Cour de cassation de Belgique
Arret
2711
NDEG C.12.0385.F
Societe deS transports intercommunaux de bruxelles, dont le siege socialest etabli à Bruxelles, rue Royale, 76,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile,
contre
M. L. D. M. F.,
defenderesse en cassation.
I. la procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 10 fevrier2012 par le tribunal de premiere instance de Bruxelles, statuant en degred'appel.
Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- article 12.1 de l'arrete royal du 1er decembre 1975 portant reglementgeneral sur la police de la circulation routiere et de l'usage de la voiepublique ;
- article 27, S: 2, de l'arrete royal du 15 septembre 1976 portantreglement sur la police des transports par tram, pre-metro, metro, autobuset autocar.
Decisions et motifs critiques
Le jugement attaque rejette la defense de la demanderesse fondee sur lapriorite de passage dont beneficient les vehicules sur rails et, par voiede consequence, impute la responsabilite de l'accident au prepose de lademanderesse et condamne cette derniere à payer à la defenderesse lasomme de 1.179,96 euros augmentee des interets compensatoires depuis le 17mars 2006, des interets moratoires et des depens, aux motifs suivants :
« L'article 27 de l'arrete royal du 15 septembre 1976 dispose que `leconducteur est tenu de ralentir ou d'arreter son vehicule lorsqu'il y adanger. Le conducteur d'un vehicule ferre doit ralentir et, en cas debesoin, s'arreter quand, par suite d'un encombrement de circulation, ilest dangereux de maintenir la vitesse ou de continuer à rouler'.
En l'espece, le tribunal constate que le tram circule sur la voirie et nonen site propre, de telle sorte qu'il est tenu de partager l'espace avecles autres usagers de la route.
De meme, le tribunal observe la configuration des lieux et le fait qu'àproximite du lieu ou s'est produit l'accident, le tram effectue un virageà gauche qui reduit partiellement la visibilite du wattman ; de ce fait,il lui appartient d'etre particulierement prudent et vigilant et ce,d'autant qu'il circule en voirie, de surcroit en heure de pointe (ce quiimplique une circulation pietonne et automobile accrue), à un endroit ouplusieurs lignes de transport en commun se croisent.
En circulant comme il l'a fait, sans adopter un comportement de prudence(vitesse reduite ; utilisation d'un avertisseur sonore ; ...), le wattmana commis une infraction à l'article 27 precite, qui engage laresponsabilite de la [demanderesse].
C'est en vain que la [demanderesse] soutient que [la defenderesse] seserait faufilee devant le tram, pour freiner ensuite subitement pourpermettre à un pieton de traverser.
En effet, cette genese est dementie par le temoin D., qui precise quel'accident s'est deroule en deux phases : d'abord, le vehicule Lupos'arrete pour laisser passer un pieton et, ensuite, le tram arrive etheurte la Lupo.
S'il est plausible que le vehicule Lupo soit arrive à la droite du tram(dans l'hypothese ou [la defenderesse] serait venue de la rue de laBrasserie, traversant le carrefour pour poursuivre dans cette voie), cefait n'enerve en rien le raisonnement selon lequel [la defenderesse] etait parfaitement autorisee à circuler de la sorte et que, compte tenude sa visibilite reduite, des risques d'encombrement de la circulation àce moment et à cet endroit, ainsi que des distances de freinage propresaux trams, il appartenait au wattman d'anticiper la survenance d'unvehicule d'une des rues laterales ainsi que les possibilites d'arret decelui-ci, a fortiori compte tenu de l'existence d'un passage pourpietons ».
Griefs
En bref, le jugement attaque considere que, vu la disposition des lieux(visibilite reduite, risques d'encombrement, proximite d'un passage pourpietons, etc.), il appartenait au wattman, et non à la defenderesse, deprevoir la survenance d'un vehicule et d'adapter sa vitesse en fonctiond'un possible obstacle :
« [La defenderesse] etait parfaitement autorisee à circuler de lasorte. Il appartenait au wattman d'anticiper la survenance d'un vehiculed'une des rues laterales ainsi que les possibilites d'arret decelui-ci...».
Pareil raisonnement ne tient pas compte de l'article 12.1 du code de laroute, en vertu duquel « tout conducteur doit ceder le passage auxvehicules sur rails, à cette fin il doit s'ecarter de la voie ferree desque possible ».
Cette obligation de ceder le passage aux vehicules sur rails est generaleet ne souffre pas d'exception : elle est justifiee par la difficultequ'ont les vehicules sur rails, par rapport aux autres vehicules, dereduire leur vitesse et de s'arreter sur une courte distance.
De cette obligation, il se deduit que, contrairement à ce que decide lejugement attaque, la defenderesse n'etait pas autorisee, vu la dispositiondes lieux, à circuler comme elle l'a fait, sans tenir compte des risquesd'encombrement de la circulation. C'est à elle qu'il appartenaitd'anticiper la survenance d'un tram et l'eventualite de la traversee d'unpieton.
Des lors, le rappel fait par le jugement de l'article 27, S: 2, del'arrete royal du 15 septembre 1976, qui impose au wattman de ralentir et,au besoin, de s'arreter en cas d'encombrement de la circulation, nesaurait justifier la decision qui exclut tout manquement de ladefenderesse.
Il s'ensuit que la decision qui, par les motifs precites, impute auprepose de la demanderesse la responsabilite de l'accident litigieux,viole l'article 12.1 precite du code de la route et fait au surplus uneapplication illegale de l'article 27 de l'arrete royal du 15 decembre1976.
III. La decision de la Cour
L'article 12.1 de l'arrete royal du 1er decembre 1975 portant reglementgeneral sur la police de la circulation routiere et de l'usage de la voiepublique dispose que tout vehicule doit ceder le passage aux vehicules surrails et qu'à cette fin il doit s'ecarter de la voie ferree des quepossible.
En vertu de l'article 27, S: 2, alineas 1er et 2, de l'arrete royal du
15 septembre 1976 portant reglement sur la police des transports par tram,
pre-metro, metro, autobus et autocar, le conducteur d'un vehicule vise parcet arrete est tenu de ralentir ou d'arreter son vehicule lorsqu'il y adanger et le conducteur d'un vehicule ferre doit ralentir et, en cas debesoin, s'arreter quand, par suite d'un encombrement de circulation, ilest dangereux de maintenir la vitesse ou de continuer à rouler.
Le jugement attaque constate qu' « un accident de la circulation s'estproduit le 17 mars 2006 vers 8 heures 40, rue de la Brasserie (à hauteurde la place Flagey), mettant en cause, d'une part, le vehicule VW Lupoappartenant à et conduit par [la defenderesse], d'autre part, le tram[...] appartenant à [la demanderesse] », que « le tram circule sur lavoirie et non en site propre, de telle sorte qu'il est tenu de partagerl'espace avec les autres usagers de la route », que « c'est en vain quela [demanderesse] soutient que [la defenderesse] se serait faufilee devantle tram pour freiner ensuite subitement pour permettre à un pieton detraverser », des lors que « l'accident s'est deroule en deux phases :d'abord, le vehicule Lupo s'arrete pour laisser passer un pieton et,ensuite, le tram arrive et heurte la Lupo ».
Le jugement attaque considere, d'une part, que, compte tenu de « laconfiguration des lieux et [du] fait qu'à proximite du lieu ou s'estproduit l'accident, le tram effectue un virage à gauche qui reduitpartiellement la visibilite du wattman », « il [...] appart[enait] [auwattman] d'etre particulierement prudent et vigilant et ce, d'autant qu'ilcircul[ait] en voirie, de surcroit en heure de pointe (ce qui implique unecirculation pietonne et automobile accrue), à un endroit ou plusieurslignes de transport en commun se croisent », d'autre part, que, « s'ilest plausible que le vehicule Lupo soit arrive à la droite du tram (dansl'hypothese ou [la defenderesse] serait venue de la rue de la Brasserie,traversant le carrefour pour poursuivre dans cette voie), ce fait n'enerveen rien le raisonnement selon lequel [la defenderesse] etait parfaitementautorisee à circuler de la sorte ».
Le jugement attaque, qui deduit de ces enonciations que, « compte tenu desa visibilite reduite, des risques d'encombrement de la circulation à cemoment et à cet endroit, ainsi que des distances de freinage propres auxtrams, il appartenait au wattman d'anticiper la survenance d'un vehiculed'une des rues laterales ainsi que les possibilites d'arret de celui-ci, afortiori compte tenu de l'existence d'un passage pour pietons », etqu' « en circulant comme il l'a fait, sans adopter un comportement deprudence (vitesse reduite ; utilisation d'un avertisseur sonore ; ...), lewattman a commis une infraction à l'article 27 [de l'arrete royal du 15septembre 1976] », justifie legalement sa decision que « seule la fautedu wattman est etablie » et que, « sans cette faute, l'accident ne seserait pas produit ».
Le moyen ne peut etre accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux depens.
Les depens taxes à la somme de cinq cent trente-neuf eurosquatre-vingt-deux centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononce enaudience publique du trois janvier deux mille quatorze par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Thierry Werquin, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
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| M. Lemal | D. Batsele | Chr. Storck |
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3 JANVIER 2014 C.12.0385.F/7