La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/11/2013 | BELGIQUE | N°C.10.0286.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 novembre 2013, C.10.0286.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.10.0286.N

PRORAIL, societe de droit neerlandais,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. XPEDYS, s.a.,

Me Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,

2. FAG KUGELFISCHER GmbH, societe de droit allemand,

3. DB SCHENKER RAIL NEDERLAND, s.a.,

Me Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,

4. NATIONALE MAATSCHAPPIJ DER BELGISCHE SPOORWEGEN, s.a.,

Me Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation.

I. la procedure devant la Cour
r>Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 20 janvier 2010par la cour d'appel de Bruxelles.

Vu l'arret rendu par la ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.10.0286.N

PRORAIL, societe de droit neerlandais,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. XPEDYS, s.a.,

Me Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,

2. FAG KUGELFISCHER GmbH, societe de droit allemand,

3. DB SCHENKER RAIL NEDERLAND, s.a.,

Me Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,

4. NATIONALE MAATSCHAPPIJ DER BELGISCHE SPOORWEGEN, s.a.,

Me Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation.

I. la procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 20 janvier 2010par la cour d'appel de Bruxelles.

Vu l'arret rendu par la Cour le 27 mai 2011 et l'arret rendu par la Courde justice de l'Union europeenne le 21 fevrier 2013.

Tant la demanderesse que les premiere, deuxieme et quatrieme defenderessesont depose une note apres ledit arret de la Cour de justice.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. antecedents de la procedure

1. Dans son arret du 27 mai 2011, la Cour sursoit à statuer jusqu'à ceque la Cour de justice de l'Union europeenne se prononce sur la questionprejudicielle suivante :

« Les articles 1er et 17 du reglement (CE) nDEG 1206/2001 du Conseil du

28 mai 2001 relatif à la cooperation entre les juridictions des Etatsmembres dans le domaine de l'obtention des preuves en matiere civile oucommerciale, tenant compte notamment de la reglementation europeenne enmatiere de reconnaissance et d'execution des decisions judiciaires enmatiere civile et commerciale et du principe exprime à l'article 33.1 dureglement (CE) nDEG 44/2001 du Conseil du

22 decembre 2000 concernant la competence judiciaire, la reconnaissance etl'execution des decisions en matiere civile et commerciale selon lequelles decisions rendues dans un Etat membre sont reconnues dans les autresEtats membres, sans qu'il soit necessaire de recourir à aucune procedure,doivent-ils etre interpretes en ce sens que le juge qui ordonne uneexpertise judiciaire qui doit etre executee en partie sur le territoire del'Etat membre dont releve le juge, mais aussi en partie dans un autre Etatmembre, doit, pour l'execution directe de cette derniere partie,uniquement et donc exclusivement faire usage de la methode creee par cedernier reglement visee à l'article 17, ou si l'expert nomme par cet Etatpeut aussi etre charge en dehors des dispositions du reglement (CE) nDEG1206/2001 d'une expertise qui doit en partie etre executee dans un autreEtat membre de l'Union europeenne ? »

2. La Cour de justice de l'Union europeenne a repondu à cette questiondans son arret du 21 fevrier 2013 (affaire C-332/11).

III. le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1er et 17 du reglement (CE) nDEG 1206/2001 du Conseil du 28 mai2001 relatif à la cooperation entre les juridictions des Etats membresdans le domaine de l'obtention des preuves en matiere civile oucommerciale ;

- article 31 du reglement (CE) nDEG 44/2001 du Conseil du 22 decembre 2000concernant la competence judiciaire, la reconnaissance et l'execution desdecisions en matiere civile et commerciale ;

- principe general du droit international public relatif à lasouverainete des Etats.

Decisions et motifs critiques

Le juge d'appel a declare l'appel de la demanderesse recevable mais nonfonde, a confirme des lors l'ordonnance rendue le 5 mai 2009 par lepresident du tribunal de commerce de Bruxelles, siegeant en refere,laquelle designait l'expert Willy Geysen comme expert charge de se rendreaux Pays-Bas sur le lieu de l'accident, sur le reseau ferroviaire entre lagare d'Amsterdam Muiderpoort et celle d'Amsterdam Centraal et à tousendroits auxquels il peut faire des constatations utiles, de proceder àune visite des lieux et, apres un examen, de fournir son avis sur la causede l'accident, ainsi que de decrire et examiner les reseaux etinfrastructures ferroviaires geres par la demanderesse et de donner sonavis sur la question de savoir si et, dans l'affirmative, dans quellemesure cette infrastructure est aussi à l'origine de l'accident et acondamne la demanderesse aux depens de la procedure d'appel. Le juged'appel a rejete ainsi le moyen de defense invoque par la demanderessesuivant lequel le juge belge ne disposait pas du pouvoir de juridictionrequis pour charger l'expert designe d'examiner le reseau ferroviaire gerepar la demanderesse aux Pays-Bas, ainsi que le moyen de defense suivantlequel un expert ne peut pas etre charge d'un examen aux Pays-Basautrement que par l'application du reglement (CE) nDEG 1206/2001 duConseil du 28 mai 2001 et ce, aux motifs suivants :

« Le reglement (CE) nDEG 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif àla cooperation entre les juridictions des Etats membres dans le domaine del'obtention des preuves en matiere civile ou commerciale invoque par lademanderesse

12. L'article 1er du reglement precite dispose que :

`Champ d'application

1. Le reglement est applicable en matiere civile ou commerciale,lorsqu'une juridiction d'un Etat membre, conformement aux dispositions desa legislation, demande :

a) à la juridiction competente d'un autre Etat membre de proceder à unacte d'instruction ;

ou

b) à proceder directement à un acte d'instruction dans un autre Etatmembre'.

En l'espece, il n'est pas question d'une des hypotheses prevues àl'article 1er du reglement invoque par la demanderesse. Ce reglement n'estpas applicable et est sans pertinence en l'espece. La demanderesse nepeut, des lors, puiser aucun moyen ou argument utile dans ce reglementafin d'etayer son allegation que le premier juge ne disposait pas dupouvoir de juridiction requis pour ordonner la mesure d'instructioncritiquee.

Contrairement à ce qu'allegue la demanderesse, le premier juge avalablement ordonne la mesure d'instruction critiquee par la demanderesse.L'allegation de la demanderesse qu'il ne disposait pas du pouvoir dejuridiction requis pour le faire, est non fondee ».

« La mission attribuee à l'expert judiciaire Geysen par l'ordonnanceentreprise du 5 mai 2009

13. La demanderesse s'oppose à la mission de l'expert telle qu'elle a etedemandee et decrite.

14. L'allegation de la demanderesse qu'un expert ne peut etre charge d'unexamen aux Pays-Bas que par l'application du reglement (CE) nDEG 1206/2001du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la cooperation entre les juridictionsdes Etats membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matierecivile ou commerciale, est non fondee. La cour d'appel se refere à cetegard à ce qui a ete expose au considerant nDEG 11 de cet arret.

15. En vertu de l'ordonnance entreprise, la mission de l'expert consistenotamment à :

- dans le cadre de l'examen ordonne et defini, egalement decrire etexaminer le reseau et l'infrastructure ferroviaires geres par lademanderesse, y compris les systemes Hotbox et Quo Vadis, et donner sonavis sur la question de savoir si et, dans l'affirmative, dans quellemesure cette infrastructure est aussi à l'origine de l'accident du 22novembre 2008.

C'est à juste titre que la premiere defenderesse fait valoir que lamission de l'expert telle qu'elle est formulee dans l'ordonnanceentreprise ne lui permet pas d'examiner l'ensemble des reseau etinfrastructure ferroviaires neerlandais, sans que la moindre relationexiste à cet egard avec l'accident du 22 novembre 2008. La partie citeede la mission de l'expert judiciaire doit etre lue en combinaison avec lesautres clauses de la description de cette mission.

L'objection de la demanderesse à la partie precitee de la mission del'expert n'est, des lors, pas fondee » (...)

Griefs

Par son ordonnance du 5 mai 2009, laquelle est confirmee par l'arretattaque, le premier juge a designe un expert charge notamment :

« - de se rendre sur le lieu de l'accident aux Pays-Bas, sur le reseauferroviaire compris entre la gare Amsterdam Muiderpoort et AmsterdamCentraal, et à tous endroits ou il peut faire des constatations utiles ;

- de proceder à une visite des lieux, de donner, apres examen, son avissur les causes et circonstances de l'accident survenu le 22 novembre 2008sur le reseau ferroviaire pres d'Amsterdam ;

- dans le cadre de l'examen precite, de decrire et examiner egalement lereseau et l'infrastructure ferroviaires geres par la demanderesse, decritscomme les systemes Hotbox et Quo Vadis, et de donner son avis sur laquestion de savoir si et, dans l'affirmative, dans quelle mesure cetteinfrastructure est aussi à l'origine de l'accident du 22 novembre 2008».

Il suit de cette description de la mission attribuee à l'expert que lamajeure partie de cette mission devait etre effectuee aux Pays-Bas.

Le principe general du droit internationalement reconnu de la souverainetedes Etats implique qu'un Etat dispose de la competence exclusive deproceder à une execution forcee sur son territoire. Ce principe impliqueque, lorsque les elements de preuve à examiner se situent dans un autreEtat que celui de la juridiction appelee à statuer sur le fond de lacause, le respect de ce principe et des interets de cet Etat etrangerdoivent en principe l'emporter.

Conformement à l'article 1er du reglement (CE) nDEG 1206/2001 du Conseildu 28 mai 2001, ce reglement est applicable en matiere civile oucommerciale lorsqu'une juridiction d'un Etat membre, conformement auxdispositions de sa legislation, demande à la juridiction competente d'unautre Etat membre de proceder à un acte d'instruction. Aux termes del'article 17, alinea 1er, du meme reglement, lorsqu'une juridictionsouhaite proceder directement à un acte d'instruction dans un autre Etatmembre, elle presente une demande à l'organisme central ou à l'autoritecompetente de cet Etat, vises à l'article 3, paragraphe 3, au moyen duformulaire type I figurant en annexe et, conformement à l'alinea 2 dumeme article 17, l'execution directe de l'acte d'instruction n'estpossible que si elle peut avoir lieu sur une base volontaire, sans qu'ilsoit necessaire de recourir à des mesures coercitives. Il suit, des lors,sans ambiguite de la combinaison de ces dispositions du reglement quelorsqu'une mesure d'instruction, telle qu'une expertise judiciaire, doitetre executee aux Pays-Bas, il y a lieu de demander l'autorisationprealable à l'Etat neerlandais conformement à l'article 17 de cereglement et que cette exigence d'autorisation prealable vaut aussilorsqu'il s'agit d'une mesure d'instruction pouvant etre executeevolontairement et sans mesures de contrainte.

Cette exigence d'autorisation prealable de l'Etat membre dans lequel lamesure d'instruction doit etre executee decoule egalement de l'article 31du reglement (CE) nDEG 44/2001 du Conseil du 22 decembre 2000 concernantla competence judiciaire, la reconnaissance et l'execution des decisionsen matiere civile et commerciale. Aux termes de cette disposition, lesmesures provisoires ou conservatoires prevues par la loi d'un Etat membrepeuvent etre demandees aux autorites judiciaires de cet Etat, meme si, envertu de ce reglement, une juridiction d'un autre Etat membre estcompetente pour connaitre du fond. Il s'ensuit que la competenced'ordonner des expertises judiciaires appartient aux seuls tribunaux dulieu ou ces mesures doivent etre executees et qu'a contrario une tellemesure n'a aucun effet extraterritorial à moins d'avoir l'autorisation del'Etat dans lequel cette mesure d'instruction doit etre executee.

En considerant qu'en l'espece le reglement (CE) nDEG 1206/2001 n'est niapplicable ni pertinent et que la demanderesse ne peut puiser aucun moyenou argument utile dans ce reglement pour etayer son allegation que lepremier juge ne disposait pas du pouvoir de juridiction requis pourordonner la mesure d'instruction critiquee et que l'allegation de lademanderesse que le premier juge ne disposait pas du pouvoir dejuridiction requis à cet egard n'est pas fondee et en considerant, enoutre, que l'allegation de la demanderesse, selon laquelle un expert nepeut pas etre charge d'une instruction aux Pays-Bas autrement qu'enapplication du reglement (CE) nDEG 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001relatif à la cooperation entre les juridictions des Etats membres dans ledomaine de l'obtention des preuves en matiere civile ou commerciale, estnon fondee, le juge d'appel a, des lors, viole les articles 1er et 17,alineas 1er et 2, du reglement (CE)

nDEG 1206/2001 du 28 mai 2001, ainsi que le principe general du droitinternational public relatif à la souverainete des Etats et, pour autantque de besoin, l'article 31 du reglement (CE) nDEG 44/2001 du 22 decembre2000.

IV. la decision de la Cour

1. La Cour de justice a dit pour droit dans son arret -2-332/11 du 21fevrier 2013 :

Les articles 1er, paragraphe 1, sous b), et 17 du reglement (CE)nDEG 1206/2001 du Conseil, du 28 mai 2001, relatif à la cooperation entreles juridictions des Etats membres dans le domaine de l'obtention despreuves en matiere civile ou commerciale, doivent etre interpretes en cesens que la juridiction d'un Etat membre, qui souhaite qu'un acted'instruction confie à un expert soit effectue sur le territoire d'unautre Etat membre, n'est pas necessairement tenue de recourir au moyend'obtention des preuves prevu par ces dispositions afin de pouvoirordonner cet acte d'instruction.

2. La Cour de justice a considere à cet egard :

47. Il convient toutefois de preciser que, dans la mesure ou l'expertdesigne par une juridiction d'un Etat membre doit se rendre sur leterritoire d'un autre Etat membre afin d'effectuer l'expertise qui lui aete confiee, celle-ci pourrait, dans certaines circonstances, affecterl'autorite publique de l'Etat membre dans lequel elle doit avoir lieu,notamment lorsqu'il s'agit d'une expertise effectuee dans des endroitslies à l'exercice d'une telle autorite ou dans des lieux auxquels l'accesou d'autre intervention sont, en vertu du droit de l'Etat membre danslequel elle est effectuee, interdits ou ne sont permis qu'aux personnesautorisees.

48. Dans de telles circonstances, à moins que la juridiction souhaitantordonner une expertise transfrontaliere ne renonce à l'obtention deladite preuve et à defaut d'un accord ou d'un arrangement entre les Etatsmembres au sens de l'article 21, paragraphe 2, du reglement nDEG1206/2001, le moyen d'obtention des preuves prevu aux articles 1er,paragraphe 1, sous b), et 17 dudit reglement est le seul à permettre àla juridiction d'un Etat membre d'effectuer une expertise directement dansun autre Etat membre.

49. Il resulte de ce qui precede qu'une juridiction nationale souhaitantordonner une expertise qui doit etre effectuee sur le territoire d'unautre Etat membre n'est pas necessairement tenue de recourir au moyend'obtention des preuves prevu aux articles 1er, paragraphe 1, sous b), et17 du reglement

nDEG 1206/2001.

3. Des lors qu'il est entierement fonde sur le soutenement que lajuridiction d'un Etat membre qui souhaite que la mission tendant àl'obtention d'une preuve confiee à un expert soit effectuee sur leterritoire d'un autre Etat membre est toujours tenue de demanderl'autorisation prealable de l'autre Etat membre conformement à l'article17 du reglement (CE) nDEG 1206/2001, sans distinguer selon quel'instruction peut ou non avoir une influence sur l'autorite publique decet autre Etat membre ni selon qu'il existe ou non une convention ou unereglementation au sens de l'article 21, alinea 2, du reglement 1206/2001,le moyen manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Eric Dirix, president, le president desection Albert Fettweis, les conseillers Beatrijs Deconinck, AlainSmetryns et Koenraad Moens, et prononce en audience publique du septnovembre deux mille treize par le president de section Eric Dirix, enpresence de l'avocat general Christian Vandewal, avec l'assistance dugreffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Martine Regout ettranscrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le conseiller,

7 novembre 2013 C.10.0286.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0286.N
Date de la décision : 07/11/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-11-07;c.10.0286.n ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award