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29/10/2013 | BELGIQUE | N°P.13.1270.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 octobre 2013, P.13.1270.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.13.1270.N

F. B.,

prevenu, detenu,

demandeur,

* Me Walter Damen, avocat au barreau d'Anvers,

* * contre

1. P. D.,

2. F. V.,

3. CENTRE POUR L'EGALITE DES CHANCES ET LA LUTTE CONTRE LE RACISME,

Me Dirk Dewandeleer, avocat au brreau de Bruxelles,

parties civiles,

defendeurs,

I. la procedure devant la Cour

IV. Le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 6 juin 2013 par la courd'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.

V. Le demandeur fait valo

ir quatre moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.

VI. Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.

VII....

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.13.1270.N

F. B.,

prevenu, detenu,

demandeur,

* Me Walter Damen, avocat au barreau d'Anvers,

* * contre

1. P. D.,

2. F. V.,

3. CENTRE POUR L'EGALITE DES CHANCES ET LA LUTTE CONTRE LE RACISME,

Me Dirk Dewandeleer, avocat au brreau de Bruxelles,

parties civiles,

defendeurs,

I. la procedure devant la Cour

IV. Le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 6 juin 2013 par la courd'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.

V. Le demandeur fait valoir quatre moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.

VI. Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.

VII. L'avocat general Marc Timperman a conclu.

II. la decision de la Cour

Sur le premier moyen :

1. Le moyen invoque la violation de l'article 150 de la Constitution :l'arret decide, à tort, que le tribunal correctionnel s'est declare, àbon droit, competent ; il ne s'agit pas de reduire la notion de delit depresse à des expressions d'opinion punissables dans des textes diffusespar la voie de la presse ecrite ou digitale ; memes des expressionsd'opinion punissables emises verbalement ou enregistrees sur supportnumerique diffusees sur internet relevent de cette notion ; la distinctionentre le texte de presse imprime ou le texte verbal n'a plus lieu d'etre ;l'article 150 de la Constitution ne veut pas tant proteger le supporttechnique, mais plutot le moyen de communication.

2. L'article 150 de la Constitution dispose que le jury est etabli entoutes matieres criminelles et pour les delits politiques et de presse, àl'exception des delits de presse inspires par le racisme ou la xenophobie.

3. Le delit de presse requiert l'expression punissable d'une opinion dansun texte reproduit par voie d'imprimerie ou par un procede similaire,telle la diffusion numerique. La diffusion d'opinions punissables oralesou audiovisuelles ne constitue pas un delit de presse parce qu'il nes'agit pas en l'occurrence de textes ecrits.

Le moyen qui est deduit d'une autre premisse juridique, manque en droit.

Sur le deuxieme moyen :

4. Le moyen invoque la violation de l'article 442bis du Code penal :l'arret declare, à tort, le demandeur coupable de harcelement ;l'agissement repetitif est un element constitutif de cette infraction ;par consequent, un seul agissement ne peut donner lieu à du harcelement ;l'arret ne pouvait ainsi decider que le seul fait de poster une video surinternet constitue l'agissement repetitif en ce qu'il a pu etre visionnedurant cinq jours par le public internet à l'echelle mondiale ; de plus,le caractere eventuellement repetitif du visionnage d'une video par unpublic internet determine ne peut nullement donner lieu à du harcelement,des lors que celui-ci doit toujours etre dirige contre une personnedeterminee ; la victime n'a regarde la video qu'une seule fois ; le faitque d'autres personnes l'aient visionne et que cela constituerait unelement repetitif ne signifie pas que la victime du harcelement aurait eteatteinte de maniere repetitive.

5. Dans la mesure ou il oblige la Cour à proceder à un examen des faitspour lequel elle est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.

6. L'article 442bis, alinea 1er, du Code penal, punit le harcelement d'unepersonne, alors que l'auteur savait ou aurait du savoir qu'il affecteraitgravement par ce comportement la tranquillite de la personne visee.

7. Cette disposition punit quiconque porte gravement atteinte, par desagissements incessants ou repetitifs, à l'environnement personneld'autrui en l'importunant de maniere irritante, alors qu'il connaissait ouaurait du connaitre les consequences de son comportement.

Un seul agissement qui, par sa nature incessante ou repetitive, a pourconsequence de porter gravement atteinte à l'environnement personneld'autrui, peut constituer l'infraction de harcelement.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque en droit.

8. La circonstance que le harcelement implique une grave perturbation dela tranquillite d'une ou plusieurs personnes determinees, n'exclut pas quecette grave perturbation puisse etre engendree par la diffusion viainternet de commentaires sur ces personnes ou leur environnement proche.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque egalement en droit.

9. Le juge apprecie souverainement en fait si la tranquillite d'unepersonne determinee est gravement affectee par le comportement del'auteur.

10. L'arret decide que :

- l'infraction de `harcelement' requiert des comportements qui presententun caractere continu et incessant ;

- en postant la video sur You Tube, les insultes perturbant latranquillite ont presente un caractere quasi permanent, des lors qu'àpartir de leur diffusion sur internet, elles ont pu etre vues et entenduespar quiconque a acces à internet, de maniere permanente et à l'echellemondiale ;

- la video a pu etre visionnee ou telechargee pendant cinq jours ;

- le propre d'internet en general et de forums ou sites internet tels queYou Tube en particulier est que des videos et commentaires qui y sontpostes peuvent etre entendus ou vus de maniere permanente par un nombreincalculable de personnes ;

- il ne fait aucun doute que le demandeur savait que poster la video enquestion, fut-ce par un acte unique de sa part, au cours de la periodedeterminee, affecterait la tranquillite de la personne qu'il visait, demaniere incessante et durant une periode continue ;

- il doit meme etre etabli que telle etait son intention, des lors qu'il aopte pour le procede le plus approprie en l'occurrence.

Ainsi, la decision est legalement justifiee.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le troisieme moyen :

11. Le moyen invoque la violation de l'article 442bis du Code penal :l'arret admet, à tort, que le harcelement peut affecter des tiers ; leharcelement suppose que soit visee une personne determinee, tenant comptedes agissements concrets de l'auteur et de la perception par et donc de lapersonnalite de la victime ; la victime etant decedee, cette eventualiteest exclue ; des lors que le harcelement requiert une perturbation graveet effective et qu'il constitue un delit sur plainte en ce qui concernel'atteinte personnelle de la personne visee, un effet indirect ne sauraitse justifier.

12. La circonstance que le harcelement implique une grave perturbation dela tranquillite d'une ou plusieurs personnes determinees n'exclut pas quecette grave perturbation puisse etre engendree par la diffusiond'informations sur des personnes issues de l'environnement proche de lapersonne ou des personnes harcelees. La prise en consideration d'un telcomportement n'implique pas un effet à l'egard des tiers du delit deharcelement.

Le moyen qui est deduit d'une autre premisse juridique, manque en droit.

Sur le quatrieme moyen :

13. Le moyen invoque la violation des articles 10 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales et 19 de laConstitution : l'arret restreint, à tort, la liberte d'expressioncontenue dans ces dispositions ; l'arret considere, à tort, lesdeclarations du demandeur et ses films, comme de l'incitation à ladiscrimination, à la haine ou à la violence ; avoir certaines idees, ouentretenir certaines sympathies, meme violentes, injurieuses ouchoquantes, ne peut etre sanctionne ; avoir certaines opinions ou meprisercertaines personnes ou certains groupes n'est pas en soi punissable et nepeut toujours etre considere comme une « incitation à » ; l'arret netient pas compte du contexte et du climat dans lesquels les declarationsont ete faites ; l'intention d'inciter à une reaction doit etredemontree, alors que cette intention necessaire ne peut etre deduite desquelques mots du demandeur.

14. Le juge apprecie souverainement en fait si l'auteur a incite à ladiscrimination, à la segregation, à la haine ou à la violence au sensde l'article 22, 1DEG, 2DEG, 3DEG et 4DEG, de la loi du 10 mai 2007tendant à lutter contre certaines formes de discrimination et s'il a enoutre agi avec l'intention requise. La Cour verifie uniquement si le jugene tire pas des faits qu'il constate des consequences sans lien avec euxou qu'ils ne sauraient justifier.

15. Adoptant les motifs du jugement dont appel du 4 mai 2012 (...) et parses propres motifs (...), l'arret decide que le demandeur n'exprime passeulement son opinion, mais que, compte tenu du contenu, du ton, ducaractere explicite, du decor, de la presentation et du caractererepetitif de ses messages, il incite indiscutablement à la discriminationsur la base de la croyance et à la discrimination, à la segregation, àla haine ou à la violence à l'egard du groupe de non-musulmans et qu'ille fait sciemment et volontairement, et donc intentionnellement. Cettedecision est legalement justifiee.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Le controle d'office

16. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.

Par ces motifs,

* * La Cour

* * Rejette le pourvoi ;

* Condamne le demandeur aux frais.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Maffei, les conseillers Luc Vanhoogenbemt, Filip Van Volsem, Antoine Lievens et Erwin Francis, etprononce en audience publique du vingt-neuf octobre deux mille treize parle president de section Paul Maffei, en presence de l'avocat general MarcTimperman, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejmeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

Le greffier, Le conseiller,

29 octobre 2013 P.13.1270.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.13.1270.N
Date de la décision : 29/10/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-10-29;p.13.1270.n ?
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