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18/12/2013 | BELGIQUE | N°P.13.0708.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 décembre 2013, P.13.0708.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

5942



NDEG P.13.0708.F

1. D. J.

2. C. N.

prevenus,

demandeurs en cassation,

ayant pour conseil Maitre Philippe Vanlangendonck, avocat au barreau deBruxelles.

* i. la procedure devant la cour

Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 25 mars 2013 par lacour d'appel de Mons, chambre correctionnelle.

Les demandeurs invoquent sept moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.

Le 16 octobre 2013, l'avocat general Raymond Loop a depose

des conclusionsau greffe.

A l'audience du 23 octobre 2013, le conseiller Benoit Dejemeppe a faitrapport et l'avocat general ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

5942

NDEG P.13.0708.F

1. D. J.

2. C. N.

prevenus,

demandeurs en cassation,

ayant pour conseil Maitre Philippe Vanlangendonck, avocat au barreau deBruxelles.

* i. la procedure devant la cour

Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 25 mars 2013 par lacour d'appel de Mons, chambre correctionnelle.

Les demandeurs invoquent sept moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.

Le 16 octobre 2013, l'avocat general Raymond Loop a depose des conclusionsau greffe.

A l'audience du 23 octobre 2013, le conseiller Benoit Dejemeppe a faitrapport et l'avocat general precite a conclu.

Le 6 novembre 2013, les demandeurs ont remis au greffe une note en reponseaux conclusions du ministere public.

* ii. la decision de la cour

* Sur le premier moyen :

Le moyen reproche à l'arret d'ecarter, au motif de leur caracterepurement dilatoire, les conclusions des demandeurs en reponse à celles duministere public, à la fois communiquees au procureur general et deposeesdevant la cour d'appel le matin meme de l'audience à laquelle la cause aete remise.

Sauf l'abus qui en serait fait, le droit de repondre aux conclusions de lapartie adverse est une condition necessaire du proces equitable. Ce droitdecoule du principe voulant que nul ne soit condamne ou deboute de sonaction sur le fondement d'elements qu'il n'a pas eu la possibilite decontredire.

Dans leurs conclusions d'appel, les demandeurs ont soutenu en substanceque l'element moral de la prevention n'etait pas etabli des lors qu'ilsetaient disposes à proceder à la vaccination pour autant que la preuvede la non-nocivite du vaccin soit rapportee. Ils ont egalement allegueque, prevue par l'article 1er de l'arrete royal du 26 octobre 1966 rendantobligatoire la vaccination antipoliomyelitique, l'obligation devaccination etait contraire à l'article 8 de la loi du 22 aout 2002relative aux droits du patient, lequel prevoit qu'aucun acte medical nepeut etre effectue sans le consentement du patient. Ils ont ensuite faitvaloir que cette vaccination faisait la promotion de l'industriepharmaceutique, qu'elle etait contraire à l'interet de l'enfant, etqu'elle violait le respect du à la liberte therapeutique et àl'integrite physique. Selon les demandeurs, cette obligation presentaitencore un caractere disproportionne par rapport à la protection de lasante, elle portait atteinte à la vie privee et familiale et elle n'etaitpas conforme aux articles 9, 114 et 168 du Traite sur le fonctionnement del'Union europeenne relatifs à la protection de la sante humaine.

Pour declarer les demandeurs coupables, l'arret considere que

- l'article 1er de la loi sanitaire du 1er septembre 1945 a autorise leRoi à prescrire des mesures de prophylaxie,

- l'arrete royal du 26 octobre 1966 rendant obligatoire la vaccinationantipolyomyelitique a ete pris regulierement, en execution de la loisusdite,

- le droit du patient de consentir librement à toute intervention dupraticien professionnel, consacre par la loi du 22 aout 2002, ne tient pasl'obligation vaccinale en echec, celle-ci etant fondee sur desconsiderations de protection de la sante publique, laquelle participe del'ordre public,

- contrairement à ce que les demandeurs ont soutenu, la vaccinationobligatoire n'est pas dictee par la promotion des interets de l'industrie,

- les risques lies à la vaccination, soulignes par les demandeurs, nesont pas etablis,

- l'obligation vaccinale est proportionnee à un objectif legitime et neviole aucune des conventions internationales invoquees par les demandeurs.

Aucun de ces motifs ne condamne les demandeurs sur la base d'elementsqu'ils n'ont pas pu contredire, puisque chacun d'eux n'est que larefutation des exceptions invoquees en degre d'appel.

Des lors que la cour d'appel a repondu aux moyens souleves dans cetteinstance et qu'elle a ainsi fait ce qu'elle aurait du faire si ellen'avait pas ecarte les conclusions jugees tardives, il n'apparait pas queles droits de la defense aient ete entraves par cet ecartement.

Il s'ensuit que, quoique fonde, le moyen ne saurait entrainer la cassationet est irrecevable à defaut d'interet.

Sur le deuxieme moyen :

Les demandeurs soutiennent que les poursuites sont irrecevables des lorsque le 22 decembre 2009, date de la signification de la citationoriginaire, le delai legal de vaccination de leur enfant n'etait pasexpire, celui-ci ayant ete proroge en raison de contre-indicationsmedicales jusqu'au 17 fevrier 2010.

En tant qu'ils sont diriges contre le ministere public, les griefs desdemandeurs sont etrangers à l'arret et, des lors, irrecevables.

Il en va de meme de la violation alleguee des dispositions du code dedeontologie medicale qui, n'ayant pas ete rendu obligatoire par le Roi, neconstitue pas une loi au sens de l'article 608 du Code judiciaire.

En vertu de l'article 1er de l'arrete royal du 26 octobre 1966 rendantobligatoire la vaccination antipoliomyelitique, la vaccination desnouveaux nes doit avoir lieu apres le deuxieme mois de la vie et avantl'age de dix-huit mois, sauf contre-indication medicale, auquel cas elledoit etre effectuee dans les dix-huit mois qui suivent la fin de lacontre-indication.

L'article 6 de cet arrete royal prevoit que l'existence d'unecontre-indication est attestee par un certificat medical circonstanciementionnant la duree probable de la contre-indication et adresse àl'inspecteur d'hygiene du ressort.

Par une appreciation en fait qu'il n'appartient pas à la Cour decensurer, les juges d'appel ont considere que les certificats medicauxindiquaient sans autre precision que l'enfant des demandeurs presentaitune contre-indication à tout vaccin et qu'ils ne repondaient pas à laforme prescrite par l'article 6 precite, de sorte qu'ils ne pouvaientjustifier une prolongation des delais de vaccination.

L'arret constate que l'enfant est ne le 18 aout 2006 et considere qu'à lasupposer etablie, l'abstention coupable se situe entre le 18 octobre 2006et le 18 fevrier 2008.

Par ces considerations, l'arret justifie legalement sa decision que lespoursuites sont relatives à des faits commis avant la citation àcomparaitre devant le tribunal correctionnel.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le troisieme moyen :

Le moyen invoque la violation du principe general du droit Fraus omniacorrumpit au motif que l'arret affirme de fac,on mensongere que lapoliomyelite est une maladie sans traitement curatif.

Le principe precite n'est toutefois pas applicable à l'action publique.

Le moyen manque en droit.

Sur le quatrieme moyen :

Le moyen soutient que, telle qu'elle est prevue par l'article 1er del'arrete royal du 26 octobre 1966 rendant obligatoire la vaccinationantipoliomyelitique, l'obligation de vaccination est illegale. Selon lesdemandeurs, cette disposition n'est conforme ni à l'article 1er de la loisanitaire du 1er septembre 1945, d'une part, ni au droit au consentementlibre et eclaire du patient, prealable à tout acte medical, garanti parl'article 8 de la loi du 22 aout 2002 relative aux droits du patient,d'autre part. Ils en deduisent que, sur la base de l'article 159 de laConstitution, la cour d'appel aurait du ecarter l'application de cetarrete royal.

L'article 1er de la loi sanitaire du 1er septembre 1945 dispose que le Roiest autorise à prescrire, par voie de reglements generaux et apres avoirpris l'avis du conseil superieur d'hygiene publique, les mesures deprophylaxie et d'assainissement ainsi que toutes mesures d'organisation etde controle necessaires, notamment pour prevenir ou combattre les maladiestransmissibles presentant un danger general, dont la liste aura etedressee sur avis conforme du conseil superieur d'hygiene publique.

L'arrete royal du 26 octobre 1966 rendant obligatoire la vaccinationantipoliomyelitique a ete pris en execution de cette loi apres avisconforme dudit conseil.

Contrairement à ce que le moyen soutient, il ne saurait se deduire de lacirconstance que l'article 1er de la loi sanitaire ne vise pasexpressement le cas particulier de la « vaccination obligatoire » que levaccin contre la poliomyelite impose par le Roi par un reglement general,ne puisse etre considere comme une mesure de prophylaxie au sens de laditeloi.

Quant à l'article 8, S: 1er, de la loi du 22 aout 2002 relative auxdroits du patient, il prevoit que le patient a le droit de consentirlibrement à toute intervention du praticien professionnel moyennantinformation prealable.

Cette disposition protege les droits du patient dans ses rapportsparticuliers avec le praticien professionnel.

Elle n'a pas le meme objet qu'une disposition telle que l'article 1er dela loi sanitaire qui, en vue de prevenir ou de combattre une maladietransmissible presentant un danger general, prevoit la possibilited'imposer un traitement fonde sur des imperatifs de protection de la santepublique, laquelle participe de l'ordre public.

Il en resulte que l'article 1er de l'arrete royal pris en execution de laloi sanitaire ne saurait, partant, contredire l'article 8, S: 1er, de laloi du 22 aout 2002.

Le moyen manque en droit.

Sur le cinquieme moyen :

Le moyen soutient qu'il subsiste un doute quant à la portee del'incrimination dont les juges d'appel ont fait application des lors quel'obligation de vaccination n'etait pas mentionnee dans la loi sanitairedu 1er septembre 1945 habilitant le Roi à determiner les mesures qu'elleprevoit. Les demandeurs en deduisent que la cour d'appel aurait du lesacquitter de la prevention.

L'interpretation restrictive d'une loi penale n'a lieu d'etre que si lejuge a un doute quant à sa portee. S'il n'a pas de doute, il doit fairesortir à la loi tous ses effets.

Il ressort de l'arret que les juges d'appel n'ont eu aucun doute quant àla legalite de l'arrete royal du 26 octobre 1966 prevoyant les conditionsd'incrimination des faits reproches aux demandeurs.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le sixieme moyen :

Invoquant la violation des articles 22bis de la Constitution, 3 et 8 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, et 12 du Pacte international relatif aux droitseconomiques, sociaux et culturels, le moyen soutient qu'en declarant lesdemandeurs coupables de ne pas avoir satisfait à l'obligation devaccination, l'arret viole le droit à l'integrite et à la vie privee.

D'une part, en prenant appui sur le rapport du conseil superieur d'hygienepublique, les juges d'appel ont considere que l'obligation vaccinalecontre la poliomyelite avait ete prise dans le souci de protection de lasante publique afin de prevenir le developpement d'une maladie extremementcontagieuse pouvant provoquer de graves paralysies, sans traitementcuratif, et de participer à son eradication au niveau mondial. Ils ontegalement releve que les risques lies à cette vaccination, telle qu'elleest pratiquee depuis 2001, apparaissent limites et que ceux de mise endanger grave en raison de substances toxiques contenues dans le vaccin,soulignes par les demandeurs, sont soit simplement invoques par eux, soitetayes de maniere insuffisante par l'un ou l'autre auteur, et contreditspar l'avis du conseil superieur d'hygiene publique. Enfin, la cour d'appela enonce que si toute intervention medicale peut comporter un risque,cette circonstance ne peut prevaloir, tant à l'egard de l'individu qu'àcelui de la collectivite, pour justifier un refus de vaccination face àl'indeniable protection tant generale qu'individuelle apportee par cevaccin.

En tant qu'il critique l'appreciation en fait des juges d'appel ou exigepour son examen une verification d'elements de fait, pour laquelle la Courest sans pouvoir, le moyen est irrecevable.

Par ces considerations, l'arret donne à connaitre que les dispositionsqui rendent obligatoire la vaccination antipoliomyelitique ont pour effetde porter une atteinte limitee aux principes d'inviolabilite etd'integrite du corps humain, et qu'elles sont mises en oeuvre dans le seulbut d'assurer la protection de la sante et proportionnees à leurobjectif.

Ainsi, la cour d'appel n'a pas viole les articles 22bis, alinea 1er, de laConstitution, 3 de la Convention et 12 du Pacte precite.

D'autre part, le droit au respect de la vie privee et familiale, prevu parl'article 8.1 de la Convention, n'est pas un droit absolu. En effet, memesi l'article 8.2 appelle une interpretation etroite, il en ressortneanmoins que des restrictions à l'exercice de ce droit peuvent etreapportees par l'autorite publique si cette ingerence est prevue par la loiet constitue une mesure qui, dans une societe democratique, est necessairenotamment pour sauvegarder la protection de la sante.

L'arret enonce à cet egard que l'obligation dont les demandeurs ont àrendre compte est instituee par la loi, qu'elle repond de maniereproportionnee à un objectif legitime de protection de la sante dans lapopulation et qu'elle ne constitue des lors pas une immixtion arbitrairedans la vie privee de l'enfant.

Ainsi, l'arret ne viole pas le droit consacre par l'article 8 en decidantque l'obligation de vaccination antipoliomyelitique constitue unerestriction autorisee par le second paragraphe de cette disposition.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le septieme moyen :

Les demandeurs reprochent aux juges d'appel d'avoir retenu des elementsqui n'ont pas fait l'objet d'un debat contradictoire et qu'ilsconnaissaient de science personnelle pour justifier l'obligation de lavaccination antipoliomyelitique au nom de la protection de la santepublique.

L'arret mentionne deux citations qu'il declare emprunter aux informationsmises en ligne sur Internet par l'Organisation mondiale de la sante ouconcernant celle-ci. Ces citations sont relatives, en substance, au faitque seule la prevention peut eradiquer la poliomyelite et que le virus esttoujours susceptible de se propager.

Par les motifs precites en reponse au sixieme moyen, l'arret expose d'unemaniere circonstanciee les elements sur lesquels les juges d'appel se sontfondes pour considerer que les faits reproches aux demandeurs sontpunissables.

A supposer que, par les enonciations critiquees, les juges d'appel aientviole le principe du contradictoire, leur decision resterait legalementjustifiee par la constatation de ces elements.

Des lors, le moyen qui, fut-il fonde, ne saurait entrainer la cassation,est irrecevable à defaut d'interet.

Le controle d'office

Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et les decisions sont conformes à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;

Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.

Lesdits frais taxes à la somme de quatre-vingt-sept euros cinquante et uncentimes dus.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le chevalier Jean de Codt, president de section, BenoitDejemeppe, Pierre Cornelis, Gustave Steffens et Franc,oise Roggen,conseillers, et prononce en audience publique du dix-huit decembre deuxmille treize par le chevalier Jean de Codt, president de section, enpresence de Raymond Loop, avocat general, avec l'assistance de TatianaFenaux, greffier.

+------------------------------------------+
| T. Fenaux | F. Roggen | G. Steffens |
|-------------+--------------+-------------|
| P. Cornelis | B. Dejemeppe | J. de Codt |
+------------------------------------------+

18 decembre 2013 P.13.0708.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.13.0708.F
Date de la décision : 18/12/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-12-18;p.13.0708.f ?
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