La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2013 | BELGIQUE | N°C.11.0656.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 novembre 2013, C.11.0656.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1213



NDEG C.11.0656.F

SNAIL COMPANY, societe anonyme dont le siege social est etabli àZwijndrecht (Burcht), Koningin Astridlaan, 9,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

1. BESIX REAL ESTATE DEVELOPMENT, societe anonyme anciennement denommeeImmobiliere de la Belge des Betons, dont le siege social est etabli àWoluwe-Saint-Lambert

, avenue des Communautes, 100,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1213

NDEG C.11.0656.F

SNAIL COMPANY, societe anonyme dont le siege social est etabli àZwijndrecht (Burcht), Koningin Astridlaan, 9,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

1. BESIX REAL ESTATE DEVELOPMENT, societe anonyme anciennement denommeeImmobiliere de la Belge des Betons, dont le siege social est etabli àWoluwe-Saint-Lambert, avenue des Communautes, 100,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

2. AXA BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 10 fevrier 2011par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Disposition legale violee

Article 544 du Code civil

Decisions et motifs critiques

L'arret « dit les appels recevables et partiellement fondes, dans lamesure ci-apres precisee ; dit n'y avoir lieu d'auditionner l'expertjudiciaire ; reforme la decision entreprise, sauf en tant qu'elle a jointles deux causes et a declare la demande originaire recevable et fondeedans son principe en tant qu'elle etait basee sur l'article 544 du Codecivil ; statuant à nouveau, condamne in solidum la [premiere] et la[seconde defenderesse] à payer à la [demanderesse] la somme principalede 25.464,90 euros, majoree des interets compensatoires aux taux legauxsuccessifs sur la somme de 21.126,77 euros à partir du 22 aout 2001, etensuite des interets moratoires au taux legal sur la somme de 25.464,90euros à dater du present arret jusqu'au parfait paiement ; dit pourdroit que la part contributive de la [premiere] et de la [secondedefenderesse] s'etablit, pour chacune d'elles, à 12.732,46 euros(25.464,90 euros x 50 pour cent) ; condamne la [premiere defenderesse]à payer à la [demanderesse] la somme principale de 2.107,14 euros,majoree des interets compensatoires aux taux legaux successifs à partirdu 22 aout 2001, et ensuite des interets moratoires au taux legal à daterdu present arret jusqu'au parfait paiement ; deboute les parties dusurplus de leurs pretentions respectives ; condamne la [demanderesse] àsoixante pour cent de la totalite des depens des deux instances et la[premiere] et la [seconde defenderesse] à quarante

pour cent de la totalite des depens des deux instances, leur partcontributoire s'etablissant [jusqu'] à concurrence de cinquante pourcent ; condamne, dans les memes proportions, les parties à prendre encharge le cout total des deux expertises, liquide à 24.213,12 euros (701.122 francs + 275.033 francs = 976.755 francs), les parties devantencore tenir compte, au stade de leurs decomptes, des provisions verseespar la [demanderesse] ainsi que des provisions eventuellement versees parles autres parties ; liquide les autres depens de la [demanderesse] à221,34 euros (citation en refere) + 96,36 euros (citation) + 238,97 euros(citation) + 15.000 euros (indemnite de procedure pour la premiereinstance) + 15.000 euros (indemnite de procedure pour l'instanced'appel) ; liquide les depens de la [premiere defenderesse] à 15.000euros (indemnite de procedure) pour la premiere instance et à 186 euros(mise au role en degre d'appel) + 15.000 euros (indemnite de procedure)pour l'instance d'appel ; liquide les depens de la [seconde defenderesse]à 10.000 euros (indemnite de procedure) pour la premiere instance et à10.000 euros (indemnite de procedure) pour l'instance d'appel ».

Ces decisions sont fondees sur l'ensemble des motifs de l'arret tenus pouretre ici expressement reproduits et plus particulierement sur les motifssuivants.

En se fondant sur le rapport d'expertise, l'arret releve que l'immeuble dela demanderesse a ete transforme une premiere fois en 1963 et qu'il a faitl'objet de travaux d'amenagement et de renovation entre 1990 et 1994. Ilestime que « l'expert a pu ainsi finalement constater que l'immeublelitigieux avait connu, au cours de son histoire, une serie d'evolutionsmarquantes ayant entraine une predisposition aux mouvements, fissures etfaienc,ages qui se sont manifestes au sein de la mac,onnerie de sonbati » et qu'« il ne peut des lors etre serieusement conteste que destransformations telles celles qui ont ete realisees dans l'immeublelitigieux induisent des redistributions sensibles de charges tant dans lebati lui-meme que dans le sous-sol de fondation `qui se manifestent pardes comportements « propices à fissurations »' ».

L'arret en deduit ce qui suit :

« Il convient à present de fixer la mesure de la juste et adequatecompensation que la [premiere] et la [seconde defenderesse] doivent à la[demanderesse] afin de retablir l'equilibre rompu ;

La compensation du trouble anormal de voisinage ne s'identifie pas à lareparation integrale du dommage et n'implique pas necessairement, comme lesoutient à tort la [demanderesse], la remise de l'immeuble en son pristinetat à la charge exclusive des constructeurs ;

Il convient egalement de tenir compte, dans l'evaluation de lacompensation, les parties s'accordant sur une reparation par equivalent,de la receptivite particuliere de l'immeuble qui fut mise en evidence parl'expert ;

Il ressort des developpements consacres à la predisposition particulieredu batiment affecte qu'elle se trouve egalement à l'origine des desordresconstates ;

Si, en regle, il est admis que la receptivite particuliere de l'immeubleaffecte n'exclut pas l'application de l'article 544 du Code civil, il y aneanmoins lieu d'en tenir compte lorsqu'elle a egalement, comme les faitsgenerateurs imputables aux constructeurs, une incidence sur le dommage telqu'il s'est produit in concreto ; en d'autres termes, les consequencesdommageables des facteurs declencheurs - le fait de construire -n'auraient pas eu une telle ampleur en l'absence de predisposition del'immeuble à fissurations ;

Il n'est pas exige, pour qu'il puisse etre tenu compte de la receptiviteparticuliere de l'immeuble affecte, que celle-ci resulte d'un vice deconstruction ou d'une faute averee qui aurait ete commise à l'occasiondes travaux de renovation qui ont ete entrepris en 1963 et de 1990 à 1994;

Il faut, mais il suffit, que l'immeuble presente une receptiviteanormale ; cette receptivite fut mise en evidence par l'expert ; il a etevu

ci-dessus que l'immeuble avait fait l'objet de transformationsstructurelles importantes ayant une incidence sur la stabilite del'immeuble, celles-ci ayant induit une redistribution des chargesentrainant un effet de tassement du bati et des fondations, lesquellessont demeurees inchangees nonobstant les agrandissements et rehaussementssuccessifs ;

Cette receptivite anormale presente à la fois des consequences tant surle lien causal, comme il a ete vu ci-dessus, que sur la determination despostes du dommage à reparer (les desordres lies au passe constructif del'immeuble etant notamment exclus), comme il sera vu ci-dessous ».

Sur la base de ces motifs, l'arret decide que cinquante pour cent dudommage invoque par la demanderesse etaient dus à la receptivite anormalede l'immeuble et ne peuvent des lors etre indemnises. Il decide egalementque la demanderesse ne peut etre indemnisee pour la realisation de travauxd'infrastructure consistant en « la reprise en sous-oeuvre » de diversesparties de l'immeuble ainsi qu'en « la pose d'un carcanage continu etperipherique de la fac,ade » parce que, « les constructeurs n'etant pastenus de reparer les desordres lies au passe constructif de l'immeuble,ces postes ne peuvent etre mis à leur charge, quelle que soit l'optionretenue ».

Griefs

1. L'article 544 du Code civil reconnait à tout proprietaire le droit dejouir normalement de sa chose.

Il resulte de cette disposition que le proprietaire d'un immeuble qui, parun fait, une omission ou un comportement quelconque, rompt l'equilibreentre les proprietes en imposant à un proprietaire voisin un troubleexcedant la mesure des inconvenients ordinaires du voisinage lui doit unejuste et adequate compensation, retablissant l'egalite rompue.

2. La juste et adequate compensation octroyee au proprietaire victime d'untrouble anormal de voisinage ne vise pas à reparer integralement sondommage. Le dommage indemnisable resultant d'un trouble de voisinageconsiste en ce qui excede la mesure des inconvenients ordinaires duvoisinage que le proprietaire etait tenu de supporter.

3. En vertu de la theorie de l'equivalence des conditions, le juge ne peutexclure l'existence d'un lien de causalite entre le trouble anormal devoisinage qu'il constate et le dommage dont se plaint le proprietairequ'en constatant que, sans ce trouble, le dommage se serait neanmoinsproduit de la meme maniere qu'il s'est realise in concreto.

4. Par consequent, la circonstance qu'une receptivite anormale de l'immeuble de la victime a contribue à causer le dommage demeure sansincidence sur l'etendue de l'obligation de payer à celle-ci une juste etadequate compensation retablissant l'egalite rompue.

La receptivite anormale de l'immeuble ne peut avoir une incidence surl'etendue du dommage reparable que si, soit il s'agit de consequencesdommageables qui seraient survenues de toute maniere, meme en l'absence dutrouble anormal de voisinage, soit ces consequences n'excedent pas lamesure des inconvenients ordinaires du voisinage.

5. Par les motifs reproduits en tete du moyen, l'arret constate quel'immeuble de la demanderesse presentait une receptivite anormaleimpliquant une predisposition de celui-ci aux fissurations.

Il decide que, si cette receptivite particuliere n'exclut pasl'application de l'article 544 du Code civil, « il y a lieu neanmoinsd'en tenir compte lorsqu'elle a egalement, comme les faits generateursimputables aux constructeurs, une incidence sur le dommage tel qu'il s'estproduit in concreto ; que, en d'autres termes, les consequencesdommageables des facteurs declencheurs - le fait de construire -n'auraient pas eu une telle ampleur en l'absence de predispositions del'immeuble à fissurations ». Il en deduit que « cette receptiviteanormale presente à la fois des consequences tant sur le lien causal,comme il a ete vu ci-dessus, que sur la determination des postes dudommage à reparer (les desordres lies au passe constructif de l'immeubleetant notamment exclus) », fixe à cinquante pour cent la part dudommage due à la receptivite anormale de l'immeuble dont la demanderessene peut des lors demander reparation et exclut egalement del'indemnisation les postes du dommage lies au passe constructif del'immeuble.

6. Ce faisant, l'arret decide illegalement que la receptivite anormale del'immeuble de la demanderesse peut avoir une incidence sur l'etendue de lajuste et adequate compensation due par les defenderesses, et

a) exclut l'existence d'un lien causal entre le trouble anormal devoisinage imputable aux defenderesses et une partie du dommage invoque parla demanderesse en constatant uniquement que, sans la receptivite anormalede l'immeuble, les consequences dommageables de ce trouble n'auraient paseu la meme ampleur, alors qu'il ne pouvait legalement prendre une telledecision qu'en constatant que, meme sans le trouble imputable auxdefenderesses, la partie du dommage de la demanderesse qu'il refused'indemniser se serait neanmoins produite de la meme maniere ; end'autres termes, le seul constat que la receptivite anormale de l'immeublea eu une incidence sur l'etendue d'une partie du dommage subi par lademanderesse ne justifie pas legalement la decision d'exclure l'existencedu lien causal entre le trouble de voisinage imputable aux defenderesseset la totalite du dommage subi par la demanderesse ;

b) exclut illegalement l'indemnisation d'une partie du dommage subi par lademanderesse sans constater que la partie du dommage qu'il refused'indemniser n'excede pas la mesure des inconvenients ordinaires duvoisinage que le proprietaire est tenu de supporter.

Ainsi, l'arret viole l'article 544 du Code civil.

Second moyen

Disposition legale violee

Article 544 du Code civil

Decisions et motifs critiques

L'arret deboute la demanderesse de sa demande de remboursement des fraisde conseil technique qu'elle a exposes par les motifs suivants :

« Se fondant sur l'arret prononce le 2 septembre 2004 par la Cour decassation, la [demanderesse] reclame le remboursement des frais de conseiltechnique qu'elle a exposes, tant durant l'expertise qu'apres

celle-ci ; c'est à bon droit que la [premiere defenderesse] et la[seconde defenderesse] contestent ce poste, qui ne peut etre integre dansla juste et adequate compensation due sur la base de l'article 544 du Codecivil ; les arrets prononces par la Cour de cassation, tant en matierecontractuelle que quasi-delictuelle, ne reconnaissent le droit à larepetibilite des frais de conseil technique que dans la mesure ou ilsconstituent une suite necessaire de la faute, faute non etablie enl'espece (comp. Cass. 16 novembre 2006, Pas., 2006, p. 2372) ».

Griefs

1. L'article 544 du Code civil reconnait à tout proprietaire le droit dejouir normalement de sa chose.

Il resulte de cette disposition que le proprietaire d'un immeuble qui, parun fait, une omission ou un comportement quelconque, rompt l'equilibreentre les proprietes en imposant à un proprietaire voisin un troubleexcedant la mesure des inconvenients ordinaires du voisinage lui doit unejuste et adequate compensation, retablissant l'egalite rompue.

2. La juste et adequate compensation octroyee au proprietaire victime d'untrouble anormal de voisinage ne vise pas à reparer integralement sondommage. Le dommage indemnisable resultant d'un trouble de voisinageconsiste en ce qui excede la mesure des inconvenients ordinaires duvoisinage que le proprietaire etait tenu de supporter.

3. En vertu de la theorie de l'equivalence des conditions, le juge ne peutexclure l'existence d'un lien de causalite entre le trouble anormal devoisinage qu'il constate et le dommage dont se plaint le proprietairequ'en constatant que, sans ce trouble, le dommage se serait neanmoinsproduit de la meme maniere qu'il s'est realise in concreto.

4. Par consequent, les honoraires et frais de conseil technique exposespar la victime d'un trouble anormal de voisinage peuvent constituer unelement de son dommage donnant lieu à indemnisation dans la mesure ou ilsont pour cause ce trouble anormal de voisinage et ou ils excedent lesinconvenients ordinaires du voisinage qu'un proprietaire est tenu desupporter.

La circonstance que les auteurs du trouble de voisinage n'aient commisaucune faute est à cet egard indifferente.

5. Par les motifs reproduits en tete du moyen, l'arret exclut illegalementque les frais de conseil technique exposes par la demanderesse, victimed'un trouble anormal de voisinage, fassent partie de son dommage reparabledonnant lieu à l'octroi d'une juste et adequate compensation au motif queles defenderesses n'ont commis aucune faute, sans cependant constater nique (i) sans ce trouble anormal de voisinage, ce dommage se serait produitde la meme maniere, ni que (ii) ce dommage ferait partie des inconvenientsordinaires du voisinage qu'un proprietaire est tenu de supporter.

Il viole, partant, l'article 544 du Code civil.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par la seconde defenderesse etdeduite du defaut d'interet :

Dans ses conclusions additionnelles et de synthese avec ultimes repliques,la demanderesse faisait valoir que la preuve que son immeuble presenteraitune receptivite anormale ou serait affecte d'une predisposition vicieusen'etait pas rapportee et demandait à la cour d'appel de lui accorder latotalite de la somme qu'elle reclamait.

L'arret qui, apres avoir considere que la receptivite anormale del'immeuble a ete mise en evidence par l'expert et fixe à cinquante pourcent l'incidence de cette receptivite sur les desordres constates,rejette la demande de condamnation des defenderesses au paiement de latotalite de la somme reclamee, cause grief à la demanderesse qui,partant, a interet à critiquer cette decision.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le fondement du moyen :

L'article 544 du Code civil reconnait à tout proprietaire le droit dejouir normalement de sa chose.

Le proprietaire d'un immeuble qui, par un fait, une omission ou uncomportement quelconque, rompt l'equilibre entre les proprietes enimposant à un proprietaire voisin un trouble excedant la mesure desinconvenients ordinaires du voisinage lui doit une juste et adequatecompensation, retablissant l'egalite rompue.

La receptivite anormale de l'immeuble du proprietaire voisin n'a d'effetsur l'etendue de la juste et adequate compensation que si le juge du fondconstate que, sans le fait, l'omission ou le comportement de l'auteur dutrouble excedant la mesure des inconvenients ordinaires du voisinage, cetrouble se serait produit tel qu'il s'est realise in concreto.

L'arret constate que, « lors de ses constatations des 4 mai et 25 aout1995, l'expert releva la presence de fissurations traversant la couche decimentage recouvrant la fac,ade Ouest [de l'immeuble appartenant à lademanderesse] », que « les deux rapports d'expertise judiciaireretiennent que l'immeuble de [la demanderesse] presentait une situationpropice à fissurations, en raison de transformations dont celui-ci futl'objet [...] et qui ont induit une redistribution sensible des chargestant dans le bati lui-meme que dans le sous-sol de fondation », que,« selon l'expert, les tensions ainsi creees peuvent se liberer par deschocs repetes et des vibrations qui constituent precisement un facteurdeclencheur de ces liberations de contrainte », que « les trepidationsoccasionnees par la fouille des chantiers constituent un [...]facteur [declencheur du phenomene de fissurations observe] », que« l'expert a egalement retenu, comme cause des desordres, le retraithydraulique du cimentage des fac,ades, realise [...] par la societeanonyme Hazebrouck », « ce qui explique `certains faienc,ages et finesfendilles' », que « l'expert a fixe les ponderations des divers facteurscomme suit : le retrait hydraulique et l'inadequation du mode operationneldu cimentage des fac,ades : dix pour cent ; [...] la problematique destrepidations : soixante pour cent ; [...] le passe de l'immeuble, son modeconstructif et les interventions d'agrandissement et de rehaussement decelui-ci : trente pour cent ».

Il considere, d'une part, qu' « une partie des desordres constates [dixpour cent] releve du retrait hydraulique et est, par consequent, sansrelation causale avec les chantiers entrepris par [les defenderesses] »et qu' « en d'autres termes, le phenomene de fissuration se seraitproduit, jusqu'à concurrence de dix pour cent, nonobstant l'execution destravaux de construction entrepris par [les defenderesses] », d'autrepart, que, « des lors [que] [...] les travaux d'execution des deuxchantiers avaient constitue des facteurs declencheurs de la liberation decontraintes et de l'apparition de certains desordres, le lien de causaliteentre les trepidations et une partie des dommages est ainsi etabli » etque « le dommage tel qu'il est survenu ne se serait pas produit, à toutle moins partiellement, sans l'execution des travaux de fouille des deuxchantiers ».

L'arret releve que « l'imputabilite, à tout le moins partielle, destroubles, soit le phenomene de fissuration, aux constructeurs et leur liende causalite avec une partie des dommages [sont] [...] etablis àsuffisance de droit », que « les desordres [...] lies à l'execution deschantiers constituent un trouble anormal du voisinage », que « lephenomene de fissuration, declenche en partie par les travaux desconstructeurs, constitue une rupture de l'equilibre preexistant, enprovoquant des inconvenients qui excedent la mesure normale des troublesordinaires du voisinage lies à un chantier de construction qu'un voisindoit normalement supporter », et que « [la demanderesse] etablit ainsià suffisance que les constructeurs ont engage leur responsabilite sur labase de l'article 544 du Code civil ».

S'agissant de « fixer la mesure de la juste et adequate compensation que[les defenderesses] doivent à la [demanderesse] afin de retablirl'equilibre rompu », l'arret considere qu'« il convient [...] de tenircompte [...] de la receptivite particuliere de l'immeuble », « lapredisposition particuliere du batiment [se trouvant] egalement àl'origine des desordres constates », qu'en effet, « elle a egalement,comme les faits generateurs imputables aux constructeurs, une incidencesur le dommage tel qu'il s'est produit in concreto », que, « en d'autrestermes, les consequences dommageables des facteurs declencheurs, le faitde construire, n'auraient pas eu une telle ampleur en l'absence depredisposition de l'immeuble à fissurations » et que « cettereceptivite presente à la fois des consequences tant sur le lien causal[...] que sur la determination des postes du dommage à reparer, lesdesordres lies au passe constructif de l'immeuble etant notammentexclus ».

S'agissant « d'examiner la pertinence des ponderations retenues parl'expert », l'arret considere qu' « il n'y a pas [...] lieu de s'ecarterdu rapport d'expertise pour `le retrait hydraulique' mais qu' `il convientde fixer ex aequo et bono la ponderation afferente (aux vibrations ettrepidations resultant des travaux d'infrastructure) à quarante pourcent' ».

L'arret considere que « la juste et adequate compensation est [...]soumise à la double limite de la ponderation ci-dessus retenue et desremedes à apporter aux desordres resultant du fait de construire » etque, s'agissant des « remedes à apporter aux degats consecutifs à lapredisposition de l'immeuble affecte », « les constructeurs n'etant pastenus de reparer les desordres lies au passe constructif del'immeuble [...], [la reprise en sous-oeuvre de meme que la pose d'uncarcanage continu et peripherique de la fac,ade] ne peuvent etre mis àleur charge ».

L'arret, qui ne constate pas que, sans les trepidations et vibrationsoccasionnees par la fouille des chantiers realisee par les defenderesses,qui constituent, selon la cour d'appel, le facteur declencheur d'unepartie des desordres, le phenomene de fissuration partielle de la fac,adede l'immeuble de la demanderesse se serait produit tel qu'il s'est realisein concreto, ne justifie pas legalement sa decision que la receptiviteanormale de l'immeuble, evaluee à cinquante pour cent des desordres,presente des consequences tant sur le lien causal que sur la determinationdes postes du dommage à reparer, les desordres lies au passe constructifde l'immeuble en etant exclus.

Le moyen est fonde.

Sur le second moyen :

Les honoraires et les frais de conseil technique supportes par la victimed'un trouble anormal du voisinage peuvent constituer un element de sondommage donnant lieu à indemnisation dans la mesure ou ils ont ce troublepour cause et en constituent une suite necessaire.

L'arret, qui refuse d'accorder le remboursement des frais de conseiltechnique reclame par la demanderesse au motif que les arrets rendus parla Cour « tant en matiere contractuelle que quasi-delictuelle nereconnaissent le droit à la repetibilite des frais de conseil techniqueque dans la mesure ou ils constituent une suite necessaire de la faute,faute non etablie en l'espece », ne justifie pas legalement sa decision.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit les appels, dit lademande de la demanderesse non fondee en tant qu'elle etait formee sur labase de l'article 1382 du Code civil et dit la responsabilite desdefenderesses engagee sur la base de l'article 544 de ce code ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Alain Simon etMichel Lemal, et prononce en audience publique du quinze novembre deuxmille treize par le president Christian Storck, en presence de l'avocatgeneral Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | A. Simon |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

15 NOVEMBRE 2013 C.11.0656.F/15


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0656.F
Date de la décision : 15/11/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-11-15;c.11.0656.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award