Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.13.1534.N
1. G. D. B.,
* 2. I. M.,
* 3. J. D. B.,
* 4. G. D. B.
* prevenus
* demandeurs en renvoi d'une cause d'un tribunal à un autre,
* Me Bart Vosters, avocat au barreau de Turnhout,
* en cause de
LE PROCUREUR DU ROI PRES LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE FURNES,
contre
1. G. D. B., precite,
* (...)
* 15. J. C.,
prevenus.
I. la procedure devant la Cour
X. Les demandeurs ont demande, par requete deposee le 4 septembre 2013 augreffe de la Cour, le renvoi de la cause pendante devant le tribunalde premiere instance de Bruges à un autre tribunal de premiereinstance, sur la base d'une suspicion legitime.
XI. Par arret du 10 septembre 2013, la Cour a decide que la requeten'etait pas manifestement irrecevable.
XII. La declaration visee par l'article 545, alinea 4, 1DEG, b), du Coded'instruction criminelle redigee par le president faisant fonctiondu tribunal de premiere instance de Furnes en concertation avec lesmembres de ce tribunal qui l'ont contresignee, a ete rec,ue le 20septembre 2013 au greffe de la Cour.
XIII. L'avis du procureur du Roi pres le tribunal de premiere instance deFurnes, vise à l'article 545, alinea 4, 3DEG, du Coded'instruction criminelle, a ete rec,u le 24 septembre 2013 augreffe de la Cour.
XIV. Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
XV. Le premier avocat general Patrick Duinslaeger a conclu.
II. la decision de la Cour
1. Les demandeurs ont fait valoir dans leur requete que :
- ils ont ete renvoyes devant le tribunal correctionnel de Furnes du chefd'infractions à la loi du 24 fevrier 1921 concernant le trafic dessubstances stupefiantes, apres une enquete menee par un juged'instruction ;
- ce juge d'instruction fait l'objet d'une instruction judiciaire par unpresident de chambre de la cour d'appel de Gand ;
- il ressort des auditions des demandeurs 1 et 2 que non seulement le juged'instruction precite est mis en cause, mais egalement que d'importantessommes d'argent auraient ete remises à un avocat, lequel les auraient àson tour remises à des magistrats du tribunal de premiere instance deFurnes en echange d'une liberation anticipee ou d'une reduction de peine ;
- nait ainsi l'apparence que des magistrats du tribunal de premiereinstance de Furnes auraient eventuellement rec,u de l'argent afin de fairebeneficier certaines parties d'un traitement de faveur ;
- par consequent, l'independance du tribunal de Furnes ne peut plus etregarantie et il est question de suspicion legitime.
2. La declaration precitee visee à l'article 545, alinea 4, 1DEG, b), duCode d'instruction criminelle enonce notamment que :
- le juge d'instruction precite est en conge maladie depuis fin decembre2012 et admis à la retraite depuis le 1er aout 2013 et ne fait donc pluspartie du tribunal ;
- la requete ne cite nommement aucun juge et se borne donc à affirmer quele conseil de l'epoque des demandeurs aurait declare avoir remis del'argent à des magistrats non precises du tribunal de premiere instancede Furnes ;
- la requete ne fait pas mention d'elements verifiables et ne comporte pasdavantage de faits probants et precis, mais se fonde exclusivement sur lesdeclarations des demandeurs 1 et 2 ;
- chaque juge du tribunal de premiere instance de Furnes nie avec forceavoir jamais obtenu ou rec,u de l'argent en la moindre cause ou avoir eteapproche de quelque autre maniere ;
- la requete est tres vague quant aux procedures penales dirigees contreles demandeurs devant le tribunal de premiere instance de Furnes ;
- il appert que le demandeur 1 a ete renvoye le 8 juin 2010 devant letribunal correctionnel de Furnes par une ordonnance rendue par lepresident de l'epoque du tribunal et que la cause a ete jugee le 23novembre 2010 par un juge unique, que le president precite a ordonne lenon-lieu à l'egard du demandeur 1 le 26 avril 2011 et que le demandeur 1a ete renvoye devant le tribunal correctionnel par une ordonnance renduele 25 septembre 2012 par ce president ;
- le president de l'epoque du tribunal de premiere instance de Furnes aete nomme le 3 avril 2013 à une autre fonction judiciaire et ne fait doncplus partie du tribunal ;
- le juge qui a rendu le jugement du 23 novembre 2010 et qui a siege en lacause faisant actuellement l'objet d'une demande de dessaisissement, adeclare s'abstenir de connaitre de la cause. Il declare expressementn'avoir ete approche d'aucune maniere, mais est d'avis que, les demandeursayant remis en question son objectivite, son integrite et son independancelorsque le jugement du 23 novembre 2010 a ete rendu, il ne peut plusexaminer la presente cause dirigee contre les demandeurs avecl'impartialite requise ;
- les autres membres du tribunal de premiere instance de Furnes, dans sacomposition actuelle, n'ont pas connaissance du fait que, depuis 2010, ilsont examine en qualite de juge d'instruction ou juge du fond, une causedirigee contre les demandeurs, de sorte que les allegations de ceux-ci nepeuvent objectivement concerner ces membres ;
- trois juges ont ete recemment nommes (arretes de nomination des 21octobre 2010, 10 janvier 2012 et 5 decembre 2012) ;
- le president faisant fonction du tribunal et un juge d'instruction nepeuvent, sur la base de l'article 292 du Code judiciaire, connaitre de lapresente cause, des lors qu'ils sont intervenus dans le cadre de laprolongation des conditions imposees en vue de sa liberation à un inculpen'etant plus implique en la cause ;
- par consequent, encore trois juges, dont deux ont ete recemment nommes,ont declare pouvoir examiner de maniere impartiale et objective la causedirigee contre les demandeurs ; ils ont declare ne se sentir nullementconcernes personnellement par la requete et l'attention que les medias ontportee à la cause ensuite des declarations des demandeurs et de leurconseil, de sorte qu'ils peuvent tous connaitre de la cause.
3. L'avis du procureur du Roi pres le tribunal de premiere instance deFurnes est conforme à la declaration faite par le president faisantfonction du tribunal. Le procureur du Roi indique par ailleurs que, dansla mesure ou aucun des juges nommes au tribunal de premiere instance deFurnes n'aurait pu connaitre de la cause, il aurait pu etre fait appel àun juge nomme egalement au tribunal de premiere instance de Furnes, enapplication de l'article 100 du Code judiciaire.
4. La demande de renvoi d'un tribunal à un autre, visee à l'article 542,alinea 2, du Code d'instruction criminelle, doit se fonder sur des faitsprobants et precis qui, s'ils s'averent exacts, peuvent faire naitre unesuspicion legitime quant à l'independance et l'impartialite dont tous lesmagistrats qui composent la juridiction sont presumes faire preuve.
5. La Cour constate que :
- pour etayer leur allegation selon laquelle des magistrats du tribunal depremiere instance de Furnes auraient eventuellement rec,u de l'argent afinde garantir à certaines parties un taux de peine favorable, lesdemandeurs se fondent uniquement sur des declarations faites par lesdemandeurs 1 et 2, sans nul autre element objectif à l'appui ;
- l'allegation des demandeurs quant au jugement du 23 novembre 2010 nesaurait concerner tous les juges qui composent actuellement le tribunal depremiere instance de Furnes.
6. Par consequent, la requete n'est pas fondee.
Par ces motifs,
* * La Cour
* * Rejette la requete ;
* Condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Maffei, les conseillers Filip VanVolsem, Alain Bloch, Peter Hoet et Antoine Lievens, et prononce enaudience publique du huit octobre deux mille treize par le president desection Paul Maffei, en presence du premier avocat general PatrickDuinslaeger, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le conseiller,
8 octobre 2013 P.13.1534.N/1