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29/11/2013 | BELGIQUE | N°C.12.0540.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 novembre 2013, C.12.0540.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1826



NDEG C.12.0540.F

ASSOCIATION HOSPITALIERE D'ANDERLECHT, SAINT-GILLES, ETTERBEEK ET IXELLES- HOPITAUX IRIS SUD - H.I.S., association sans but lucratif dont le siegeest etabli à Etterbeek, avenue d'Auderghem, 113-117,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

1. G. D.,

2. J.-P. L.,

3. C. L.,

4. A.-M. l.,
>5. M. L.,

defendeurs en cassation.

NDEG C.12.0544.F

ASSOCIATION HOSPITALIERE ETTERBEEK-IXELLES, dont le siege est etabli àIx...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1826

NDEG C.12.0540.F

ASSOCIATION HOSPITALIERE D'ANDERLECHT, SAINT-GILLES, ETTERBEEK ET IXELLES- HOPITAUX IRIS SUD - H.I.S., association sans but lucratif dont le siegeest etabli à Etterbeek, avenue d'Auderghem, 113-117,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

1. G. D.,

2. J.-P. L.,

3. C. L.,

4. A.-M. l.,

5. M. L.,

defendeurs en cassation.

NDEG C.12.0544.F

ASSOCIATION HOSPITALIERE ETTERBEEK-IXELLES, dont le siege est etabli àIxelles, rue Jean Paquot, 63,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

1. G. D.,

2. J.-P. L.,

3. C. L.,

4. A.-M. L.,

5. M. L.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile, et, s'agissant du cinquieme, par MaitreFranc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet estetabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il est fait election dedomicile.

I. La procedure devant la Cour

Les pourvois en cassation sont diriges contre les arrets rendus les

25 fevrier et 18 novembre 2011 par la cour d'appel de Bruxelles.

Par un acte depose au greffe de la Cour le 13 novembre 2012, lademanderesse se desiste du pourvoi inscrit au role general sous le numeroC.12.0540.F.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

A l'appui du pourvoi inscrit au role general sous le numero C.12.0544.F,la demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* articles 1235, 1315, 1319, 1320, 1322, 2220 et 2221 du Code civil ;

* article 870 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

1. L'arret attaque du 25 fevrier 2011 constate que la creance de lademanderesse est prescrite en application de l'article 2277bis du Codecivil depuis le 22 decembre 1996, ensuite rouvre les debats « quant à larenonciation alleguee à cette prescription » et, « d'une manieregenerale plus avant », invite enfin les parties à repondre aux questionssuivantes :

* « Les menaces - supposees reelles - de `vente judiciaire' del'immeuble ne sont-elles pas susceptibles d'avoir justifie les actesposes par les notaires et avocats des parties ?

* Dans l'affirmative, comment apprehendent-elles les actes poses en leurnom au regard de l'article 1235, alinea 2, du Code civil ;qu'entend-on, notamment, par paiement volontaire ou promessevolontaire de payer ? ».

2. Cette decision est fondee sur les motifs qui suivent :

« 7. Depuis le mois d'avril 1999, les parties s'accordent pour considererque la creance de [la demanderesse] est soumise à la prescription del'article 2277bis du Code civil.

En application de cette disposition, l'action de [la demanderesse] etaitprescrite le 22 decembre 1996.

8. [La demanderesse] soutient qu'il a ete renonce au benefice de cetteprescription liberatoire. Elle doit en apporter la preuve, etant entenduqu'aucune renonciation à la prescription n'a pu etre valablement faiteavant qu'elle ne soit acquise (article 2220 du Code civil ),c'est-à-dire, en l'espece, avant le 22 decembre 1996, et que larenonciation peut etre tacite, pourvu qu'elle resulte d'un fait quisuppose l'abandon du droit acquis (article 2221 du meme code),c'est-à-dire d'un fait certain d'abandon, non susceptible d'une autreinterpretation.

Cette preuve peut etre rapportee par toutes voies de droit, des lorsqu'elle porte sur un fait.

9. Il ne fait pas de doute, au regard des courriers produits, que lesheritiers de madame C. etaient assistes, depuis 1997, de conseils, en lespersonnes de Maitre B., d'une part, et de Maitre P. P., d'autre part.

[Le cinquieme defendeur], administrateur provisoire des biens de sagrand-mere depuis le 16 octobre 1992, avait par ailleurs consulte lenotaire J. pour liquider la succession, tandis que les autres heritierschargerent le notaire R. et le notaire B. de les representer dans le cadrede cette liquidation. Le notaire J. percevait les loyers de l'immeubledependant de la succession pour le compte de celle-ci.

Selon la declaration de succession, madame C. ne possedait que 5/8e del'immeuble, le surplus etant la propriete [du premier defendeur]. Le sortde cet actif successoral sera scelle au cours des operations deliquidation, en ce sens que [le premier defendeur] racheterait, de gre àgre, les parts de ses coheritiers dans celui-ci.

Il ressort encore de la correspondance produite que, le 28 mars 1997, leconseil de [la demanderesse] menac,a le notaire J., avec lequel il etaiten contact depuis le 25 octobre 1996, de proceder, `dans les prochainsjours', à `la vente judiciaire du bien' precite à defaut pour lui defaire parvenir le decompte des sommes qu'il avait perc,ues des locatairesde la defunte et de verser ces sommes sur son compte.

Se prevalant de l'accord expres des conseils des [defendeurs] pourl'execution des ces paiements, Maitre S. reitera sa menace - ainsi qu'auxnotaires R. et B. - de `mise en route de la procedure de vente judiciaireforcee de l'immeuble sis à Wavre' dans une lettre du 20 novembre 1997.

Des le 21 novembre 1997, le notaire B. ecrivit au notaire J. dans lestermes suivants : `J'apprends par Maitre S. (...) que vous n'avez toujourspas effectue de versement au profit de sa cliente (...). Comme je vousl'ai indique precedemment, j'ai rec,u des instructions formelles de MaitreB., conseil de tous les [defendeurs], d'effectuer un paiement au profit [de la demanderesse]. Comme vous avez pu le lire vous-meme, Maitre S.menace de reprendre la procedure de saisie immobiliere. Si malheureusementune saisie devait se realiser, je crains que les [defendeurs] vousimputent la responsabilite des dommages qu'ils subiraient'. (...)

Le notaire J. indiquera à Maitre S., par telecopie du meme jour, qu'ileffectuait immediatement un versement de 300.000 francs `à valoir sur lacreance [de la demanderesse]'.

Le 22 janvier 1998, le meme notaire attira l'attention de toutes lesparties sur le fait qu' `il est evident que le probleme primordial decette affaire est le versement integral [à la demanderesse] du solde quilui est du, à defaut de quoi nous ne sommes pas à l'abri d'une venteforcee de l'immeuble'.

Il rec,ut ensuite l'accord du notaire B. pour poursuivre les paiements aumoyen du disponible du produit des loyers et pour cantonner `la soulte dela sortie d'indivision apres paiement du solde en principal des facturesde [la demanderesse]'. Le notaire J. ecrira egalement à Maitre B., lememe 19 fevrier 1999, en lui faisant part, une fois encore, que tantlui-meme que ses confreres avaient annonce à Maitre S. que sa clienteserait remboursee à l'aide du prix de vente de l'immeuble, `raison pourlaquelle il n'a pas lance à charge de la succession la procedure desaisie-execution immobiliere à laquelle il pouvait proceder'.

Aucun accord n'a pu intervenir quant au paiement des interets reclames par[la demanderesse], les [quatre premiers defendeurs] estimant qu'ilsincombaient [au cinquieme defendeur] exclusivement.

Le 9 mars 2000, le notaire J. ecrivit dans ces termes à Maitre D.,nouveau conseil des [quatre premiers defendeurs] : `Vous perdez notammentde vue que ce creancier s'est manifeste au debut de l'annee 1996 dejà ;s'il n'a pas provoque d'emblee la vente publique de l'immeuble sursaisie-execution immobiliere, c'est uniquement parce que nous l'avonsrassure quant à la recuperation de sa creance en arguant du fait qu'unaccord se degagerait entre les heritiers quant à la vente de l'immeubledans les meilleures conditions et qu'il serait paye par prelevement sur leprix de vente. Comment des lors pouvoir pretendre que mes confreres etmoi-meme ne serions pas engages vis-à-vis de ce creancier ? J'en veuxpour preuve le courrier du 16 mars 1996 dont copie ci-jointe de monconfrere B. qui, le premier, a ete contacte par la « Caisse EuroEncaissement » chargee de recouvrer la creance et l'a fait patienter enattendant la vente du bien. J'ai fait de meme par la suite lorsque MaitreS. m'a contacte et je suis parvenu à le faire patienter pour eviter lasaisie-execution immobiliere et ce, pendant de longs mois (et annees)pendant lesquels les heritiers ont tergiverse quant à la mise en vente dubien et sa reprise ou non par l'un d'entre eux. Tous les courriersechanges ont ete transmis à mes confreres et aux conseils des clients'.

Les actes poses par les mandataires des [defendeurs], dans lescirconstances de fait precitees, engagent les [defendeurs] vis-à-vis de[la demanderesse], sinon par l'effet des regles qui regissent le mandat,à tout le moins par l'effet d'un mandat apparent.

La bonne foi de [la demanderesse] ne peut, à cet egard, etre mise encause des lors qu'elle rec,ut des informations concordantes de plusieursprofessionnels du droit, dont il n'est pas conteste qu'ils assistaienteffectivement les [defendeurs] ».

3. L'arret attaque du 25 fevrier 2011 en deduit que :

« 11. Il n'en resulte toutefois pas necessairement que les [defendeurs]auraient renonce à se prevaloir de la prescription extinctive quiaffectait l'action de [la demanderesse] (cf. ci-dessus, article 2221 duCode civil) ».

4. Apres reouverture des debats, l'arret attaque du 18 novembre 2011decide que la preuve d'une renonciation à la prescription, dont il estimequ'elle incombe à la demanderesse, n'est pas rapportee en l'espece.

Par consequent, cet arret :

- dit l'appel principal et l'appel incident forme par le cinquiemedefendeur seuls fondes ;

- met à neant le jugement dont appel, sauf en tant qu'il dit les demandesreconventionnelles originaires recevables et en tant qu'il liquide lesdepens ;

- dit la demande originaire de la demanderesse prescrite et la ditrecevable mais non fondee, en tant qu'elle se fonde sur une obligationnaturelle transformee en une obligation civile ;

- dit les demandes reconventionnelles fondees et, en consequence, condamnela demanderesse à rembourser :

- au premier defendeur, 3.718,40 euros,

- au deuxieme defendeur, 619,73 euros,

- à la troisieme defenderesse, 619,73 euros,

- à la quatrieme defenderesse, 619,73 euros,

- au cinquieme defendeur, 1.859,20 euros,

majores des interets moratoires depuis le 21 novembre 1997 jusqu'auparfait paiement.

Enfin, cet arret condamne la demanderesse aux depens des deux instances,liquides en degre d'appel à 2.000 euros + 182 euros pour les premier àquatrieme defendeurs et à 2.200 euros pour le cinquieme defendeur.

5. Cette decision repose sur les motifs suivants :

« 2. La cour [d'appel] a rappele, dans son arret interlocutoire, qu'ilappartenait à [la demanderesse] d'apporter la preuve de la renonciation,par les [defendeurs] ou [leurs] mandataires, à la prescription extinctivequi affecte sa creance, etant entendu que cette renonciation peut etretacite, pourvu qu'elle `resulte d'un fait qui suppose l'abandon du droitacquis' (article 2221 du Code civil), c'est-à-dire d'un fait certain, nonsusceptible d'une autre interpretation.

Il s'ensuit qu'aucune renonciation tacite à une prescription ne peut etrededuite d'un fait qui pourrait aussi s'expliquer par une negligence ou parune omission.

3. La preuve qui incombe à [la demanderesse] n'est pas rapportee enl'espece.

En effet, les courriers reproduits par la cour [d'appel] dans son arretinterlocutoire montrent que tant les promesses de paiement que le paiementpartiel des frais d'hospitalisation faits par les professionnels quiassistaient les [defendeurs] l'ont ete sous la menace ou, à tout lemoins, dans la crainte, supposee reelle, d'une vente forcee imminente del'immeuble dependant de la succession.

S'il est vrai que cette menace ou cette crainte etait vaine, des lors que[la demanderesse] ne disposait d'aucun titre l'autorisant à provoquercette vente, il n'en demeure pas moins que rien, dans ces courriers oudans les pieces deposees, ne permet de penser que les mandataires des[defendeurs] auraient ainsi pose des actes qui ne pouvaient s'interpreterque comme une renonciation à la prescription acquise au nom de leursclients respectifs.

La circonstance que ce comportement procederait d'une erreur inexcusabledans leur chef ne modifie pas l'analyse.

Il suit de ces considerations que [les defendeurs] sont fondes à opposerla prescription extinctive à l'action originaire de [la demanderesse].

4. [La demanderesse] soutient, dans cette hypothese, que le paiement de300.000 francs et les promesses de payer le solde de la dette prescriteont transforme la dette prescrite en une obligation naturelle, de sorteque les heritiers ne pourraient pas repeter ce qui a ete paye et qu'elleserait en droit d'exiger d'eux l'execution forcee de leur promesse depayer le solde.

L'obligation à l'egard de laquelle le droit d'action du creancier estprescrit est, en effet, une obligation naturelle (Cass., 6 mars 2006,Pas., 2006, I, 528 ; Cass., 24 septembre 1981, Pas., 1982, I, 152). Cettemutation par la seule volonte du debiteur constitue une manifestation dela volonte unilaterale comme source d'obligations.

Elle doit, par consequent, etre claire et non equivoque et la repetitionde ce qui a ete paye doit etre admise si le paiement est involontaire, parexemple s'il a ete execute sous la pression de lettres de menaces (Cass.,

24 septembre 1981, precite).

La regle est identique en ce qui concerne la promesse de payer une detteprescrite, dont il est admis qu'elle opere egalement sa mutation enobligation civile.

En l'espece, il ne peut etre soutenu que le paiement partiel effectue parle notaire J., meme sans aucune reserve, l'aurait ete `volontairement' ausens de [l'article 1235, alinea 2, du Code civil]. Il suffit, pour s'enconvaincre de se reporter aux termes de la lettre de Maitre S. du 20novembre 2007 [lire : 1997] et à ceux de la lettre subsequente du notaireB. au notaire J. du 21 novembre 1997, qui ont provoque une reaction`immediate' de la part de ce dernier (cf. sa telecopie de meme jour).

Il ne resulte pas davantage des pieces produites que les promessessuccessives d'execution du solde de la dette prescrite, qui ont ete faitesdans le meme contexte que le paiement partiel precite (cf. notamment, lalettre du notaire J. du 22 janvier 1998 à toutes les parties), auraientprocede d'une volonte claire, distincte, de reconnaitre une obligationnaturelle, ni a fortiori d'une volonte de s'engager librement àl'executer.

Les ecrits judiciaires deposes le 22 septembre 1998 devant le tribunalsaisi d'une action en reddition de compte dirigee contre [le cinquiemedefendeur] ne sont pas de nature à contredire cette analyse.

Enfin, le moyen tire de la lettre du conseil des quatre [premiersdefendeurs] du 11 juin 1999 (`Seuls les montants qui vous ont ete payespeuvent donc etre consideres comme acquis et echappant à laprescription'), n'est pas davantage pertinent, des lors que cetteconsideration s'inscrit, comme l'indique expressement l'auteur duditcourrier, dans le cadre `d'une proposition officielle de la part de sesclients', dont il est constant qu'elle n'a pas ete acceptee par [lademanderesse] ».

Griefs

Premiere branche

1. L'article 2220 du Code civil prevoit que le debiteur d'une obligation ala faculte de renoncer à la prescription acquise.

En vertu de l'article 2221 du meme code, cette renonciation ne doit pasnecessairement etre expresse mais peut egalement etre tacite et resulterd'un fait qui suppose l'abandon du droit acquis.

La renonciation est un acte juridique unilateral. Elle ne doit des lorspas etre acceptee pour etre valable et pour produire ses effets.

2. Par les motifs precites, la cour d'appel a decide que la preuve d'unerenonciation à la prescription n'est pas rapportee en l'espece.

En particulier, tout en constatant que, dans sa lettre du 11 juin 1999, leconseil des premier à quatrieme defendeurs avait expressement admis que« seuls les montants qui vous ont ete payes peuvent donc etre considerescomme acquis et echappant à la prescription », la cour d'appel aneanmoins considere que le moyen tire de cette lettre n'est pas pertinentpour la seule raison que cette consideration « s'inscrit dans le cadred'une proposition officielle de la part [des premier à quatriemedefendeurs] `dont il est constant qu'elle n'a pas ete acceptee par [lademanderesse]' ».

3. En consequence, en privant d'effet juridique la renonciation expresseà la prescription faite par les premier à quatrieme defendeurs, au seulmotif que cette renonciation n'aurait pas ete acceptee par lademanderesse, l'arret attaque du 18 novembre 2011 n'est pas legalementjustifie au regard des articles 2220 et 2221 du Code civil, car il ajouteà ces dispositions une condition qu'elles ne contiennent pas.

Deuxieme branche

1. Il est constant qu'aux termes des articles 1315 du Code civil et 870 duCode judiciaire, il appartient au demandeur d'apporter la preuve deselements qu'il allegue et, à defaut, de succomber en assumant le risquede la preuve non faite.

En vertu de l'article 1315, alinea 2, du Code civil, celui qui se pretendlibere doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction deson obligation.

Il en decoule que, lorsque le creancier a prouve l'existence de sacreance, il incombe au debiteur de faire la preuve du fait qui a entrainel'extinction de son obligation.

2. Par les motifs precites, apres avoir admis que feu madame C. et,ensuite, ses heritiers etaient debiteurs de la demanderesse et, parconsequent, qu'il existait pour les defendeurs une obligation de paiementdes frais hospitaliers, l'arret attaque du 25 fevrier 2011 met neanmoinsà charge de la demanderesse la preuve de l'extinction de cette obligationde paiement par la survenance d'une prescription à laquelle il n'auraitpas ete renonce.

En particulier, la cour d'appel a releve que « [la demanderesse] soutientqu'il a ete renonce au benefice de cette prescription liberatoire. Elledoit en apporter la preuve ».

La cour d'appel a reitere cette position dans l'arret attaque du 18novembre 2011, en ces termes :

« La cour [d'appel] a rappele, dans son arret interlocutoire, qu'ilappartenait à [la demanderesse] d'apporter la preuve de la renonciation,par les [defendeurs] ou [leurs] mandataires, à la prescription extinctivequi affecte sa creance [...].

La preuve qui incombe à [la demanderesse] n'est pas rapportee enl'espece ».

3. En consequence, en mettant la preuve de l'extinction de l'obligation depaiement des defendeurs à la charge de la demanderesse, alors que cettepreuve incombait aux defendeurs, les arrets attaques meconnaissent laportee des regles regissant la charge de la preuve (violation des articles1315 du Code civil, specialement alinea 2, et 870 du Code judiciaire).

Troisieme branche

1. En vertu de l'article 1235, alinea 2, du Code civil, la repetitionn'est pas admise à l'egard des obligations naturelles qui ont etevolontairement acquittees.

La prescription extinctive n'affecte pas l'existence de la dette maisseulement son exigibilite. L'obligation pour laquelle le droit d'agir ducreancier est eteint par prescription subsiste comme obligation naturelle.

Le paiement volontaire d'une dette prescrite ne peut donc etre repete parle solvens.

L'obligation naturelle se transpose en fait en une obligation de droitcivil par l'execution à laquelle procede volontairement le debiteur oupar la promesse de cette execution en connaissance de cause, ce quiimplique la connaissance du fait que le delai de prescription etait dejàecoule.

Le debiteur, qui a promis d'executer l'obligation naturelle à laquelle ilest soumis, peut etre traduit en justice pour l'execution de sonobligation naturelle mue en obligation de droit civil par la promesse.

Pour qu'une obligation naturelle se transpose des lors en obligationcivile dont l'execution peut etre poursuivie en justice, il suffit quel'acquittement de cette obligation ou l'engagement d'un tel acquittementintervienne volontairement et en connaissance de cause en ce qui concernela prescription.

2. Par les motifs precites, la cour d'appel a constate que :

* les defendeurs en tant qu'heritiers de madame C. sont les debiteursprincipaux de la demanderesse ;

* les defendeurs avaient connaissance du fait que le delai deprescription etait dejà ecoule ;

* les defendeurs, par l'intermediaire du notaire-liquidateur, ontprocede à l'execution partielle de l'obligation, sans reserve, endate du

21 novembre 1997, quand un montant de 300.000 francs « à valoir sur lacreance de la demanderesse » a ete verse à cette derniere par le notaireJ. En particulier, l'arret attaque du 25 fevrier 2011 admet que « lenotaire J. indiquera à Maitre S., par telecopie du [21 novembre 1997],qu'il effectuait immediatement un versement de 300.000 francs `à valoirsur la creance [de la demanderesse]' » et l'arret attaque du 18 novembre2011 admet « le paiement partiel effectue par le notaire J., meme sansaucune reserve » ;

* les defendeurs, par l'intermediaire de leurs mandataires, se sontengages à payer les sommes dues à la demanderesse et il y a donc eudes promesses expresses d'execution de l'obligation de paiement ; enparticulier l'arret attaque du 25 fevrier 2011 admet que « le 9 mars2000, le notaire J. ecrivit dans ces termes à Maitre D., nouveauconseil des [premier à quatrieme defendeurs] : `Vous perdez notammentde vue que ce creancier s'est manifeste au debut de l'annee 1996dejà ; [...] nous l'avons rassure quant à la recuperation de sacreance en arguant du fait qu'un accord se degagerait entre lesheritiers quant à la vente de l'immeuble dans les meilleuresconditions et qu'il serait paye par prelevement sur le prix de vente.Comment des lors pouvoir pretendre que mes confreres et moi-meme neserions pas engages vis-à-vis de ce creancier ?'», que, « des le 21novembre 1997, le notaire B. ecrivit au notaire J., dans les termessuivant : `Comme je vous l'ai indique precedemment, j'ai rec,u desinstructions formelles de Maitre B., conseil de tous les [defendeurs],d'effectuer un paiement au profit du centre hospitalier' », que« [le notaire J.] rec,ut ensuite l'accord du notaire B. pourpoursuivre les paiements au moyen du disponible du produit des loyerset pour cantonner `la soulte de la sortie d'indivision apres paiementdu solde en principal des factures de [la demanderesse]' (cf. satelecopie du 13 janvier 1999 et la lettre du notaire J. à Maitre S.du 19 fevrier 1999). Le notaire J. ecrira egalement à Maitre B., lememe 19 fevrier 1999, en lui faisant part, une fois encore, que tantlui-meme que ses confreres avaient annonce à Maitre S. que sa clienteserait remboursee à l'aide du prix de vente de l'immeuble » et des« promesses de paiement ».

De la sorte, la cour d'appel a constate que sont reunies toutes lesconditions pour que l'obligation naturelle prescrite des defendeurs sesoit mue en une obligation civile.

Les arrets attaques n'en deduisent toutefois pas que les defendeurs s'entrouvaient prives du droit de repeter le montant dejà paye et que lademanderesse avait le droit d'exiger des defendeurs l'execution forcee deleur promesse de payer le solde. Ils exigent, au contraire, l'existenced'« une volonte claire, distincte de reconnaitre une obligationnaturelle » ou « une volonte de s'engager librement à l'executer ».

3. En consequence, en exigeant que les promesses successives d'executiondu solde de la dette prescrite par les defendeurs procedent d'une« volonte claire, distincte, de reconnaitre une obligation naturelle »ou « d'une volonte de s'engager librement à l'executer », alors que,pour que l'acquittement d'une obligation ne puisse etre repete, il suffitqu'il procede d'une volonte simple, en connaissance du fait que la detteest prescrite, les arrets attaques meconnaissent la portee de l'article1235, specialement alinea 2, du Code civil, en ajoutant à cettedisposition une condition qu'elle ne contient pas.

Quatrieme branche

1. Il est constant que viole la foi due à un ecrit, le juge qui decidequ'il ne contient pas une affirmation qui pourtant y figure.

2. Interpretant les ecrits qui etaient soumis [à la cour d'appel], lesarrets attaques procedent aux constatations relevees par la troisiemebranche du moyen, tenues ici pour integralement reproduites.

En deniant, sur la base des elements qu'ils citent, que la lettre du

9 mars 2000 du notaire J., la lettre du 21 novembre 1997 du notaire B., latelecopie du 19 janvier 1999 du notaire B. et les lettres du

19 janvier 1999 du notaire J. fussent l'expression d'une « volonteclaire, distincte, de reconnaitre une obligation naturelle » ou « d'unevolonte de s'engager librement à l'executer », les arrets attaquesviolent la foi due à ces ecrits.

3. En consequence, les arrets attaques ne sont pas legalement justifies auregard des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil (violation de cesdispositions legales).

III. La decision de la Cour

Sur la jonction des pourvois :

Les pourvois sont diriges contre les memes arrets. Il y a lieu de lesjoindre.

Sur la recevabilite des memoires en reponse du cinquieme defendeur :

La partie defenderesse doit faire valoir en meme temps, dans un uniquememoire, toutes les considerations qu'elle entend developper en reponse aupourvoi.

Des lors que le cinquieme defendeur a depose un memoire en reponse augreffe de la Cour le 8 fevrier 2013, la Cour ne peut avoir egard aumemoire en reponse depose audit greffe le 13 novembre 2013 dans la mesureou il concerne ce defendeur.

Sur le pourvoi inscrit au role general sous le numero C.12.0540.F :

Il y a lieu de decreter le desistement du pourvoi.

Sur le pourvoi inscrit au role general sous le numero C.12.0544.F :

Sur le moyen :

Quant à la premiere branche :

Contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, par lesenonciations qu'il critique, l'arret attaque du 18 novembre 2011 ne seprononce pas sur la renonciation à la prescription par les quatrepremiers defendeurs mais sur l'existence d'une volonte de ceux-ci de« reconnaitre une obligation naturelle » et de « s'engager librement àl'executer ».

Procedant d'une interpretation inexacte de cet arret, le moyen, en cettebranche, manque en fait.

Quant à la deuxieme branche :

L'article 1315, alinea 2, du Code civil dispose que celui qui se pretendlibere doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction deson obligation.

En vertu de l'article 2219 de ce code, la prescription est un moyen de seliberer par un certain laps de temps et sous les conditions determineespar la loi.

Aux termes de l'article 2221 du meme code, la renonciation à laprescription est expresse ou tacite ; la renonciation tacite resulte d'unfait qui suppose l'abandon du droit acquis.

Conformement à l'article 870 du Code judiciaire, la charge de la preuveque le debiteur a renonce au benefice de la prescription incombe aucreancier qui se prevaut de cette renonciation.

L'arret attaque du 25 fevrier 2011 considere, sans etre critique, qu'« en application de [l'article 2277bis du Code civil], l'action de [lademanderesse] etait prescrite le 22 decembre 1996 ».

Les arrets attaques, qui considerent qu'il appartient à la demanderesse,qui « soutient qu'il a ete renonce au benefice de cette prescriptionliberatoire », d'en apporter la preuve et, par une appreciation en fait,que cette preuve n'est pas rapportee, ne violent pas les dispositionslegales visees au moyen, en cette branche.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la troisieme branche :

En vertu de l'article 1235, alinea 2, du Code civil, la repetition n'estpas admise à l'egard des obligations naturelles, lorsque ces obligationsont ete volontairement acquittees, mais l'est lorsque ces obligationsn'ont pas ete volontairement acquittees.

L'obligation par rapport à laquelle le droit d'agir du creancier esteteint par prescription constitue une obligation naturelle.

L'obligation naturelle se mue en obligation civile lorsque, volontairementet en pleine connaissance de cause, soit elle a ete executee par sondebiteur, soit elle est reconnue par celui-ci.

Il s'ensuit que, lorsque le paiement de la dette prescrite par le debiteuret la reconnaissance de l'obligation naturelle par celui-ci ont eteeffectuees sous l'effet de la contrainte, d'une part, ce paiement donneouverture à un droit à remboursement, et, d'autre part, l'engagementd'executer l'obligation naturelle ne lie pas ce debiteur.

L'arret attaque du 18 novembre 2011 constate que la demanderesse« soutient [...] que le paiement de 300.000 francs et les promesses depayer le solde de la dette prescrite ont transforme la dette prescrite enobligation naturelle, de sorte que les heritiers ne pourraient pas repeterce qui a ete paye et qu'elle serait en droit d'exiger d'eux l'executionforcee de leur promesse de payer le solde ».

Cet arret considere que « l'obligation à l'egard de laquelle le droitd'action du creancier est prescrit est [...] une obligation naturelle »,que « cette mutation par la seule volonte du debiteur constitue unemanifestation unilaterale, comme source d'obligations », qu' « elledoit, par consequent, etre claire et non equivoque, [que] la repetition dece qui a ete paye doit etre admise si le paiement est involontaire, parexemple s'il a ete execute sous la pression de lettres de menaces », etque « la regle est identique en ce qui concerne la promesse de payer unedette prescrite ».

L'arret attaque du 25 fevrier 2011 releve que, « le 28 mars 1997, leconseil de [la demanderesse] menac,a le notaire J. [...] de proceder `dansles prochains jours' à `la vente judiciaire du bien' [...] à defaut pourlui [...] de verser [les] sommes [perc,ues des locataires de la defunte]sur son compte », que, « se prevalant de l'accord expres des conseilsdes heritiers pour l'execution de ces paiements, [il] reitera sa menace[...] dans une lettre du

20 novembre 1997 », que, « des le 21 novembre 1997, le notaire B.ecrivit au notaire J. dans les termes suivants : `J'apprends par Maitre S.[...] que vous n'avez toujours pas effectue de versement au profit de sacliente [...]. Comme je vous l'ai indique precedemment, j'ai rec,u desinstructions formelles de Maitre B., conseil [des defendeurs], d'effectuerun paiement au profit [de la demanderesse]. Comme vous avez pu le lirevous-meme, Maitre S. menace de reprendre la procedure de saisieimmobiliere. Si malheureusement une saisie devait se realiser, je crainsque les [defendeurs] vous imputent la responsabilite des dommages qu'ilssubiraient' », que « le notaire J. indiquera à Maitre S., par telecopiedu meme jour, qu'il effectuait immediatement un versement de 300.000francs `à valoir sur la creance [de la demanderesse]' » et que, « le 22janvier 1998, le meme notaire attira l'attention de toutes les parties surle fait qu'`il est evident que le probleme primordial de cette affaire estle versement integral [à la demanderesse] du solde qui lui est du, àdefaut de quoi nous ne sommes pas à l'abri d'une vente forcee del'immeuble' ».

Cet arret considere, sur la base d'une appreciation qui git en fait, que« les courriers reproduits par la cour d'appel dans son arretinterlocutoire montrent que tant les promesses de paiement que le paiementpartiel des frais d'hospitalisation faits par les professionnels quiassistaient les heritiers l'ont ete sous la menace ou, à tout le moins,dans la crainte, supposee reelle, d'une vente forcee imminente del'immeuble dependant de la succession ».

L'arret attaque du 18 novembre 2011, qui ne constate pas que sont reuniestoutes les conditions pour que l'obligation naturelle prescrite desdefendeurs se soit muee en obligation civile, deduit legalement de cesenonciations qu' « il ne peut etre soutenu que le paiement partieleffectue par le notaire J., meme sans aucune reserve, l'aurait ete`volontairement' au sens de [l'article 1235, alinea 2, du Code civil] »et, sans ajouter à cette disposition une condition qu'elle ne contientpas, qu' « il ne resulte pas [...] des pieces produites que les promessessuccessives d'execution du solde de la dette prescrite, qui ont ete faitesdans le meme contexte que le paiement partiel precite [...], auraientprocede d'une volonte claire, distincte, de reconnaitre une obligationnaturelle, ni a fortiori d'une volonte de s'engager librement àl'executer ».

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la quatrieme branche :

Le moyen, en cette branche, fait grief à l'arret attaque du 18 novembre2011 de violer la foi due aux termes des lettres du 9 mars 2000 et du 19janvier 1999 (lire : 19 fevrier 1999) du notaire J., du 21 novembre 1997du notaire B., de la telecopie du 19 janvier 1999 (lire : 13 janvier 1999)du meme notaire, tels qu'ils ont ete reproduits dans l'arret du 25 fevrier2011.

En considerant qu' « il ne resulte pas [...] des pieces produites que lespromesses successives d'execution du solde de la dette prescrite [...]auraient procede d'une volonte claire, distincte, de reconnaitre uneobligation naturelle, ni a fortiori d'une volonte de s'engager librementà l'executer », l'arret attaque du 18 novembre 2011 ne donne pas de cespieces une interpretation inconciliable avec leurs termes, partant, neviole pas la foi qui leur est due.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Joint les pourvois inscrits au role general sous les numeros C.12.0540.Fet C.12.0544.F ;

Decrete le desistement du pourvoi inscrit au role general sous le numeroC.12.0540.F ;

Rejette le pourvoi inscrit au role general sous le numero C.12.0544.F ;

Condamne les demanderesses aux depens de leurs pourvois respectifs.

Les depens taxes, dans la cause C.12.0540.F, à la somme de mille deuxcent cinquante-quatre euros neuf centimes envers la partie demanderesseet, dans la cause C.12.0544.F, à la somme de mille deux centquatre-vingts euros nonante-sept centimes envers la partie demanderesse,à la somme de deux cent trente-trois euros six centimes envers les cinqparties defenderesses et egalement, s'agissant de la cinquieme partiedefenderesse, à la somme de cent septante-quatre euros vingt-neufcentimes en debet envers celle-ci.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Martine Regout,Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononce enaudience publique du vingt-neuf novembre deux mille treize par lepresident Christian Storck, en presence de l'avocat general ThierryWerquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+-----------+----------------|
| M. Lemal | M. Regout | Chr. Storck |
+----------------------------------------------+

29 NOVEMBRE 2013 C.12.0540.F/22

C.12.0544.F


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0540.F
Date de la décision : 29/11/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-11-29;c.12.0540.f ?
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