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14/11/2013 | BELGIQUE | N°C.13.0015.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 novembre 2013, C.13.0015.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0015.N

O. M.,

Me Beatrix Vanlerberghe, avocat à la Cour de cassation,

contre

P. N.

I. la procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 26 septembre2012 par la cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport.

L'avocat general Andre Van Ingelgem a conclu.

II. le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la

Constitution ;

- articles 870, 877, 1138, 4DEG et 1278, alinea 2, du Code judiciaire ;

- articles 218, 1315, 1349, 1353, 1415, 141...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0015.N

O. M.,

Me Beatrix Vanlerberghe, avocat à la Cour de cassation,

contre

P. N.

I. la procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 26 septembre2012 par la cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport.

L'avocat general Andre Van Ingelgem a conclu.

II. le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 870, 877, 1138, 4DEG et 1278, alinea 2, du Code judiciaire ;

- articles 218, 1315, 1349, 1353, 1415, 1416, 1422, 1432 et 1433 du Codecivil.

Decisions et motifs critiques

Les juges d'appel ont confirme le jugement du premier juge du 31 mai 2011en tant qu'il declare non fondee la contestation de la demanderesse quantaux fonds communs disparus dans la mesure ou elle est dirigee contre ladecision du notaire qu'elle doit fournir une explication relative àl'utilisation de la somme de 18.896,24 euros qu'elle avait encore en sapossession le

1er octobre 2005 et qu'il ordonne à la demanderesse de deposer, enapplication des articles 877 et suivants du Code judiciaire, lesinformations et documents suivants au dossier de la procedure, avectransmission au notaire, au plus tard dans les deux jours de lanotification sous pli judiciaire de ce jugement à son egard enapplication de l'article 880 du Code judiciaire :

- un historique complet des comptes d'epargne à son nom chez Fortisportant les numeros 235-7511297-17 et 035-5174919-10, depuis le 1eroctobre 2005 pour le premier compte et depuis le 14 novembre 2005 pour lesecond compte, chaque fois jusqu'au 13 mars 2006 ;

- une explication complete de la destination qu'elle a donnee à la sommede 15.666 euros qui se trouvait le 1er octobre 2005 sur le compte portantle numero 235-7511297-17 et aux sommes de 3.000 euros et 1.000 eurosqu'elle a retires en especes respectivement les 7 octobre 2005 et 11octobre 2005 de son compte à vue chez Fortis portant le numero235-0511297-22.

Confirmant le jugement du premier juge, les juges d'appel ont aussideclare que la contestation soulevee par la demanderesse quant aux fondscommuns disparus n'etait pas en etat d'etre jugee dans la mesure ou elleest dirigee contre la decision du notaire suivant laquelle, si elle nefournit pas l'explication exigee, elle doit payer une recompense à lacommunaute dissoute de 18.896,24 euros, majoree des interets, sur la basedes considerations suivantes :

« 19. Sur ce point egalement, la cour (d'appel) se rallie à lamotivation pertinente du premier juge dans le jugement entrepris, dans lamesure ou elle n'est pas contredite pas les considerations suivantes. Pourautant que de besoin et à titre de complement de la motivation du premierjuge, il y a lieu de faire les observations suivantes.

20. Il ressort des donnees objectives produites que :

- quelques jours avant la separation de fait (octobre 2005), et/ou apres,la demanderesse a retire des sommes importantes de comptes financierscontenant des fonds communs, soit pour un montant total de 18.896,24euros ;

- la demande en divorce a ete introduite le 13 mars 2006.

Il n'est pas vraisemblable que la demanderesse ait depense un montant de18.896,24 euros sur une periode d'à peine cinq mois et demi, soit enmoyenne 3.435,68 euros par mois, pour le menage ou le patrimoine commun,sous reserve de circonstances speciales, qui ne paraissent toutefois pasexister en l'espece.

Il y a, des lors, lieu de deduire de ces faits graves et concordants lapresomption de fait de detournement de pouvoir.

21. Il y a, des lors, lieu de confirmer le jugement entrepris sur cepoint, de sorte qu'en ce qui concerne cette branche aussi, l'appel est nonfonde.

(...)

Griefs

(...)

Deuxieme branche

En vertu de l'article 1278, alinea 2, du Code judiciaire, le jugement oul'arret qui prononce le divorce remonte, à l'egard des epoux, en ce quiconcerne leurs biens, au jour de la demande, et en cas de pluralite dedemandes, au jour de la premiere d'entre elles, qu'elle ait abouti ou non.

Jusqu'à ce jour, en application des articles 1415 et 1416 du Code civil,le patrimoine commun est gere par l'un ou l'autre epoux qui peut exercerseul les pouvoirs de gestion, à savoir l'administration, la jouissance etla disposition, à charge pour chacun de respecter les actes de gestionaccomplis par son conjoint.

Aux termes de l'article 218 du Code civil, chacun des epoux peut faireouvrir à son nom, sans l'accord de son conjoint, tout compte de depot desommes ou de titres et il est repute à l'egard du depositaire en avoirseul la gestion. Il resulte de cette disposition que les epoux ont undroit de gestion propre des comptes en banque dont ils sont titulaires,meme si les avoirs sont communs.

En vertu de l'article 1432 du Code civil, il est du recompense par chaqueepoux à concurrence des sommes qu'il a prises sur le patrimoine communpour acquitter une dette propre et generalement toutes les fois qu'il atire un profit personnel du patrimoine commun.

En vertu de l'article 1433 du Code civil, il est du recompense aupatrimoine commun à concurrence du prejudice qu'il a subi en consequenced'un des actes enumeres à l'article 1422, lorsque ce prejudice n'a pasete entierement repare par l'annulation de l'acte ou lorsque l'annulationn'a pas ete demandee ou obtenue.

Un des epoux justifiant d'un interet legitime peut, en vertu de l'article1422, alinea 1er, 3DEG, du Code civil, demander l'annulation de tout acteaccompli par l'autre epoux en fraude des droits du demandeur.

La regle contenue à l'article 1416 du Code civil relative à la gestionconcurrente du patrimoine commun et l'obligation de l'epoux de respecterles actes de gestion accomplis par son conjoint, implique que tout epoux ale pouvoir de gerer seul le patrimoine commun, d'en jouir et d'en disposeret ainsi d'en modifier l'etendue.

Le meme pouvoir existe en application du droit de gestion propre descomptes en banque en vertu de l'article 218 du Code civil, meme si lesfonds sont communs.

Contrairement à la situation apres la dissolution du regime matrimonial,les epoux ne doivent pas rendre compte, pour les actes accomplis avant ladissolution, de la maniere dont ils ont gere le patrimoine commun.

L'epoux qui conteste des actes de gestion doit en demander l'annulationconformement à l'article 1422 du Code civil et en supporte la charge dela preuve, conformement aux articles 1315 du Code civil et 870 du Codejudiciaire.

De meme, l'epoux qui demande une recompense au patrimoine commun doitprouver, conformement aux articles 1315 du Code civil et 870 du Codejudiciaire, que son conjoint a pris des sommes sur le patrimoine communpour acquitter une dette propre ou qu'il a tire un profit personnel dupatrimoine commun (article 1432 du Code civil), ou que les actes ont eteaccomplis par son conjoint en fraude des droits du demandeur (articles1422 et 1433 du Code civil).

L'article 877 du Code judiciaire dispose que lorsqu'il existe despresomptions graves, precises et concordantes de la detention par unepartie ou un tiers, d'un document contenant la preuve d'un fait pertinent,le juge peut ordonner que ce document ou une copie de celui-ci certifieeconforme, soit depose au dossier de la procedure.

L'application de la disposition precitee relative à la communication dedocuments requiert qu'il soit clairement indique quel document doit etreproduit. Un ordre general de communiquer tous documents utiles ou toutrenseignement pertinent n'est pas admis par l'article 877 du Codejudiciaire.

En l'espece, il ressort des constatations des juges d'appel que lesparties se sont mariees le 7 septembre 2002 sous le regime de lacommunaute legale des biens à defaut d'un contrat de mariage. Il ressort,en outre, des constatations des juges d'appel que le defendeur a introduitune procedure en divorce le 13 mars 2006 et que la demanderesse a aussiintroduit une procedure en divorce le 11 octobre 2007. Il n'est pasconteste entre les parties que la date de la dissolution de la communauteest le 13 mars 2006, soit la date de l'introduction de la premiere demandeen divorce.

Les juges d'appel ont constate que quelques jours avant la separation defait (octobre 2005), et/ou apres, la demanderesse a retire des sommesimportantes de comptes financiers qui contenaient des fonds communs, soitpour un montant total de 18.896,24 euros.

Le premier juge, suivi en cela par les juges d'appel, a decide que lademanderesse devait jouer franc-jeu à propos des operations qui ont eulieu avec l'epargne des parties sur les comptes precites à compter du 1eroctobre 2005 et ce jusqu'au 13 mars 2006.

Il est ensuite ordonne à la demanderesse, non seulement de fournir unhistorique complet des comptes d'epargne à son nom chez Fortis, maisaussi de donner des explications completes sur la destination qu'elle adonnee à la somme de 15.666 euros qui se trouvait au 1er octobre 2005 surle compte portant le numero 235-7511297-11 et aux sommes de 3.000 euros et1.000 euros qu'elle a retires en especes respectivement les 7 et 11octobre 2005 de son compte à vue chez Fortis portant le numero235-0511297-22.

En faisant ainsi peser sur la demanderesse une obligation de justificationqui n'est pas fondee sur la loi et en imposant à la demanderesse lacharge de la preuve de la destination des fonds, l'arret attaque viole lesregles legales relatives aux droits de gestion des epoux sur le patrimoinecommun qui prescrivent le respect des actes de gestion du conjoint, sousreserve d'une demande en annulation (violation des articles 218, 1415,1416 et 1422 du Code civil), viole les regles en matiere de repartition dela charge de la preuve entre les parties, specialement en ce qui concernele droit à la recompense (violation des articles 1315, 1422, 1432 et 1433du Code civil et 870 du Code judiciaire) et viole l'article 1278, alinea2, du Code judiciaire qui ne fait retroagir le divorce que jusqu'à lademande en divorce et non avant (violation de l'article 1278, alinea 2, duCode judiciaire).

En ordonnant ensuite, en application de l'article 877 du Code judiciaire,la communication de renseignements (soit une explication complete de ladestination qu'elle a donnee à la somme de 15.666 euros qui se trouvaitau 1er octobre 2005 sur le compte portant le numero 235-7511297-17 et auxsommes de 3.000 et 1.000 euros qu'elle a retirees en especes de son compteà vue chez Fortis portant le numero 235-0511297-22, respectivement les 7et 11 octobre 2005), sans qu'il soit determine quels documents precisdoivent etre deposes, les juges d'appel ont aussi viole cette disposition.

(...)

III. La decision de la Cour

(...)

4. L'article 1278, alinea 2, du Code judiciaire dispose que le jugement oul'arret qui prononce le divorce remonte, à l'egard des epoux, en ce quiconcerne leurs biens, au jour de la demande, et en cas de pluralite dedemandes, au jour de la premiere d'entre elles, qu'elle ait abouti ou non.

5. L'article 1415, alinea 1er, du Code civil dispose que la gestion dupatrimoine commun comprend tous pouvoirs d'administration, de jouissanceet de disposition.

L'article 1416 du Code civil dispose que le patrimoine commun est gere parl'un ou l'autre epoux qui peut exercer seul les pouvoirs de gestion, àcharge pour chacun de respecter les actes de gestion accomplis par sonconjoint.

6. Il suit des dispositions legales precitees que jusqu'au jour de lademande en divorce, le patrimoine commun est gere par l'un ou l'autreepoux, à charge pour chacun de respecter les actes de gestion accomplispar son conjoint, sous reserve de la possibilite de demander l'annulationen vertu de l'article 1422, 3DEG du Code civil ou de demander unerecompense au profit du patrimoine commun en vertu de l'article 1433 duCode civil.

Il suit aussi des articles 1415, alinea 1er et 1416 du Code civil quechaque epoux ne doit en principe pas rendre de comptes et de justificationconcernant sa gestion.

7. L'article 1415, alinea 2, du Code civil dispose que les epoux gerent lepatrimoine commun dans l'interet de la famille.

Il suit du caractere lie des pouvoirs de gestion des epoux prevu par cettedisposition legale et du principe general du droit que les parties auproces sont tenues de collaborer loyalement à l'administration de lapreuve, que lorsqu'il y a des indices qu'un acte de gestion n'a pas eteaccompli dans l'interet de la famille, chaque epoux peut etre oblige, àla demande de son conjoint, de fournir des renseignements sur l'acteaccompli.

8. En considerant qu'une presomption de detournement de pouvoir peut sededuire de l'etendue des sommes retirees et du moment des retraits et enconfirmant ensuite le jugement entrepris qui enjoignait à la demanderessede communiquer l'historique des comptes en question ainsi que de fournirdes explications completes sur la destination donnee aux fonds retires,les juges d'appel ont legalement justifie leur decision.

Dans la mesure ou le moyen, en cette branche, invoque la violation desdispositions legales relatives à la gestion concurrente du patrimoinecommun et à la charge de la preuve ainsi que de l'article 218 du Codecivil, il ne peut etre accueilli.

9. Le jugement entrepris ordonne à la demanderesse, conformement auxarticles 877 et suivants du Code judiciaire, de remettre un historiquecomplet de certains comptes ainsi que des explications completes de ladestination qu'elle a donnee aux sommes qu'elle a retirees.

Dans la mesure ou le moyen, en cette branche, suppose qu'il a ete ordonneà la demanderesse de remettre des documents non precises avec cesexplications, il repose sur une lecture erronee du jugement entrepris etmanque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Eric Dirix, les conseillers AlainSmetryns, Koen Mestdagh, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononce enaudience publique du quatorze novembre deux mille treize par le presidentde section Eric Dirix, en presence de l'avocat general Andre Van Ingelgem,avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Marie-Claire Ernotte ettranscrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le conseiller,

14 novembre 2013 C.13.0015.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.13.0015.N
Date de la décision : 14/11/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-11-14;c.13.0015.n ?
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