere non discretionnaire de la decision visee par l'article 58 estconfirme par le fait que la loi ne confere aucunement à l'autoritediplomatique ou consulaire le pouvoir de soumettre l'etranger demandeur àun examen, un test ou une enquete quelconque aux fins de determiner s'il areellement la volonte de poursuivre en Belgique des etudes dansl'enseignement superieur. Surabondamment, la volonte du demandeur depoursuivre en Belgique des etudes dans l'enseignement superieur neconstitue pas un element susceptible de faire l'objet d'une appreciationen opportunite de la part d'une autorite administrative. A supposer memeque l'on admette que cette volonte ne resulte pas de la seule productiondes quatre documents vises par l'article 58 de la loi, l'obligationimposee à l'etranger demandeur de prouver cette volonte ne saurait doncconferer un caractere discretionnaire à la competence de l'autoritechargee de delivrer le visa. Cette competence n'en resterait pas moinsliee, pour etre subordonnee à la preuve d'une circonstance de faitparticuliere et exterieure.
II. Il ressort des motifs precites que pour declarer les juridictions del'ordre judiciaire sans competence pour faire droit à la demandeprincipale tendant à faire delivrer au demandeur, au provisoire et sousle benefice de l'urgence, un visa d'etudiant, l'arret se fonde sur le seulmotif que « [le demandeur] n'a aucun droit subjectif à l'obtention duvisa pour etudes sollicite », des lors que, « lorsque l'Etat belgestatue sur une demande d'un etranger fondee sur l'article 58 de la loi du15 decembre 1980, il n'a pas une competence liee mais dispose d'une marged'appreciation ».
Pour debouter le demandeur de sa demande incidente, l'arret se fonde surla consideration qu'une « motivation inadequate n'est pas fautive ensoi » des lors qu'elle « concerne des faits concrets susceptibles d'unecertaine appreciation quant à la realite des etudes à entreprendre ».
En conclusion, tant le rejet de la demande principale originaire que lerejet de la demande incidente se fondent sur la consideration prealable del'arret selon laquelle la competence attribuee aux autorites etatiques(soit les autorites diplomatiques ou consulaires) chargees de statuer surles demandes introduites sur pied de l'article 58 de la loi n'est pas unecompetence liee mais est au moins en partie discretionnaire.
En fondant ses decisions de rejet des demandes principale et incidente surune telle interpretation de l'article 58 de la loi, l'arret meconnait laportee de cette disposition legale, combinee avec l'article 3,specialement alinea 1er, 5DEG à 8DEG, de la loi, des lors qu'il resultedes termes de ces deux articles que les autorites diplomatiques ouconsulaires saisies d'une demande introduite sur pied de l'article 58doivent accorder un visa d'etudiant à l'etranger demandeur, sans pouvoirexercer aucune appreciation en opportunite sur l'accueil de sa demande,aux seules conditions expressement prevues par le texte legal, à savoira) que l'etranger produise les quatre documents vises par l'article 58,alinea 1er, et b) que l'etranger ne se trouve pas dans l'un des cas visesà l'article 3, alinea 1er, 5DEG à 8DEG (violation des articles 3,specialement alinea 1er, 5DEG à 8DEG, et 58 de la loi du 15 decembre 1980sur l'acces au territoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement desetrangers, vises en tete du moyen).
Subsidiairement, en fondant ses decisions de rejet des demandes principaleet incidente sur l'interpretation precitee des articles 58 et 3,specialement alinea 1er, 5DEG à 8DEG, de la loi, l'arret meconnait laportee de ces dispositions legales, dont il resulte que les autoritesdiplomatiques ou consulaires saisies d'une demande introduite sur pied del'article 58 doivent accorder un visa d'etudiant à l'etranger demandeursi celui-ci a) produit les quatre documents vises à l'article 58, alinea1er, b) ne se trouve pas dans l'un des cas vises à l'article 3, alinea1er, 5DEG à 8DEG, et c) demontre sa volonte de poursuivre en Belgique desetudes dans l'enseignement superieur, la preuve de cet element factueln'etant pas susceptible d'une appreciation en opportunite par l'autoriteadministrative, dont la competence est entierement liee (violation desarticles 3, specialement alinea 1er, 5DEG à 8DEG, et 58 de la loi du 15decembre 1980 sur l'acces au territoire, le sejour, l'etablissement etl'eloignement des etrangers, vises en tete du moyen).
Deuxieme branche
I. En vertu de l'article 144 de la Constitution, les contestations qui ontpour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux.
En vertu de l'article 145 de la Constitution, les contestations qui ontpour objet des droits politiques sont du ressort des tribunaux, sauf lesexceptions etablies par la loi.
Aux termes de l'article 584 du Code judiciaire, le president du tribunalde premiere instance statue au provisoire dans les cas dont il reconnaitl'urgence, en toutes matieres, sauf celles que la loi soustrait au pouvoirjudiciaire. En application de l'article 602, 2DEG, du meme code, la courd'appel connait de l'appel des decisions rendues par le president dutribunal de premiere instance.
L'article 39/1, S: 1er, de la loi du 15 decembre 1980, insere par la loidu 15 septembre 2006 reformant le Conseil d'Etat et creant un Conseil ducontentieux des etrangers, dispose qu'il est institue un Conseil ducontentieux des etrangers, appele ci-apres « le Conseil » ; le Conseilest une juridiction administrative, seule competente pour connaitre desrecours introduits à l'encontre de decisions individuelles prises enapplication des lois sur l'acces au territoire, le sejour, l'etablissementet l'eloignement des etrangers.
En vertu de l'article 39/2, S: 1er, le Conseil statue, par voie d'arrets,sur les recours introduits à l'encontre des decisions du commissairegeneral aux refugies et aux apatrides. L'article 39/2, S: 2, dispose quele Conseil statue en annulation, par voie d'arrets, sur les autres recourspour violation des formes, soit substantielles, soit prescrites à peinede nullite, exces ou detournement de pouvoir.
Aux termes de l'article 39/82, S: 1er, lorsqu'un acte d'une autoriteadministrative est susceptible d'annulation en vertu de l'article 39/2, leConseil est seul competent pour ordonner la suspension de son execution.Selon l'article 39/82, S: 2, la suspension de l'execution ne peut etreordonnee que si des moyens serieux susceptibles de justifier l'annulationde l'acte conteste sont invoques et à la condition que l'executionimmediate de l'acte risque de causer un prejudice grave difficilementreparable.
L'article 39/82, S: 3, dispose : « sauf en cas d'extreme urgence, lademande de suspension et la requete en annulation doivent etre introduitespar un seul et meme acte.
Dans l'intitule de la requete, il y a lieu de mentionner qu'est introduit,soit un recours en annulation, soit une demande de suspension et unrecours en annulation. Si cette formalite n'est pas remplie, il seraconsidere que la requete ne comporte qu'un recours en annulation.
Une fois que le recours en annulation est introduit, une demande desuspension introduite ulterieurement n'est pas recevable, sans prejudicede la possibilite offerte au demandeur d'introduire, de la maniere viseeci-dessus, un nouveau recours en annulation assorti d'une demande desuspension, si le delai de recours n'a pas encore expire ».
Enfin, selon l'article 39/84, alinea 1er, lorsque le Conseil est saisid'une demande de suspension d'un acte conformement à l'article 39/82, ilest seul competent, au provisoire, et dans les conditions prevues parl'article 39/82,
S: 2, alinea 1er, pour ordonner toutes les mesures necessaires à lasauvegarde des interets des parties ou des personnes qui ont interet à lasolution de l'affaire, à l'exception des mesures qui ont trait à desdroits civils.
II. Les competences d'annulation ou de suspension des decisionsadministratives de portee individuelle prises en application des lois surl'acces au territoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement desetrangers qui sont ainsi reconnues au Conseil du contentieux des etrangersne portent point atteinte au pouvoir de juridiction des tribunaux del'ordre judiciaire à l'egard des contestations par lesquelles unparticulier tend à voir reparer ou, le cas echeant, prevenir une atteinteportee à ses droits subjectifs ou à ses interets legitimes par un acteillicite de l'autorite publique.
Si, en regle, l'existence d'un droit subjectif vise par les articles 144ou 145 de la Constitution suppose une competence liee de l'administration,il en va autrement lorsque le justiciable se plaint de la lesion d'undroit ou meme d'un simple interet resultant de l'exercice fautif parl'autorite publique de la competence discretionnaire qui lui est reconnuepar la loi.
Quoique l'autorite administrative qui prend une decision en vertu d'unpouvoir discretionnaire qui lui est reconnu en application de la loi surl'acces au territoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement desetrangers dispose d'une liberte d'appreciation qui lui permet, dans leslimites de la loi, de determiner elle-meme les modalites d'exercice de sacompetence et de choisir la solution qui lui parait la plus adequate, lepouvoir judiciaire reste competent pour prevenir ou reparer toute atteinteportee fautivement à un droit subjectif, voire à un interet legitime,dans l'exercice de ce pouvoir discretionnaire.
Lorsque aucun recours en annulation n'a ete introduit contre une decisionindividuelle prise en application de la loi sur l'acces au territoire, lesejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers, alors que lejusticiable soutient que cette decision individuelle a ete adopteefautivement, le Conseil du contentieux des etrangers n'a aucune competencepour ordonner la suspension de la decision, pas plus que les mesuresprovisoires visees par l'article 39/84 de la loi. En pareil cas, ilappartient uniquement au president du tribunal de premiere instance ou, enappel, à la cour d'appel, de statuer au provisoire, dans les cas dont ilsreconnaissent l'urgence, pour ordonner aux autorites administratives lesmesures propres à prevenir ou reparer le dommage cause par cet actepretendument illicite.
III. L'arret constate que le demandeur n'a pas introduit de recours contrela decision de refus de visa devant le Conseil du contentieux desetrangers.
Il en resulte qu'aucune juridiction administrative n'etait competente pourordonner les mesures provisoires propres à prevenir l'atteinte portee auxdroits ou aux interets legitimes du demandeur par l'exercice fautif, parl'autorite diplomatique belge, de la competence à elle reconnue parl'article 58 de la loi. Le juge des referes etait des lors competent pourordonner de telles mesures, au provisoire et sous le benefice de l'urgenceet ce, sans que la question si la competence reconnue à l'autoritediplomatique par l'article 58 de la loi est une competence discretionnaireou liee ne soit susceptible d'exercer une incidence sur la competence ou,plus exactement, sur le pouvoir de juridiction des tribunaux de l'ordrejudiciaire.
En consequence, les deux decisions critiquees (soit la decision de la courd'appel de se declarer sans competence pour statuer sur la demandeprincipale originaire et le rejet de la demande incidente) ne sauraientetre legalement justifiees, ni par le motif que « la competence desjuridictions de l'ordre judiciaire » depend du point de savoir si ledefendeur « se trouve dans une situation de competence liee », ce qui neserait pas le cas dans le cadre de l'article 58 de la loi, ni par le motifque le Conseil du contentieux des etrangers constituerait l'instancecompetente « que le demandeur s'est abstenu de saisir ».
En rejetant, par les motifs precites, les deux demandes, principale etincidente, l'arret viole les articles de la Constitution, qui attribuentaux cours et tribunaux les contestations portant sur tout droit civil oupolitique (sous la reserve, qui ne concerne que les droits politiques, desexceptions prevues par la loi), et l'article 584 du Code judiciaire, quiattribue au juge des referes le pouvoir de statuer au provisoire dans lescas dont il reconnait l'urgence, notamment pour prevenir ou restaurerl'atteinte portee aux droits d'un justiciable par l'exercice fautif, parl'autorite administrative, d'une competence liee ou d'un pouvoirdiscretionnaire à elle reconnu par la loi (violation des articles 144 et145 de la Constitution et 584 du Code judiciaire et, pour autant que debesoin, 602, 2DEG, du Code judiciaire, 3, specialement alinea 1er, 5DEG à8DEG, et 58 de la loi du 15 decembre 1980 sur l'acces au territoire, lesejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers, vises en tete dumoyen).
En rejetant, par les motifs precites, les deux demandes, principale etincidente, l'arret viole en outre les regles repartitrices de competenceentre les juridictions de l'ordre judiciaire et le Conseil du contentieuxdes etrangers (violation des articles 144 et 145 de la Constitution, 584du Code judiciaire, 39/1, 39/2, 39/82, 39/84 de la loi du 15 decembre1980, vises en tete du moyen, et, pour autant que de besoin, des articles602, 2DEG, du Code judiciaire, 3, alinea 1er, 5DEG à 8DEG, et 58 de laloi precitee du 15 decembre 1980, vises en tete du moyen).
En considerant que le Conseil du contentieux des etrangers est uneinstance competente « pour reformer une decision administrative illegaleou irreguliere », l'arret meconnait par ailleurs les dispositions de laloi du
15 decembre 1980 dont il resulte que cette juridiction administrative n'aqu'une competence d'annulation et de suspension, completee, en cas dedemande de suspension, par le pouvoir d'arreter « au provisoire » lesmesures necessaires à la sauvegarde des interets des justiciables, et n'aaucune competence de reformation (violation des articles 39/1, 39/2, 39/82et 39/84 de la loi du 15 decembre 1980, vises en tete du moyen).
Troisieme branche
I. Le juge des referes ne s'immisce pas dans les attributions du pouvoirexecutif lorsque, statuant au provisoire dans un cas dont il reconnaitl'urgence, il se declare competent pour, dans les limites de sa mission,prescrire à l'autorite administrative les mesures necessaires aux fins deprevenir ou de faire cesser une atteinte paraissant portee fautivement parcette autorite à des droits subjectifs, civils ou politiques, dont lasauvegarde releve des cours et tribunaux.
En consequence, l'arret n'a pu legalement decider qu'à supposer que ledefendeur ait mal apprecie la situation du demandeur et ainsi commis unefaute dans l'exercice de la competence à lui reconnue par l'article 58 dela loi du 15 decembre 1980, « la faute alleguee ne pourrait avoir pourseule consequence que l'octroi de dommages et interets » et qu'il nesaurait etre fait droit à la « demande incidente tendant à fairecondamner l'Etat belge à laisser le demandeur `poursuivre le cursusengage' ».
En se fondant sur le motif precite pour rejeter la demande incidente dudemandeur, l'arret viole le principe selon lequel tout justiciable a droità la reparation ou, quand elle est possible, à la prevention en naturedu dommage resultant d'une faute commise par les pouvoirs publics(violation des articles 1382 et 1383 du Code civil, combines avec lesarticles 144, 145 et 159 de la Constitution et 584 du Code judiciaire, et,pour autant que de besoin, des articles 602, 2DEG, du Code judiciaire, 3,specialement alinea 1er, 5DEG à 8DEG, 39/1, 39/2, 39/82, 39/84 et 58 dela loi sur l'acces au territoire, le sejour, l'etablissement etl'eloignement des etrangers, telles que ces dispositions sont visees entete du moyen).
II. A l'appui de sa demande incidente, le demandeur invoquait dans sesconclusions additionnelles d'appel deposees le 9 fevrier 2010 « que lesevenements survenus depuis la prononciation de l'ordonnance initialejustifient pleinement son maintien. En effet, depuis son arrivee finseptembre 2009, [le demandeur] : est inscrit dans l'enseignement pourlequel le visa a ete demande [...] ; frequente effectivementl'enseignement en question [...] ; a passe ses examens de janvier et apresente un echec isole ou quantitativement peu important.
[Le defendeur] reste en peine de demontrer le moindre comportement [dudemandeur] susceptible de porter atteinte à l'ordre public.
[Le defendeur] a commis une faute et une erreur manifeste d'appreciationet a engage sa responsabilite sur pied des articles 1382 et 1383 du Codecivil. Il doit en outre etre condamne à laisser [le demandeur] poursuivrele cursus qu'il a entame avec succes ».
Des lors, en se fondant, pour rejeter la demande incidente deduite par ledemandeur de « l'erreur manifeste d'appreciation » imputee à l'autoritediplomatique ou consulaire, sur la consideration qu'aucune faute ne peutetre retenue dans le chef du defendeur, parce que la competence reconnueaux autorites diplomatiques ou consulaires par l'article 58 de la loi« concerne des faits susceptibles d'une certaine appreciation quant à larealite des etudes à entreprendre », l'arret meconnait le principe selonlequel il appartient, selon le cas, au pouvoir judiciaire ou auxjuridictions administratives de controler marginalement l'erreur manifested'appreciation commise par le pouvoir executif dans l'exercice d'unecompetence discretionnaire qui lui est conferee par la loi (violation desarticles 1382 et 1383 du Code civil combines avec les articles 144, 145 et159 de la Constitution et 584 du Code judiciaire et, pour autant que debesoin, des articles 602, 2DEG, du Code judiciaire, 3, specialement alinea1er, 5DEG à 8DEG, 39/1, 39/2, 39/82, 39/84 et 58 de la loi sur l'acces auterritoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers,telles que ces dispositions sont visees en tete du moyen).
Quatrieme branche (subsidiaire)
Interpretes dans le sens que l'etranger qui n'a pas introduit devant leConseil du contentieux des etrangers un recours en annulation et ensuspension contre la decision individuelle prise en application des loissur l'acces au territoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement desetrangers ne peut porter devant les tribunaux de l'ordre judiciaire et, enparticulier, devant le juge des referes, la demande tendant à faireordonner, au provisoire et sous le benefice de l'urgence, les mesuresnecessaires aux fins de prevenir ou de faire cesser une atteinteparaissant fautivement portee à ses droits subjectifs ou à ses interetslegitimes par la decision individuelle en question, que celle-ci futadoptee par l'autorite dans l'exercice d'une competence discretionnaire oudans l'exercice d'une competence liee, les articles 39/1, 39/2, 39/82 et39/84 de la loi du 15 decembre 1980, inseres dans cette loi par la loi du15 septembre 2006, violent l'article 13 de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertes fondamentales, en vertu duquel toutepersonne dont les droits et libertes reconnus dans la Convention ont etevioles a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instancenationale, alors meme que la violation aurait ete commise par despersonnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles, etl'article 2, S: 3, a), du Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques, qui consacre la meme regle.
Le motif selon lequel le demandeur s'est abstenu de saisir le Conseil ducontentieux des etrangers ne peut des lors justifier legalement le rejetdes demandes principale et incidente.
En tant qu'il semble fonder ses decisions de rejet sur le motif precite,et donne ainsi effet aux dispositions precitees de la loi du 15 decembre1980, interpretees dans le sens de l'exclusion de la competence desjuridictions de l'ordre judiciaire pour ordonner, au provisoire et sous lebenefice de l'urgence, les mesures necessaires aux fins de prevenir ou defaire cesser une atteinte paraissant portee fautivement à un droitsubjectif ou à un interet legitime, et ce, meme lorsque l'interesse n'apas exerce de recours en annulation et en suspension devant le Conseil ducontentieux des etrangers, l'arret viole les dispositions precitees desinstruments internationaux de protection des droits de l'homme (violationdes articles 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertes fondamentales et 2, S: 3, a), du Pacte international relatifaux droits civils et politiques, vises en tete du moyen, et, pour autantque de besoin, de l'article 159 de la Constitution, du principe general dedroit selon lequel une norme de droit international conventionnel ayantdes effets directs dans l'ordre juridique interne doit prevaloir sur ledroit interne et des articles 39/1, 39/2, 39/82 et 39/84 de la loi du 15decembre 1980, lesquels ne conferent pas au Conseil du contentieux desetrangers le droit d'accorder, meme au provisoire ou sous le benefice del'urgence, une mesure telle que l'octroi d'un visa ou d'une autorisationde sejour, à tout le moins dans l'hypothese ou le justiciable n'a pasintroduit la requete en suspension et en annulation visee par l'article39/82, S: 2).
Cinquieme branche (subsidiaire)
Dans les matieres autres que celles qui concernent les lois sur l'acces auterritoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers, ledroit positif belge est fixe dans le sens que les competences d'annulationou de suspension d'un acte administratif à portee reglementaire ouindividuelle qui sont reconnues au Conseil d'Etat ne portent pointatteinte au pouvoir de juridiction des tribunaux de l'ordre judiciaire àl'egard des contestations par lesquelles un particulier tend à voirreparer ou, le cas echeant, prevenir une atteinte portee à ses droitssubjectifs ou à ses interets legitimes par un acte illicite de l'autoritepublique. Dans ces matieres autres que celles qui concernent les lois surl'acces au territoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement desetrangers, il est admis que, bien que l'autorite administrative qui prendune decision en vertu de son pouvoir discretionnaire dispose d'une liberted'appreciation qui lui permet, dans les limites de la loi, de determinerelle-meme les modalites d'exercice de sa competence et de choisir lasolution qui lui parait la plus adequate, le pouvoir judiciaire estcependant competent pour prevenir ou reparer toute atteinte porteefautivement à un droit subjectif, voire à un interet legitime, dansl'exercice de ce pouvoir discretionnaire. La jurisprudence est en outrefixee en ce sens que le juge des referes ne s'immisce pas dans lesattributions du pouvoir executif lorsque, statuant au provisoire dans uncas dont il reconnait l'urgence, il se declare competent pour, dans leslimites de sa mission, prescrire à l'autorite administrative les mesures,et notamment les defenses necessaires aux fins de prevenir ou de fairecesser une atteinte paraissant portee fautivement par cette autorite àdes droits subjectifs ou à des interets legitimes dont la sauvegardereleve des cours et tribunaux.
Interpretes en ce sens que l'etranger qui n'a pas introduit devant leConseil du contentieux des etrangers un recours en annulation et ensuspension contre la decision individuelle prise en application des loissur l'acces au territoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement desetrangers ne peut porter devant les tribunaux de l'ordre judiciaire et, enparticulier, devant le juge des referes, la demande tendant à faireordonner, au provisoire et sous le benefice de l'urgence, les mesuresnecessaires aux fins de prevenir ou de faire cesser une atteinteparaissant fautivement portee à ses droits subjectifs ou à ses interetslegitimes par la decision individuelle en question, que celle-ci futadoptee par l'autorite dans l'exercice d'une competence discretionnaire oudans l'exercice d'une competence liee, les articles 39/1, 39/2, 39/82 et39/84 de la loi du 15 decembre 1980, inseres dans cette loi par la loi du15 septembre 2006, creent des lors une discrimination depourvue de toutejustification objective et raisonnable entre le citoyen belge ou etrangerse pretendant victime d'un acte illicite de l'autorite administrative dansl'exercice d'une competence liee ou discretionnaire concernant une matiereautre que l'acces au territoire, le sejour, l'etablissement etl'eloignement des etrangers et l'etranger se pretendant victime d'un acteillicite de l'autorite administrative dans l'exercice d'une competenceliee ou discretionnaire resultant des lois sur l'acces au territoire, lesejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers. Une tellediscrimination viole tant le principe d'egalite combine avec le droit aurecours effectif, consacre par la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales et le Pacte international relatifaux droits civils et politiques, que les principes constitutionnels belgesd'egalite et de non-discrimination.
Le motif selon lequel le demandeur s'est abstenu de saisir le Conseil ducontentieux des etrangers ne peut des lors justifier legalement le rejetdes demandes principale et incidente.
En tant qu'il semble fonder ses decisions de rejet sur le motif precite etdonne ainsi effet aux dispositions precitees de la loi du 15 decembre1980, interpretees dans le sens de l'exclusion de la competence desjuridictions de l'ordre judiciaire pour ordonner, au provisoire et sous lebenefice de l'urgence, les mesures necessaires aux fins de prevenir ou defaire cesser une atteinte paraissant portee fautivement à un droitsubjectif ou à un interet legitime, et ce, meme lorsque l'interesse n'apas exerce de recours en annulation et en suspension devant le Conseil ducontentieux des etrangers, l'arret viole des lors les principesconstitutionnels d'egalite et de non-discrimination consideres isolement(violation des articles 10, 11 et 191 de la Constitution) et consideres encombinaison avec les dispositions des instruments internationaux deprotection des droits de l'homme qui garantissent l'absence dediscrimination et le droit de tous à un recours effectif contre uneviolation de ses droits, libertes ou interets legitimes par une autoritepublique (violation des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, 13 et14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales vises en tete du moyen, 2, S: 3, a), 13, 14 et 26 du Pacteinternational relatif aux droits civils et politiques vises en tete dumoyen et, pour autant que de besoin, du principe general du droit selonlequel une norme de droit international conventionnel ayant des effetsdirects dans l'ordre juridique interne doit prevaloir sur le droit interneet de l'ensemble des dispositions visees en tete du moyen).
III. La decision de la Cour
Quant à la premiere branche :
Les cours et tribunaux connaissent de la demande d'une partie fondee surun droit subjectif.
L'existence de pareil droit suppose que la partie demanderesse fasse etatd'une obligation juridique determinee qu'une regle du droit objectifimpose directement à un tiers et à l'execution de laquelle cette partiea un interet.
Pour qu'une partie puisse se prevaloir d'un tel droit à l'egard del'autorite administrative, il faut que la competence de cette autoritesoit liee.
En vertu de l'article 58 de la loi du 15 decembre 1980 sur l'acces auterritoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers,lorsque la demande d'autorisation de sejourner plus de trois mois dans leroyaume est introduite aupres d'un poste diplomatique ou consulaire belgepar un etranger qui desire faire en Belgique des etudes dansl'enseignement superieur ou y suivre une annee preparatoire àl'enseignement superieur, cette autorisation doit etre accordee,notamment, si l'interesse ne se trouve pas dans un des cas prevus àl'article 3, alinea 1er, 5DEG à 8DEG.
Suivant l'article 3, alinea 1er, 6DEG et 7DEG, de la loi, peuvent etrerefoules par les autorites chargees du controle aux frontieres, l'etrangerconsidere par le ministre, apres avis conforme de la commissionconsultative des etrangers, comme pouvant compromettre les relationsinternationales de la Belgique ou d'un Etat partie à une conventioninternationale relative au franchissement des frontieres exterieures,liant la Belgique, et l'etranger considere par le ministre ou son deleguecomme pouvant compromettre la tranquillite publique, l'ordre public ou lasecurite nationale.
La nature des conditions visees audit article 3, alinea 1er, 6DEG et 7DEG,a pour effet de conferer un caractere partiellement discretionnaire à lacompetence du poste diplomatique ou consulaire belge.
L'arret constate que, « le 16 juin 2009, [le demandeur] a introduit une[...] demande de visa d'etudiant sur la base de l'article 58 de la loi du15 decembre 1980 et [que] l'ambassade a pris une decision de refus ».
L'arret releve, d'une part, que « le ministre ou son delegue dispose dudroit de controler [...] si le demandeur de visa a reellement etconcretement l'intention de faire des etudes en Belgique » et, d'autrepart, que « l'article 58 fait expressement reference à l'article 3[...], qui dispose qu'un etranger peut etre refoule par les autoriteschargees du controle aux frontieres, notamment pour des motifs touchant àl'ordre public ».
L'arret, qui considere que, « pour delivrer un visa pour etudes, [ledefendeur] dispose d'un pouvoir d'appreciation [...] pour s'assurer [...]que l'interesse ne se trouve pas dans un des cas vises à l'article 3 »et que « cette disposition legale fait apparaitre que, lorsque [ledefendeur] statue sur une demande d'un etranger fondee sur l'article 58 dela loi du 15 decembre 1980, il n'a pas une competence completement lieemais dispose d'une marge d'appreciation », justifie legalement sadecision que « [le demandeur] n'a aucun droit subjectif à l'obtention duvisa pour etudes sollicite et que les juridictions de l'ordre judiciairen'ont pas competence pour se substituer au pouvoir d'appreciation [dudefendeur] et pour lui enjoindre de delivrer le visa requis ».
Des lors que cette consideration suffit à fonder ladite decision, lemoyen, dans la mesure ou, en cette branche, il critique la considerationque, « pour delivrer un visa pour etudes, [le defendeur] dispose d'unpouvoir d'appreciation pour verifier [...] la realite de l'intention dudemandeur de visa d'effectuer des etudes superieures en Belgique », nesaurait entrainer la cassation.
Statuant sur la demande incidente, l'arret constate que le demandeur« considere que [le defendeur] a commis une faute d'appreciation et qu'ila engage sa responsabilite sur la base de l'article 1382 du Code civil, desorte qu'à titre de reparation de sa faute, il doit etre condamne à lelaisser poursuivre le cursus engage ».
L'arret considere que, « si la motivation de la decision refusant le visapeut avoir paru inadequate [au demandeur], une motivation inadequate n'estpas fautive en soi » et qu' « elle concerne des faits concretssusceptibles d'une certaine appreciation quant à la realite des etudes àentreprendre ».
L'arret deduit de ces considerations qu' « aucune faute ne peut etreretenue en l'etat dans le chef [du defendeur] ».
Dans la mesure ou, en cette branche, il soutient que l'arret fonde lerejet de la demande incidente sur la consideration prealable que lacompetence attribuee aux autorites administratives chargees de statuer surles demandes introduites sur la base de l'article 58 de la loi du 15decembre 1980 n'est pas une competence liee mais est au moins en partiediscretionnaire, le moyen repose sur une lecture inexacte de l'arret.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la deuxieme branche :
Il ressort de la reponse à la premiere branche du moyen que, statuant surla demande principale, l'arret, qui ne fonde pas sa decision sur le motifque « [le demandeur] s'est abstenu de saisir [le Conseil du contentieuxdes etrangers] », justifie legalement sa decision que « [le demandeur]n'a aucun droit subjectif à l'obtention du visa pour etudes sollicite etque les juridictions de l'ordre judiciaire n'ont pas competence pour sesubstituer au pouvoir d'appreciation [du defendeur] et pour lui enjoindrede delivrer le visa requis ».
Statuant sur la demande incidente, l'arret, qui ne fonde pas sa decisionsur le motif que, « [le defendeur ne] se trouvant [pas] dans unesituation de competence liee », « les juridictions de l'ordre judiciairesont sans competence pour [lui] ordonner la delivrance d'un visa pouretudes », considere qu' « aucune faute ne peut etre retenue en l'etatdans le chef [du defendeur] », partant, ne denie pas le pouvoir dejuridiction des tribunaux de l'ordre judiciaire de statuer sur la demandeincidente.
Pour le surplus, l'arret ne deduit aucune consequence juridique de laconsideration que « le Conseil du contentieux des etrangers existe pourreformer une decision administrative illegale ou irreguliere ».
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la troisieme branche :
L'autorite administrative qui prend une decision en vertu de son pouvoirdiscretionnaire dispose d'une liberte d'appreciation qui lui permet, dansles limites de la loi, de determiner elle-meme les modalites d'exercice desa competence et de choisir la solution qui lui parait la plus adequate.
Le pouvoir judiciaire est competent pour prevenir ou reparer touteatteinte portee fautivement à un droit subjectif par l'autoriteadministrative dans l'exercice de ce pouvoir discretionnaire.
Le pouvoir judiciaire ne peut, à cette occasion, priver l'autoriteadministrative de sa liberte politique ni se substituer à celle-ci.
Cette competence est aussi reconnue au juge des referes, dans les limitesprevues par la loi.
Il ressort de la reponse à la premiere branche du moyen que, statuant surla demande principale, l'arret justifie legalement sa decision que « [ledemandeur] n'a aucun droit subjectif à l'obtention du visa pour etudessollicite et que les juridictions de l'ordre judiciaire n'ont pascompetence pour se substituer au pouvoir d'appreciation [du defendeur] etlui enjoindre de delivrer le visa requis », des lors que « [l'article 3]fait apparaitre que, lorsque [le defendeur] statue sur une demande d'unetranger fondee sur l'article 58 de la loi du 15 decembre 1980, il n'a pasune competence completement liee mais dispose d'une marged'appreciation ».
L'arret, statuant sur la demande incidente, justifie, des lors, legalementsa decision que, « à supposer que [le defendeur] ait mal apprecie lasituation, la faute alleguee [...] ne peut conferer [au demandeur] ledroit subjectif de rester en Belgique sur [la] base d'un visa d'etudiantet d'y poursuivre ses etudes ».
Pour le surplus, l'arret constate que la decision de refus « est motiveepar le fait qu'il ressort du questionnaire complete lors de la demande devisa que l'interesse ne peut expliquer son projet d'etudes en Belgique demaniere coherente », qu' « il ne justifie pas sa motivation quant auchoix de l'etablissement d'agronomie de la Haute ecole de la province deLiege » et qu' « il ne repond pas à la plupart des questions posees ».
Statuant sur la demande incidente, l'arret qui, s'agissant de « lamotivation de la decision refusant le visa », qu'il qualifie de« motivation inadequate » qui « n'est pas fautive en soi », considerequ' « elle concerne des faits concrets susceptibles d'une certaineappreciation quant à la realite des etudes à entreprendre », pourdeduire de cette consideration qu' « aucune faute ne peut etre retenue enl'etat à charge [du defendeur] », permet à la Cour de verifier si ces« faits concrets » justifient la consequence qu'il en deduit en droit,notamment si la deduction ne viole pas la notion legale de faute.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant aux quatrieme et cinquieme branches reunies :
Statuant sur la demande principale, l'arret, qui constate que « [ledemandeur] n'a pas conteste la legalite de la decision de refus devant leConseil du contentieux des etrangers », ne deduit, ainsi qu'il a ete dit,aucune consequence juridique de cette constatation.
Statuant sur la demande incidente, l'arret decide qu' « aucune faute nepeut etre retenue dans le chef [du defendeur]».
Le moyen, qui, en ses branches, fait valoir que l'arret considere quel'etranger qui n'a pas introduit un recours en annulation et en suspensiondevant le Conseil du contentieux des etrangers contre la decision de refusne peut porter devant le juge des referes la demande tendant à faireordonner, au provisoire et sous le benefice de l'urgence, les mesuresnecessaires aux fins de prevenir ou de faire cesser une atteinteparaissant fautivement portee à ses droits subjectifs ou à ses interetslegitimes par ladite decision, manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux depens.
Les depens taxes à la somme de quatre cent sept euros quarante-deuxcentimes en debet envers la partie demanderesse et à la somme de deuxcent quarante-huit euros septante-deux centimes envers la partiedefenderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Mireille Delange etMichel Lemal, et prononce en audience publique du vingt-quatre janvierdeux mille quatorze par le president Christian Storck, en presence del'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier PatriciaDe Wadripont.
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| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
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| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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24 JANVIER 2014 C.10.0537.F/1