Cour de cassation de Belgique
Arret
1641
NDEG C.12.0442.F
G. V.,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,
contre
1. M. D.,
2. M. D.,
3. G. D.,
4. A. D.,
5. H. D.,
6. M. D.,
7. F. D.,
8. A. D.,
9. C. D.,
defendeurs en cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 17 janvier2011 par le tribunal de premiere instance de Tournai, statuant en degred'appel.
Le 8 octobre 2013, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.
Par ordonnance du 9 octobre 2013, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat general Jean MarieGenicot a ete entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions legales violees
- article 149 de la Constitution ;
- articles 1738 et 1739 du Code civil ;
- article 5 des regles particulieres aux baux relatifs à la residenceprincipale du preneur, inserees dans la section 2 du livre III, titreVIII, chapitre II du Code civil par l'article 2 de la loi du 20 fevrier1991 modifiant et completant les dispositions du Code civil relatives auxbaux à loyers ;
- article 14, S:S: 1er et 2, de la loi du 20 fevrier 1991 modifiant etcompletant les dispositions du Code civil relatives aux baux à loyers.
Decision et motifs critiques
Apres avoir constate les faits suivants, notamment par reference auxconstatations du premier juge : les defendeurs ont donne en location à lademanderesse une maison d'habitation sise à E. pour un loyer mensuel de6.000 francs indexe semestriellement, outre le paiement du precompteimmobilier, par un contrat de bail conclu le 7 juillet 1987 pour une dureede neuf ans à compter du 15 juillet 1987, le contrat prevoyant qu'auterme de cette periode, le bail prendrait fin de plein droit et sanstacite reconduction ; à l'expiration de ce terme de neuf ans, lademanderesse resta dans les lieux loues avec l'assentiment desdefendeurs ; le 11 avril 1999, les defendeurs adresserent une lettre deconge à la demanderesse ; celle-ci continua neanmoins à occuper leslieux jusqu'au 31 mars 2005, apres avoir notifie aux defendeurs le 23decembre 2004 un preavis de trois mois ; la demanderesse appela lesdefendeurs en conciliation à l'audience du juge de paix du second cantonde Tournai du 19 mai 2005, au sujet d'une demande de recuperation desprecomptes immobiliers payes entre 1991 et 2005 et de verification desindexations de loyers ; un proces-verbal de non-conciliation fut signe àcette audience ; par requete deposee au greffe de ladite juridiction le 31mars 2006, la demanderesse postula le remboursement de certaines sommespayees à titre de precompte immobilier et à titre d'indexations oud'augmentations de loyers indument perc,ues ; par voie de conclusions, lademanderesse reduisit ces demandes aux sommes versees dans les cinq anneesqui ont precede l'audience de conciliation du 19 mai 2005,
Le jugement attaque, par confirmation du jugement du premier juge, dit lademande portant sur les precomptes immobiliers recevable mais non fondeeet condamne la demanderesse aux depens.
Le jugement attaque fonde sa decision sur la motivation suivante dupremier juge que le tribunal de premiere instance fait sienne :
« Il est acquis aux debats que le bail initialement conclu entre lesparties etait un bail ecrit à duree determinee et qu'il fut bien prorogeà compter du 15 juillet 1996. Or, en vertu de l'article 14, S: 2, de laloi du 20 fevrier 1991, les dispositions de la section inseree dans leCode civil par l'article 2 de cette meme loi ne s'appliquent aux bauxecrits à duree determinee dejà conclus qu'à partir de leurrenouvellement ou de leur reconduction intervenus apres l'entree envigueur de la loi ; la demanderesse s'appuie sur cette disposition pouraffirmer qu'à partir du 15 juillet 1996, le precompte immobilier nepouvait plus lui etre reclame et ce, en vertu de l'article 5 de la section2 precitee. Il nous parait toutefois que le paragraphe 2 de l'article 14ne peut etre lu en faisant abstraction du paragraphe 1er, lequel disposeexpressement que l'article 5 ne s'appliquera pas aux contrats conclusavant l'entree en vigueur de la loi du 20 fevrier 1991 ; l'on voit eneffet mal ce qui pourrait justifier une telle difference de traitemententre les baux ecrits à duree determinee et les autres formes de baux ».
Concluant des lors que, « posterieurement au 15 juillet 1996, (lademanderesse) reste bien tenue au paiement du precompte immobilier deslors qu'il n'est pas question d'un bail conclu à partir du 28 fevrier1991 mais d'un bail proroge », le jugement attaque ajoute « lesprecisions concretes de M. Louveaux lesquelles rencontrent le casd'espece : `Par derogation au regime general de droit transitoire - selonlequel la loi s'applique immediatement, sauf pour les contrats à dureedeterminee -, l'interdiction de mettre le precompte immobilier à chargedu preneur n'est d'application que pour les contrats conclus à partir du28 fevrier 1991. Cependant, cette interdiction existe en realite depuis le30 decembre 1989. Le regime de droit transitoire est donc le suivant :pour les baux anterieurs au 30 decembre 1989, la clause mettant leprecompte immobilier à charge du preneur reste valable tant que le bailsubsiste : le precompte peut donc rester à charge du preneur, meme en casde renouvellement ou de reconduction du bail apres le 28 fevrier 1991 ;pour les baux conclus à partir du 30 decembre 1989, le precompte ne peutplus etre mis à charge du locataire' ».
Griefs
Premiere branche
Dans ses conclusions d'appel de synthese, la demanderesse avait faitvaloir que « si, par impossible, le tribunal de ceans devait estimer,comme le premier juge, qu'il n'y a pas eu de nouveau contrat de bailsoumis à la nouvelle loi en date du 15 juillet 1996, il y a en tout etatde cause lieu de tenir compte du conge notifie à la (demanderesse) parles (defendeurs) en date du 11 avril 1999 ; par l'envoi de ce preavis, les(defendeurs) ont clairement emis leur intention de mettre un terme aucontrat de bail qui liait les parties ; (...) le conge etant un acteirrevocable, force est de constater que les (defendeurs) ont mis un termeau contrat de bail conclu entre les parties en date du 7 juillet 1987 etque, la (demanderesse) restant dans les lieux sans objection des(defendeurs), un nouveau contrat de bail a ainsi vu le jour entre lesparties, bail verbal cette fois-ci ; ce nouveau contrat de bail est quantà lui entierement soumis à la loi du 20 fevrier 1991 et plusparticulierement à son article 5, interdisant aux (defendeurs) de mettreà charge de la (demanderesse) le paiement du precompte immobilier ».
Le jugement attaque constate qu'en degre d'appel, la demanderesse a verseaux debats « la copie de la lettre de conge qui lui a ete adressee, dateedu 11 avril 1999 », ainsi que la copie de sa propre lettre de conge du 23decembre 2004, mais il estime que « (la demanderesse) ne fournit guere derenseignements quant aux circonstances de l'envoi de ces deux lettres deconge precitees ni d'ailleurs sur les rapports qu'elle a entretenus avecses proprietaires bailleurs bien qu'elle ait occupe les lieux louespendant pres de dix-huit annees ».
Le jugement attaque laisse ainsi sans reponse le moyen precite desconclusions de la demanderesse quant à la portee et aux consequences duconge qui lui fut donne le 11 avril 1999. Le jugement n'est des lors pasregulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution).
Seconde branche
En vertu de l'article 5 des regles particulieres aux baux relatifs à laresidence principale du preneur, inserees dans la section 2 du livre III,titre VIII, chapitre II, du Code civil par l'article 2 de la loi preciteedu 20 fevrier 1991, entree en vigueur le 28 fevrier 1991, « le precompteimmobilier afferent à l'immeuble loue ne peut etre mis à charge dupreneur ». L'article 14, paragraphe 1er, de la loi precitee dispose :« à l'exception des articles 5 et 10 de la section inseree dans le Codecivil par l'article 2 (...), la presente loi s'applique egalement aux bauxconclus avant son entree en vigueur ». Selon le paragraphe 2, alinea 1er,dudit article 14, « les dispositions de la meme section ne s'appliquentcependant aux baux ecrits à duree determinee dejà conclus qu'à partirde leur renouvellement ou de leur reconduction intervenus apres l'entreeen vigueur de la presente loi ». Il ressort de ces dispositions que, dansle cas de contrats de bail à duree indeterminee conclus avant le 28fevrier 1991, le precompte immobilier peut rester à la charge du preneurmeme apres que ces baux ont ete renouveles ou reconduits, des lors que lebail initial subsiste, mais seulement dans ce cas.
Aux termes de l'article 1738 du Code civil, « si à l'expiration du bailecrit conclu pour une duree determinee, le preneur reste dans les lieuxsans opposition du bailleur, le bail est reconduit aux memes conditions, ycompris la duree ». Aux termes de l'article 1739 du meme code,« lorsqu'il y a un conge signifie, le preneur, quoiqu'il ait continue sajouissance, ne peut invoquer la tacite reconduction ». Il ressort de cesdispositions que le bail initial ne subsiste pas lorsque le bailleur adonne conge au preneur. Si, apres ce conge, le preneur reste dans leslieux avec l'accord du bailleur qui continue à percevoir les loyers etles charges, ce n'est pas en vertu du bail initial qui serait renouvele oureconduit mais en vertu d'un nouveau bail. Si celui-ci a ete conclu apresle 28 fevrier 1991, le precompte immobilier ne peut etre mis à charge dupreneur en application de l'article 5 des regles particulieres aux bauxrelatifs à la residence principale du preneur et de l'article 14, S:S:1er et 2, de la loi precitee du 20 fevrier 1991.
Sans avoir egard au conge qui fut donne par les defendeurs à lademanderesse le 11 avril 1999, le jugement attaque considere que leprecompte immobilier pouvait etre mis à charge de la demanderesse pourtoute la periode posterieure au 28 fevrier 1991, date de l'entree envigueur de la loi du 20 fevrier 1991, car il ne s'agissait pas d'un bailconclu à partir du 28 fevrier 1991, mais d'un bail proroge ou renouveleou reconduit apres cette date.
Pourtant, des lors que les defendeurs avaient donne conge à lademanderesse le 11 avril 1999, ce que le jugement attaque ne denie pas, lademanderesse ne pouvait etre restee dans les lieux jusqu'au 31 mars 2005qu'en vertu d'un nouveau bail soumis à toutes les regles particulieresaux baux relatifs à la residence principale du preneur, y comprisl'article 5 de ces regles, par application de l'article 14, S:S: 1er et 2,de la loi precitee du 20 fevrier 1991 et non en vertu du bail originaireproroge, renouvele ou reconduit.
En refusant des lors le remboursement des precomptes immobiliers sollicitepar la demanderesse, le jugement attaque viole toutes les dispositionslegales citees en tete du moyen, à l'exception de l'article 149 de laConstitution.
à tout le moins, le jugement attaque, qui n'a pas egard au conge donne àla demanderesse le 11 avril 1999 parce que celle-ci ne fournit pas derenseignements quant aux circonstances de son envoi et quant aux rapportsqu'elle a entretenus avec les defendeurs, met la Cour dans l'impossibilitede verifier la legalite de sa decision quant à la debition du precompteimmobilier par la demanderesse apres le 11 avril 1999, au regard desarticles 1738 et 1739 du Code civil, 5 des regles particulieres aux bauxrelatifs à la residence principale du preneur, precitees, et 14, S:S: 1eret 2, de la loi precitee du 20 fevrier 1991. Le jugement attaque n'estdes lors pas regulierement motive (violation de l'article 149 de laConstitution).
Second moyen
Dispositions legales violees
- articles 1377, alinea 1er, 1728quater et 2273 du Code civil ;
- article 7, S: 1er, des regles particulieres aux baux relatifs à laresidence principale du preneur inserees dans la section 2 du livre III,titre VIII, chapitre II du Code civil, par l'article 2 de loi du 20fevrier 1991 modifiant et completant les dispositions du Code civilrelatives aux baux à loyers ;
- principe general du droit selon lequel la renonciation à un droit estde stricte interpretation et ne peut se deduire que de faits nonsusceptibles d'une autre interpretation.
Decision et motifs critiques
Apres avoir fait les constatations exposees au premier moyen,
et apres avoir decide que, « concernant (la demande) se rapportant auxindexations ou augmentations de loyers, il y a lieu de retenir qu'il nepeut s'agir que d'augmentations de loyers » et avoir admis que « lesmajorations de loyers quasi-annuelles entre 1991 et 2003 ont effectivementete realisees au mepris de l'article 7 de la loi du 20 fevrier 1991 »,
le jugement attaque, par confirmation du jugement du premier juge, dit lademande de la demanderesse se rapportant aux majorations de loyers nonrecevable et condamne la demanderesse aux depens.
Le jugement attaque fonde cette decision sur les motifs suivants :
« (La demanderesse) prend appui sur l'article 1728quater du Code civilpour pretendre à repetition d'indu. Cette disposition edicte : - lerespect de formalites : à savoir une demande adressee au bailleur parlettre recommandee à la poste ; - la courte prescription d'un an àcompter de l'envoi de la demande par lettre recommandee ; - l'exigibilitelimitee aux montants echus et payes au cours des cinq ans qui precedentcette demande. Le juge de paix a declare cette reclamation irrecevable enraison de l'absence d'envoi recommande ; (...) il n'a pas admis quel'appel en conciliation et la comparution devant lui le 19 mai 2005pouvaient etre assimiles à la formalite de l'envoi recommande. (...) (Lademanderesse) n'etablit pas que l'appel en conciliation est susceptible desuppleer la formalite legale de la lettre recommandee, meme si l'on peutadmettre que le but poursuivi, qui consiste à informer le bailleur de sespretentions, serait atteint. Le tribunal ne dispose d'ailleurs pas del'appel en conciliation ni du proces-verbal de
non-conciliation, pieces qui ne sont pas versees aux debats. Dansl'hypothese ou il faudrait admettre que la formalite est remplie, letribunal se rallie au moyen des (defendeurs) selon lequel la nulliterelative attachee aux majorations de loyers a ete couverte par (lademanderesse) par son execution volontaire. En effet, si la partieprotegee renonce à se prevaloir de la nullite, elle confirme l'acte etcelui-ci, malgre la nullite qui aurait pu l'affecter, produira tous seseffets comme s'il avait ete regulier des l'origine (...). En l'espece, ilse deduit que l'attitude de (la demanderesse) ne peut s'expliquer que parla volonte de confirmer, à savoir : - elle demeure dans les lieux louesau-delà du terme fixe au 14 juillet 1996 bien qu'elle ait dejà subi desmajorations de loyers en 1991, 1992, 1993, 1995 et 1996 ; - elle poursuitson occupation encore apres notification de conge de bail qui lui a eteadresse le 11 avril 1999, les loyers ayant toujours ete augmentesannuellement de 1997 à 1999 ; - elle n'a formule aucune contestation àpropos des majorations (aucun courrier n'est produit) et ce, durant sesdix-huit annees d'occupation consecutives ».
Griefs
Premiere branche
L'article 7 des regles particulieres aux baux relatifs à la residenceprincipale du preneur inserees dans le Code civil par l'article 2 de laloi precitee du 20 fevrier 1991 fixe la maniere par laquelle desaugmentations de loyers peuvent intervenir. Les augmentations de loyersreclamees et payees sans que ces regles soient respectees sont indues etsujettes à remboursement, en vertu de l'article 1377, alinea 1er, du Codecivil.
L'article 1728quater du Code civil dispose en son paragraphe premier :« Les sommes que le preneur aurait payees au-delà de celles qui sontdues en application de la loi ou de la convention lui seront rembourseesà sa demande. Celle-ci doit etre adressee au bailleur par lettrerecommandee à la poste. La restitution n'est toutefois exigible que pourles montants echus et payes au cours des cinq annees qui precedent cettedemande. L'action en recouvrement se prescrit dans le delai d'un an commeprevu à l'article 2273 du Code civil ». Selon l'article 2273, alinea 2,du meme code, « l'action des preneurs pour le recouvrement des sommesindument payees se prescrit par un an à compter de l'envoi de la demandeprevue à l'article 1728quater ».
Certes, l'article 1728quater, S: 1er, du Code civil, en tant qu'il imposeau preneur qui souhaite se voir rembourser des sommes indument payees encours de bail, d'adresser une lettre recommandee par la poste au bailleur,est une disposition imperative en faveur du bailleur, en ce sens que lesparties à un contrat ne pourraient valablement dispenser le preneur decette formalite, laquelle limite dans le temps le droit du preneur dereclamer le remboursement d'indu. Toutefois, cette formalite peut etreremplacee par une autre qui presente les memes garanties pour le bailleur.L'appel du bailleur en conciliation devant le juge de paix au sujet d'unedemande de remboursement de sommes indument payees presente les memesgaranties que l'envoi d'une lettre recommandee, specialement lorsque lebailleur se rend à l'audience de conciliation à laquelle il est appeleet y signe un proces-verbal de
non-conciliation.
En l'espece, en se referant à l'expose des faits et de l'objet de lademande contenus dans le jugement du premier juge, le jugement attaqueconstate que les defendeurs ont ete appeles à l'audience de conciliationdu juge de paix du 19 mai 2005, « à laquelle fut signe un proces-verbalde
non-conciliation portant sur une demande de recuperation des precomptesimmobiliers payes par la demanderesse entre les annees 1991 et 2005, et laverification des indexations ». Meme s'il constate que l'appel enconciliation et le proces-verbal de non-conciliation n'ont pas ete versesaux debats, le jugement attaque admet « que le but poursuivi, quiconsiste à informer le bailleur [des pretentions du preneur], seraitatteint ».
Le jugement attaque ne pouvait des lors declarer la demande deremboursement des augmentations de loyer indument payees non recevable aumotif que la demanderesse n'avait pas envoye aux defendeurs la lettrerecommandee visee à l'article 1728quater, S: 1er, du Code civil des lorsque la demanderesse les avait appeles en conciliation pour les informer deses pretentions.
Le jugement attaque viole ainsi les articles 1377, alinea 1er, 1728quater,S: 1er, 2273 du Code civil et 7 des regles particulieres aux baux relatifsà la residence principale du preneur.
Seconde branche
L'article 7, S: 1er, des regles particulieres aux baux relatifs à laresidence principale du preneur fixe la maniere dont les augmentations deloyers peuvent etre demandees ou imposees au preneur. L'article1728quater, S: 1er, du Code civil permet au preneur de se fairerembourser des sommes qu'il aurait payees au-delà de celles dues en vertude la loi, moyennant une certaine procedure. Le preneur ne peut en coursde bail renoncer à la protection que lui donnent les deux dispositionsprecitees, qui sont imperatives en sa faveur.
Lorsqu'un preneur paie, pour la location de sa residence principale, desaugmentations de loyers qui lui ont ete demandees par le bailleur endehors des conditions prevues par l'article 7, S: 1er, des reglesparticulieres precitees et ce, pendant toute la duree de son occupationdes lieux loues, sans emettre de protestation ni de reserve, cela peutetre pour le simple motif que le preneur ignorait la protection dont ilbeneficiait.
La renonciation à un droit est de stricte interpretation et ne peut sededuire que de faits non susceptibles d'une autre interpretation. Larenonciation à invoquer la protection d'une disposition legale imperativene peut avoir lieu qu'en connaissance de cette protection. De meme, larenonciation à invoquer la nullite d'un acte ne peut avoir lieu qu'enconnaissance du vice de nullite.
En l'espece, il ne ressort pas des motifs du jugement attaque que ceserait en connaissance de cause de ce que les augmentations de loyers,dont elle demande à present le remboursement, lui avaient ete reclameespar les defendeurs en meconnaissance de l'article 7, S: 1er, des reglesparticulieres aux baux relatifs à la residence principale du preneur,pendant les dix-huit annees qu'elle a occupe le bien loue.
En decidant que la demanderesse a renonce à se prevaloir de « la nulliterelative attachee aux majorations de loyers », cette nullite ayant etecouverte par l'execution volontaire que la demanderesse a donnee à cesdemandes d'augmentations, le jugement attaque viole le principe general dudroit invoque en tete du moyen.
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la premiere branche :
Par aucune consideration, le jugement attaque ne repond aux conclusions dela demanderesse faisant valoir que, des lors que le conge notifie par lesdefendeurs le 11 avril 1999 avait mis un terme au bail initial et que lademanderesse s'etait maintenue dans les lieux sans objection desdefendeurs, un nouveau contrat de bail, soumis à la loi du 20 fevrier1991, etait ne.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
Sur le second moyen :
Quant à la premiere branche :
En vertu des articles 1728quater, S: 1er, et 2273, alinea 2, du Codecivil, le preneur qui entend obtenir le remboursement des sommes qu'ilaurait payees au-delà de celles qui sont dues en application de la loi oude la convention doit en effectuer la demande au bailleur par lettrerecommandee à la poste, la restitution n'est toutefois exigible que pourles montants echus et payes au cours des cinq ans qui precedent cettedemande et l'action en recouvrement de ces sommes se prescrit dans ledelai d'un an à compter de l'envoi de cette lettre recommandee.
Il suit de ces dispositions non seulement que l'envoi de la demande parlettre recommandee est destinee à informer le bailleur des pretentions dupreneur mais egalement qu'elle fait courir la prescription de l'action enrestitution d'indu.
S'agissant d'une formalite prescrite dans l'interet du bailleur, elle nepeut etre remplacee par un acte ne produisant pas les memes effets, tel unappel en conciliation du bailleur devant le juge de paix competent.
Le moyen qui, en cette branche, repose sur le soutenement contraire,manque en droit.
Quant à la seconde branche :
Les motifs du jugement attaque, vainement critiques par la premierebranche du moyen, qu'il n'a pas ete satisfait à la formalite prescritepar l'article 1728quater, S: 1er, du Code civil suffisent à justifier ladecision que la demande de remboursement d'indexations indues n'est pasrecevable.
Dirige contre des considerations surabondantes, le moyen, en cettebranche, est denue d'interet, partant, irrecevable.
Sur les autre griefs :
Il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du premier moyen, qui nesaurait entrainer une cassation plus etendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaque en tant qu'il statue sur la demande deremboursement des precomptes immobiliers et sur les depens ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse ;
Condamne la demanderesse à la moitie des depens, en reserve l'autremoitie pour qu'il soit statue sur celle-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant le tribunal de premiere instancede Mons, siegeant en degre d'appel.
Les depens taxes à la somme de neuf cent deux euros cinquante et uncentimes en debet envers la partie demanderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Alain Simon, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononce en audiencepublique du dix-huit novembre deux mille treize par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Lutgarde Body.
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| L. Body | M. Lemal | M. Delange |
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| A. Simon | D. Batsele | Chr. Storck |
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18 NOVEMBRE 2013 C.12.0442.F/6