Cour de cassation de Belgique
Arret
5313
NDEG C.12.0011.F
1. G. O., avocat, agissant en qualite d'administrateur provisoire de R.W.,
2. S. W.,
demandeurs en cassation,
representes par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,
contre
CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE DE BRUXELLES, dont les bureaux sont etablisà Bruxelles, rue Haute, 298A,
defendeur en cassation,
represente par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 30 juin 2011par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Les demandeurs presentent trois moyens, dont les premier et deuxieme sontlibelles dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions legales violees
* articles 14, S: 1er (tant dans sa version au 21 mai 2001, modifieepar la loi du 25 mai 1999, que dans sa version à la date de l'arretattaque, modifiee par les lois des 25 mai 1999, 15 mai 2007 et 21fevrier 2010), et 28 (tant dans sa version au 21 mai 2001, modifieepar la loi du 4 aout 1996, que dans sa version à la date de l'arretattaque, modifiee par les lois des 4 aout 1996 et 15 septembre 2006)des lois sur le Conseil d'etat, coordonnees le
12 janvier 1973 ;
* principe general du droit administratif relatif à l'autorite de chosejugee qui est attachee aux decisions des juridictions administratives.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque rec,oit l'appel du defendeur et le dit fonde dans lamesure ci-apres, confirme le jugement entrepris en tant qu'il rec,oit lademande originaire, le reforme pour le surplus et dit pour droit que lademande originaire des demandeurs n'est pas fondee.
Ces decisions sont fondees sur l'ensemble des motifs de l'arret attaque,tenus pour etre ici expressement reproduits, et plus particulierement surles motifs suivants.
L'arret attaque constate que, par decisions des 23 juin et 7 juillet 1994,le comite de gestion de l'hopital Saint-Pierre, lequel depend dudefendeur, a inflige à l'auteur des demandeurs la sanction disciplinairede la demission d'office.
Il constate egalement que, par arret du 21 mai 2001 (nDEG 95.675), lasection d'administration du Conseil d'Etat a annule ces decisions ducomite de gestion au motif qu'elles avaient ete adoptees en violation del'article 125 des lois sur les hopitaux, coordonnees le 7 aout 1987,prescrivant la consultation du conseil medical de l'hopital, laquelleconstitue « une formalite obligatoire qui, sous peine de perdre touteefficience, doit etre accomplie prealablement à la decision de l'organede gestion ».
L'arret attaque rejette cependant la demande des demandeurs tendant à lareintegration retroactive de leur auteur dans ses droits et au paiementdes arrieres de traitement par les motifs suivants :
« 24. L'arret d'annulation du Conseil d'Etat a, certes, fait disparaitre,avec effet retroactif, les decisions litigieuses des 23 juin et 7 juillet1994 qui sont censees n'avoir jamais ete adoptees et cet arret s'impose àtous.
Cependant, `tous ceux qui, à un titre quelconque, auront à interpreterl'arret d'annulation devront en respecter les termes : ils ne pourrontfaire dire au juge ce qu'il n'a pas dit, moins encore ce qu'il n'aurait pudire' (P. Lewalle, Contentieux administratif, Larcier, 2e ed., 2002, 963in fine). Or, l'annulation d'une mesure de licenciement, de demissiond'office ou de revocation disciplinaire ne peut obliger l'administrationà restituer à l'agent concerne l'emploi qu'il exerc,ait, puis à prendreà son egard des mesures de retablissement que lorsque, selon les motifset le dispositif de l'arret d'annulation, la refection de l'acte annuleest impossible (Lewalle, op.cit., 1023).
En l'espece, l'arret du Conseil d'Etat du 21 mai 2001 n'oblige pas [ledefendeur] à reintegrer [l'auteur des demandeurs] dans ses fonctions età lui payer les traitements correspondants. L'annulation des decisionslitigieuses ayant ete prononcee en raison d'un vice de procedure, il enresulte uniquement que si, dans l'exercice de son pouvoir discretionnaire,le comite de gestion de l'hopital avait decide de reprendre la sanctiondisciplinaire de demission d'office [de l'auteur des demandeurs], l'avisprealable du conseil medical aurait du etre recueilli avant toute decisiondu comite de gestion de l'hopital.
Le droit à la reintegration et le droit au traitement [de l'auteur desdemandeurs] invoque par les [demandeurs] ne resultent donc pas de l'arretdu Conseil d'Etat precite.
25. Par ailleurs, ces memes droits ne resultent pas du fait qu'apresl'annulation de la sanction disciplinaire litigieuse, [le defendeur] n'apas decide cette sanction à nouveau. En effet, [l'auteur des demandeurs]est decede le 5 aout 1999, de sorte que la refection des decisionsannulees, par une nouvelle decision respectueuse de l'arret du Conseild'Etat, aurait ete sans objet ».
Griefs
1. En vertu du principe general du droit administratif relatif àl'autorite de chose jugee qui est attachee aux decisions des juridictionsadministratives ainsi que des articles 14, S: 1er, et 28 des lois sur leConseil d'etat, coordonnees le 12 janvier 1973 (dans leurs versionsvisees en tete du moyen), les arrets du Conseil d'Etat qui annulent unacte administratif ont autorite de chose jugee erga omnes.
Il resulte de la nature de l'annulation d'une decision administrative quela decision annulee est censee n'avoir jamais existe, de sorte que, parl'annulation de cette decision, les parties sont remises dans l'etat ouelles se trouvaient avant ladite decision.
2. La circonstance que l'autorite administrative ait la faculte deproceder à la refection de l'acte annule en adoptant une nouvelledecision apres l'annulation de la premiere ne dispense ni cette autoriteni le juge de l'obligation de respecter l'effet precite de l'arretd'annulation lorsque l'autorite administrative s'est abstenue de procederà une telle refection et ce, quel qu'en soit le motif.
3. Par les motifs reproduits en tete du moyen, l'arret attaqueconstate que :
- la sanction disciplinaire de la demission d'office a ete infligee àl'auteur des demandeurs par decisions des 23 juin et 7 juillet 1994 ducomite de gestion de l'hopital Saint-Pierre, lequel depend du defendeur ;
- ces decisions ont ete annulees par arret du Conseil d'Etat du 21 mai2001 (nDEG 95.675) ;
- apres cette annulation, le defendeur n'a pas procede à la refection desactes annules, n'ayant inflige aucune nouvelle sanction à l'auteur desdemandeurs.
L'arret attaque en deduit que l'arret d'annulation du Conseil d'Etatn'oblige le defendeur ni à reintegrer l'auteur des demandeurs dans sesfonctions ni à lui payer les traitements correspondants, une telleobligation ne s'imposant que lorsque, selon les motifs et le dispositif del'arret d'annulation, la refection de l'acte serait impossible.
Ce faisant, l'arret attaque meconnait l'effet de l'arret d'annulation qui,sauf l'hypothese d'une refection en l'espece inexistante, etait dereplacer de plein droit l'auteur des demandeurs dans l'etat ou il setrouvait avant les decisions annulees. Il viole, des lors, le principegeneral du droit administratif relatif à l'autorite de chose jugee quiest attachee aux decisions des juridictions administratives ainsi que lesarticles 14, S: 1er, et 28 des lois sur le Conseil d'etat, coordonnees le12 janvier 1973 (dans leurs versions visees en tete du moyen).
Deuxieme moyen
Dispositions legales violees
* articles 1382 et 1383 du Code civil ;
* articles 124, 125 et 126 des lois sur les hopitaux, coordonnees le
7 aout 1987 (avant leur nouvelle coordination par l'arrete royal du 10juillet 2008) ;
* articles 14, S: 1er (tant dans sa version au 21 mai 2001, modifieepar la loi du 25 mai 1999, que dans sa version à la date de l'arretattaque, modifiee par les lois des 25 mai 1999, 15 mai 2007 et 21fevrier 2010), et 28 (tant dans sa version au 21 mai 2001, modifieepar la loi du 4 aout 1996, que dans sa version à la date de l'arretattaque, modifiee par les lois des 4 aout 1996 et 15 septembre 2006)des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnees le
12 janvier 1973 ;
* principe general du droit administratif relatif à l'autorite de chosejugee qui est attachee aux decisions des juridictions administratives;
* article 149 de la Constitution.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque rec,oit l'appel du defendeur et le dit fonde dans lamesure ci-apres, confirme le jugement entrepris en tant qu'il rec,oit lademande originaire, le reforme pour le surplus et dit pour droit que lademande originaire des demandeurs n'est pas fondee.
Ces decisions sont fondees sur l'ensemble des motifs de l'arret attaque,tenus pour etre ici expressement reproduits, et plus particulierement surles motifs suivants.
L'arret attaque constate que, par decisions des 23 juin et 7 juillet 1994,le comite de gestion de l'hopital Saint-Pierre, lequel depend dudefendeur, a inflige à l'auteur des demandeurs la sanction disciplinairede la demission d'office.
Il constate egalement que, par arret du 21 mai 2001 (nDEG 95.675), lasection d'administration du Conseil d'Etat a annule ces decisions ducomite de gestion au motif qu'elles avaient ete adoptees en violation del'article 125 des lois sur les hopitaux, coordonnees le 7 aout 1987,prescrivant la consultation du conseil medical de l'hopital, laquelleconstitue « une formalite obligatoire qui, sous peine de perdre touteefficience, doit etre accomplie prealablement à la decision de l'organede gestion ».
L'arret attaque en deduit que cet exces de pouvoir commis par le defendeurest constitutif d'une faute.
L'arret attaque rejette cependant la demande des demandeurs tendant àobtenir l'indemnisation du dommage cause par cette faute pour les motifssuivants :
« 29. Les [demandeurs] doivent etablir que cette faute est la cause desprejudices dont ils demandent la reparation. Or, ce lien n'est pas etabli.En effet, le conseil medical s'est prononce à l'unanimite des voixpresentes et il n'est nullement demontre par un quelconque elementobjectif et concret produit devant la cour [d'appel] que cette unanimite,voire à tout le moins la majorite des voix, n'aurait pas ete reunie si leconseil medical avait ete invite à emettre son avis avant toute prise deposition au sein du comite de gestion.
Il n'est ainsi pas demontre par les [demandeurs] que, sans cette faute,[leur auteur] n'aurait pas egalement subi la sanction disciplinaire quilui a ete infligee ; l'exigence d'un lien causal certain entre la fauterelevee par le Conseil d'Etat et les prejudices allegues n'est donc pasrencontree ».
Griefs
Premiere branche
1. Selon l'article 1382 du Code civil, tout fait quelconque de l'homme quicause à autrui un dommage oblige celui par lequel il est arrive à lereparer.
Selon l'article 1383 du Code civil, chacun est responsable du dommagequ'il a cause non seulement par son fait, mais encore par sa negligence oupar son imprudence.
Pour apprecier le lien de causalite certain entre la faute et le dommageexige par ces dispositions, le juge doit rechercher si, sans la faute, ledommage se serait produit de la meme maniere.
Ce faisant, il ne lui est pas permis de comparer la situation concretedont il est saisi à une situation purement hypothetique.
2. L'article 125 des lois sur les hopitaux, coordonnees le 7 aout 1987(avant leur nouvelle coordination par l'arrete royal du 10 juillet 2008),prevoit que le conseil medical donne au gestionnaire de l'hopital un avissur les matieres suivantes, notamment 7DEG la revocation de medecinshospitaliers, sauf revocation pour motif grave, et 8DEG les autressanctions à l'egard des medecins hospitaliers.
L'article 126, S: 1er, 1ere phrase, des memes lois confirme que, danstous les cas enumeres à l'article 125, le gestionnaire de l'hopital esttenu de demander l'avis du conseil medical.
Cet avis est donne, selon l'article 125 precite, « dans le cadre del'objectif decrit à l'article 124 », à savoir « en vue de dispenser àl'hopital, dans des conditions optimales, les soins medicaux aux patients».
Par consequent, l'avis prescrit par ces dispositions est une formalitesubstantielle prescrite de maniere imperative dans l'interet des medecinshospitaliers et en vue, en definitive, d'assurer une bonne gestion del'hopital dans l'interet des patients. Cette procedure d'avis a pourobjectif d'eclairer le gestionnaire de l'hopital sur la decision qu'ilenvisage de prendre. La loi reconnait ainsi au conseil medical le pouvoirde donner, prealablement et en toute independance, un avis susceptibled'influencer la decision du gestionnaire de l'hopital. Cette obligationn'est donc pas une obligation de pure forme mais elle peut, par nature,exercer une influence sur le contenu meme de la decision.
Il en resulte que, dans l'esprit de la loi :
(i) il ne peut etre legalement decide que la decision du gestionnaireprise sans consultation prealable du conseil medical aurait necessairementete identique si elle avait ete precedee d'un avis regulierement donne parle conseil medical, et que
(ii) reciproquement, il ne peut etre legalement decide que l'avis donnepar le conseil medical apres que le gestionnaire de l'hopital a dejàadopte sa decision aurait necessairement ete identique si cet avis avaitete sollicite avant que le gestionnaire de l'hopital ne prenne sadecision.
3. Cette conclusion est confortee par les motifs de l'arret du Conseild'Etat du 21 mai 2001 (nDEG 95.675), rendu entre les memes parties.
En effet, cet arret considere que « la consultation du conseil medicalprescrite par l'article 125 de la loi sur les hopitaux est une formaliteobligatoire qui, sous peine de perdre toute efficience, doit etreaccomplie prealablement à la decision de l'organe de gestion ».
Ces motifs, qui constituent le soutenement necessaire de l'arretd'annulation prononce, sont revetus de l'autorite absolue de la chosejugee, conformement aux articles 14, S: 1er, et 28 des lois sur leConseil d'Etat, coordonnees le 12 janvier 1973 (dans leurs versions viseesen tete du moyen), ainsi qu'au principe general du droit administratifrelatif à l'autorite de chose jugee qui est attachee aux decisions desjuridictions administratives.
Il resulte de ces motifs, et en particulier de la reference à la notiond'efficience de l'avis du conseil medical, que celui-ci a le pouvoird'influencer la decision prise par le gestionnaire de l'hopital et que,reciproquement, cet avis doit etre sollicite avant que le gestionnaire neprenne sa decision afin d'eviter que la decision du gestionnairen'influence l'avis du conseil medical.
4. Par les motifs reproduits en tete du moyen, l'arret attaque constateque le defendeur a commis une faute en infligeant la sanction de lademission d'office à l'auteur des demandeurs sans solliciterprealablement l'avis du conseil medical. Il decide toutefois que le liencausal entre cette faute et le prejudice dont les demandeurs demandaientreparation n'est pas etabli aux motifs que :
- « le conseil medical s'est prononce à l'unanimite des voix presenteset qu'il n'est nullement demontre par un quelconque element objectif etconcret produit devant la cour [d'appel] que cette unanimite, voire àtout le moins la majorite des voix, n'aurait pas ete reunie si le conseilmedical avait ete invite à emettre son avis avant toute prise de positionau sein du comite de gestion », et que
- « il n'est ainsi pas demontre par les [demandeurs] que, sans cettefaute, [l'auteur des demandeurs] n'aurait pas egalement subi la sanctiondisciplinaire qui lui a ete infligee ».
5. Ce faisant, l'arret attaque :
(i) compare la situation concrete dont il etait saisi à une situationpurement hypothetique, à savoir la situation ou, bien que l'avis duconseil medical eut ete sollicite avant que la decision du gestionnaire del'hopital ait ete adoptee, la decision de ce gestionnaire aurait neanmoinsete identique (violation des articles 1382 et 1383 du Code civil) ;
(ii) presuppose que la sollicitation d'un avis prealable du conseilmedical n'aurait eu aucune consequence sur le contenu de la decision dugestionnaire de l'hopital et, ainsi, meconnait le role de la procedured'avis du conseil medical, qui est de permettre à ce dernier, avant quele gestionnaire de l'hopital n'ait adopte sa decision, de formuler entoute independance un avis afin d'influencer la decision de cegestionnaire et ce, dans l'interet des medecins hospitaliers et, plusgeneralement, de la qualite des soins de sante (violation des articles124, 125 et 126 des lois sur les hopitaux) ;
(iii) prive de toute « efficience » la procedure d'avis, encontradiction avec les motifs constituant le soutenement necessaire del'arret d'annulation du Conseil d'Etat du 21 mai 2001 (nDEG 95.675),rendu entre les memes parties, et revetu de l'autorite absolue de la chosejugee (violation des articles 14,
S: 1er, et 28 des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnees le 12 janvier1973, dans leurs versions visees en tete du moyen, ainsi que du principegeneral du droit administratif relatif à l'autorite de chose jugee quiest attachee aux decisions des juridictions administratives).
Seconde branche
1. Selon l'article 1382 du Code civil, tout fait quelconque de l'homme quicause à autrui un dommage oblige celui par lequel il est arrive à lereparer.
Selon l'article 1383 du Code civil, chacun est responsable du dommagequ'il a cause non seulement par son fait, mais encore par sa negligence oupar son imprudence.
Pour apprecier le lien de causalite certain entre la faute et le dommageexige par ces dispositions, le juge doit rechercher si, sans la faute, ledommage se serait produit de la meme maniere.
2. Dans leurs secondes conclusions de synthese d'appel, les demandeursfaisaient valoir que l'un des postes du dommage cause par les fautes dudefendeur consistait dans les frais de defense exposes devant le Conseild'Etat et devant les autorites administratives.
3. Par les motifs reproduits en tete du moyen, l'arret attaque rejette lademande d'indemnisation des demandeurs, y compris la demanded'indemnisation des frais de defense precites, aux motifs que, si l'avisdu conseil medical avait ete sollicite par le comite de gestion del'hopital avant que celui-ci ne prenne sa decision, la sanctiondisciplinaire de demission d'office aurait neanmoins ete infligee àl'auteur des demandeurs.
4. Ce faisant, l'arret attaque :
(i) ne repond pas aux conclusions par lesquelles les demandeurs faisaientvaloir que la faute reprochee au defendeur, à savoir l'adoption de lasanction disciplinaire de la demission d'office sans solliciter l'avisprealable du conseil medical, avait eu pour consequence, non seulementl'infliction illegale de cette sanction avec la perte des droits yafferents, mais egalement l'exposition des frais de defense dont ilsdemandaient le remboursement ; il n'est, des lors, pas regulierementmotive et viole, partant, l'article 149 de la Constitution ;
(ii) constate certes que, sans la faute precitee du defendeur, la sanctionde la demission d'office aurait egalement ete infligee à l'auteur desdemandeurs mais ne constate pas en revanche que, sans cette faute, lesfrais de defenses dont les demandeurs demandaient l'indemnisation auraientneanmoins ete exposes de la meme maniere; il n'exclut des lors paslegalement l'existence d'un lien causal entre cette faute et ce poste dudommage (violation des articles 1382 et 1383 du Code civil) ;
(iii) à tout le moins, à defaut de rechercher et d'indiquer dans sesmotifs si, sans cette faute, les frais de defense dont les demandeursdemandaient l'indemnisation auraient neanmoins ete exposes de la mememaniere, l'arret attaque met la Cour dans l'impossibilite de controler lalegalite de sa decision, n'est, des lors, pas regulierement motive etviole, partant, l'article 149 de la Constitution.
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Il decoule du principe general du droit relatif à l'autorite de chosejugee qui s'attache aux arrets du Conseil d'Etat qui annulent un acteadministratif que ces arrets ont autorite de chose jugee erga omnes. Laretroactivite de ces arrets entraine la disparition des actesadministratifs ab initio, de sorte que les parties sont remises dansl'etat ou elles se trouvaient avant la decision annulee.
La circonstance que l'autorite administrative a, ensuite de l'annulation,la faculte de proceder à la refection de l'acte annule ne dispense nicette autorite ni le juge judiciaire de l'obligation de respecter l'effetqui s'attache à l'arret d'annulation lorsque l'autorite administratives'est abstenue de proceder à la refection.
L'arret attaque, apres avoir constate que les decisions infligeant lasanction disciplinaire de la demission d'office ont ete annulees par leConseil d'Etat, enonce que l'annulation « n'oblige pas [le defendeur] àreintegrer [l'auteur des demandeurs] dans ses fonctions et à lui payerles traitements correspondants », une telle obligation ne s'imposant que« lorsque, selon les motifs et le dispositif de l'arret d'annulation, larefection de l'acte serait impossible ».
Par ces motifs, l'arret attaque meconnait l'effet de l'arret d'annulationconsistant, en l'absence de refection des decisions administrativesannulees, à replacer de plein droit l'auteur des demandeurs dans lasituation ou il se trouvait avant que les decisions annulees fussentprises, et, partant, viole le principe general du droit et lesdispositions legales vises au moyen.
Le moyen est fonde.
Sur le deuxieme moyen :
Quant à la seconde branche :
Le lien de causalite entre une faute et un dommage ne peut etre exclu quesi le juge constate que, sans cette faute, le dommage se serait neanmoinsproduit tel qu'il s'est realise.
L'arret attaque constate que le defendeur a commis une faute en infligeantla sanction de la demission d'office à l'auteur des demandeurs sanssolliciter prealablement l'avis du conseil medical de l'hopitalSaint-Pierre.
Il considere toutefois que le lien de causalite entre cette faute et leprejudice dont les demandeurs demandent reparation n'est pas etabli auxmotifs que « le conseil medical s'est prononce à l'unanimite des voixpresentes et qu'il n'est nullement demontre par un quelconque elementobjectif et concret produit devant la cour [d'appel] que cette unanimite,voire à tout le moins la majorite des voix, n'aurait pas ete reunie si leconseil medical avait ete invite à emettre son avis avant toute prise deposition au sein du comite de gestion » et qu'« il n'est ainsi pasdemontre par les [demandeurs] que, sans cette faute, [leur auteur]n'aurait pas egalement subi la sanction disciplinaire qui lui a eteinfligee ».
L'arret attaque, qui ne constate pas que, sans la faute du defendeur, lesfrais de defense des demandeurs, dont ils demandent l'indemnisation sur labase des articles 1382 et 1383 du Code civil, auraient ete exposes par euxde la meme maniere qu'ils l'ont ete, viole ces dispositions.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.
Sur les autres griefs :
Il n'y a lieu d'examiner ni les autres branches du deuxieme moyen ni letroisieme moyen, qui ne sauraient entrainer une cassation plus etendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Martine Regout etMarie-Claire Ernotte, et prononce en audience publique du dix-huit octobredeux mille treize par le president Christian Storck, en presence del'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier PatriciaDe Wadripont.
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| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Regout |
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| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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18 OCTOBRE 2013 C.12.0011.F/16