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28/10/2013 | BELGIQUE | N°S.11.0125.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 octobre 2013, S.11.0125.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.11.0125.F

G. M.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

Altran, anciennement denommee Altran Europe, societe anonyme dont le siegesocial est etabli à Woluwe-Saint-Pierre, avenue de Tervueren, 142,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Brux

elles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.11.0125.F

G. M.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

Altran, anciennement denommee Altran Europe, societe anonyme dont le siegesocial est etabli à Woluwe-Saint-Pierre, avenue de Tervueren, 142,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 5 avril 2011par la cour du travail de Bruxelles.

Le president Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general delegue Michel Palumbo a conclu.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente trois moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 1315, 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- article 870 du Code judiciaire ;

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense ;

- principe general du droit dit principe dispositif, en vertu duquelseules les parties ont la maitrise des limites du litige.

Decisions et motifs critiques

L'arret, apres avoir dit les appels recevables, « dit non fonde l'appel[du demandeur] ; met les depens d'appel de la [defenderesse] à charge [dudemandeur] ; fixe ceux-ci à 7.000 euros (indemnite de procedure) », et« delaisse [au demandeur] ses propres depens ».

L'arret se fonde sur les motifs suivants :

« Le premier juge a admis l'exception de transaction, ce que conteste [ledemandeur] ;

La transaction est un contrat par lequel les parties terminent unecontestation nee ou previennent une contestation à naitre (Code civil,article 2044). Il s'agit d'un contrat consensuel, qui se forme par le seulconsentement des parties ; l'ecrit vise à l'article 2044, alinea 2, duCode civil n'est exige qu'à titre de preuve. La transaction fait obstacleà la reiteration de la demande devant le juge ;

En l'espece, la cour [du travail] releve que :

- le 27 octobre 2005, la notification de la decision de mettre fin aucontrat belge contient la precision que les parties n'ont pas encore puarriver à un accord concernant les modalites de rupture du contrat, enparticulier le montant de l'indemnite tenant lieu de preavis. La lettreannonce que la societe paiera, dans l'attente d'un accord definitif, uneindemnite equivalente à neuf mois de remuneration. Elle invite à uncontact le plus rapide possible. La lettre est signee par F. G. pour lasociete belge Altran Europe (...) ;

- le 16 novembre 2005, [le demandeur] rejette une premiere proposition.Il conteste le montant de l'indemnite proposee, l'existence d'une clausede non-concurrence et l'absence de clause concernant les `stock options'.Il situe la transaction proposee comme concernant son licenciement du`groupe Altran' ;

- il s'adresse à un sieur F. comme etant celui qui lui a propose latransaction et lui signale etre à sa disposition pour en discuter ;

- lors de ce refus du 16 novembre 2005, [le demandeur] signale avoirdemande à un avocat de l'aider ;

- il joint une etude de ce conseil, datee du 16 novembre et transmise lejour meme à monsieur F. Cette etude argumente la these selon laquellel'indemnite compensatoire de preavis due par la societe Altran Europe doitetre calculee sur l'ensemble des remunerations versees par les societesbelge (Altran Europe) et bresiliennes (Polen Informatica et Altran Brasil); l'etude examine la question des stock options et la clause denon-concurrence proposee ;

- le document manuscrit du 30 novembre 2005 emane de F. G., signataire dela lettre de licenciement au nom de la societe belge Altran Europe. Cedocument manuscrit du 30 novembre 2005 annonce les modalites d'unetransaction (indemnite portee à 65.000 euros et remboursement de fraisde demenagement jusqu'à concurrence de maximum 9.000 euros) et preciseetre etabli pour `permettre à J. A. de finaliser notre accord' ; ilannonce que `ce projet doit etre finalise de fac,on formelle avant cesoir, 30 novembre 2005'. Il enonce, à titre d'engagement mutuel, que`nous nous interdisons de nous poursuivre en justice pour quelque raisonque ce soit et au titre d'une quelconque entite juridique du groupe Altranet ce, à titre definitif'. Il n'est plus question d'une clause denon-concurrence. Ce document est signe par [le demandeur] ;

- le document dactylographie du 30 novembre 2005 reprend l'engagement dugroupe Altran de verser une indemnite brute de 65.000 euros ; le versementde cette indemnite dans les quinze jours par virement sur le compte belge[du demandeur] ; le remboursement des frais de demenagement (maximum 9.000dollars) ; la clause de renonciation ;

- ce document ne prevoit pas d'autre etape (aucun autre accord ou documentn'est annonce). Il est signe par monsieur F., par [le demandeur] et parmadame A. à titre de temoin et, de la sorte, formalise ;

Sont ainsi etablis, l'existence d'une transaction, proposee par l'auteurdu licenciement, son contenu clair, et le consentement [du demandeur] surle contenu de cette transaction ;

Contrairement à ce que soutient [le demandeur], il n'y a pas eusimplement des negociations ou une `ebauche d'accord'. Il y a eu unaccord, signe par les deux parties, et formalise par la signature d'untemoin. [Le demandeur] a donne son consentement ;

Cet accord, signe par monsieur F., mandate à cet effet, engageait enparticulier la [defenderesse], ce qu'annonce le document manuscrit sous lasignature de F. G. Par ailleurs, la societe a execute la transaction et[le demandeur] a rec,u le montant sans emettre aucune reserve lors de lareception de ce montant. [Il] a passe la reception de ce montant soussilence, jusqu'à ce que la societe, en cours de procedure, en fasseetat ;

Le fait que [le demandeur] ait manifeste, le 6 decembre, vouloir remettrecet accord en cause, en emettant en particulier une surenchere sur laquestion des `stock options', constitue une manifestation de volonteunilaterale qui n'affecte pas la validite de l'accord, intervenu etconstate par ecrit le 30 novembre ;

Par ailleurs, l'ecrit ulterieur qui lui a ete soumis par la societe etqu'il n'a pas signe ne constitue pas la formalisation de l'accord annoncepar le document manuscrit du 30 novembre : cet ecrit ne fait que sereferer à l'accord pour proposer de constater (confirmer), en substance,que la societe belge ne doit plus rien ;

[Le demandeur] tente en vain d'invalider la transaction du 30 novembre aumotif d'une inexecution de celle-ci ;

D'une part, comme cela a dejà ete signale, le paiement de l'indemniteprevue est intervenu. Les quelques jours de retard (paiement le 23 au lieudu 15 decembre) constituent le non-respect d'une modalite d'execution(delai de paiement) de la transaction, non d'une quelconque condition. Enoutre, ce non-respect est relatif (quelques jours) et n'est pas de natureà justifier la resolution de la convention. Par ailleurs, ce paiement,meme tardif, a ete accepte sans que [le demandeur] manifeste la moindrereserve à ce moment ;

D'autre part, si la transaction prevoyait le remboursement des frais dedemenagement, il incombait [au demandeur] d'introduire ces frais et d'enreclamer le remboursement. Il ne l'a pas fait. Ceci ne peut pas etrereproche à la [defenderesse] ;

Sur la base de l'accord du 30 novembre 2005, l'exception de transactionpeut etre opposee par la [defenderesse] afin de faire obstacle à toutedemande incluse dans cette transaction ;

Les demandes que [le demandeur] a soumises au premier juge, et lescontestations qu'il soumet à la cour [du travail], concernent le montantde l'indemnite de licenciement due par [la defenderesse] et une indemniteliee aux `stock options' ;

La negociation prealable à la transaction englobait - ce qu'etablit lerefus de la premiere proposition - l'indemnite de licenciement (majoreepar la transaction), un engagement de non-concurrence (qui n'apparait plusdans la transaction) et les `stock options' ;

La transaction est assortie d'une clause de renonciation generale, sansaucune reserve. La transaction du 30 novembre constitue un accord sur desmodalites mettant fin de maniere globale à cette contestation entre lesparties. La clause de renonciation generale inclut les contestationsrelevees ci-avant, sur lesquelles a porte la negociation et auxquelles latransaction a mis fin ».

L'arret en deduit que « l'exception de transaction est fondee : latransaction fait obstacle à la recevabilite des demandes [du demandeur],qu'il s'agisse d'une indemnite de rupture ou d'une indemnite liee à des`stock options' ; qu'il n'y a des lors pas lieu d'examiner le fondementde ces demandes, et que la demande de delivrer les documents sociaux n'estpas justifiee ».

Griefs

Premiere branche

Le juge du fond est certes tenu d'examiner la nature juridique des faitsinvoques par les parties et, quelle que soit la qualification quecelles-ci leur ont donnee, peut suppleer d'office aux moyens invoques parelles, mais pour autant seulement que, par ses motifs, il n'eleve aucunecontestation dont celles-ci ont exclu l'existence, qu'il se fondeuniquement sur des faits regulierement soumis à son appreciation et qu'ilne modifie pas l'objet de la demande.

En outre, ce faisant, le juge doit respecter les droits de la defense ensoumettant à la contradiction des parties l'element qu'il retient pourdeterminer le sens de sa decision.

En l'espece, examinant l'exception de transaction elevee par ladefenderesse pour s'opposer aux demandes formulees par le demandeur,l'arret releve que 1. la lettre du 27 octobre 2005 par laquelle ladefenderesse avait notifie au demandeur la decision de mettre fin aucontrat belge est « signee par F. G. pour la societe belge Altran Europe» ; 2. « le document manuscrit du 30 novembre 2005 (...) emane de F. G.,signataire de la lettre de licenciement au nom de la societe belge AltranEurope » ; 3. « le document dactylographie du 30 novembre 2005 reprendl'engagement du groupe Altran de verser une indemnite brute de 65.000euros ; le versement de cette indemnite dans les quinze jours par virementsur le compte belge [du demandeur] ; le remboursement des frais dedemenagement (maximum 9.000 dollars americains) ; la clause derenonciation. Ce document ne prevoit pas d'autre etape (aucun autre accordou document n'est annonce). Il est signe par monsieur F., par [ledemandeur] et par madame A. à titre de temoin et, de la sorte, formalise», et 4. « cet accord, signe par monsieur F., mandate à cet effet,engageait en particulier la [defenderesse], ce qu'annonce le documentmanuscrit sous la signature de F. G. ».

De la sorte, l'arret repose sur l'element decisif de l'existence d'unpretendu mandat confere par la defenderesse à un sieur F. pour conclureune transaction avec le demandeur.

Or, il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard, d'une part,que le demandeur soutenait que, « pour mener les negociations, monsieurFr.-X. F., jeune salarie de la direction d'Altran à Paris, n'(avait)aucun pouvoir de signature ou de transaction dans cette affaire (ni auBresil ni en Belgique) » et que la personne disposant d'un tel pouvoir designature etait « monsieur F. G., directeur general adjoint du groupe», et, d'autre part, que la defenderesse se limitait à contredire laposition du demandeur en affirmant que « monsieur Fr.-X. F. s'est renduà Sao Paulo le 30 novembre 2005 afin de regler les modalites de depart[du demandeur] ; que celui-ci agissait tant pour le compte d'Altran Europeque pour le compte de Polen Informatica », sans preciser à quel titre nisur quelles bases juridiques monsieur Fr.-X. F. aurait pu agir pour « legroupe Altran », vise dans le document du 30 novembre 2005, ni a fortioripour elle-meme.

La defenderesse ne s'est pas prevalue de l'existence d'un mandat conferepar elle-meme à monsieur Fr.-X. F. pour conclure une transaction avec ledefendeur. C'est donc d'office que l'arret releve l'existence d'un mandatsans soumettre cette circonstance à la contradiction des parties.

En consequence, l'arret, en s'appuyant sur un fait, en l'occurrencel'existence d'un mandat, qui n'a pas ete invoque par la defenderesse,modifie la cause de l'exception soulevee par celle-ci (violation duprincipe general du droit dit principe dispositif, en vertu duquel seulesles parties ont la maitrise des limites du litige) et, en relevant cemoyen d'office, sans permettre au demandeur de le contester, meconnait lesdroits de defense de celui-ci (violation du principe general du droitrelatif au respect des droits de la defense).

Deuxieme branche

Il est constant que le juge du fond ne peut donner à un acte uneinterpretation qui soit inconciliable avec ses termes en affirmant qu'ilcontient une mention qui ne s'y trouve pas ou, à l'inverse, qu'il necontient pas une mention qui pourtant s'y trouve.

En l'espece, l'arret constate que 1. « le document manuscrit du 30novembre 2005 emane de Fr. G., signataire de la lettre de licenciement aunom de la societe belge Altran Europe. Ce document manuscrit du 30novembre 2005 [...] annonce les modalites d'une transaction (indemniteportee à 65.000 euros et remboursement de frais de demenagement jusqu'àconcurrence de 9.000 dollars americains) et precise etre etabli pour`permettre à J. A. de finaliser notre accord' ; il annonce que ce projetdoit etre finalise de fac,on formelle avant ce soir, 30 novembre 2005 »,et que 2. « le document dactylographie du 30 novembre 2005 reprendl'engagement du groupe Altran de verser une indemnite brute de 65.000euros ; le versement de cette indemnite dans les quinze jours par virementsur le compte belge [du demandeur] ; le remboursement des frais dedemenagement (maximum 9.000 dollars americains) ; la clause derenonciation (...). Il est signe par monsieur F. ».

L'arret affirme ensuite que « cet accord, signe par monsieur F., mandateà cet effet, engageait en particulier la [defenderesse], ce qu'annonce ledocument manuscrit sous la signature de Fr. G. ».

De la sorte, l'arret considere, en se fondant sur « le document manuscritsous la signature de Fr. G. », que celui-ci annonce que Fr.-X. F. seraitmandate pour signer l'accord avec le demandeur et engager en particulierla defenderesse.

Or, l'annonce d'un tel mandat ne figure nullement dans l'ecrit queconstitue « le document manuscrit sous la signature de Fr. G. » etl'existence d'un tel mandat ne figure pas davantage dans l'ecrit queconstitue « l'accord signe par monsieur F. ».

En consequence, en affirmant que les actes precites sur lesquels il sefonde contiennent une mention qui ne s'y trouve pas, l'arret viole la foiqui leur est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Codecivil).

Troisieme branche

L'article 1315 du Code civil dispose, en son premier alinea, que celui quireclame l'execution d'une obligation doit la prouver et, en son secondalinea, qu'à l'inverse, celui qui se pretend libere doit justifier lepaiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

De la meme maniere, l'article 870 du Code judiciaire enonce que chacunedes parties a la charge de prouver les faits qu'elle allegue. En matierecontractuelle, la charge de prouver l'existence du contrat revient à lapartie qui l'invoque.

En l'espece, il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard,d'une part, que le demandeur soutenait que, « pour mener lesnegociations, monsieur Fr.-X. F., jeune salarie de la direction d'Altranà Paris n'(avait) aucun pouvoir de signature ou de transaction dans cetteaffaire (ni au Bresil ni en Belgique) » et que la personne disposant d'untel pouvoir de signature etait « monsieur F. G., directeur generaladjoint du groupe », et, d'autre part, que la defenderesse se limitait àcontredire la position du demandeur en affirmant que « monsieur Fr.-X. F.s'est rendu à Sao Paulo le 30 novembre 2005 afin de regler les modalitesde depart [du demandeur] ; que celui-ci agissait tant pour le compted'Altran Europe que pour le compte de Polen Informatica », sans preciserà quel titre ni sur quelles bases juridiques monsieur F. aurait pu agirpour « le groupe Altran », vise dans le document du 30 novembre 2005, nia fortiori pour elle-meme.

De la sorte, malgre la contestation elevee par le demandeur sur ce point,la defenderesse demeurait en defaut de prouver l'existence d'un mandat oudes pouvoirs de representation qu'elle aurait conferes à monsieur Fr.-X.F. pour conclure une transaction avec le demandeur. En aucun de sesmotifs, l'arret ne constate ni qu'une telle preuve aurait ete rapportee nipar quel moyen elle l'aurait ete.

En consequence, en accueillant l'exception de transaction elevee par ladefenderesse, sans qu'il ressorte de ses constatations que celle-ci auraitprouve que les conditions de validite de cette pretendue transactionetaient effectivement remplies, l'arret meconnait les regles regissant lacharge de la preuve (violation des articles 1315 du Code civil et 870 duCode judiciaire).

Deuxieme moyen

Disposition legale violee

Article 149 de la Constitution

Decisions et motifs critiques

L'arret, apres avoir dit les appels recevables, « dit non fonde l'appel[du demandeur] ; met les depens d'appel de la [defenderesse] à charge[du demandeur] ; fixe ceux-ci à 7.000 euros (indemnite de procedure) »et « delaisse [au demandeur] ses propres depens ».

L'arret se fonde sur les motifs repris au premier moyen et tenus ici pourintegralement reproduits.

L'arret en deduit que « l'exception de transaction est fondee : latransaction fait obstacle à la recevabilite des demandes [du demandeur],qu'il s'agisse d'une indemnite de rupture ou d'une indemnite liee à des`stock options' ; qu'il n'y a des lors pas lieu d'examiner le fondement deces demandes, et que la demande de delivrer les documents sociaux n'estpas justifiee ».

Griefs

Dans ses conclusions regulierement prises en degre d'appel, le demandeurfaisait valoir qu'il n'avait « accepte que les 65.000 euros brut soientverses sur son compte en banque qu'apres avoir signale qu'il n'acceptaitpas l'accord et dit qu'il s'agissait d'un incontestablement du à valoirsur un autre accord revu à la hausse ulterieurement ou sur unecondamnation judiciaire ulterieure ; que, d'ailleurs, si ce n'etait pas lecas, on se dit que, dans la foulee du courrier electronique du [demandeur]le 6 decembre 2005 precite, [la defenderesse] aurait evidemment pris soinde preciser le pretendu accord global dans le cadre duquel le versements'operait ou, à tout le moins, d'exiger en echange du versement lasignature de la finalisation formelle, ce qui n'a jamais ete fait ;qu'enfin, il est parfaitement errone de pretendre qu'il aurait ete dansl'intention du [demandeur] d'executer la pretendue transaction convenuedes lors qu'il n'a jamais poursuivi les autres elements dudit pretenduaccord, meme ceux à son avantage (en l'occurrence, [il] pouvait se fairerembourser ses frais de demenagement jusqu'à hauteur de 9.000 dollarsamericains, or il n'a jamais demande le remboursement d'un centime) ».

De la sorte, le demandeur contestait que l'existence d'une transaction putetre demontree en l'espece par son execution sans reserve aux motifs 1.qu'un paiement avait ete effectue par la defenderesse mais sous le couvertd'une contestation du demandeur et 2. qu'aucune autre execution d'uneobligation pretendument convenue n'avait ete effectuee ni sollicitee.

Par les motifs precites, l'arret n'aborde la question de l'inexecution desobligations pretendument convenues que sous l'angle d'une eventuelleresolution de la transaction litigieuse pour inexecution fautive mais nerencontre aucunement le moyen precite par lequel le demandeur soutenaitqu'il n'etait pas permis, en l'espece, de prouver l'existence de celle-cipar son execution.

En consequence, l'arret n'est pas regulierement motive (violation del'article 149 de la Constitution).

Troisieme moyen

Dispositions legales violees

Articles 1108, 1109, 1110, 1319, 1320, 1322 et 2052, specialement alinea2, du Code civil

Decisions et motifs critiques

L'arret, apres avoir dit les appels recevables, « dit non fonde l'appel[du demandeur] ; met les depens d'appel de la [defenderesse] à charge [dudemandeur] ; fixe ceux-ci à 7.000 euros (indemnite de procedure) », et« delaisse [au demandeur] ses propres depens ».

L'arret se fonde sur les motifs repris aux moyens precedents et tenus icipour integralement reproduits, et notamment sur les motifs que « le faitque [le demandeur] ait manifeste, le 6 decembre, vouloir remettre cetaccord en cause, en emettant en particulier une surenchere sur la questiondes `stock options', constitue une manifestation de volonte unilateralequi n'affecte pas la validite de l'accord intervenu et constate par ecritle 30 novembre », et que :

« Sur la base de l'accord du 30 novembre 2005, l'exception de transactionpeut etre opposee par la societe afin de faire obstacle à toute demandeincluse dans cette transaction ;

Les demandes que [le demandeur] a soumises au premier juge, et lescontestations qu'il soumet à la cour [du travail], concernent le montantde l'indemnite de licenciement due par [la defenderesse] et une indemniteliee aux `stock options' ;

La negociation prealable à la transaction englobait - ce qu'etablit lerefus de la premiere proposition - l'indemnite de licenciement (majoreepar la transaction), un engagement de non-concurrence (qui n'apparait plusdans la transaction) et les `stock options' ;

La transaction est assortie d'une clause de renonciation generale, sansaucune reserve. La transaction du 30 novembre constitue un accord sur desmodalites mettant fin de maniere globale à cette contestation entre lesparties. La clause de renonciation generale inclut les contestationsrelevees ci-avant, sur lesquelles a porte la negociation et auxquelles latransaction a mis fin ».

L'arret en deduit que « l'exception de transaction est fondee : latransaction fait obstacle à la recevabilite des demandes [du demandeur],qu'il s'agisse d'une indemnite de rupture ou d'une indemnite liee à des`stock options' ; qu'il n'y a des lors pas lieu d'examiner le fondement deces demandes, et que la demande de delivrer les documents sociaux n'estpas justifiee ».

Griefs

Premiere branche

Dans ses conclusions regulierement prises en degre d'appel, le demandeurfaisait valoir que :

« Il y a ce courrier electronique non equivoque du 6 decembre 2005,auquel il ne fut jamais replique par le groupe Altran :

`Cher Fr.-X.,

Je fais suite à ta visite à Sao Paulo et aux diverses discussions quenous avons pu avoir concernant les modalites financieres de mon depart.

Lors de ces discussions, j'avais emis le souhait de pouvoir continuer àbeneficier de mes plans de « stock options ». Tu m'avais dit que celaetait completement impossible. Or, je viens d'apprendre que le plan dedepart volontaire en France prevoit que les employes qui l'acceptentcontinuent à beneficier de 25 p.c. des « stocks options » acquises.J'ai donc l'amere impression de m'etre fait berner sur toute la ligne.

Je remets donc en cause la totalite de ta derniere proposition. Je t'eninforme aujourd'hui car il serait malhonnete de ma part d'encaisser les65.000 euros et d'entamer ensuite une eventuelle procedure judiciaire.

A tout bien reflechir, j'estime que, en depit de la proposition revue àla hausse que tu as faite, je reste defavorise par rapport à l'esprit etau contexte de mon depart au Bresil, etant que j'ai releve une missiondifficile à l'etranger, pour le groupe Altran, et que la remunerationglobale que j'ai touchee à cette occasion en est tout simplement laconsequence ou la suite logique. J'ai plus ete un employe « mondial »itinerant qu'un employe local bresilien. Il faut donc que mon depart sederoule dans des conditions europeennes, qui est mon « port d'attache »avec le groupe Altran. A defaut, les expatries du groupe pourraient chaquefois faire la fine bouche en fonction du pays d'envoi, selon lalegislation sociale qui s'y trouve en vigueur. Or, ce n'etait pas celal'esprit de mon depart, mais plutot que, au Bresil ou ailleurs, je releveun defi temporaire dans l'interet du groupe en general.

Puisque la proposition que tu m'as faite ne me convient pas, convenons queje reste à ta disposition immediate pour toute nouvelle tentative detrouver une solution. Un accord satisfaisant à mon sens est d'appliquerà mon licenciement les conditions du plan de depart volontaire mis enplace en France. Tu trouveras en annexe le detail de cette simulationd'accord.

A cet egard, je te remercie d'entrer en contact avec moi dans lesmeilleurs delais.

Nous savons tous les deux que le differend financier qui nous oppose devraetre tranche par un tribunal en cas de desaccord definitif mais crois bienque j'envisagerai cette derniere hypothese avec regret.

Cordialement'.

Compte tenu de ce qui precede, c'est à tort que le premier juge aconsidere qu'une transaction en bonne et due forme avait ete conclue entreles parties.

Il convient de reformer le jugement sur ce point ».

De la sorte, le demandeur contestait la validite de la pretenduetransaction pour cause d'erreur de fait relative à la possibilite debeneficier de ses plans de « stock options » et n'emettait nullement «une surenchere sur la question des `stock options' », contrairement à cequ'affirme l'arret.

En consequence, en affirmant que le courrier electronique, reproduitci-dessus et dans les conclusions additionnelles d'appel du demandeur,contient une « surenchere » qui n'y figure pas, l'arret viole la foi dueà ces ecrits (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Seconde branche

Aux termes de l'article 2052, alinea 2, du Code civil, la transaction nepeut etre attaquee pour cause d'erreur de droit. Il s'en deduit acontrario qu'il n'est pas interdit d'invoquer une erreur de fait. Touteconvention peut d'ailleurs etre annulee lorsque le consentement d'une desparties est entachee d'erreur, ainsi que le prevoient les articles 1108,1109 et 1110 du Code civil.

En l'espece, l'arret se fonde sur le courrier electronique precite du 6decembre 2005 et considere qu'il « constitue une manifestation de volonteunilaterale qui n'affecte pas la validite de l'accord intervenu etconstate par ecrit le 30 novembre ».

En consequence, en considerant que, par le courrier electronique du 6decembre 2005, le demandeur n'exprimait qu'une « manifestation de volonteunilaterale qui n'affecte pas la validite de l'accord », l'arretmeconnait l'effet legal que produit l'erreur, en particulier l'erreur defait, comme vice de consentement, sur la validite d'une convention, enl'occurrence la transaction litigieuse (violation des articles 1108, 1109,1110 et 2052, specialement alinea 2, du Code civil).

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Dans les conclusions qu'elle a prises devant la cour du travail, ladefenderesse, rappelant qu'aux termes du jugement entrepris, l'accord du30 novembre 2005 « a[vait] fait l'objet d'une transcriptiondactylographiee, [...] datee [du meme jour] et [...] signee par [ledemandeur] et le sieur F., representant le groupe Altran », precisait quece dernier « s'[etait] rendu à Sao Paulo [ce jour-là] afin de reglerles modalites du depart [du demandeur] » et qu'il « agissait tant pourle compte [de la societe] Altran Europe que pour le compte [de la societe]Polen Informatica ».

En considerant que le sieur F. etait mandate par la defenderesse poursigner l'accord du 30 novembre 2005, l'arret ne meconnait ni le principedispositif ni le droit de defense du demandeur.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la deuxieme branche :

En enonc,ant que l'« accord [du 30 novembre 2005], signe par le sieur F.,mandate à cet effet, engageait en particulier la [defenderesse], cequ'annon[c,ait] le document manuscrit sous la signature de Fr. G. »,l'arret n'entend pas que ce dernier document annonc,ait que le sieur F.etait mandate pour signer l'accord mais qu'il en annonc,ait la teneur.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la troisieme branche :

Si, avant de traiter avec un mandataire, le tiers a le droit d'exiger decelui-ci la production d'une procuration, il ne peut, s'il s'en abstient,pas nier ulterieurement l'existence du mandat que ne contestent ni lemandant ni le mandataire.

Il ne ressort pas des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que ledemandeur ait fait valoir devant la cour du travail qu'il avait exige dusieur F. la production d'une procuration.

L'arret n'a pu, des lors, violer aucune des dispositions visees au moyen,en cette branche, en tenant pour etabli le mandat donne au sieur F. par ladefenderesse, qui s'en prevalait.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Sur le deuxieme moyen :

Des lors que la cour du travail considerait que la transaction opposee parla defenderesse à la demande du demandeur a ete conclue le 30 novembre2005 sous la signature du sieur F., l'arret n'etait plus tenu de repondreaux conclusions du demandeur contestant que cette transaction put etreetablie par l'execution qui lui a ete donnee.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le troisieme moyen :

Quant à la premiere branche :

Dans le message electronique qu'il a adresse le 6 decembre 2005 au sieurF., le demandeur ecrivait : « Lors [de nos] discussions [concernant lesmodalites financieres de mon depart], j'avais emis le souhait de pouvoircontinuer à beneficier de mes plans de `stock options'. Tu m'avais ditque cela etait completement impossible. Or, je viens d'apprendre que leplan de depart volontaire en France prevoit que les employes quil'acceptent continuent à beneficier de vingt-cinq p.c. des `stockoptions' acquises. J'ai donc l'amere impression de m'etre fait rouler surtoute la ligne ».

En enonc,ant que « le fait que [le demandeur] ait manifeste, le 6decembre, vouloir mettre l'[accord] en cause, en particulier en emettantune surenchere sur la question des `stock options', constitue unemanifestation de volonte unilaterale qui n'affecte pas la validite del'accord intervenu et constate par ecrit le 30 novembre », l'arret nedonne ni du message electronique du demandeur ni de ses conclusions qui lereproduisent une interpretation inconciliable avec leurs termes et neviole pas, des lors, la foi due à ces actes.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la seconde branche :

Il ne ressort pas des conclusions qu'il a prises devant la cour du travailque le demandeur ait fait valoir que son consentement à la transaction du30 novembre 2005 etait affecte d'une erreur de fait.

Le moyen, qui, en cette branche, est pris de la violation d'unedisposition legale qui n'est ni d'ordre public ni imperative, qui n'a pasete soumis au juge d'appel et dont celui-ci ne s'est pas saisi de sapropre initiative, est, comme le soutient la defenderesse, nouveau,partant, irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de deux cent nonante et un eurosquatre-vingt-deux centimes envers la partie demanderesse et à la somme decent dix euros quatre-vingt-sept centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Alain Simon, Mireille Delange et Sabine Geubel, et prononce en audiencepublique du vingt-huit octobre deux mille treize par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general delegue Michel Palumbo,avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+-------------------------------------+
| L. Body | S. Geubel | M. Delange |
|----------+------------+-------------|
| A. Simon | D. Batsele | Chr. Storck |
+-------------------------------------+

28 OCTOBRE 2013 S.11.0125.F/20


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.11.0125.F
Date de la décision : 28/10/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-10-28;s.11.0125.f ?
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