Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.12.1043.N
P. M.,
prevenu,
demandeur,
Me Karolien Van De Moer, avocat au barreau de Turnhout,
contre
L'ETAT BELGE, spf Finances, represente par le ministre des Finances,
partie poursuivante,
defendeur,
Me Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 3 mai 2012 par la courd'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur fait valoir un moyen dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
Le premier avocat general Patrick Duinslaeger a conclu.
II. La decision de la Cour
Sur l'ensemble du moyen :
1. Le moyen, en ses branches, invoque la violation de l'article 283 de laloi generale sur les douanes et accises, ainsi que la meconnaissance duprincipe de la specialite en matiere d'extradition active, ainsi qu'ilfigure egalement à l'article V de la Convention bilaterale d'extraditionentre la Belgique et le Siam du 14 janvier 1937 : les juges d'appel ontdecide, à tort, que le juge penal avait ete regulierement saisi del'infraction en matiere de douanes imputee au demandeur et qu'ilspouvaient prendre connaissance de l'action civile du defendeur ;ledemandeur a ete extrade par la Thailande vers la Belgique du chef d'autresfaits, de sorte qu'il ne pouvait etre poursuivi et condamne du chef del'infraction matiere de douanes, en vertu du principe de la specialitedefini à l'article V de la Convention precitee ; la garantie du principede la specialite implique que la personne extradee est censee ne pas etrepresente pour les faits du chef desquels elle n'a pas ete extradee ; ledemandeur ne pouvait ainsi etre regulierement implique dans la procedurepenale (premiere branche) ; il ne pouvait y avoir d'action publiquerecevable et elle ne l'etait, par consequent, pas davantage au moment del'introduction de l'action en matiere de droit fiscal par le defendeur(seconde branche).
2. L'article 283 de la loi generale sur les douanes et accises dispose :« Lorsque les contraventions, fraudes, delits ou crimes dont il s'agitdans les articles 281 et 282 donnent lieu au paiement de droits ouaccises, et par consequent à une action civile, independamment de lapoursuite d'une peine, le juge competent soit criminel, soitcorrectionnel, connaitra de l'affaire sous ce double rapport et jugerad'une et l'autre cause. »
L'action de l'administration fondee sur cette disposition tendant aupaiement des droits eludes ne resulte pas de l'infraction commise enmatiere de douanes et accises mais trouve directement sa cause dans la loiqui impose le paiement de ces droits.
La competence du juge penal pour statuer sur une action civile del'administration tendant au paiement des droits eludes, suppose qu'aumoment de l'introduction de cette action civile il soit regulierementsaisi des contraventions, fraudes, delits ou crimes vises aux articles 281et 282 de la loi generale sur les douanes et accises.
3. L'article V, alinea 4, de la Convention d'extradition entre la Belgiqueet le Siam du 14 janvier 1937 prevoit que la personne extradee pourra etrepoursuivie ou punie pour une infraction autre que celle qui a motivel'extradition dans les trois cas enonces par cette disposition.
4. Le principe de la specialite ainsi etabli et la fiction qui en resultesuivant laquelle l'extrade est cense ne pas etre present, implique que cedernier ne peut etre poursuivi contradictoirement, en dehors desexceptions prevues par cette convention, pour tout autre fait anterieur àl'extradition, qui n'a pas motive l'extradition.
Une poursuite contraire au principe de la specialite est irrecevable.
5. Le juge penal est sans competence pour connaitre d'une action civile del'administration tendant au paiement de droits eludes qui a ete introduitesimultanement à l'action publique si celle-ci est irrecevable du chef deviolation du principe de la specialite.
6. Les juges d'appel qui pourtant ont decide en cette cause que le jugepenal avait bien ete regulierement saisi des contraventions, fraudes etcrimes tels que vises aux articles 281 et 282 de la loi generale sur lesdouanes et accises compte tenu de la regularite des citations directessignifiees aux co-prevenus et au demandeur, ont viole les dispositionsenoncees au moyen.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;
Laisse les frais à charge de l'Etat ;
Dit n'y avoir lieu au renvoi.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Maffei, les conseillers Filip VanVolsem, Alain Bloch, Peter Hoet et Antoine Lievens, et prononce enaudience publique du huit octobre deux mille treize par le president desection Paul Maffei, en presence du premier avocat general PatrickDuinslaeger, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le conseiller,
8 octobre 2013 P.12.1043.N/1