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06/12/2013 | BELGIQUE | N°C.12.0112.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 décembre 2013, C.12.0112.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

4279



NDEG C.12.0112.F

KEYSOURCE, societe cooperative à responsabilite limitee dont le siegesocial est etabli à Ixelles, avenue de la Couronne, 480,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

COMPUTER FUTURES SOLUTIONS, societe anonyme dont le siege social estetabli à Etterbeek, rond-point Robert Schuman, 11,

defenderesse en cass

ation,

representee par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à...

Cour de cassation de Belgique

Arret

4279

NDEG C.12.0112.F

KEYSOURCE, societe cooperative à responsabilite limitee dont le siegesocial est etabli à Ixelles, avenue de la Couronne, 480,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

COMPUTER FUTURES SOLUTIONS, societe anonyme dont le siege social estetabli à Etterbeek, rond-point Robert Schuman, 11,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 10 octobre 2011par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* article 149 de la Constitution ;

* articles 6, 1131 et 1133 du Code civil ;

* articles 2.1, 3, S: 2, 6, S: 1er, et 20 de l'ordonnance de la Regionde Bruxelles-Capitale du 26 juin 2003 relative à la gestion mixte dumarche de l'emploi dans la Region de Bruxelles-Capitale.

Decisions et motifs critiques

L'arret declare l'appel de la defenderesse recevable et fonde et,reformant le jugement rendu par le premier juge, condamne la demanderesseà payer à la defenderesse les factures faisant l'objet du litige entreles parties jusqu'à concurrence de la somme principale de 12.196,80euros, rejette la demande reconventionnelle de la demanderesse enremboursement des factures qu'elle avait acquittees en execution descontrats litigieux, considerant, à l'encontre de ce que soutenait lademanderesse, que ces contrats n'etaient pas nuls en raison de leurcontrariete à l'ordre public.

L'arret motive cette decision de la maniere suivante :

« Tant le premier juge que la [demanderesse] se meprennent sur lasanction à laquelle doit conduire le defaut d'agrement de la[defenderesse] à l'epoque des faits litigieux.

Du seul fait que la [defenderesse] n'etait, à l'epoque, pas titulaire del'agrement requis par l'ordonnance du 26 juin 2003 et son arreted'execution du 15 avril 2004, il ne decoule pas que les contratslitigieux seraient frappes de nullite absolue, ni que l'action de la[defenderesse] serait des lors irrecevable à defaut d'interet à agir.

En l'espece, l'agrement en cause est un formalisme administratif, dont lenon-respect est sanctionne par des dispositions penales. La nullite, commesanction de l'inobservation d'un tel formalisme administratif, n'estnullement automatique, une incidence sur les contrats n'etant envisageeque tres rarement par les reglementations imposant ce type de formalisme(...).

Il faut constater que la reglementation en cause n'a pas prevu que ledefaut d'agrement aurait une quelconque incidence sur les contrats concluspar une agence depourvue d'agrement.

Certes, la nullite des conventions conclues par une agence non agreeepourrait etre prononcee par le juge s'il apparait que la regle violee oula nature des choses le requierent, en tenant compte de la nature del'infraction et du but de la regle violee.

L'objectif de l'agrement des agences d'emploi privees consiste dans le bonfonctionnement du marche du travail et la protection des travailleurs. Aces fins, la reglementation en cause s'inspire de diverses normes de droiteuropeen.

Il est constant qu'à l'epoque, la [defenderesse] repondait bien auxconditions requises pour obtenir l'agrement ; elle en disposait du resteen Region flamande et en Region wallonne (dont les reglementations, plusanciennes que l'ordonnance bruxelloise, sont largement identiques) etl'obtint egalement en region bruxelloise le 21 novembre 2007.

La conclusion par la [defenderesse] des conventions litigieuses n'a pasentrave l'ordre public ; ce defaut d'agrement n'a par ailleurs aucunementlese les interets de la [demanderesse], qui a beneficie des services de la[defenderesse] malgre le defaut d'agrement de cette derniere à l'epoque.

Il n'y a des lors pas lieu de frapper de nullite les conventions en cause,ni de declarer l'action de la [defenderesse] irrecevable ».

Griefs

Premiere branche

1. L'article 6, S: 1er, de l'ordonnance du 26 juin 2003 visee au moyenprevoit qu' « aucune agence d'emploi privee ne peut exercer desactivites d'emploi dans la Region de Bruxelles-Capitale sans avoir eteprealablement agreee par arrete du gouvernement ».

L'article 2.1, a), de la meme ordonnance definit les activites d'emploicomme etant notamment « tout acte d'intermediation visant à rapprocherl'offre et la demande sur le marche de l'emploi, sans que l'intermediairene devienne partie aux relations de travail susceptibles d'en decouler ».

L'article 20 de la meme ordonnance punit de sanctions penales toutepersonne qui exerce des activites d'emploi en Region de Bruxelles-Capitalesans disposer d'un agrement.

2. Il n'etait pas conteste devant le juge du fond que la defenderesseetait soumise à cette reglementation et qu'au moment de la conclusion desconventions litigieuses elle n'etait pas couverte par l'agrement exige parl'article 6, S: 1er, precite.

Est d'ordre public la loi qui touche aux interets essentiels de l'Etat oude la collectivite ou qui fixe dans le droit prive les bases juridiquessur lesquelles repose l'ordre economique ou moral de la societe (Cass.,

9 decembre 1948, Pas., 1948, I, 699 ; voy, pour d'autres references,

P. Van Ommeslaghe, Les obligations, t. I, 2010, nDEG 216).

En outre on ne peut admettre comme valable une operation faite au moyend'un delit (Cass., 9 juin 1887, Pas., 1887, I, 298). Le fait que lanullite des conventions conclues par une agence d'emploi non agreee nesoit pas expressement prevue par la reglementation applicable ne suffitpas, par consequent, à ecarter cette sanction des lors que l'agrement estexige sous peine de sanctions penales.

3. En l' espece, l'arret ne remet pas en cause le fait que lareglementation en matiere d'agrement des agences d'emploi revet uncaractere d'ordre public.

Il constate au contraire, par les motifs reproduits au moyen :

1. que l'objectif de l'agrement des agences d'emploi consiste àpreserver le bon fonctionnement du marche du travail et la protectiondes travailleurs ;

Cet objectif correspond à la preservation des interets essentiels del'Etat ou de la collectivite ou des bases juridiques sur lesquelles reposel'ordre economique ou moral de la societe et, par consequent, à l'ordrepublic au sens defini par la jurisprudence de la Cour ;

2. que la reglementation applicable aux agences d'emploi est, en ce quiconcerne la necessite d'exercer leur activite sous couvert d'uneagreation, sanctionnee penalement ;

L'existence de telles sanctions confirme le caractere d'ordre public de lareglementation destinee à proteger l'interet general.

4. Il en resulte que, dans l'analyse faite par l'arret meme, l'agrementprealable de l'agence d'emploi pour exercer ses activites constitue uneobligation touchant à l'ordre public.

Des lors, en decidant ensuite que la conclusion des conventionslitigieuses par la defenderesse, sans etre couverte par l'agrement exigepar l'article 6, S: 1er, de l'ordonnance du 26 juin 2003 visee au moyen, « n'a pas entrave l'ordre public » et en refusant, pour ce motif,d'annuler ces conventions, l'arret est entache de contradiction et,partant, sa motivation viole l'article 149 de la Constitution.

Deuxieme branche

La nullite pour violation de l'ordre public est absolue et peut etredemandee par toute personne qui y a interet (De Page, t. I, nDEG 97 ;

P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, 2010, t. II, nDEG 631) .

Tel est notamment le cas du cocontractant (P. Van Ommeslaghe, ibidem) qui,comme la demanderesse, a paye des factures en execution d'un contratcontraire à l'ordre public.

En affirmant que la demanderesse ne pouvait invoquer la nullite desconventions litigieuses au motif que le defaut d'agrement de ladefenderesse n'aurait pas lese ses interets au seul motif que ladefenderesse aurait execute ses obligations, l'arret viole lesdispositions du Code civil visees au moyen.

Troisieme branche

Les dispositions reglementaires visees à la premiere branche interdisentà une agence d'emploi non agreee d'exercer ses activites sur leterritoire de la Region de Bruxelles-Capitale.

Pour les raisons exposees à la deuxieme branche du moyen, cesdispositions sont d'ordre public et entrainent la nullite des conventionsconclues par une agence d'emploi non couverte par l'agrement exige parcette reglementation.

En refusant d'annuler les conventions litigieuses, dont il n'etaitpourtant pas conteste que la defenderesse les avait conclues sans etrecouverte par cet agrement, l'arret viole les dispositions de l'ordonnancede la Region de Bruxelles-Capitale du 26 juin 2003 visees au moyen.

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

L'examen de la contradiction denoncee par le moyen, en cette branche,suppose l'interpretation des dispositions legales dont l'arret faitapplication.

Ce grief, qui n'equivaut pas à une absence de motifs, est, des lors,etranger à l'article 149 de la Constitution.

Le moyen, en cette branche, est irrecevable.

Quant à la troisieme branche :

Ni les dispositions de l'ordonnance de la Region de Bruxelles-Capitale du26 juin 2003 relative à la gestion mixte de l'emploi dans la Region deBruxelles-Capitale dont le moyen, en cette branche, invoque la violationni aucune autre disposition de cette ordonnance ne prevoient que le defautd'agrement prealable d'une agence d'emploi privee entraine la nullite desconventions qu'elle conclut dans l'exercice d'activites d'emploi.

La circonstance que l'exercice d'activites d'emploi sans agrementprealable soit puni de sanctions penales n'implique pas que lesconventions conclues avec une agence d'emploi privee non agreee soientfrappees de nullite absolue.

En considerant que « la nullite des conventions conclues par une agencenon [agreee] pourrait etre prononcee par le juge s'il apparait que laregle violee ou la nature des choses le requierent, en tenant compte de lanature de l'infraction et du but de la regle violee », que « l'objectifde l'agrement des agences d'emploi privees consiste dans le bonfonctionnement du marche du travail et la protection des travailleurs »,qu' « à l'epoque, la [defenderesse] repondait aux conditions pourobtenir l'agrement », qu' « elle en disposait du reste en Regionflamande et en Region wallonne [...] et l'obtint en region bruxelloise »,l'arret justifie legalement sa decision que « la conclusion par [ladefenderesse] des conventions litigieuses n'a pas entrave l'ordrepublic ».

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la deuxieme branche :

La consideration, vainement critiquee par les premiere et troisiemebranches du moyen, que « la conclusion [...] des conventions litigieusesn'a pas entrave l'ordre public » constitue un fondement juridiquedistinct et suffisant de la decision de l'arret qu' « il n'y a pas lieude frapper de nullite les conventions ».

Dirige contre une consideration surabondante, le moyen, en cette branche,est irrecevable à defaut d'interet.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de cinq cent quinze euros nonante-quatrecentimes envers la partie demanderesse et à la somme de deux centvingt-sept euros quatre-vingt-six centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononce enaudience publique du six decembre deux mille treize par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Thierry Werquin, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+-----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+------------+----------------|
| M. Lemal | D. Batsele | Chr. Storck |
+-----------------------------------------------+

6 DECEMBRE 2013 C.12.0112.F/9


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0112.F
Date de la décision : 06/12/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-12-06;c.12.0112.f ?
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