Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.13.1438.N
I
S. S.,
prevenue, detenue,
demanderesse.
II
M. L.,
prevenu, detenu,
demandeur,
Me Walter Damen, avocat au barreau d'Anvers.
I. La procedure devant la Cour
Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 27 juin 2013 par lacour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
La demanderesse S. S. ne fait valoir aucun moyen.
Le demandeur M. L. fait valoir deux moyens dans un memoire annexe aupresent arret.
Le conseiller Luc Van hoogenbemt a fait rapport.
L'avocat general Marc Timperman a conclu.
II. La decision de la Cour :
Sur la recevabilite des pourvois :
1. La demanderesse a ete acquittee du chef du fait B.I mis à sa charge.
2. Le demandeur a egalement ete acquitte du chef du fait F.II mis à sacharge.
3. Dans la mesure ou il est dirige contre ces decisions, le pourvoi desdemandeurs est irrecevable, à defaut d'interet.
Sur le premier moyen :
4. Le moyen, en toutes ses branches, invoque la violation de l'article88bis du Code d'instruction criminelle : l'arret admet une motivation tressuccincte des ordonnances fondees sur l'article 88bis du Coded'instruction criminelle visant à obtenir retroactivement une listeidentifiant tous les correspondants attribues à deux numeros de telephonedifferents.
Quant à la premiere branche :
5. Le moyen, en cette branche, soutient que l'ordonnance du 3 mai 2011visant egalement l'identification des correspondants, ne comporte qu'unemotivation standard, qui ne satisfait pas à la condition de motivationprevue à l'article 46bis du Code d'instruction criminelle en ce quiconcerne la proportionnalite et la subsidiarite ; l'arret decide, partant,à tort, qu'il n'y a pas lieu d'ecarter des debats les informations ainsirecueillies.
6. L'article 46bis, S: 1er, alinea 1er, du Code d'instruction criminelle,prevoit que le procureur du Roi peut, par une decision motivee et ecrite,requerir le concours de l'operateur d'un reseau de communicationelectronique ou d'un fournisseur d'un service de communicationelectronique ou d'un service de police designe par le Roi, afin d'obtenirles donnees visees par cette disposition.
L'article 46bis, S: 1er, alinea 2, du Code d'instruction criminelleprevoit que la motivation doit refleter le caractere proportionnel euegard au respect de la vie privee et subsidiaire à tout autre devoird'enquete.
Le juge d'instruction qui ordonne un tel acte d'instruction dans le cadred'une ordonnance fondee sur l'article 88bis du Code d'instructioncriminelle, est tenu de motiver cette ordonnance de la meme maniere.
7. Il resulte des dispositions susmentionnees qu'il doit apparaitre de lamotivation de la decision ecrite du procureur du Roi ou, le cas echeant,du juge d'instruction, que cette decision est prise compte tenu desprincipes de proportionnalite et de subsidiarite. Ces dispositions nerequierent pas que le procureur du Roi ou le juge d'instruction motive lerespect des conditions de proportionnalite et de subsidiarite de maniereconcrete et en se referant aux elements de fait de l'information ou del'instruction judiciaire. Un tel mode de motivation n'empeche pas que lejuge se prononce sur la legalite d'une decision prise par le procureur duRoi ou par le juge d'instruction en application de l'article 46bis du Coded'instruction criminelle.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyen,en cette branche, manque en droit.
8. Les juges d'appel ont souverainement constate que l'ordonnance du juged'instruction du 3 mai 2011 :
- fait reference au fait que l'examen à ordonner peut entrainerl'identification de suspects impliques dans le cadre de correite du chefde trafic et detention de stupefiants ;
- enonce que, meme eu egard au respect de la vie privee, la gravite desfaits justifie la necessite de la mesure en question et que d'autresmesures d'enquete n'offrent pas les memes possibilites.
Par ces motifs, l'arret qui decide que la reference faite par le juged'instruction dans l'ordonnance aux circonstances, à la gravite desfaits, aux besoins de l'enquete et à la necessite de mettre en oeuvrel'acte d'instruction, refletent les conditions de proportionnalite et desubsidiarite, est legalement justifie.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la deuxieme branche :
9. Le moyen, en cette branche, soutient que l'ordonnance relative aunumero d'appel 212615903634 ne mentionne pas ou pas clairement lescirconstances de fait justifiant la mesure ni davantage la duree de lamesure ; l'arret decide toutefois, à tort, qu'il s'agit d'erreursmaterielles de la part du juge d'instruction qui ne peuvent entrainer lanullite des ordonnances ; la meconnaissance de ces formalites entache lafiabilite des elements de preuve ainsi recueillis ; la gravite del'infraction n'a aucun rapport avec les manquements commis ; lesinformations recueillies pouvaient ainsi etre ecartees des debats.
10. L'obligation de motivation de l'ordonnance du juge d`instruction quiprescrit une mesure de reperage telephonique prevue à l'article 88bis, S:1er, alinea 3, du Code d'instruction criminelle, n'est pas prescrite àpeine de nullite.
Le juge apprecie si l'eventuel defaut de motivation doit ou non etresanctionne par le refus de prendre en consideration les renseignementsobtenus.
11. Les juges d'appel ont decide :
- l'obligation de motivation, impose par l'article 88bis du Coded'instruction criminelle n'est pas substantielle ni davantage prescrite àpeine de nullite ;
- la meconnaissance invoquee des formalites n'entache nullement lafiabilite de la preuve ;
- l'irregularite commise est de nature purement formelle et n'a nullementete commise intentionnellement ;
- la gravite des infractions outrepasse l'irregularite commise ;
- les prevenus, dont egalement le demandeur, ont pu consulter lesresultats de l'enquete et assurer leur defense à cet egard, de sorte quele droit du demandeur à un proces equitable n'est pas viole.
Par ces motifs, l'arret qui decide qu'il n'y a pas de raison d'ecarter leselements de preuve ainsi recueillis, est legalement justifie.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
(...)
Sur le second moyen :
15. Le moyen, en toutes ses branches, invoque la violation de l'article90ter du Code d'instruction criminelle.
Quant à la premiere branche :
16. Le moyen, en cette branche, soutient que la premiere ordonnanced'ecoute du 16 mai 2011 ne comporte pas la moindre motivation concrete ;la seule reference à un ecrit anonyme ne constitue pas un indiceconcret ; ainsi, le juge d'instruction a delivre, à tort, l'ordonnanced'ecoute precitee et toutes les ordonnances d'ecoutes subsequentes.
17. L'article 90ter, S:1er, du Code d'instruction criminelle prevoit que,lorsque les necessites de l'instruction l'exigent, le juge d'instructionpeut, à titre exceptionnel, ecouter, prendre connaissance et enregistrer,pendant leur transmission, des communications ou des telecommunicationsprivees, s'il existe des indices serieux que le fait dont il est saisiconstitue une infraction visee par l'une des dispositions enumerees au S:2, et si les autres moyens d'investigation ne suffisent pas à lamanifestation de la verite. En vertu de l'article 90quater, S: 1er, alinea2, 1DEG, du Code d'instruction criminelle, à peine de nullite,l'ordonnance indique les indices ainsi que les faits concrets et propresà la cause qui justifient la mesure conformement à l'article 90ter.
Ces indices et faits peuvent consister en des renseignements anonymesrelatifs à l`infraction à instruire.
L'ordonnance d'ecoute telephonique n'est pas irreguliere ni contraire auxarticles 90ter et 90quater du Code d'instruction criminelle au seul motifqu'elle est la consequence d'informations recueillies par desrenseignements anonymes.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyen,en cette branche, manque en droit.
18. Les juges d'appel ont souverainement constate que :
- un ecrit anonyme fait mention du fait que differentes personnes dontplusieurs sont connues des forces de police et des autorites judiciairesen raison de leur implication dans des faits lies à la drogue, seseraient chargees d'un trafic de drogue à partir de certains immeubles etdepuis un numero de portable utilise par l'un d'entre eux ;
- l'enquete de telephonie retroactive comporte un certain nombre d'indicesqui semblent confirmer les informations fournies par l'ecrit anonyme.
Par ces motifs, les juges d'appel ont decide que l'ordonnance du 16 mai2011 comporte un compte-rendu concret relatif aux elements del'instruction, ainsi que les indices serieux justifiant la mesure. Ainsi,les juges d'appel ont justifie legalement leur decision.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la deuxieme branche :
19. Le moyen, en cette branche, soutient que l'arret decide, à tort, queles ordonnances d'ecoute du 16 mai 2011 et les ordonnances suivantessatisfont au principe de subsidiarite ; la seule mention que d'autresmesures d'instruction ne suffisent pas ne satisfait pas à cetteobligation de motivation particuliere.
20. Le respect de l'obligation de motivation prevue à l'article 90ter, S:1er, et 90quater, S: 1er, alinea 2, 2DEG, du Code d'instruction criminellen'est pas soumis à certains termes legalement prescrits ou formels. Ilpeut ressortir de la combinaison des termes de l'ordonnance autorisantl'ecoute.
21. Les juges d'appel ont decide que :
- le compte-rendu concret des elements de l'instruction, ainsi que lesindices serieux qui ne doivent pas etre des preuves, sont enonces dans lesordonnances d'ecoute ;
- ces elements sont egalement pertinents pour la motivation de lacondition de subsidiarite ;
- il existe de serieux indices qu'un co-prevenu soit implique dans desfaits de trafic de drogue en association pour lequel il est fait usaged'un nombre tres eleve de contacts telephoniques, dont des contacts avecdes utilisateurs aux identites fictives et avec des correspondants, connuspour des faits lies à la drogue, de sorte qu'il est admissible qu'uneecoute telephonique soit requise afin d'identifier les personnessuspectees d'etre membres de l'association et que ces informations nepeuvent etre recueillies par le biais d'une autre mesure d'instruction ;
- il n'est pas requis que d'autres mesures d'instruction soient d'abordtentees ni que soient enoncees les mesures d'instruction concretes qui nepeuvent suffire en l'occurrence.
Par ces motifs, la decision est regulierement motivee et legalementjustifiee.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
(...)
Quant à la cinquieme branche :
26. Le moyen, en cette branche, soutient que l'ordonnance d'ecoute du 16mai 2011 pour le numero 0486/36.91.44 enonce uniquement ce numero dans ledispositif, mais pas dans la motivation, de sorte qu'il est deroge àl'obligation de motivation concrete.
27. L'article 90quater, S: 1er, alinea 2, 3DEG, du Code d'instructioncriminelle requiert, à peine de nullite, que l'ordonnance indiquenotamment le moyen de communication ou de telecommunication soumis à lasurveillance. Aucune disposition legale ne requiert qu'il soit mentionnetant dans la motivation que dans le dispositif de l'ordonnance.
Le moyen, en cette branche, qui est deduit d'une autre premisse juridique,manque en droit.
Quant à la sixieme branche :
28. Le moyen, en cette branche, soutient que l'arret decide, à tort, quel'ordonnance d'ecoute pour le numero 0492/06.62.78 est une ordonnanceinitiale ; le dispositif mentionne qu'il s'agit de « continuerl'ecoute », mais il n'existe pas d'ordonnance d'ecoute originale pour cenumero ; la motivation de l'ordonnance d'ecoute est egalement insuffisanteet defaillante.
29. Par adoption des motifs de l'ordonnance d'ecoute visee, les jugesd'appel ont decide qu'il s'agit d'une ordonnance d'ecoute initiale, bienque l'ordonnance ordonne, à tort, «de continuer l'ecoute ». Ainsiont-ils legalement justifie leur decision.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
30. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, qui critiquel'appreciation souveraine des juges d'appel ou oblige la Cour à procederà un examen des faits pour lequel elle est sans pouvoir, est irrecevable.
Le controle d'office
31. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et que la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le conseiller Luc Van hoogenbemt, faisant fonction depresident, les conseillers Filip Van Volsem, Alain Bloch, Peter Hoet etAntoine Lievens, et prononce en audience publique du dix-sept decembredeux mille treize par le conseiller Luc Van hoogenbemt, en presence del'avocat general Marc Timperman, avec l'assistance du greffier KristelVanden Bossche.
Traduction etablie sous le controle du president de section Frederic Closeet transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le president de section,
17 decembre 2013 P.13.1438.N/1