Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG S.12.0010.N
JODORE, s.a.,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
* * contre
ASSURANCES SOCIALES POUR INDEPENDANTS PARTENA, a.s.b.l.,
Me Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation.
I. La procedure devant la Cour
III. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le9 novembre 2010 par la cour du travail de Gand, section de Bruges.
IV. Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.
V. L'avocat general Henri Vanderlinden a conclu.
II. Le moyen de cassation
VI. La demanderesse presente un moyen libelle dans les termessuivants :
VII. Dispositions legales violees
* articles 15, S: 1er, alinea 3, 16, S:S: 1er et 2,alineas 1er et 2, plus specialement 2DEG, (le3DEG tant dans la version anterieure que dans laversion posterieure à sa modification par la loidu 22 decembre 2003) et 20, S: 1er, alinea 4, a),de l'arrete royal nDEG 38 du 27 juillet 1967organisant le statut social des travailleursindependants ;
* articles 1200, 1202, 1206 et 2242 à 2249,alinea 1er, du Code civil.
Decisions et motifs critiques
Par l'arret attaque, la cour du travail declare l'appel de lademanderesse recevable mais non fonde et confirme toutes les decisionsdu jugement rendu par le tribunal du travail. La cour du travail rendsa decision sur la base de toutes les constatations et de tous lesmotifs qu'elle contient et qui sont consideres comme ici integralementreproduits, plus specialement par les motifs suivants :
« 3.2. Sur le fondement
3.2.1. M.C. exerc,ait aupres de (la demanderesse) un mandat remunereen vertu duquel il etait assujetti au statut social des travailleursindependants et etait redevable de cotisations sociales.
M.C. n'a pas paye (en temps utile) les cotisations dues pour laperiode du premier trimestre de 1991 au premier trimestre de 1994inclus.
Conformement à l'article 16, S: 2, de l'arrete royal nDEG 38 du27 juillet 1967, le recouvrement des cotisations en application del'arrete royal se prescrit par cinq ans à compter du 1er janvier quisuit l'annee pour laquelle les cotisations sont dues.
Il ressort des pieces produites, et il n'est par ailleurs pas contestepar les parties, que la prescription de l'action en recouvrement descotisations precitees a ete interrompue à l'egard de M.C.conformement à l'article 16, S: 2, 2DEG, de l'arrete royal du27 juillet 1967, plus specialement par l'envoi des lettresrecommandees adressees à M.C. les 3 juin 1993, 8 novembre 1994 et22 decembre 1998 (dates des depots à la poste).
Ulterieurement, la prescription a ete interrompue conformement àl'article 2244, alinea 1er, du Code civil, à savoir par la citationen justice signifiee à M.C. le 14 decembre 2000 visant à entendrecondamner celui-ci au paiement des cotisations, des majorations, desdepens et des interets precites.
Par jugement rendu par defaut le 2 avril 2001 par la troisieme chambredu tribunal du travail de Furnes, M.C. a ete condamne à payer à (ladefenderesse) la somme de 48.005,94 euros, majoree des interetsjudiciaires et des depens.
Ce jugement n'ayant pas ete signifie dans l'annee, (la defenderesse) aagi en vue d'obtenir un nouveau jugement condamnant M.C. au paiementdes sommes enoncees dans le jugement rendu par defaut le 2 avril 2001,lequel jugement a ete rendu le 6 octobre 2003 par le tribunal dutravail de Furnes.
L'interruption de la prescription de l'action en recouvrement par lacitation en justice du 14 decembre 2000 a produit ses effets jusqu'au6 octobre 2003, date du jugement rendu par defaut, de sorte que lenouveau delai de la prescription quinquennale a pris cours à cettedate.
En effet, l'interruption de la prescription produit en principe seseffets pendant toute la duree du proces, c'est-à-dire jusqu'au jourde la prononciation du jugement ou de l'arret qui met fin à lacontestation (...).
C'est egalement le cas lorsqu'un jugement par defaut n'a pas etesignifie dans l'annee et qu'un nouveau jugement a ete requis (...).
Le dernier jugement par defaut a ete signifie à M.C. le 16 decembre2003 et le commandement de payer les sommes auxquelles le jugement du6 octobre 2003 le condamnait a ete signifie le 2 mars 2004 ;conformement à l'article 2244 du Code civil, la signification de cecommandement constitue egalement un acte interruptif de prescription.
3.2.2. Dans sa mise en demeure envoyee par recommande le 27 juin 2003,(la defenderesse) s'est referee à la solidarite de (la demanderesse)prevue par l'article 15, S: 1er, de l'arrete royal nDEG 38 du27 juillet 1967 et a somme (celle-ci) de proceder au paiement de lasomme de 48.047,65 euros dont M.C. etait redevable à titre decotisations sociales, de majorations et de depens.
Le 16 juillet 2008, à la suite d'un echange de correspondance aucours duquel (la demanderesse) a invoque la prescription de l'actionen recouvrement des cotisations de M.C., (la defenderesse) a cite (lademanderesse) en justice.
3.2.3. En vertu de l'article 15, S: 1er, alinea 2, de l'arrete royalnDEG 38 du 27 juillet 1967, (la demanderesse) est solidairement tenue,en sa qualite de personne morale, de payer les cotisations dues parM.C., son mandataire.
En raison de cette solidarite, qui tend à garantir le recouvrementdes cotisations afferentes à l'exercice de mandats donnant lieu àl'assujettissement au statut social des travailleurs independants, lespersonnes morales sont tenues de payer les memes dettes que leursassocies ou mandataires (...).
Toutefois, (la demanderesse) considere que (la defenderesse) ne peutlui reclamer le paiement des cotisations litigieuses au motif qu'enapplication de l'article 16, S: 2, de l'arrete royal nDEG 38 du27 juillet 1967, le recouvrement est prescrit des lors qu'aucun acteinterruptif de prescription n'a ete effectue à son egard au cours dudelai de la prescription quinquennale.
Elle allegue plus specialement que les mises en demeure adressees parrecommande à M.C. les 3 juin 1993, 8 novembre 1994 et 22 decembre1998 ont interrompu la prescription à l'egard de M.C. et non à sonegard et que, si elle constitue un acte interruptif de prescriptionsusceptible de produire des effets à son egard, la citation enjustice de M.C. par (la defenderesse) a ete signifiee le 14 decembre2000, soit posterieurement à la prescription acquise le 31 decembre1999.
C'est à tort que (la demanderesse) invoque à cet egardl'article 2249 du Code civil qui prevoit que l'interpellation faite àl'un des debiteurs solidaires interrompt la prescription contre tousles autres, pour autant qu'elle ait ete effectuee `conformement auxarticles ci-dessus', de sorte que la reference faite par (lademanderesse) au jugement rendu le 7 janvier 2000 par le tribunal dutravail de Bruxelles et l'arret rendu le 25 avril 2006 par la cour dutravail de Liege est denuee de pertinence.
En effet, la lettre recommandee n'est pas enumeree au titre d'acteinterruptif de prescription dans les articles du Code civil auxquelsl'article 2249 de ce code se refere.
Notamment dans l'article 2244 du Code civil qui dispose qu'unecitation en justice, un commandement ou une saisie formentl'interruption civile.
Toutefois, cela n'implique pas que les lettres recommandees adresseespar (la defenderesse) à M.C. les 3 juin 1993, 8 novembre 1994 et22 decembre 1998, qui ont interrompu la prescription à l'egard decelui-ci, n'ont pas valablement interrompu la prescription à l'egardde (la demanderesse).
3.2.4. L'article 16, S: 2, de l'arrete royal nDEG 38 du 27 juillet1967 prevoit expressement les modalites de prescription de l'action enrecouvrement des cotisations.
Il prevoit en son point 2 l'acte interruptif de prescription « parune lettre recommandee de l'organisme charge du recouvrement,reclamant les cotisations dont l'interesse est redevable », en susdes actes interruptifs enumeres aux articles 2244 et suivants du Codecivil vises en son point 1.
En d'autres termes, une loi speciale prevoit un acte specifiqued'interruption de la prescription de l'action en recouvrement,etranger au Code civil.
Certes, il y a lieu de constater que l'article 16, S: 2, 2DEG,n'enonce pas que l'interruption de la prescription produit egalementses effets à l'egard de la societe ou du travailleur independantayant un aidant, qui, conformement à l'article 15, S: 1er, alinea 2,de l'arrete royal precite, sont solidairement responsables du paiementdes cotisations des mandataires, associes ou aidants.
Toutefois, ce fait, conjointement avec la constatation quel'article 16, S: 2, 3DEG, prevoit que la lettre recommandee interromptegalement, le cas echeant, la prescription de l'action en recouvrementdes cotisations dues par le conjoint aidant vise à l'article 7bis,n'empeche pas que l'interruption de la prescription produit aussi seseffets à l'egard de (la demanderesse) en sa qualite de personnemorale solidairement responsable du paiement des cotisations de M.C.,son ancien mandataire.
Contrairement à ce que soutient (la demanderesse), les dispositionsdu Code civil relatives à la solidarite passive dans lesarticles 1200 à 1216 inclus sont applicables à la solidarite legalede la personne morale prevue par l'article 15, S: 1er, alinea 2, del'arrete royal nDEG 38 du 27 juillet 1967 en matiere de cotisationssociales dues par les mandataires et/ou les associes.
En effet, le fait que ces articles sont repris dans le Livre III,Titre III, du Code civil n'implique pas que les effets de lasolidarite passive legale prevue par l'article 15, S: 1er, alinea 2,de l'arrete royal nDEG 38 du 27 juillet 1967 ne relevent pas desarticles 1200 à 1216 inclus de ce code.
(La demanderesse) perd de vue que l'article 1202 du Code civil quiprevoit que la solidarite ne se presume pas mais doit etre soitexpressement stipulee, soit prevue par la loi.
Une solidarite prevue par la loi n'est pas exceptionnelle ; il peutetre fait reference à cet egard aux articles 222 du Code civil et30bis, S: 3, de la loi du 27 juin 1969 revisant l'arrete-loi du28 decembre 1944 concernant la securite sociale destravailleurs (...).
Les effets de la solidarite ne different pas selon que la solidariteest conventionnelle ou legale.
Conformement à l'article 1206 du Code civil, un des effets de lasolidarite passive est que les poursuites faites contre l'un desdebiteurs solidaires interrompent la prescription à l'egard de tous.
Or, l'envoi d'une lettre recommandee, conformement à l'article 16,S: 2, 2DEG, de l'arrete royal nDEG 38 du 27 juillet 1967, adressee par(la defenderesse) à un travailleur independant redevable decotisations sociales doit etre considere comme un acte de poursuite.
L'interruption de la prescription du recouvrement des cotisationssociales pour travailleurs independants, par l'envoi d'une lettrerecommandee par l'organisme charge du recouvrement des cotisationsdont l'independant interesse est redevable, vise à l'article 16,S: 2, de l'arrete royal nDEG 38 du 27 juillet 1967, a ete introduitedans cet arrete par la loi du 3 decembre 1984 modifiant l'arrete royalnDEG 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social destravailleurs independants, entree en vigueur le 19 decembre 1984.
Il ressort de l'expose des motifs et du rapport de la commission duSenat que la volonte du legislateur etait de tenir compte desobservations de la Cour des comptes suivant laquelle `il fallait toutmettre en oeuvre' `pour eviter la prescription'.
Il y a lieu d'en deduire que les actes interruptifs de la prescriptionde l'action en recouvrement des cotisations sociales pour travailleursindependants, vises à l'article 2244 du Code civil, et plusspecialement la `citation en justice', n'etaient pas suffisants à cetegard.
Ainsi, l'envoi des lettres recommandees adressees par (ladefenderesse) à M.C. les 3 juin 1993, 8 novembre 1994 et 22 decembre1998 a egalement interrompu à l'egard de (la demanderesse) laprescription de l'action en recouvrement des cotisations dont M.C. estredevable pour la periode litigieuse.
Cela implique simultanement que la citation en justice signifiee le14 decembre 2000 à M.C. à la requete de (la defenderesse) aegalement interrompu la prescription de l'action à l'egard de (lademanderesse).
En effet, conformement à l'article 2249 du Code civil, cette citationen justice a valablement interrompu la prescription à l'egard de (lademanderesse), des lors qu'en vertu de l'article 2244 du Code civil,la citation en justice interrompt la prescription et qu'en l'espece,eu egard à ce qui a ete expose ci-avant, celle-ci a ete signifieealors que l'action en recouvrement de (la defenderesse) contre (lademanderesse) n'etait pas encore prescrite.
(La defenderesse) n'est pas tenue d'assigner tant le mandataire de (lademanderesse) qui, en cette qualite, est assujetti au statut socialdes travailleurs independants que (la demanderesse) elle-meme, deslors qu'en sa qualite de creancier, elle dispose de la faculte dechoisir le debiteur solidaire qu'elle poursuivra et qui payera latotalite de la dette (...).
Ainsi qu'il a ete expose ci-avant, le nouveau delai de la prescriptionquinquennale a pris cours le 7 octobre 2003 et la prescription del'action en recouvrement a ete à nouveau interrompue tant à l'egardde M.C. qu'à l'egard de (la demanderesse) par la signification ducommandement faite le 2 mars 2004, qui, à son tour, a donne cours àun nouveau delai quinquennal.
Dans sa mise en demeure envoyee par recommande le 27 juin 2003, (ladefenderesse) s'est referee à la solidarite de (la demanderesse) et asomme (celle-ci) de proceder au paiement de la somme de48.047,65 euros dont M.C. etait redevable à titre de cotisationssociales, de majorations et de depens.
(La defenderesse) a cite (la demanderesse) en justice au cours dudelai de prescription, de sorte que l'action n'est pas prescrite.
C'est à bon droit que, fut-ce partiellement par d'autres motifs, lepremier juge condamne (la demanderesse) au paiement de la somme de72.635,30 euros, majoree des interets judiciaires sur la somme de47.656,06 euros à partir du 26 fevrier 2009, de sorte que l'appel de(la demanderesse) forme contre cette decision du jugement n'est pasfonde ».
Griefs
* 1.1. L'article 20, S: 1er, alinea 4, a), de l'arreteroyal nDEG 38 du 27 juillet 1967, (...), prevoit que les caissesagreees d'assurances sociales pour travailleurs independants ont pourmission de percevoir aupres de leurs affilies les cotisations dues envertu de l'arrete royal et, le cas echeant, d'en poursuivre lerecouvrement judiciaire. En vertu de l'article 16, S: 1er, du memearrete royal, les organismes percepteurs sont charges du recouvrementdes cotisations, au besoin par la voie judiciaire.
L'article 16, S: 2, alinea 1er, du meme arrete royal dispose que lerecouvrement des cotisations prevues par l'arrete royal se prescritpar cinq ans à compter du 1er janvier qui suit l'annee pour laquelleelles sont dues.
En vertu de l'article 16, S: 2, alinea 2, du meme arrete royal, laprescription est interrompue, non seulement de la maniere prevue parles articles 2244 et suivants du Code civil, mais aussi par une lettrerecommandee de l'organisme charge du recouvrement, reclamant lescotisations dont l'interesse est redevable ou par une lettrerecommandee envoyee par l'Institut national d'assurances sociales pourtravailleurs independants dans le cadre de la mission qui lui estdevolue par l'article 21, S: 2, 1DEG, et mettant l'interesse endemeure de s'affilier à une caisse d'assurances sociales. Depuis le1er janvier 2003, ladite lettre recommandee interrompt egalement, lecas echeant, la prescription du recouvrement des cotisations dues parle conjoint aidant vise à l'article 7bis.
1.2. L'article 1200 du Code civil dispose qu'il y a solidarite de lapart des debiteurs, lorsqu'ils sont obliges à une meme chose, demaniere que chacun puisse etre contraint pour la totalite, et que lepayement fait par un seul libere les autres envers le creancier. Envertu de l'article 1202 du meme code, la regle suivant laquelle lasolidarite ne se presume point (et doit etre expressement stipulee) necesse que dans les cas ou la solidarite a lieu de plein droit, envertu d'une disposition de la loi.
L'article 15, S: 1er, alinea 3, de l'arrete royal nDEG 38 du27 juillet 1967 dispose que le travailleur independant est tenu,solidairement avec l'aidant, au paiement des cotisations dont cedernier est redevable et qu'il en est de meme des personnes morales,en ce qui concerne les cotisations dues par leurs associes oumandataires. Ainsi, la personne morale est tenue, solidairement avecses associes ou mandataires, des cotisations dont ceux-ci sontredevables.
1.3. Le texte de l'article 16, S: 2, alinea 2, 2DEG et 3DEG, del'arrete royal nDEG 38 du 27 juillet 1967 ne distingue pasl'interruption de la prescription selon que les cotisations sontreclamees aux associes, aux mandataires des personnes morales ou auxpersonnes morales memes qui sont tenues, solidairement avec leursassocies ou leurs mandataires, au paiement des cotisations. Bien qu'àdefaut de distinction, les dispositions precitees portent sur laprescription de l'action en recouvrement des cotisations dues partoute personne redevable des cotisations, l'acte interruptif deprescription produit ses effets uniquement à l'egard de la personnecontre laquelle il est effectue. Cela decoule non seulement duprincipe de la relativite de l'interruption civile de la prescriptionmais se deduit aussi de l'article 16, S: 2, alinea 2, 3DEG, in fine,de l'arrete royal nDEG 38 du 27 juillet 1967 aux termes duquel lalettre recommandee interrompt egalement, le cas echeant, laprescription de l'action en recouvrement des cotisations dues par leconjoint aidant vise à l'article 7bis.
1.4. L'article 1206 du Code civil dispose que les poursuites faitescontre l'un des debiteurs solidaires interrompent la prescription àl'egard de tous.
L'envoi d'une lettre recommandee adressee à un travailleurindependant par l'organisme charge du recouvrement reclamant lescotisations dont l'interesse est redevable ne peut etre considerecomme "une poursuite" (contre l'un des debiteurs solidaires) au sensde l'article 1206 du Code civil, de sorte que cet envoi n'interromptpas la prescription de l'action en recouvrement à l'egard de tous lesdebiteurs solidaires. En effet, il y a lieu de lire l'article 1206 duCode civil conjointement avec l'article 2249 du meme code.
En vertu de l'article 2249, alinea 1er, du Code civil,« l'interpellation faite, conformement aux articles ci-dessus, àl'un des debiteurs solidaires », ou sa reconnaissance, interrompentla prescription à l'egard de tous les autres debiteurs et meme àl'egard des heritiers de ceux-ci. Il ressort des articles 2242 à 2248du Code civil que cette « interpellation faite conformement auxarticles ci-dessus » consiste en une citation en justice, uncommandement ou une saisie, signifies à celui qu'on veut empecher deprescrire.
L'envoi d'une lettre recommandee adressee à un travailleurindependant par l'organisme charge du recouvrement, reclamant lepaiement des cotisations dont l'interesse est redevable, ne constituepas une interpellation au sens de l'article 2249, alinea 1er, du Codecivil.
1.4. Ainsi, il suit du rapprochement des articles 15, S: 1er,alinea 3, 16, S: 2, alineas 1er et 2, 2DEG et 3DEG, de l'arrete royalnDEG 38 du 27 juillet 1967, 1200, 1202, 1206 et 2249, alinea 1er, duCode civil que l'envoi d'une lettre recommandee adressee par la caissed'assurances sociales au travailleur independant, reclamant lepaiement des cotisations dues, n'interrompt pas la prescriptionapplicable au recouvrement effectue à l'egard des personnes moralessolidairement tenues au paiement des cotisations dont leurs associesou mandataires sont redevables.
2. La cour du travail a constate que :
- M.C. exerc,ait aupres de la demanderesse un mandat remunere en vertuduquel il etait assujetti au statut social des travailleursindependants et qu'il n'a pas paye (en temps utile) les cotisationsdues pour la periode du premier trimestre de 1991 au premier trimestrede 1994 inclus ;
- la prescription de l'action en recouvrement des cotisationsprecitees a ete interrompue conformement à l'article 16, S: 2,alinea 2, 2DEG, de l'arrete royal nDEG 38 du 27 juillet 1967, plusspecialement par l'envoi des lettres recommandees adressees à M.C.les 3 juin 1993, 8 novembre 1994 et 22 decembre 1998 ;
- ulterieurement, la prescription a ete interrompue par la citation enjustice signifiee à M.C. le 14 decembre 2000 visant à entendrecondamner celui-ci au paiement des arrieres des cotisations sociales ;
- par jugement rendu par defaut le 2 avril 2001 par le tribunal dutravail de Furnes, M.C. a ete condamne à payer la somme de48.005,94 euros, majoree des interets et des depens ;
- ce jugement n'a pas ete signifie et le tribunal du travail de Furnesa rendu un nouveau jugement, identique, le 6 octobre 2003 ;
- à cette date, le nouveau delai de la prescription quinquennale apris cours ;
- le jugement rendu par defaut le 6 octobre 2003 a ete signifie àM.C. le 16 decembre 2003 et le commandement de payer, qui constitueegalement un acte interruptif de prescription, a ete signifie le2 mars 2004.
Ensuite, la cour du travail a considere qu'en vertu de l'article 15,S: 1er, alinea 2, de l'arrete royal nDEG 38 du 27 juillet 1967, lademanderesse est solidairement tenue, en sa qualite de personnemorale, de payer les cotisations dues par M.C. et elle a declare quele recouvrement effectue par la defenderesse à l'egard de lademanderesse n'est pas prescrit, par les motifs que :
- c'est à tort que la demanderesse invoque l'article 2249 du Codecivil ;
- en effet, la lettre recommandee n'est pas enumeree au titre d'acteinterruptif de prescription dans l'article 2249 du Code civil ;
- toutefois, cela n'implique pas que les lettres recommandeesadressees à M.C. les 3 juin 1993, 8 novembre 1994 et 22 decembre1998, qui ont somme celui-ci de payer et ont interrompu laprescription à son egard, n'ont pas valablement interrompu laprescription à l'egard de la demanderesse ;
- une loi speciale, notamment l'article 16, S: 2, de l'arrete royalnDEG 38 du 27 juillet 1967, prevoit divers actes specifiquesd'interruption de la prescription de l'action en recouvrement ;
- le fait que l'article 16, S: 2, 2DEG, de l'arrete royal nDEG 38 du27 juillet 1967 n'enonce pas que l'interruption de la prescriptionproduit egalement ses effets à l'egard de la societe ou dutravailleur independant aide, qui sont solidairement responsables dupaiement des cotisations sociales, alors que l'article 16, S: 2, 3DEG,du meme arrete royal prevoit que, dans le cas prevu, la lettrerecommandee interrompt egalement, le cas echeant, la prescription durecouvrement à l'egard du conjoint aidant, n'empeche pas quel'interruption de la prescription produit aussi ses effets à l'egardde la demanderesse, en sa qualite de personne morale solidairementresponsable du paiement des cotisations sociales dont M.C. estredevable ;
- les dispositions des articles 1200 à 1216 du Code civil sontapplicables à la solidarite visee à l'article 15, S: 1er, alinea 2,de l'arrete royal nDEG 38 du 27 juillet 1967 ;
- conformement à l'article 1206 du Code civil, un des effets de lasolidarite passive est que les poursuites faites contre l'un desdebiteurs solidaires interrompent la prescription à l'egard de tous ;
- conformement à l'article 16, S: 2, alinea 2, 2DEG, de l'arreteroyal nDEG 38 du 27 juillet 1967, l'envoi d'une lettre recommandeeadressee à un travailleur independant redevable de cotisationssociales doit etre considere comme un acte de poursuite ;
- les lettres recommandees adressees à M.C. les 3 juin 1993,8 novembre 1994 et 22 decembre 1998, ainsi que la citation en justicesignifiee à celui-ci le 14 decembre 2000, ont egalement interrompu laprescription à l'egard de la demanderesse ;
- un nouveau delai de prescription a pris cours le 7 octobre 2003 etla prescription a ete à nouveau interrompue le 2 mars 2004 ;
- par la lettre recommandee du 27 juin 2003, la demanderesse a etesommee, en sa qualite de debiteur solidaire, de proceder au paiementdes cotisations dues par M.C. pour etre ensuite citee en justice aucours du delai de prescription.
En decidant que les dispositions des articles 1200 à 1216 du Codecivil, et plus specialement de l'article 1206 de ce code, sontapplicables à la solidarite legale de la personne morale prevue àl'article 15, S: 1er, alinea 2, de l'arrete royal nDEG 38 du27 juillet 1967, la cour du travail viole ces dispositions legales,ainsi que les articles 16, S: 2, alinea 2, 2DEG, de l'arrete royalnDEG 38 du 27 juillet 1967 et 2242 à 2249 du Code civil. En effet, ily a lieu de lire l'article 1206 du Code civil conjointement avecl'article 2249 du meme code, des lors qu'il porte uniquement sur lesinterpellations visees à l'article 2249 precite, qui exclut la lettrerecommandee au sens de l'article 16, S: 2, alinea 2, 2DEG, de l'arreteroyal nDEG 38 du 27 juillet 1967.
En decidant que, conformement à l'article 16, S: 2, 2DEG, de l'arreteroyal nDEG 38 du 27 juillet 1967, l'envoi d'une lettre recommandeeadressee par la defenderesse à un travailleur independant redevablede cotisations sociales doit etre considere comme un acte de poursuiteau sens de l'article 1206 du Code civil, la cour du travail viole cesdeux dispositions legales.
Il suit de ce qui precede que la cour du travail n'a pas decidelegalement que l'envoi des lettres recommandees à M.C. les 3 juin1993, 8 novembre 1994 et 22 decembre 1998 a egalement interrompu àl'egard de la demanderesse la prescription de l'action en recouvrementdes cotisations (violation de toutes les dispositions legales citeesen tete du moyen).
Conclusion.
La cour du travail n'a pas decide legalement que l'action de ladefenderesse n'est pas prescrite et, en consequence, n'a paslegalement deboute la demanderesse de son appel (violation desarticles 15, S: 1er, alinea 3, 16, S:S: 1er et 2, alineas 1er et 2,20, S: 1er, alinea 4, a), de l'arrete royal nDEG 38 du 27 juillet 1967organisant le statut social des travailleurs independants, 1200, 1202,1206 et 2242 à 2249, alinea 1er, du Code civil).
III. La decision de la Cour
VIII. IX. 1. En vertu de l'article 15, S: 1er, alinea 3, de l'arreteroyal nDEG 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social destravailleurs independants, les personnes morales sont tenues,solidairement avec leurs associes ou mandataires, au paiementdes cotisations dont ceux-ci sont redevables.
X. En vertu de l'article 16, S: 2, alinea 2, du meme arrete royal,la prescription de l'action en recouvrement des cotisations estinterrompue, non seulement de la maniere prevue par lesarticles 2244 et suivants du Code civil, mais aussi par unelettre recommandee de l'organisme charge du recouvrement,reclamant les cotisations dont l'interesse est redevable.
XI. 2. Eu egard à cette solidarite, les personnes morales sonttenues de payer les memes dettes que leurs associes oumandataires.
La prescription est interrompue à l'egard de toutes les personnesqui sont tenues au paiement de ces memes dettes.
3. Le moyen, qui repose tout entier sur le soutenement que l'acteinterruptif de prescription vise à l'article 16, S: 2, alinea 2,2DEG, de de l'arrete royal nDEG 38 du 27 juillet 1967 produit seseffets uniquement à l'egard du travailleur independant, et non àl'egard de la societe dont le travailleur independant estadministrateur, manque en droit.
* Par ces motifs,
* * La Cour
* * Rejette le pourvoi ;
* Condamne la demanderesse aux depens.
* Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, àBruxelles, ou siegeaient le conseiller Beatrijs Deconinck,faisant fonction de president, les conseillers Alain Smetryns,Koen Mestdagh, Antoine Lievens et Koenraad Moens, et prononce enaudience publique du quatre novembre deux mille treize par leconseiller Beatrijs Deconinck, en presence de l'avocat generalHenri Vanderlinden, avec l'assistance du greffier JohanPafenols.
Traduction etablie sous le controle du president de section AlbertFettweis et transcrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
Le greffier, Le president de section,
4 novembre 2013 S.12.0010.N/1