Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.13.1765.N
LE PROCUREUR GENERAL,
* demandeur,
* * contre
N. J. E.,
personne faisant l'objet d'un mandat d'arret europeen, detenu,
defenderesse,
Me Paul Bekaert, avocat au barreau de Bruges.
I. la procedure devant la Cour
IV. Le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 31 octobre 2013 par lacour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
V. Le demandeur fait valoir un moyen dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
VI. Le conseiller Peter Hoet a fait rapport.
VII. Le premier avocat general Patrick Duinslaeger a conclu.
II. la decision de la Cour
Sur le moyen :
1. Le moyen invoque la violation de l'article 4, 5DEG, de la loi du 19decembre 2003 relative au mandat d'arret europeen : l'arret decide, en sereferant aux rapports du Comite europeen pour la prevention de la tortureet des peines ou traitements inhumains ou degradants (CPT) du Conseil del'Europe de 2011, qu'il y a in casu de raisons serieuses de croire quel'execution des mandats d'arret europeens aurait pour effet de porteratteinte aux droits fondamentaux de la defenderesse, tels qu'ils sontconsacres par l'article 6 du Traite sur l'Union europeenne, des lors quedes inculpes du chef de faits punissables, pour des motifs pretendumentterroristes, doivent subir en Espagne un autre regime privatif de libertedans des conditions degradantes pouvant s'accompagner de tortures et avecun contact tres limite avec le monde exterieur (famille, avocat etassistance), comme il en existe des indices ; le refus d'extradition doitetre justifie par des elements circonstancies demontrant un dangermanifeste pour les droits de la personne concernee, du point de vue durespect de la garantie juridique au sens de l'article 6 de la Conventionde sauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales ; faireuniquement reference à des rapports generaux d'organisationsinternationales ne suffit pas ; il existe une presomption que l'Etatd'emission respecte les droits de l'homme, de sorte qu'il doit y avoir deserieuses raisons de craindre un danger manifeste pour les droits del'homme pouvant renverser la presomption que l'Etat d'emission respecteles droits de l'homme ; eu egard au principe de confiance mutuelle entreles Etats membres, le refus d'extradition en raison de la violation desdroits fondamentaux de la personne concernee doit etre justifie par deselements circonstancies demontrant un danger manifeste pour ses droits etpouvant renverser la presomption du respect des droits fondamentaux ;l'arret n'est pas legalement justifie des lors qu'il ne fournit aucunelement concret permettant de motiver le fait que l'execution des mandatsd'arret europeens aurait pour effet de porter atteinte aux droitsfondamentaux de la defenderesse et ne permet pas de verifier quelselements concrets ont ete pris en consideration pour fonder la decision derefus d'execution ; la decision est rendue en termes à ce point generauxqu'elle ne saurait renverser la presomption du respect des droits del'homme dont beneficie l'Etat d'emission.
2. En vertu de l'article 4, 5DEG, de la loi du 19 decembre 2003,l'execution d'un mandat d'arret europeen est refusee s'il y a des raisonsserieuses de croire que l'execution du mandat d'arret europeen aurait poureffet de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne concernee,tels qu'ils sont consacres par l'article 6 du Traite sur l'Unioneuropeenne, à savoir ceux garantis par la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertes fondamentales et qui resultent en tantque principes generaux du droit communautaire des traditionsconstitutionnelles communes aux Etats membres de l'Union europeenne.
3. Il ressort de la consideration (10) du preambule de la decision-cadre2002/584/JAI du Conseil de l'Union europeenne du 13 juin 2002 relative aumandat d'arret europeen et aux procedures de remise entre Etats membresque le mecanisme du mandat d'arret europeen repose sur un degre deconfiance eleve entre les Etats membres. Ce degre de confiance eleve entreles Etats membres implique une presomption de respect par l'Etatd'emission des droits fondamentaux vises à l'article 4, 5DEG, de la loidu 19 decembre 2003 relative au mandat d'arret europeen.
4. Compte tenu de ce principe de confiance mutuelle entre les Etatsmembres, le refus de remise doit etre justifie par des elementscirconstancies indiquant un danger manifeste pour les droits fondamentauxde la personne concernee et aptes à renverser la presomption de respectde ces droits dont l'Etat d'emission beneficie.
5. Le juge apprecie souverainement si les elements circonstancies invoquesindiquant un danger manifeste pour les droits fondamentaux de la personneconcernee suffisent à renverser la presomption susmentionnee. La Courverifie uniquement si le juge ne tire pas de ses constatations desconsequences sans lien avec celles-ci ou qu'elles ne peuvent justifier.
6. L'arret decide qu'il existe, à l'egard de la defenderesse, des raisonsserieuses de croire que l'execution des mandats d'arret europeens auraitpour effet de porter atteinte à ses droits fondamentaux parce que « lesinculpes du chef de faits punissables, pour des motifs pretendumentterroristes, doivent subir en Espagne un autre regime privatif de libertedans des conditions degradantes pouvant s'accompagner de tortures et avecun contact tres limite avec le monde exterieur (famille, avocat etassistance) » et il renvoie, pour ce faire, aux rapports du Comiteeuropeen pour la prevention de la torture et des peines ou traitementsinhumains ou degradants du Conseil de l'Europe de 2011.
7. Ainsi, l'arret justifie legalement le refus d'extradition parce qu'ilexiste des raisons serieuses de croire que l'execution des mandats d'arreteuropeens aurait pour effet de porter atteinte aux droits fondamentaux dela personne concernee, tels qu'ils sont consacres par l'article 6 duTraite sur l'Union europeenne.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Le controle d'office
8. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
* * La Cour
* * Rejette le pourvoi ;
* Laisse les frais à charge de l'Etat.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le premier president Etienne Goethals, les conseillers FilipVan Volsem, Alain Bloch, Peter Hoet et Erwin Francis, et prononce enaudience publique du dix-neuf novembre deux mille treize par le premierpresident Etienne Goethals, en presence du premier avocat general PatrickDuinslaeger, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Pierre Cornelis ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le conseiller,
19 novembre 2013 P.13.1765.N/1