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24/01/2014 | BELGIQUE | N°C.10.0450.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 janvier 2014, C.10.0450.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

5173



NDEG C.10.0450.F

1. N. G. et

2. M. C. G., agissant tant en nom personnel qu'en qualite derepresentants legaux de leurs enfants mineurs N., S. et M. G.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

eTAT BELGE, represente par le ministre de l'Interieur, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 2, et par le m

inistre de l'Emploi etde l'egalite des chances, charge de la politique de migration et d'asile,dont le cabinet...

Cour de cassation de Belgique

Arret

5173

NDEG C.10.0450.F

1. N. G. et

2. M. C. G., agissant tant en nom personnel qu'en qualite derepresentants legaux de leurs enfants mineurs N., S. et M. G.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

eTAT BELGE, represente par le ministre de l'Interieur, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 2, et par le ministre de l'Emploi etde l'egalite des chances, charge de la politique de migration et d'asile,dont le cabinet est etabli à Saint-Josse-ten-Noode, avenue des Arts, 7,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 3 decembre 2009par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 18 decembre 2013, l'avocat general Thierry Werquin a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat general ThierryWerquin a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 144, 145, 149, 159 et 160 de la Constitution ;

- articles 1382 et 1383 du Code civil ;

- article 584 du Code judiciaire ;

- articles 14, specialement S: 1er, 17, specialement S: 1er, et 18 deslois coordonnees sur le Conseil d'etat (l'article 17, S: 1er, tel qu'iletait en vigueur avant sa modification par la loi du 15 septembre 2006) ;

- articles 26 et 27 de la Convention sur le droit des traites, adoptee àVienne le 23 mai 1969, approuvee par la loi du 10 juin 1992, consacrant leprincipe de la force obligatoire des traites ;

- article 3, specialement S: 1er, et 28 de la Convention relative auxdroits de l'enfant, adoptee à New York le 20 novembre 1989, approuvee parla loi du 25 novembre 1991 ;

pour autant que de besoin :

- article 602, 2DEG, du Code judiciaire ;

- article 9, alinea 3, de la loi du 15 decembre 1980 sur l'acces auterritoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers,avant son abrogation par l'article 3 de la loi du 15 septembre 2006modifiant ladite loi ;

- principe general du droit selon lequel une norme de droitinternational conventionnel ayant des effets directs dans l'ordrejuridique interne doit prevaloir sur le droit interne ;

- principe general du droit selon lequel la violation d'une norme dedroit international conventionnel, meme depourvue d'effet direct, estsusceptible d'entrainer la responsabilite de l'etat belge.

Decisions et motifs critiques

Le juge des referes ayant ete saisi par la voie d'une citation danslaquelle les demandeurs invoquaient en substance, 1DEG qu'etantoriginaires de Roumanie, ils ont introduit en Belgique, en 2001, unedemande d'asile qui a ete rejetee et que les recours en annulation et ensuspension qu'ils ont introduits aupres du Conseil d'etat contre cettedecision de refus se sont soldes par des arrets de rejet ; 2DEG que le 28octobre 2002, ils ont adresse au ministre de l'Interieur une demande deregularisation de sejour sur la base de l'article 9, alinea 3, de la loidu 15 decembre 1980 ; 3DEG que, par decision du 6 juillet 2004, notifieeaux demandeurs le 20 juillet 2004, l'Office des etrangers a rejete leurdemande de regularisation et leur a enjoint de retourner en Roumanie ;4DEG que « cette decision porte gravement atteinte au droit subjectiffondamental des enfants [des demandeurs], exprime aux articles 3 et 28 dela Convention relative aux droits de l'enfant adoptee à New York le 20novembre 1989, lesquels imposent que, `dans toutes les decisions quiconcernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiquesou privees de protection sociale, des tribunaux, des autoritesadministratives ou des organes legislatifs, l'interet superieur del'enfant doit etre une consideration primordiale' (article 3) ; [...]qu'en effet, [les demandeurs] ont fait valoir dans leur demande deregularisation de sejour que leurs enfants ont accompli leurs premieresannees d'enseignement en Belgique en langue franc,aise et selon lesprogrammes d'enseignement en vigueur dans la Communaute franc,aise, detelle sorte qu'un retour eventuel dans leur pays d'origine serait denature à leur faire perdre une, voire plusieurs annees scolaires, afin des'adapter à l'enseignement dans leur langue maternelle qu'ils savent àpeine parler et qu'en toute hypothese, ils ne savent ni lire niecrire » ; 5DEG « que l'Office des etrangers refuse de considerer cesfaits comme de nature à entrainer une regularisation de sejour etcontraint donc les enfants [des demandeurs] à voir leur scolaritegravement perturbee, de telle sorte qu'il est incontestable que le droitsubjectif qui decoule de l'obligation de prise en compte de l'interetsuperieur de ces enfants en matiere d'education est manifestement violepar l'etat belge ; [...] que la cour du travail de Mons considere `que lefait que le concept de l'interet superieur de l'enfant soit une normegenerale, qui necessite une interpretation et une concretisation, n'exclutpas l'effet direct mais oblige le juge, dans le cas qui lui est soumis, àexaminer in concreto le contenu des interets de l'enfant, en pesant lesinterets presents'» ; 6DEG « qu'il ne fait pas de doute que lescirconstances exposees ci-dessus constituent des voies de fait qui portentgravement atteinte à des droits subjectifs fondamentaux [desdemandeurs] ; qu'il est urgent d'y mettre fin », et les demandeursmaintenant la meme argumentation dans leurs conclusions d'appel, l'arret,sur l'appel de l'etat belge, ici defendeur, met à neant l'ordonnance dupremier juge, qui avait fait droit à l'action des demandeurs, et « sedeclare sans pouvoir de juridiction pour connaitre de la demandeoriginaire ».

Cette decision se fonde sur le motif suivant : « Aucune des dispositionsinternationales ou nationales applicables à l'espece n'autorise les courset tribunaux à reconnaitre ou à attribuer un droit au sejour à unetranger en sejour illegal ni, partant, à ordonner qu'il soit reconnu ouattribue, fut-ce à titre provisoire, par l'autorite publiquecompetente ».

Griefs

Premiere branche

Le motif precite de l'arret parait signifier que les cours et tribunauxsont sans pouvoir (« sans juridiction ») pour substituer leur decisionà celle de l'autorite administrative dans le cas ou la loi attribue àcelle-ci un pouvoir discretionnaire. Ce motif ne repond pas auxconclusions par lesquelles les demandeurs invoquaient que « pouvoirdiscretionnaire ne signifie pas pouvoir arbitraire. Ainsi, meme lorsquel'administration exerce un pouvoir discretionnaire, elle doit le fairedans le respect de la legislation en vigueur, y compris les normes dedroit international incorporees dans notre systeme juridique », etsoutenaient que la decision administrative litigieuse du 6 juillet 2004violait l'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, dontil avait ete juge par la cour du travail de Mons qu'il a un effet directdans la mesure ou il « oblige le juge, dans le cas qui lui est soumis, àexaminer in concreto le contenu des interets de l'enfant, en pesant lesinterets presents ».

En laissant ainsi sans reponse les conclusions des demandeurs, l'arretattaque ne motive pas regulierement sa decision (violation de l'article149 de la Constitution).

Deuxieme branche

I. En vertu de l'article 144 de la Constitution, les contestations quiont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort destribunaux. En vertu de l'article 145 de la Constitution, les contestationsqui ont pour objet des droits politiques sont du ressort des tribunaux,sauf les exceptions etablies par la loi.

Aux termes de l'article 584 du Code judiciaire, le president du tribunalde premiere instance statue au provisoire dans les cas dont il reconnaitl'urgence, en toutes matieres, sauf celles que la loi soustrait au pouvoirjudiciaire. En application de l'article 602, 2DEG, du meme code, la courd'appel connait de l'appel des decisions rendues en premier ressort par lepresident du tribunal de premiere instance.

Les competences d'annulation ou de suspension d'un acte administratif àportee reglementaire ou individuelle qui sont reconnues au Conseil d'Etatne portent point atteinte au pouvoir de juridiction des tribunaux del'ordre judiciaire à l'egard des contestations par lesquelles unparticulier tend à voir reparer ou, le cas echeant, prevenir une atteinteportee à ses droits subjectifs par un acte illicite de l'autoritepublique (Cass., 21 mars 1985, Pas., I,

nDEG 445 ; Cass., ch. reunies, 17 novembre 1994, Pas., I, nDEG 496).

Si, en regle, l'existence d'un droit subjectif vise par les articles 144ou 145 de la Constitution suppose une competence liee de l'administration,il en va autrement lorsque le justiciable se plaint de la lesion d'undroit ou meme d'un simple interet resultant de l'exercice fautif parl'autorite publique de la competence discretionnaire qui lui est reconnuepar la loi.

Quoique l'autorite administrative qui prend une decision en vertu de sonpouvoir discretionnaire dispose d'une liberte d'appreciation qui luipermet, dans les limites de la loi, de determiner elle-meme les modalitesd'exercice de sa competence et de choisir la solution qui lui parait laplus adequate, le pouvoir judiciaire est cependant competent pour prevenirou reparer toute atteinte portee fautivement à un droit subjectif, voireà un interet legitime, dans le cadre de l'exercice de ce pouvoirdiscretionnaire (Cass.,

24 novembre 2005, Pas., I, nDEG 626 ; Cass., 26 mars 2009, C.07.0583.F).

L'examen de la legalite ou de l'illegalite d'une decision administrativequi a cause un prejudice ne cesse de relever de la competence des cours ettribunaux ni parce que cette decision administrative pourrait donner lieuà un recours en annulation par le Conseil d'Etat ni, lorsqu'un telrecours a ete introduit, parce qu'il a ete declare irrecevable du chef detardivete, ni parce que la decision administrative n'est plus susceptibled'annulation et est, des lors, devenue definitive (Cass., 7 novembre 1975,Pas., 1976, I, 306).

Est illegale la decision de l'autorite qui, dans le cadre de l'exerciced'un pouvoir d'appreciation discretionnaire, n'a pas pris en considerationun interet auquel une disposition d'un traite international liant laBelgique imposait de reconnaitre une importance primordiale.

II. En vertu de l'article 3, S: 1er, de la Convention relative auxdroits de l'enfant, adoptee à New York le 20 novembre 1989, approuvee parla loi du

25 novembre 1991, dans toutes les decisions qui concernent les enfants,qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privees deprotection sociale, des tribunaux, des autorites administratives ou desorganes legislatifs, l'interet superieur de l'enfant doit etre uneconsideration primordiale.

Quoique cette disposition ne soit pas suffisamment precise et completepour avoir un effet direct qui imposerait à l'autorite administrative ouau pouvoir legislatif d'adopter une regle ou une mesure determinee, elleest neanmoins directement applicable dans la mesure ou elle impose auxautorites administratives d'inclure l'interet de l'enfant dans la balancedes interets qui doit aboutir à l'adoption d'une decision.

Il en resulte qu'une decision adoptee par une autorite administrative dansl'exercice de son pouvoir discretionnaire est entachee d'illegalite s'ilest etabli que l'autorite n'a pas inclus l'interet de l'enfant au nombredes elements pertinents devant influencer cette decision.

III. Il ressort des termes de la citation en refere du 2 aout 2004 queles demandeurs justifiaient la recevabilite de la demande portee par euxdevant le juge judiciaire par le fait a) que les auteurs de la decisionadministrative du

6 juillet 2004 (laquelle avait rejete la demande formee par les demandeurssur pied de l'article 9, alinea 3, de la loi du 15 decembre 1980) avaientrefuse de prendre en consideration la circonstance que l'eloignement duterritoire risquait de perturber gravement la scolarite de leurs enfantset b) que, bien que le concept « d'interet superieur » de l'enfant visepar l'article 3 de la convention precitee du 20 novembre 1989 necessitat« une interpretation et une concretisation », cela n'excluait pas uneffet direct limite au fait que l'autorite devait « examiner in concretol'interet de l'enfant, en pesant les interets en presence ». Lesdemandeurs deduisaient de ces elements qu'ils etaient victimes d'une voiede fait à laquelle il etait urgent de mettre fin.

Les demandeurs ont maintenu cette these dans leurs conclusions d'appel,soutenant notamment que, « meme lorsque l'administration exerce unpouvoir discretionnaire, elle doit le faire dans le respect de lalegislation en vigueur, y compris les normes de droit internationalincorporees dans notre systeme juridique », et que, « s'il est exact quela Cour de cassation, dans son arret du 31 mars 1999, a estime quel'article 3, S: 1er, de la Convention relative aux droits de l'enfant,pris isolement, avait une portee trop generale pour avoir un effet direct,il en est tout differemment lorsque ce meme article 3 est combine avec unautre article de la meme convention, qui vise un droit specifique [...],le fait que le concept de l'`interet superieur de l'enfant' soit une normegenerale, qui necessite une interpretation et une concretisation, n'exclutpas l'effet direct mais oblige le juge, dans le cas qui lui est soumis, àexaminer in concreto le contenu des interets de l'enfant en pesant lesinterets presents ».

IV. Il ressort des elements exposes supra, III, que, sans denier lecaractere discretionnaire de la competence reconnue à l'Office desetrangers par l'article 9, alinea 3, de la loi du 15 decembre 1980, telqu'il etait applicable à l'epoque des faits, les demandeurs soutenaientque la decision du 6 juillet 2004 avait ete adoptee de maniere fautive,parce que l'autorite administrative n'avait pas respecte l'obligation,decoulant de l'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant,d'inclure l'interet des enfants des demandeurs dans la balance desinterets en presence.

Saisie d'une telle contestation, la cour d'appel n'a pu se declarer sansjuridiction.

En declarant [la cour d'appel] sans juridiction pour connaitre de lademande tendant à faire ordonner par le juge des referes les mesuresprovisoires propres à prevenir l'atteinte portee aux droits ou interetsdes demandeurs par une decision administrative que les demandeurspretendaient avoir ete adoptee en contrariete avec un traite internationalliant la Belgique, l'arret viole les articles 144 et 145 de laConstitution, qui attribuent aux cours et tribunaux les contestationsportant sur tout droit civil ou politique (sous la reserve, qui neconcerne que les droits politiques, des exceptions prevues par la loi) etl'article 584 du Code judiciaire, qui attribue au juge des referes lepouvoir de statuer au provisoire, dans les cas dont il reconnaitl'urgence, notamment pour prevenir ou restaurer l'atteinte portee auxdroits d'un justiciable par l'exercice fautif, par l'autoriteadministrative, d'un pouvoir discretionnaire à elle reconnu par la loi(violation desdits articles 144, 145 de la Constitution, 584 du Codejudiciaire et, pour autant que de besoin, 602, 2DEG, du Code judiciaire et9, alinea 3, de la loi du 15 decembre 1980, vise en tete du moyen).

L'arret meconnait en outre le principe selon lequel tout justiciable adroit à la reparation ou, quand elle est possible, à la prevention dudommage resultant de la violation, par une autorite nationale, d'unedisposition normative contenue dans un traite liant la Belgique (violationdes articles 1382 et 1383 du Code civil, combines avec les articles 159 dela Constitution, 3, specialement S: 1er, et 28 de la Convention relativeaux droits de l'enfant, adoptee à New York le 20 novembre 1989, approuveepar la loi du

25 novembre 1991, et avec le principe relatif à la force obligatoire destraites, consacre par les articles 26 et 27 de la Convention sur le droitdes traites, adoptee à Vienne le 23 mai 1969, approuvee par la loi du 10juin 1992, et, pour autant que de besoin, des articles 144, 145 de laConstitution, 584, 602, 2DEG, du Code judiciaire et du principe general dudroit selon lequel une norme du droit international conventionnel ayantdes effets directs dans l'ordre juridique interne doit prevaloir sur ledroit interne).

En se declarant sans juridiction pour connaitre de la demande precitee,l'arret meconnait en outre le principe selon lequel constitue une fautegeneratrice de responsabilite aquilienne toute violation de la loi oud'une norme generale obligatoire, nationale ou internationale (violationdes articles 1382 et 1383 du Code civil et, pour autant que de besoin, del'article 159 de la Constitution, du principe de la force obligatoire destraites consacre par les articles 26 et 27 de la Convention sur le droitdes traites, adoptee à Vienne le 23 mai 1969, approuvee par la loi du 10juin 1992, des articles 3, specialement S: 1er, et 28 de la Conventionrelative aux droits de l'enfant, adoptee à New York le 20 novembre 1989,approuvee par la loi du 25 novembre 1991, du principe general du droitselon lequel une norme de droit international conventionnel ayant deseffets directs dans l'ordre interne doit prevaloir sur le droit interne etdu principe general du droit selon lequel la violation d'une norme dedroit international conventionnel, meme depourvue d'effet direct, estsusceptible d'entrainer la responsabilite de l'etat belge).

Enfin, si les motifs laconiques de l'arret doivent se comprendre dans lesens que seul le Conseil d'etat aurait ete competent pour juger de lalegalite de la decision administrative du 6 juillet 2004, notifiee auxdemandeurs le

20 juillet 2004, cet arret viole les dispositions constitutionnelles etlegales determinant les competences respectives du Conseil d'etat et destribunaux de l'ordre judiciaire, dont il se deduit que l'examen de lalegalite ou de l'illegalite d'une decision administrative qui a cause unprejudice ne cesse pas de relever de la competence des cours et tribunauxpar le fait que cette decision n'a pas fait l'objet d'un recours enannulation devant le Conseil d'etat et est des lors devenue definitive(violation des articles 144, 145, 160 de la Constitution, 584 du Codejudiciaire, 14, specialement S: 1er, 17, specialement S: 1er, et 18 deslois coordonnees sur le Conseil d'etat, l'article 17, S: 1er, tel qu'iletait en vigueur avant sa modification par la loi du 15 septembre 2006,et, pour autant que de besoin, des articles 602, 2DEG, du Code judiciaireet 9, alinea 3, de la loi du 15 decembre 1980, vise en tete du moyen).

Troisieme branche (subsidiaire)

Si les motifs laconiques de l'arret signifient que l'article 3, S: 1er, dela Convention relative aux droits de l'enfant est depourvu de tout effetdirect, cet arret viole cette disposition conventionnelle, qui n'imposepas aux autorites nationales d'adopter une norme ou une mesureindividuelle specifique et leur laisse le pouvoir de choisir, enopportunite, entre les diverses solutions permettant de satisfaire auxexigences de l'interet de l'enfant mais a neanmoins un effet direct, dansla mesure ou elle impose aux autorites administratives nationales,lorsqu'elles doivent prendre une decision individuelle susceptibled'influencer le devenir de l'enfant, l'obligation d'inclure l'interet decet enfant dans la balance des interets en presence (violation desarticles 3, specialement S: 1er, et 28 de la Convention relative auxdroits de l'enfant, adoptee à New York le 20 novembre 1989, approuvee parla loi du 25 novembre 1991, et, pour autant que de besoin, du principegeneral du droit selon lequel une norme de droit internationalconventionnel ayant des effets directs dans l'ordre juridique interne doitprevaloir sur le droit interne).

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la premiere branche :

Si devant la cour d'appel, les demandeurs concluaient dans les termes quereproduit le moyen, en cette branche, ils lui demandaient de « condamner[...] [le defendeur] à faire delivrer à chacun [d'eux] ainsi qu'à leursenfants un [...] [certificat d'inscription au registre des etrangers]provisoire d'une duree initiale d'un an, devant se voir ensuite prolongeejusqu'à la fin de la scolarite de tous leurs enfants ».

En considerant qu'« aucune des dispositions internationales ou nationalesapplicables [...] n'autorise les cours et tribunaux à reconnaitre ou àattribuer un droit au sejour à un etranger en sejour illegal ni, partant,à ordonner qu'il soit reconnu ou attribue, fut-ce à titre provisoire,par l'autorite publique competente », l'arret repond, en lescontredisant, aux conclusions d'appel des demandeurs.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la deuxieme branche :

1. Aux termes de l'article 144 de la Constitution, les contestations quiont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort destribunaux.

En vertu de l'article 14, S: 1er, des lois sur le Conseil d'Etat,coordonnees le 12 janvier 1973, la section du contentieux administratifstatue par voie d'arrets sur les recours en annulation pour violation desformes, soit substantielles, soit prescrites à peine de nullite, exces oudetournement de pouvoir, formes contre les actes et reglements desdiverses autorites administratives.

Ce pouvoir de juridiction est determine par l'objet veritable et direct durecours en annulation.

2. Les cours et tribunaux connaissent de la demande d'une partie fondeesur un droit subjectif.

L'existence de pareil droit suppose que la partie demanderesse fasse etatd'une obligation juridique determinee qu'une regle du droit objectifimpose directement à un tiers et à l'execution de laquelle cette partiea un interet.

Pour qu'une partie puisse se prevaloir d'un tel droit à l'egard del'autorite administrative, il faut que la competence de cette autoritesoit liee.

3. Comme il a ete dit en reponse à la premiere branche du moyen, lesdemandeurs demandaient à la cour d'appel de « condamner [...] [ledefendeur] à faire delivrer à chacun [d'eux] ainsi qu'à leurs enfantsun [...] [certificat d'inscription au registre des etrangers] provisoired'une duree initiale d'un an, devant se voir ensuite prolongee jusqu'à lafin de la scolarite de tous leurs enfants ».

Il s'ensuit que la contestation entre les demandeurs et le defendeur n'apas pour objet veritable et direct de prevenir le dommage resultant del'atteinte fautive portee par le defendeur, dans l'exercice de son pouvoirdiscretionnaire, au droit subjectif à l'education de leurs enfantspretendu par les demandeurs, mais de reconnaitre à ceux-ci et à leursenfants un droit au sejour sur le territoire belge en contraignant ledefendeur à leur faire delivrer un certificat d'inscription au registredes etrangers, et, ainsi, de demander au juge de se substituer audefendeur qui, dans les limites de la loi, dispose d'un pouvoirdiscretionnaire pour accorder ou refuser à un etranger le droit au sejoursur le territoire.

L'arret, qui considere qu'« aucune des dispositions internationales ounationales applicables [...] n'autorise les cours et tribunaux àreconnaitre ou à attribuer un droit au sejour à un etranger en sejourillegal ni, partant, à ordonner qu'il soit reconnu ou attribue, fut-ce àtitre provisoire, par l'autorite publique competente », justifielegalement sa decision de « se declare[r] sans pouvoir de juridictionpour connaitre de la demande ».

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la troisieme branche :

Il ressort de la reponse à la deuxieme branche du moyen que l'arret neconsidere pas que l'article 3, S: 1er, de la Convention relative auxdroits de l'enfant est depourvu de tout effet direct.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Les depens taxes à la somme de quatre cent dix-sept euros soixante-quatrecentimes en debet envers les parties demanderesses et à la somme de centsept euros quarante-deux centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Mireille Delange etMichel Lemal, et prononce en audience publique du vingt-quatre janvierdeux mille quatorze par le president Christian Storck, en presence del'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier PatriciaDe Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

24 JANVIER 2014 C.10.0450.F/14


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0450.F
Date de la décision : 24/01/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-01-24;c.10.0450.f ?
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