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17/01/2014 | BELGIQUE | N°C.12.0604.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 janvier 2014, C.12.0604.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

3165



NDEG C.12.0604.F

1. S. L. A.,

2. L. L. S.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il est faitelection de domicile,

contre

F. D. V., avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de lasociete anonyme Societe d'importation de materiel industriel,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,don

t le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

en presence de

J. A.,

parti...

Cour de cassation de Belgique

Arret

3165

NDEG C.12.0604.F

1. S. L. A.,

2. L. L. S.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il est faitelection de domicile,

contre

F. D. V., avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de lasociete anonyme Societe d'importation de materiel industriel,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

en presence de

J. A.,

partie appelee en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 5 avril 2012par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.

Le procureur general Jean-Franc,ois Leclercq a conclu.

II. Les moyens de cassation

Les demandeurs presentent deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

* article 198, S: 1er, premier tiret, du Code des societes,anciennement article 194, quatrieme tiret, des lois sur les societescommerciales, coordonnees le 30 novembre 1935 ;

* article 111, S:S: 2 et 3, de la loi du 13 avril 1995 modifiant leslois sur les societes commerciales, coordonnees le 30 novembre 1935.

Decisions et motifs critiques

Devant la cour d'appel, les demandeurs et M. A. concluaient à laprescription de la demande du curateur. Ils soutenaient qu'une lecturecombinee de l'article 111 de la loi du 13 avril 1995 et de l'article 198,S: 1er, du Code des societes implique que l'action du curateur intentee le28 fevrier 2007 est prescrite depuis le 1er juillet 2006, l'infractionetant, aux termes de la premiere disposition, nee le 1er juillet 2001.

L'arret attaque rejette cette these sur la base des motifs suivants :

« En vertu de l'article 198, S: 1er, du Code des societes, l'action enresponsabilite contre les administrateurs se prescrit par cinq ans àcompter du fait dommageable ou de la decouverte de celui-ci lorsqu'il aete cele par dol. Cette prescription s'applique à toute action introduitecontre les administrateurs, quel que soit son fondement juridique.

`La responsabilite peut etre fondee indifferemment sur un fait positif ousur une abstention fautive. (...) C'est la question du defaut d'adaptationdu capital des SA, SPRL ou SCRL dans le delai requis qui est le champd'application de predilection de la responsabilite pour omission fautive.Apres l'expiration du delai transitoire prevu pour permettre auxdirigeants d'assurer la conformite de la societe aux nouvelles exigenceslegales en matiere de capital, les dirigeants negligents sont responsablesde leur lethargie et de ses consequences prejudiciables pour la societeet/ou les tiers. Cette faute est continue et persiste aussi longtemps quele capital de la societe n'a pas augmente' (Y. De Cordt et M. Delvaux, `Laresponsabilite des dirigeants en droit des societes et en droitfinancier', La responsabilite des dirigeants de personnes morales, DieKeure, 2007, p. 74).

L'article 111 de la loi du 13 avril 1995 ne determine pas le point dedepart de la prescription mais fixe la date pour laquelle le capitalsocial des societes anonymes devait etre adapte et la date à partir delaquelle les administrateurs peuvent voir leur responsabilite engagee. Ladate du 1er juillet 2001 n'est pas depourvue de toute pertinence, memedans la these du caractere continu de la faute.

L'infraction reprochee aux administrateurs est continue des lors qu'ellese reitere chaque jour ou l'adaptation du capital social exigee n'est pasoperee. Les considerations empruntees au droit penal emises par [lesdemandeurs] de meme que l'absence de sanction penale à l'omissioninvoquee sont indifferents à cet egard.

Vainement [les demandeurs] affirment-ils que la ratio legis du bref delaide prescription de cinq ans de l'article 198 du Code des societes impliqueque l'omission qui leur est reprochee doit etre consideree comme uneinfraction instantanee, sous peine de remettre indefiniment son eventuelleprescription en l'absence d'une fin de mandat. Suivre la these qu'ilsdeveloppent reviendrait à bannir en toute hypothese le principe meme dela faute continue, ce qui ne peut etre admis. Ensuite, le point de departde la prescription n'est pas indefiniment postpose puisqu'il suffit que lemandat prenne fin pour que le delai de prescription commence à courir (P.Kileste et C. Staudt, `La responsabilite des dirigeants d'entreprise', Lesresponsabilites d'entreprise, C.J.B., 2007, p. 430, nDEG 135).

Des lors que le mandat d'administrateur [des demandeurs] et [de] M. A. apris fin le 14 novembre 2005 par la decision de mise en liquidation de lasociete et la designation d'un liquidateur, l'action intentee par lecurateur le 28 fevrier 2007 n'est pas prescrite ».

Griefs

L'article 8 de la loi du 13 avril 1995 a fait passer le seuil du capitalminimum exige pour une societe anonyme de 1.250.000 francs à 2.500.000francs. En vertu de l'article 111, S: 2, de la loi du 13 avril 1995, lessocietes anonymes disposaient d'un delai de cinq ans pour augmenter leurcapital, soit jusqu'au 1er juillet 2001.

Le capital social de SIMI n'a cependant pas ete adapte dans le delai legalrequis.

Le curateur met en cause la responsabilite des demandeurs en leur qualited'administrateurs de SIMI sur la base de l'article 111 de la loi du

13 avril 1995.

L'article 111 de la loi du 13 avril 1995 enonce que : « Si, àl'expiration de ce delai, le capital d'une societe anonyme n'atteint pasle montant minimum fixe à l'article 29, S: 1er, les gerants sontsolidairement tenus envers les interesses, malgre toute stipulationcontraire, au paiement de la difference entre le capital souscrit et lecapital minimum fixe à l'article 29, S: 1er. Ils sont decharges de cetteresponsabilite si, dans ce delai, ils proposent à l'assemblee generalesoit d'augmenter le capital à due concurrence, soit de transformer ou dedissoudre la societe. Si la societe n'a pas pris la mesure prescrite dansle delai fixe, sa dissolution peut etre ordonnee par le tribunal à lademande de tout interesse ».

La question de la prescription d'une action basee sur cette dispositionest reglee par l'article 198, S: 1er, premier tiret, du Code des societes(anciennement l'article 194, quatrieme tiret, des lois coordonnees sur les societes commerciales), qui prevoit que sont prescrites par cinq ans« toutes actions contre les gerants, administrateurs, membres du conseilde direction, membres du conseil de surveillance, commissaires,liquidateurs, pour faits de leurs fonctions, à partir de ces faits ou,s'ils ont ete celes par dol, à partir de la decouverte de ces faits ».

Il decoule de la combinaison des deux dispositions precitees que l'actiondu curateur est prescrite depuis le 1er juillet 2006, le point de departde la prescription etant le 1er juillet 2001, date ultime à laquelle lecapital de la societe aurait du etre ajuste.

La circonstance de ne pas avoir adapte le capital social de la societepour le 1er juillet 2001 constitue, en effet, une faute unique etinstantanee, faisant courir le delai de prescription de cinq ans.

Considerer l'infraction à l'article 111 de la loi du 13 avril 1995 commecontinue aurait ainsi pour effet de remettre indefiniment son eventuelleprescription en l'absence de fin de mandat, ce qui est contraire à laratio legis du bref delai de prescription de cinq ans de l'article 198 duCode des societes.

La cour d'appel rejette cette argumentation et decide que la faute desdemandeurs est continue dans la mesure ou « elle se reitere chaque jourou l'adaptation du capital social exigee n'est pas operee ».

La cour d'appel decide que « suivre la these que [les demandeurs]developpent reviendrait à bannir en toute hypothese le principe meme dela faute continue, ce qui ne peut etre admis » et qu'« ensuite, le pointde depart de la prescription n'est pas indefiniment postpose puisqu'ilsuffit que le mandat prenne fin pour que le delai de prescription commenceà courir ».

En decidant que la faute des demandeurs, consistant à ne pas avoir adaptele capital social de la societe SIMI avant le 1er juillet 2001, revet uncaractere continu et que la prescription de l'action du curateur fondeesur l'article 198, S: 1er, premier tiret, du Code des societes commence àcourir à la fin de leur mandat d'administrateur, à savoir le 14 novembre2005, alors que la violation de l'article 111 de la loi du 13 avril 1995constitue une faute unique et instantanee faisant courir le delai deprescription de cinq ans à compter de cette faute, l'arret attaque viole,partant, les articles 111, S:S: 2 et 3, de la loi du 13 avril 1995 et 198du Code des societes.

Second moyen

Dispositions legales violees

Articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil

Decisions et motifs critiques

Pour debouter les demandeurs de leur exception de prescription, l'arretattaque se base egalement sur le motif suivant :

« Il est à relever que le curateur fonde egalement sa demande surl'article 528 du Code des societes aux termes duquel `les administrateurssont solidairement responsables, soit envers la societe, soit envers lestiers, de tous dommages et interets resultant d'infractions auxdispositions du Code des societes ou des statuts'. Il reclame à titre dedommage au profit de la masse, la difference entre le capital socialminimum fixe par le Code des societes et le capital social effectif.

Vainement M. A. soutient-il que cet article ne pourrait trouver às'appliquer au profit de la loi du 13 avril 1995, cette derniere etant uneloi speciale derogeant à la loi generale. Rien n'interdit au curateur defonder sa demande sur l'une ou l'autre disposition ou sur les deuxconcomitamment.

En ce que la demande du curateur se fonde sur l'article 528 du Code dessocietes, [les demandeurs] et M. A. n'invoquent pas la prescription de lademande du curateur ».

Griefs

En vertu de l'article 528 du Code des societes, « les administrateurssont solidairement responsables, soit envers la societe, soit envers lestiers, de tous dommages et interets resultant d'infractions auxdispositions du Code des societes ou des statuts ».

Sur la base de cet article, le curateur reclamait, à titre de dommage auprofit de la masse, la difference entre le capital social minimum fixe parle Code des societes et le capital social effectif.

L'arret attaque constate qu' « en ce que la demande du curateur se fondesur l'article 528 du Code des societes, [les demandeurs] et M. A.n'invoquent pas la prescription de la demande du curateur ».

Or, meme si l'argumentation developpee par les demandeurs dans le corps deleurs conclusions d'appel concernant la prescription de la demande ducurateur s'appuie sur le prescrit des articles 111 de la loi de 1995 et198 du Code des societes, il ressort du dispositif de leurs conclusionsd'appel que l'exception de prescription est soulevee par rapport àl'objet de la demande du curateur. En effet, dans le dispositif, lesdemandeurs demandent, à titre principal, de « dire l'actionprincipale irrecevable », cette derniere etant fondee tant sur l'article111 de la loi de 1995 que sur l'article 528 du Code des societes.

La faute reprochee aux demandeurs, que ce soit sur la base de l'article111 de la loi de 1995 ou sur l'article 528 du Code des societes, estidentique et a ete generee au meme moment.

La demande du curateur, qu'elle soit fondee sur l'une ou l'autre de cesdispositions, a, des lors, le meme objet, à savoir la condamnation desdemandeurs au paiement de la somme de 24.315,97 euros.

Elle a egalement la meme cause, c'est-à-dire le defaut d'adaptation ducapital social de SIMI au seuil legalement requis.

Par consequent, l'exception de prescription soulevee par les demandeursvalait pour la demande du curateur prise dans son ensemble.

La cour d'appel decide neanmoins qu' « en ce que la demande du curateurse fonde sur l'article 528 du Code des societes, [les demandeurs] et M. A.n'invoquent pas la prescription de la demande du curateur ».

Ce faisant, l'arret attaque viole la foi due aux conclusions d'appel desdemandeurs en n'y lisant pas quelque chose qui s'y trouve, à savoirl'exception de prescription qui vaut egalement à l'egard de la demandefondee sur l'article 528 du Code des societes, et viole, partant, lesarticles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

L'article 8 de la loi du 13 avril 1995 modifiant les lois sur les societescommerciales, coordonnees le 30 novembre 1935, porte le montant du capitalminimum de la societe anonyme, prevu à l'article 29, S: 1er, de ces lois,de un million deux cent cinquante mille francs à deux millions cinq centmille francs.

En vertu de l'article 111, alinea 2, de cette loi, la disposition ainsimodifiee ne s'applique que cinq ans apres l'entree en vigueur de la loiaux societes anonymes existant à ce moment, sauf en cas de prolongationde leur duree ou de modification de leur capital.

L'article 111, alinea 3, de la meme loi dispose que, si, à l'expirationde ce delai, le capital d'une societe anonyme n'atteint pas le montantminimum dorenavant fixe, les administrateurs sont solidairement tenusenvers les interesses, malgre toute stipulation contraire, au paiement dela difference entre le capital souscrit et le capital minimum. Ils sontdecharges de cette responsabilite si, dans ce delai, ils proposent àl'assemblee generale soit d'augmenter le capital à due concurrence, soitde transformer ou de dissoudre la societe.

La loi du 13 avril 1995 est entree en vigueur, selon l'article 113 decette loi, le 1er juillet 1996 en sorte que, pour les societes anonymesexistant à ce moment, l'article 29, S: 1er, des lois sur les societescommerciales, coordonnees le 30 novembre 1935, modifie par l'article 8precite, devenait applicable le

1er juillet 2001.

Il resulte des dispositions precitees que les administrateurs qui n'ontpas veille à adapter le capital minimum d'une societe anonyme pour le 1erjuillet 2001 engagent solidairement leur responsabilite des ce moment etrepetent leur comportement fautif chaque jour ou ils omettent de seconformer à cette obligation legale.

L'article 194, quatrieme tiret, des lois sur les societes commerciales,coordonnees le 30 novembre 1935, devenu l'article 198, S: 1er, premiertiret, du Code des societes prevoit que sont prescrites par cinq anstoutes actions contre les administrateurs pour fait de leurs fonctions, àpartir de ces faits ou, s'ils ont ete celes par dol, à partir de ladecouverte de ces faits.

L'arret, qui considere que « l'infraction reprochee aux administrateursest continue des lors qu'elle se reitere chaque jour ou l'adaptation ducapital social exigee n'est pas operee », qu'« il suffit que le mandatprenne fin pour que le delai de prescription commence à courir » et que« le mandat [des demandeurs] a pris fin le 14 novembre 2005 par ladecision de mise en liquidation de la societe et la designation d'unliquidateur », justifie legalement sa decision que « l'action intenteepar le curateur le 28 fevrier 2007 n'est pas prescrite ».

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le second moyen :

Apres avoir, pour le motif vainement critique par le premier moyen, ecartel'exception de prescription, l'arret constate que les demandeurs « nepeuvent pas [...] beneficier de la decharge de leur responsabilite prevue[à] l'article 111 » et considere que « [leur] responsabilite [...] estengagee », qu' « aux termes de la loi du 13 avril 1995, [celle-ci] estsolidaire » et que « le montant du dommage s'evalue à la differenceentre le capital souscrit et le capital minimum legal ».

Ces considerations, non critiquees, suffisent à fonder la decision decondamner les demandeurs solidairement à payer au defendeur la somme de24.315,97 euros, majoree d'interets.

Le moyen, qui critique un motif surabondant, ne saurait entrainer lacassation.

Denue d'interet, le moyen est irrecevable.

Sur la demande en declaration d'arret commun :

Le rejet du pourvoi prive d'interet la demande tendant à ce que l'arretsoit declare commun à la partie appelee devant la Cour à cette fin.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi et la demande en declaration d'arret commun ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Les depens taxes à la somme de neuf cent septante-six euros cinquante-sixcentimes envers les parties demanderesses et à la somme de centnonante-trois euros quarante-huit centimes en debet envers la partiedefenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, et prononceen audience publique du dix-sept janvier deux mille quatorze par lepresident de section Albert Fettweis, en presence du procureur generalJean-Franc,ois Leclercq, avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.

+------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
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| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
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17 JANVIER 2014 C.12.0604.F/12


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0604.F
Date de la décision : 17/01/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 06/02/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-01-17;c.12.0604.f ?
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