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25/10/2013 | BELGIQUE | N°F.12.0198.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 octobre 2013, F.12.0198.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

46



NDEG F.12.0198.F

Super MarchE Sovet, societe anonyme dont le siege social est etabli àCiney, rue du Moulin de Biron, 2,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

Etat belge, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represe

nte par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athen...

Cour de cassation de Belgique

Arret

46

NDEG F.12.0198.F

Super MarchE Sovet, societe anonyme dont le siege social est etabli àCiney, rue du Moulin de Biron, 2,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

Etat belge, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 13 juin 2012par la cour d'appel de Liege.

Le 4 octobre 2013, l'avocat general Andre Henkes a depose des conclusionsau greffe.

Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et l'avocat general AndreHenkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 2, S: 7, du Code des impots sur les revenus 1992, tel qu'iletait applicable avant sa modification par la loi du 10 aout 2001 portantreforme de l'impot des personnes physiques ;

- article 41 du Code des impots sur les revenus 1992 ;

- article 43 du Code des impots sur les revenus 1992, telle que cettedisposition etait applicable avant sa modification par la loi du 22 juin2005 instaurant une deduction fiscale pour capital à risque ;

- article 47 du Code des impots sur les revenus 1992, dans sa versionapplicable avant sa modification par l'article 8 de l'arrete royal du 20decembre 1996 portant des mesures fiscales diverses en application desarticles 2, S: 1er, et 3, S: 1er, 2DEG et 3DEG, de la loi du 26 juillet1996 visant à realiser les conditions budgetaires de la participation dela Belgique à l'Union economique et monetaire europeenne, confirme par laloi du 13 juin 1997 portant confirmation des arretes royaux pris enapplication de la loi du 26 juillet 1996 visant à realiser lesconditions budgetaires de la participation de la Belgique à l'Unioneconomique et monetaire europeenne et de la loi du 26 juillet 1996portant modernisation de la securite sociale et assurant la viabilite desregimes legaux des pensions ;

- article 25 de l'arrete royal du 8 octobre 1976 relatif aux comptesannuels des entreprises, ainsi que la section 1, point II, du chapitre IIIde l'annexe à cet arrete royal, telles que ces dispositions etaientapplicables avant leur abrogation par l'arrete royal du 30 janvier 2001portant execution du Code des societes ;

- pour autant que de besoin, article 183 du Code des impots sur lesrevenus 1992 et article 190 du meme code, telle que cette dernieredisposition etait applicable avant sa modification par la loi du 22decembre 1998 portant des dispositions fiscales et autres.

Decisions et motifs critiques

L'arret declare l'appel de la demanderesse non fonde et decide quecelle-ci ne pouvait pas beneficier du regime de la taxation etalee prevuepar l'article 47 du Code des impots sur les revenus 1992 pour le produitde la cession de sa clientele à la societe Delhaize Le Lion, et ce partous ses motifs et specialement par les motifs suivants :

« [La demanderesse] a cede le 18 juin 1992 une clientele qu'elle aconstituee elle-meme et qui ne fut pas comptabilisee à l'actif de sonbilan, pour la somme de 18.956.994 francs, et elle pretend pouvoirbeneficier du regime de la taxation etalee vise à l'article 47 du Codedes impots sur les revenus 1992 ;

Il s'agit de determiner si l'on se trouve en presence d'une plus-valuerealisee à l'occasion de la vente d'un bien qui a la natured'immobilisation incorporelle depuis plus de cinq ans au moment de larealisation au sens de l'article 47, S: 1er, 2DEG, du meme code ;

En vertu de l'article 2, S: 7, dudit code, en sa version applicable, saufdisposition speciale derogatoire, les expressions `immobilisationsincorporelles, corporelles ou financieres' ont la signification qui leurest attribuee par la legislation relative à la comptabilite et auxcomptes annuels des entreprises ;

Du reste, les travaux preparatoires relatifs à la loi du 22 decembre 1989ayant instaure le regime de taxation etalee applicable à l'exercicelitigieux precisent que `le regime de report est limite aux biensimmobilises incorporels et corporels (y compris les immeubles de placementde societes d'assurance) au sens comptable du terme' (Doc. parl., Senat,sess. 1989-1990, nDEG 806/1, p. 58) ;

La clientele constituee par la societe elle-meme ne doit pas en principeetre comptabilisee à l'actif du bilan au titre d'immobilisationsincorporelles en vertu de l'article 25 de l'arrete royal du 8 octobre 1976relatif aux comptes annuels des entreprises et n'est pas reprise dans leselements à porter sous la rubrique `immobilisations incorporelles'definie au chapitre III, section 1, II, de l'annexe audit arrete royal ;

Aussi est-ce à juste titre que le ministre des Affaires economiques aconsidere que la valeur de realisation de la clientele que l'entreprises'est constituee elle-meme et dont l'arrete royal sur les comptes annuelsne permet pas l'inscription à l'actif du bilan ne peut etre considereecomptablement comme une `plus-value realisee sur actifs immobilises' (cf.Q.P. nDEG 643 du Senateur Hatry du 11 janvier 1994, Q.R. Senat, 1993-94,p. 5087) ;

Aussi la clientele constituee par [la demanderesse] qui n'a pas etecomptabilisee dans les immobilisations incorporelles conformement au droitcomptable ne constitue-t-elle pas un bien qui a la nature d'immobilisationincorporelle au sens de l'article 47 du Code des impots sur les revenus1992 en sa version applicable ;

Il importe peu à cet egard que d'autres dispositions dudit code relativesau regime des plus-values n'exigent pas qu'une immobilisation incorporellefigure parmi les elements d'actif pour leur application des lors qu'ils'agit en l'espece d'interpreter un texte specifique relatif à lataxation differee et etalee en fonction de la regle de l'article 2, S: 7,de ce code, à laquelle l'article 47 de ce code ne deroge pas, à ladifference par exemple de l'article 41, 3DEG, qui vise expressement lesimmobilisations incorporelles, qu'elles figurent ou non parmi les elementsde l'actif ;

Par ailleurs, le fait que le texte de l'article 47, S: 1er, du Code desimpots sur les revenus 1992 ait ete modifie par l'arrete royal du 20decembre 1996 est sans incidence des lors qu'il ne s'applique qu'auxplus-values realisees à partir du 27 septembre 1996 et ne se limite pasà exiger une comptabilisation à l'actif de l'immobilisation incorporellemais ajoute qu'il s'applique à la plus-value realisee à l'occasion d'unealienation d'immobilisations incorporelles `sur lesquelles desamortissements ont ete admis fiscalement', ce qui constitue un ajout parrapport au regime anterieur ;

[La demanderesse] ne pouvait pas beneficier du regime de la taxationetalee pour la clientele qu'elle a constituee elle-meme et qu'elle n'a pascomptabilisee dans son bilan conformement au droit comptable sans qu'il yait lieu d'examiner le respect de la condition de duree prevue parl'article 47 du Code des impots sur les revenus 1992 ».

Griefs

L'article 24, alinea 1er, 2DEG, du Code des impots sur les revenus 1992permet la taxation à l'impot des personnes physiques, au titre debenefices, de tout accroissement de la valeur des elements de l'actifaffectes à l'exercice de l'activite professionnelle lorsque cesplus-values sont realisees ou exprimees dans la comptabilite ou lescomptes annuels.

L'article 27, alinea 2, 3DEG, du meme code dispose quant à lui que« toutes les plus-values realisees sur des elements de l'actif affectesà l'exercice de l'activite professionnelle » sont des profits taxablesà l'impot des personnes physiques.

Il ressort de l'article 183 du Code des impots sur les revenus 1992 que,« sous reserve des derogations prevues au titre [de l'impot dessocietes], les revenus soumis à l'impot des societes ou exoneres duditimpot sont, quant à leur nature, les memes que ceux qui sont envisages enmatiere d'impot des personnes physiques » et que « leur montant estdetermine d'apres les regles applicables aux benefices ».

A cet egard, l'article 190 de ce code indique plus particulierement, danssa version applicable avant sa modification par la loi du 22 decembre1998, que « le regime des plus-values prevu en matiere d'impot despersonnes physiques aux articles 44 S:S: 1er et 3, 45, 46, S: 1er, 2DEG,et 47 est applicable aux societes mais, en ce qui concerne la quotiteexoneree ou provisoirement non imposee, uniquement dans la mesure ou cettequotite est portee et maintenue à un ou plusieurs comptes distincts dupassif et ou elle ne sert pas de base au calcul de la dotation annuelle dela reserve legale ou des remunerations ou attributions quelconques ».

Il en resulte que les regimes de taxation des plus-valuesprofessionnelles, en cours d'activites des personnes physiques et dessocietes, sont dans leurs principes identiques.

Les articles 41 à 47 du Code des impots sur les revenus 1992 precisent leregime applicable aux plus-values, sous le verbo « C. Plus-values »,dans la sous-section 2, « Revenus exoneres ».

L'article 41 definit les immobilisations qui sont considerees comme etant« affectees à l'exercice de l'activite professionnelle » pourl'application du regime fiscal des plus-values. Il indique que

« Pour l'application des articles 24, alinea 1er, 2DEG, 27, alinea 2,3DEG, et 28, sont considerees comme affectees à l'exercice de l'activiteprofessionnelle :

1DEG les immobilisations acquises ou constituees dans le cadre de cetteactivite professionnelle et figurant parmi les elements de l'actif ;

2DEG les immobilisations ou la partie de celles-ci en raison desquellesdes amortissements ou des reductions de valeur sont admis fiscalement ;

3DEG les immobilisations incorporelles constituees pendant l'exercice del'activite professionnelle et qui figurent ou non parmi les elements del'actif ».

Il resulte du commentaire administratif concernant le Code des impots surles revenus 1992 que les plus-values realisees sur toutes lesimmobilisations incorporelles constituees pendant l'exercice de l'activiteprofessionnelle sont en principe toujours imposables. « Il s'agit enl'occurrence de toutes les immobilisations incorporelles evaluables etnegociables en argent, telles que brevets, marques, enseigne, pas deporte, fonds de commerce ou denomination, clientele, goodwill, etc. quiont ete acquises gratuitement ou à titre onereux pendant l'exercice del'activite professionnelle ou qui ont ete creees ou constituees - demaniere latente ou apparente - par le contribuable lui-meme. En l'espece,il est absolument sans importance que les immobilisations concernees aientete comptabilisees ou non, ou encore que des amortissements ou reductionsde valeur aient ou non ete admis sur celles-ci. Les immobilisations viseesà l'article 41 du Code des impots sur les revenus 1992 sont lesimmobilisations incorporelles, les immobilisations corporelles et lesimmobilisations financieres. Ces expressions ont la signification qui leurest attribuee par la legislation relative à la comptabilite et auxcomptes annuels des entreprises ».

A ce dernier egard, l'article 2, S: 7, ancien du Code des impots sur lesrevenus 1992 confirme, dans sa version en vigueur avant sa modificationpar la loi du 10 aout 2001, que « les expressions `immobilisationsincorporelles, corporelles ou financieres', `frais d'etablissement' et`stocks et commandes en cours d'execution' ont la signification qui leurest attribuee par la legislation relative à la comptabilite et auxcomptes annuels des entreprises ».

C'est l'arrete royal du 8 octobre 1976 relatif aux comptes annuels desentreprises, telle que cette reglementation etait applicable avant sonabrogation par l'arrete royal du 30 janvier 2001 portant execution du Codedes societes, qui enonce plus particulierement dans son annexe, chapitreIII, section 1, II, que sont portes sous la rubrique immobilisationsincorporelles, « 1DEG les frais de recherche et de developpement ; 2DEGles concessions, brevets, licences, savoir-faire, marques et autres droitssimilaires ; 3DEG le goodwill ; et 4DEG les acomptes verses surimmobilisations incorporelles ».

L'article 43 du Code des impots sur les revenus 1992, tel qu'il etaitapplicable avant sa modification par la loi du 22 juin 2005, definit en cequi le concerne la notion de plus-value. Il dispose que « la plus-valuerealisee est egale à la difference positive entre, d'une part,l'indemnite perc,ue ou la valeur de realisation du bien et, d'autre part,sa valeur d'acquisition ou d'investissement diminuee des reductions devaleur et amortissements admis anterieurement ».

L'article 44 prevoit, quant à lui, un regime d'exoneration desplus-values. Il dispose que

« S: 1er. Par derogation aux articles 24, alinea 1er, 2DEG, 27, alinea 2,3DEG, et 28, alinea 1er, 1DEG, et dernier alinea, et sans prejudice desdispositions de l'article 24, alinea 1er, 3DEG, sont exonerees :

1DEG les plus-values exprimees mais non realisees, à l'exception desplus-values sur les stocks et les commandes en cours d'execution ;

2DEG les plus-values realisees sur les immobilisations incorporelles,corporelles et financieres et autres valeurs de portefeuille, dans lamesure ou l'indemnite perc,ue ou la valeur de realisation du bien n'excedepas la valeur reevaluee des actifs realises, diminuee des amortissementset reductions de valeur anterieurement admis.

S: 2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1er, 2DEG, les plus-valuessur les immeubles non batis des exploitations agricoles ou horticoles sonttotalement et inconditionnellement exonerees, sans prejudice de leurtaxation à titre de revenus divers conformement à l'article 90, 8DEG.

S: 3. Le paragraphe 1er, 1DEG, ne s'applique pas aux plus-values exprimeesmais non realisees constatees à l'occasion de la conversion, dans le chefdu meme contribuable, de droits de participation dans un compartimentd'une societe d'investissement en droits de participation dans un autrecompartiment de la meme societe d'investissement ».

L'article 47 ancien du Code des impots sur les revenus 1992 prevoit,enfin, pour sa part, un regime de taxation etalee des plus-values. Ceregime differe la taxation d'une plus-value realisee au cours del'exercice de l'activite professionnelle et l'etale sur plusieurs anneesproportionnellement aux amortissements afferents aux elements acquis àtitre de remploi du prix de realisation des actifs [ayant donne lieu à]la plus-value. Dans sa version applicable à l'espece, soit dans saversion telle qu'elle etait applicable avant sa modification par l'article8 de l'arrete royal du 20 decembre 1996, confirme par la loi du 13 juin1997, cette disposition prevoyait en son premier paragraphe que

« Lorsqu'un montant egal à l'indemnite ou au prix de realisation estremploye de la maniere et dans les delais indiques ci-apres, lesplus-values qui ne sont pas exonerees en vertu de l'article 44, S:S: 1er, 2DEG, et 2, et qui sont realisees sur les immobilisationsincorporelles ou corporelles, 1DEG à l'occasion d'un sinistre, d'uneexpropriation, d'une requisition en propriete ou d'un autre evenementanalogue, ou 2DEG à l'occasion de la vente de biens qui ont la natured'immobilisations depuis plus de 5 ans au moment de la realisation, sontconsiderees comme des benefices ou profits de la periode imposable aucours de laquelle les biens en remploi sont acquis ou constitues et dechaque periode imposable subsequente et ce, proportionnellement auxamortissements afferents à ces biens qui sont admis à la fin,respectivement, de la premiere periode imposable et de chaque periodeimposable subsequente et, le cas echeant, à concurrence du soldesubsistant au moment ou les biens cessent d'etre affectes à l'exercice del'activite professionnelle et au plus tard à la cessation de l'activiteprofessionnelle ».

Le commentaire administratif relatif au Code des impots sur les revenus1992 precise relativement à l'article 47 que « seuls les `biens' qui ontla nature d'immobilisations incorporelles ou corporelles, au sens de lalegislation relative à la comptabilite et aux comptes annuels desentreprises, sont pris en consideration pour la taxation etalee desplus-values ». Il indique plus particulierement que « Les`immobilisations incorporelles' sont constituees par :

1DEG les frais de recherche et de developpement [...] ;

2DEG les concessions, brevets, licences, savoir-faire (know-how), marqueset autres droits similaires ;

3DEG le goodwill ;

4DEG les acomptes verses sur immobilisations incorporelles ».

L'arret decide que les conditions d'application de l'article 47 ancien duCode des impots sur les revenus 1992 ne sont pas reunies et, enparticulier, que la situation visee - soit la plus-value realisee sur uneclientele constituee par la demanderesse elle-meme - ne peut etreidentifiee à une plus-value realisee à l'occasion de la vente d'un bienqui a la nature d'immobilisation incorporelle au sens de cettedisposition.

Cette decision se fonde sur le motif que la notion d'immobilisationincorporelle a, en vertu de l'article 2, S: 7, du Code des impots sur lesrevenus 1992, la signification qui lui est attribuee par la legislationrelative à la comptabilite et aux comptes annuels des entreprises etqu'en l'occurrence, « la clientele constituee par la societe elle-meme nedoit pas en principe etre comptabilisee à l'actif du bilan au titred'immobilisations incorporelles en vertu de l'article 25 de l'arrete royaldu 8 octobre 1976 relatif aux comptes annuels des entreprises et n'est pasreprise dans les elements à porter sous la rubrique immobilisationsincorporelles definie au chapitre III, section 1, II de l'annexe ».

En estimant ainsi, tout d'abord, que la clientele n'est pas reprise parmiles elements à porter sous la rubrique immobilisations incorporellesdefinie à l'annexe à l'arrete royal du 8 octobre 1976 et que laclientele cedee par la demanderesse n'a donc pas la natured'immobilisation incorporelle au sens comptable, alors que figureexpressement, dans l'annexe precitee, la categorie plus generale de« goodwill », à laquelle appartient la clientele, l'arret viole lasection 1, II, 3DEG, du chapitre III de l'annexe à l'arrete royal du 8octobre 1976 relatif aux comptes annuels des entreprises, tel que celui-cietait applicable avant son abrogation par l'arrete royal du 30 janvier2001 et, pour autant que de besoin egalement, l'article 2, S: 7, du Codedes impots sur les revenus 1992 tel qu'il est vise en tete du moyen.

En estimant par ailleurs que la clientele constituee par la societeelle-meme ne doit pas etre comptabilisee à l'actif du bilan au titred'immobilisations incorporelles en vertu de l'article 25 de l'arrete royaldu 8 octobre 1976, qu'elle n'a donc pas la nature d'immobilisationincorporelle et qu'ainsi « la valeur de realisation de la clientele quel'entreprise s'est constituee elle-meme et dont l'arrete royal sur lescomptes annuels ne permet pas l'inscription à l'actif du bilan, ne peutetre consideree comptablement comme une plus-value realisee sur actifsimmobilises au sens de l'article 47, S: 1er, du Code des impots sur lesrevenus 1992 », l'arret decide implicitement mais necessairement quel'application des regimes de faveur, tel le regime de la taxation etaleeprevu audit article 47, ne s'etend pas aux plus-values de realisationd'actifs non portes au bilan, au motif qu'à defaut d'element d'actif, ilne peut y avoir de plus-values. Ce faisant, l'arret meconnait nonseulement la notion legale de plus-value mais egalement celled'immobilisation incorporelle et viole les articles 2, S: 7, et 43 du Codedes impots sur les revenus 1992 ainsi que la section 1, II, du chapitreIII de l'annexe à l'arrete royal du 8 octobre 1976, telles que cesdispositions sont visees en tete du moyen. Cet arret meconnait egalement,par voie de consequence, les articles 41, 47, S: 1er, et, pour autant quede besoin, 183 et 190 du Code des impots sur les revenus 1992 et l'article25 de l'arrete royal du 8 octobre 1976 relatif aux comptes annuels desentreprises.

En effet, il ne resulte pas de l'article 43 du Code des impots sur lesrevenus 1992, qui contient une definition fiscale propre de la notion deplus-value, que la qualification de plus-value soit necessairement liee autraitement comptable qui lui serait applique. Cette disposition indiqueuniquement que « la plus-value realisee est egale à la differencepositive entre, d'une part, l'indemnite perc,ue ou la valeur derealisation du bien et, d'autre part, sa valeur d'acquisition oud'investissement diminuee des reductions de valeur et amortissements admisanterieurement ». Par aucun de ses motifs, l'arret ne decide que lacession litigieuse n'est pas une plus-value au sens de cette disposition.De la meme maniere, l'article 2, S: 7, du Code des impots sur les revenus1992 se limite à renvoyer à la signification que l'expressiond'immobilisation incorporelle rec,oit dans l'arrete royal du 8 octobre1976, et en particulier dans son annexe precitee, et ne se referenullement au traitement comptable qu'un bien immobilise rec,oit enapplication de cette reglementation, notamment en application de sonarticle 25. Cette interpretation est d'ailleurs avalisee par le ministeredes Finances lui-meme dans les commentaires administratifs qu'il a faitsdes articles 41 et 47 du Code des impots sur les revenus 1992, lesquelsn'associent pas la signification de l'expression « immobilisationsincorporelles » à son traitement comptable, mais renvoient uniquementaux rubriques de l'annexe à l'arrete royal du 8 octobre 1976.

En estimant enfin qu' « il importe peu [...] que d'autres dispositions duCode des impots sur les revenus 1992 relatives au regime des plus-valuesn'exigent pas qu'une immobilisation incorporelle figure parmi les elementsd'actif pour leur application des lors qu'il s'agit en l'especed'interpreter un texte specifique relatif à la taxation differee etetalee en fonction de la regle de l'article 2, S: 7, de ce code, àlaquelle ne deroge pas l'article 47, à la difference par exemple del'article 41, 3DEG, qui vise expressement les immobilisationsincorporelles, qu'elles figurent ou non parmi les elements de l'actif »,l'arret viole non seulement, à nouveau, les articles 2, S: 7, 41, 3DEG,et 47 S: 1er, et, pour autant que de besoin, 183 et 190 du Code desimpots sur les revenus 1992, dans la mesure ou ni l'article 41 nil'article 47 ne derogent à l'article 2, S: 7, precite - ils renvoienttous deux, en ce qui concerne la notion d'immobilisation incorporelle, àla signification qui lui est donnee « par la legislation relative à lacomptabilite et aux comptes annuels des entreprises » -, mais il isoleencore illegalement l'interpretation de l'article 47 precite des autresdispositions qui reglementent le regime de taxation des plus-values enmeconnaissant une nouvelle fois cette disposition et l'article 41 du Codedes impots sur les revenus 1992.

En effet, cet article 41 definit les immobilisations qui sont considereescomme etant « affectees à l'exercice de l'activite professionnelle »pour l'application des articles 24, alinea 1er, 2DEG, 27, alinea 2, 3DEG,et 28 et vise parmi celles-ci les immobilisations incorporellesconstituees pendant l'exercice de l'activite professionnelle et quifigurent ou non parmi les elements de l'actif. Cette disposition confirmeainsi que des actifs existant reellement ne doivent pas necessairementavoir ete portes au bilan pour connaitre le regime fiscal des plus-valueset etre imposes à ce titre. Compte tenu de la place de cette dispositiondans le Code des impots sur les revenus 1992, celle-ci vise tout autant leprincipe d'imposition des plus-values que l'application des regimes defaveur. L'article 44 de ce code, qui contient un regime d'exoneration desplus-values, renvoie d'ailleurs aux articles 24, alinea 1er, 2DEG, 27,alinea 2, 3DEG, et 28, tels que ceux-ci sont necessairement precises parl'article 41. De la meme maniere, l'article 47, qui renvoie d'ailleurs àl'article 44, doit etre interprete à la lumiere des precisions generalesapportees par l'article 41. Il ne pourrait en effet etre justifie deprevoir un temperament à un principe - soit le temperament de la taxationetalee -, si celui-ci n'etait pas en mesure de rentrer dans le champd'application de ce principe.

En retenant ainsi que « la clientele constituee par [la demanderesse] quin'a pas ete comptabilisee dans les immobilisations incorporellesconformement au droit comptable ne constitue [...] pas un bien qui a lanature d'immobilisation incorporelle au sens de l'article 47 du Code desimpots sur les revenus 1992 en sa version applicable » et qu'il importepeu à cet egard que d'autres dispositions de ce code relatives au regimedes plus-values n'exigent pas qu'une immobilisation incorporelle figureparmi les elements d'actif pour leur application, l'arret meconnaitl'ensemble des dispositions visees au moyen.

Il en resulte qu'en decidant que la cession de la clientele litigieuse [nedonne pas lieu à] une plus-value realisee sur une immobilisationincorporelle, l'arret n'est pas legalement motive.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

1. L'arret considere que « la clientele constituee par la societeelle-meme ne doit pas en principe etre comptabilisee à l'actif du bilanau titre d'immobilisations incorporelles en vertu de l'article 25 del'arrete royal du 8 octobre 1976 relatif aux comptes annuels desentreprises et n'est pas reprise dans les elements à porter sous larubrique `immobilisations incorporelles' definie au chapitre III, section1, II, de l'annexe audit arrete royal », de sorte que cette clientelepropre n'a pu avoir, au sens de l'article 47 du Code des impots sur lesrevenus 1992, la nature d'une immobilisation incorporelle pour lademanderesse durant les annees precedant la cession de 1992.

Dans la mesure ou il fait grief à l'arret de considerer, d'une part,qu'à defaut d'element d'actif, il ne pourrait y avoir de plus-valueimposable et, d'autre part, qu'une clientele ne serait jamais susceptibled'etre actee parmi les elements de l'actif sous la rubrique II, propre auximmobilisations incorporelles, le moyen, qui repose sur une lectureinexacte de l'arret, manque en fait.

2. En vertu de l'article 24, alinea 1er, 2DEG, du Code des impots sur lesrevenus 1992, les benefices des entreprises industrielles, commerciales ouagricoles quelconques sont, entre autres, ceux qui proviennent de toutaccroissement de la valeur des elements de l'actif affectes à l'exercicede l'activite professionnelle, lorsque ces plus-values ont ete realiseesou exprimees dans la comptabilite ou les comptes annuels.

Suivant l'article 41, 3DEG, de ce code, sont notamment considerees commeaffectees à l'exercice de l'activite professionnelle, pour l'applicationde l'article 24, alinea 1er, 2DEG, les immobilisations incorporellesconstituees pendant l'exercice de l'activite professionnelle et quifigurent ou non parmi les elements de l'actif.

L'article 43 du meme code, dans sa redaction applicable aux faits, disposeque la plus-value realisee est egale à la difference positive entre,d'une part, l'indemnite perc,ue ou la valeur de realisation du bien et,d'autre part, sa valeur d'acquisition ou d'investissement diminuee desreductions de valeur et amortissements admis anterieurement.

Ces dispositions sont applicables aux societes en vertu de l'article 183dudit code.

3. En vertu de l'article 190 du meme code et moyennant les conditionsqu'il enonce, le regime de faveur prevu en matiere d'impot des personnesphysiques à l'article 47 de ce code pour certaines plus-values realiseesest applicable aux societes.

Ledit article 47, dans sa version applicable au litige, organise un regimede taxation differee et etalee de certaines plus-values realisees sur desimmobilisations incorporelles.

L'article 47, S: 1er, prevoit que lorsqu'un montant egal au prix derealisation est remploye de la maniere et dans les delais indiques, lesplus-values qui ne sont pas dejà exonerees en vertu de l'article 44, S:1er, 2DEG, et S: 2, et qui sont realisees sur des immobilisationsincorporelles à l'occasion de la vente de biens qui ont la natured'immobilisations depuis plus de cinq ans au moment de la realisation,sont considerees comme des benefices de la periode imposable au cours delaquelle les biens en remploi sont acquis ou constitues et de chaqueperiode imposable subsequente et ce, proportionnellement auxamortissements afferents aux biens qui sont admis à la fin,respectivement de la premiere periode imposable et de chaque periodeimposable subsequente et, le cas echeant, à concurrence du soldesubsistant au moment ou les biens cessent d'etre affectes à l'exercice del'activite professionnelle et au plus tard à la cessation de l'activiteprofessionnelle.

L'article 2, S: 7, dudit code, dans cette meme version, precise quel'expression « immobilisations incorporelles » a, pour l'application desimpots sur les revenus, la signification qui lui est attribuee par lalegislation relative à la comptabilite et aux comptes annuels desentreprises.

4. Il n'y a d'immobilisations incorporelles au sens du droit comptable quesi les avoirs incorporels definis à la section 1, II, du chapitre III del'annexe à l'arrete royal du 8 octobre 1976 relatif aux comptes annuelsdes entreprises, tel qu'il etait en vigueur avant son abrogation parl'arrete royal du 30 janvier 2001 portant execution du Code des societes,ont ete comptabilises à l'actif du bilan de l'entreprise sous la rubriqueII prevue à cet effet, ou auraient du l'etre si le contribuable concerneavait ete soumis à l'ensemble des prescriptions de l'arrete royalcomptable precite et les avait respectees.

Suivant la section 1, II, alinea 1er, c), du chapitre III de l'arreteroyal du8 octobre 1976, le goodwill est une immobilisation incorporelle à porterà l'actif du bilan sous la rubrique II. Il represente, en vertu del'alinea 4 de la meme section, le cout d'acquisition d'une entreprise oud'une branche d'activite dans la mesure ou il excede la somme des valeursdes elements actifs et passifs qui la composent.

5. Il s'ensuit que, si la clientele acquise d'un tiers, moyennant unecontrepartie ou sous la forme d'un apport, peut et doit etre enregistreedans le bilan de l'entreprise acquereuse comme un element de l'actif, sousla rubrique II, à titre de goodwill, tel n'est en revanche pas le casd'une clientele constituee par l'entreprise elle-meme en cours d'activite.

Cette clientele propre n'a des lors pas la nature d'une immobilisationincorporelle avant sa cession ; partant, elle ne peut, par l'effetconjugue des articles 47 et 2, S: 7, du Code des impots sur les revenus1992 et de la reglementation comptable applicable, ouvrir le droit auregime de la taxation differee et etalee pour la plus-value resultant desa realisation.

Dans la mesure ou il repose sur le soutenement contraire, le moyen manqueen droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de cinq cent septante-sept euros onzecentimes envers la partie demanderesse et à la somme de trois centquatre-vingts euros quarante centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Mireille Delange et Sabine Geubel, et prononce enaudience publique du vingt-cinq octobre deux mille treize par le presidentde section Albert Fettweis, en presence de l'avocat general Andre Henkes,avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Delange |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
+--------------------------------------------+

25 OCTOBRE 2013 F.12.0198.F/16


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.12.0198.F
Date de la décision : 25/10/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-10-25;f.12.0198.f ?
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