Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG S.11.0122.N
OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE,
Me Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,
* * contre
BEKAERT COORDINATIECENTRUM, s.a.,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. La procedure devant la Cour
III. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le22 octobre 2010 par la cour du travail de Gand, section de Bruges.
IV. L'avocat general Henri Vanderlinden a depose des conclusions le16 septembre 2013.
V. Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.
VI. L'avocat general Henri Vanderlinden a conclu.
VII. II. Le moyen de cassation
VIII. Le demandeur presente un moyen libelle dans les termessuivants :
IX. Dispositions legales violees
* article 14, S:S: 1er et 2, de la loi du 27 juin1969 revisant l'arrete-loi du 28 decembre 1944concernant la securite sociale destravailleurs ;
* article 23, alineas 1er et 2, de la loi du29 juin 1981 etablissant les principes generauxde la securite sociale des travailleurssalaries ;
* articles 38, 39, 41 et 42 de l'arrete royal du30 mars 1967 determinant les modalites generalesd'execution des lois relatives aux vacancesannuelles des travailleurs salaries,l'article 39, tant dans la version anterieureque dans la version posterieure à samodification par l'arrete royal du 12 mars 2003,l'article 41, tant dans la version anterieureque dans la version posterieure à samodification par les arretes royaux des 10 juin2001, 22 juin 2004 et 16 fevrier 2006, mais dansla version anterieure à sa modification par laloi du 27 decembre 2006, l'article 42, tant dansla version anterieure que dans la versionposterieure à sa modification par l'arreteroyal du 10 juin 2001 mais dans la versionanterieure à sa modification par la loi du27 decembre 2006 ;
* article 9 des lois relatives aux vacancesannuelles des travailleurs salaries, coordonneesle 28 juin 1971 ;
* article 19, S: 1er, alinea 1er, de l'arreteroyal du 28 novembre 1969 pris en execution dela loi du 27 juin 1969 revisant l'arrete-loi du28 decembre 1944 concernant la securite socialedes travailleurs ;
* article 2 de la loi du 12 avril 1965 concernantla protection de la remuneration destravailleurs.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque deboute le demandeur de son appel et confirme lejugement du tribunal du travail qui deboute le demandeur de sademande.
L'arret attaque decide qu'aucune disposition de la loi du 28 juin1971 ne permet de considerer qu'une somme determinee constitue uneremuneration effective ou fictive à prendre en compte pour lepecule de vacances, par le seul motif qu'elle donne lieu à laperception de cotisations de securite sociale, de sorte que, pour lecalcul du pecule de vacances simple et double afferent à laremuneration variable, il n'y a pas lieu de prendre en compte lepecule de vacances simple de l'exercice precedent afferent à laremuneration variable :
« 5.2.1. L'article 38 de l'arrete royal du 30 mars 1967 determinantles modalites generales d'execution des lois relatives aux vacancesannuelles des travailleurs salaries dispose que l'employeur paie àl'employe qui prend ses vacances 'la remuneration normale afferenteaux jours de vacances'.
En vertu de l'article 39, alinea 1er, du meme arrete royal, lesemployes dont la remuneration est totalement variable ont droit, parjournee de vacances, à un pecule egal à 'la moyenne quotidiennedes remunerations brutes gagnees pour chacun des douze mois quiprecedent le mois au cours duquel les vacances sont prises (...)augmentees eventuellement d'une remuneration fictive pour lesjournees d'interruption de travail assimilees à des journees detravail effectif'. Pour les employes dont la remuneration n'est quepartiellement variable, la disposition precitee est uniquementapplicable à la partie variable.
Il n'est pas conteste que les primes payees par (la defenderesse) à37 travailleurs constituent 'une remuneration variable' et qu'enconsequence, il y a lieu d'appliquer l'article 39 de l'arrete royaldu 30 mars 1967. Il est egalement etabli qu'au cours de chaqueexercice, (la defenderesse) a pris ces primes en compte pour lepecule de vacances simple. La question se posant est de savoir si,l'exercice suivant, ce pecule de vacances simple fait partie de laremuneration variable à prendre en compte pour le pecule devacances simple, ce qui, suivant le premier juge, n'est admissibleque si ce pecule de vacances fait partie, soit 'des remunerationsbrutes gagnees pour chacun des douze mois (qui precedent) le mois aucours duquel les vacances sont prises', soit 'd'une remunerationfictive pour les journees d'interruption de travail assimilees àdes journees de travail effectif'.
5.2.2. La cour du travail se rallie au premier juge en ce qu'il y alieu d'entendre par le terme de 'remuneration brute' - et de salairebrut - la remuneration au sens du droit du travail, à savoir laremuneration payee en contrepartie d'une prestation de travaileffectuee en execution d'un contrat de travail, sous la reserve que,conformement à l'article 38bis de l'arrete royal du 30 mars 1967,cette remuneration ne peut etre prise en compte pour le calcul dupecule de vacances que si elle est soumise aux retenues socialesordinaires. C'est egalement la notion de remuneration adoptee par laCour de cassation.
Le pecule de vacances simple ne constitue pas la contrepartie d'uneprestation de travail effectuee en execution d'un contrat detravail. En consequence, il ne fait pas partie de la 'remunerationbrute' au sens de l'article 39, alinea 1er, de l'arrete royal du30 mars 1967.
5.2.3. Le premier juge considere que le pecule de vacances simple nepeut davantage etre considere comme une 'remuneration fictive pourles journees d'interruption de travail assimilees à des journees detravail effectif'.
L'article 41 de l'arrete royal du 30 mars 1967 enumere les 'journeesd'interruption de travail qui sont assimilees à des journees detravail effectif'. Les periodes de suspension pour 'vacancesannuelles' n'y figurent pas. En consequence, aucune remunerationfictive ne peut etre prise en compte pour ces periodes. Ainsi, lepecule de vacances simple sur la base duquel les cotisations sontreclamees en l'espece ne releve pas de l'article 39, alinea 1er, del'arrete royal du 30 mars 1967.
(Le demandeur) ne peut invoquer l'article 42 de l'arrete royal àl'appui de sa these. Cette disposition concerne uniquement lesjournees d'interruption de travail enumerees à l'article 41 et,ainsi qu'il a ete releve precedemment, les jours de vacances n'enfont pas partie.
La demande ne porte pas sur le pecule de vacances vise àl'article 46 de l'arrete royal.
Aucune disposition de la loi du 28 juin 1971 ne permet de considererqu'une somme determinee constitue une remuneration effective oufictive à prendre en compte pour le pecule de vacances par le seulmotif qu'elle donne lieu à la perception de cotisations de securitesociale.
5.2.4. Ainsi, la cour du travail se rallie à la decision du premierjuge, qui est par ailleurs egalement admise par la doctrine ».
Griefs
* 1. Conformement à l'article 38 de l'arrete royaldu 30 mars 1967, l'employeur paie à l'employe dont la remunerationest fixe qui prend ses vacances, la remuneration normale afferenteaux jours de vacances et, par mois de service preste ou assimile àdu travail effectif au cours de l'exercice de vacances, unsupplement calcule en fonction de la remuneration brute du mois aucours duquel les vacances prennent cours.
Conformement à l'article 39, alinea 1er, du meme arrete royal, lesemployes dont la remuneration est totalement variable (commissions,primes, pourcentages, remises, etc.) ont droit, par journee devacances, à un pecule egal à la moyenne quotidienne desremunerations brutes gagnees pour chacun des douze mois quiprecedent le mois au cours duquel les vacances sont prises,augmentees eventuellement d'une remuneration fictive pour lesjournees d'interruption de travail assimilees à des journees detravail effectif.
En vertu de l'article 39, alinea 5, du meme arrete royal, pour lesemployes dont la remuneration n'est que partiellement variable, lesdispositions de l'article 38 sont applicables à la partie fixe dela remuneration alors que les dispositions des alineas precedents del'article 39 sont applicables au calcul du pecule de vacancesafferent à la partie variable de la remuneration.
2. L'article 41 de l'arrete royal enumere les journeesd'interruption de travail qui sont assimilees à des journees detravail effectif pour le calcul du pecule de vacances afferent à laremuneration variable.
En vertu de l'article 42 du meme arrete royal, pour le calcul dupecule de vacances afferent à la remuneration variable, lesjournees d'interruption de travail enumerees à l'article 41 ne sontpas traitees comme des journees assimilees mais comme des journeesde travail effectif, lorsque l'employeur est tenu de declarercelles-ci comme telles pour le calcul des cotisations de securitesociale.
Il suit de ces dispositions que, pour le calcul du pecule devacances afferent à la remuneration variable, l'assimilation desjournees d'interruption de travail à des journees de travaileffectif n'a de sens que si ces journees d'interruption de travailne donnent pas lieu au paiement d'une remuneration soumise auxretenues sociales.
L'application de la regle de l'article 42 de l'arrete royal n'estpas limitee aux journees d'interruption de travail enumerees àl'article 41 mais s'etend à toutes les journees d'interruption detravail que l'employeur est oblige de declarer comme telles pour lecalcul des cotisations de securite sociale.
Dans le contexte de l'article 42 de l'arrete royal, le terme de« remuneration brute » vise à l'article 39 porte sur tous lesavantages accordes par l'employeur au travailleur pour les journeesd'interruption de travail qui sont soumis aux retenues sociales.
3. Conformement à l'article 19, S: 1er, alinea 1er, de l'arreteroyal du 28 novembre 1969, par derogation à l'article 2, alinea 3,1DEG, de la loi du 12 avril 1965, la partie du pecule de vacancesqui correspond à la remuneration normale des jours de vacances estconsideree comme une remuneration au regard de la securite socialeet est prise en compte pour le calcul des cotisations de securitesociale.
Bien que les jours de vacances constituent des journeesd'interruption de travail et ne soient pas assimiles à des journeesde travail effectif en application de l'article 41 de l'arrete royaldu 30 mars 1967, l'obligation de declarer le pecule de vacancessimple pour le calcul des cotisations de securite sociale a poureffet que, pour l'application de l'article 39 du meme arrete royal,il y a lieu de considerer le pecule de vacances simple afferent àces journees de travail comme une remuneration effective et noncomme une remuneration fictive pour journees assimilees.
Ainsi, pour le calcul du pecule de vacances simple et double d'unemploye dont la remuneration est variable, le pecule de vacancessimple de l'exercice precedent est pris en compte dans la mesure ouces jours de vacances ont donne lieu au paiement d'une remunerationsoumise aux retenues sociales.
L'arret attaque, qui decide que le demandeur ne peut invoquerl'article 42 de l'arrete royal du 30 mars 1967 à l'appui de sademande tendant au paiement des cotisations de securite socialecalculees sur le pecule de vacances simple afferent à laremuneration variable de l'exercice precedant, n'est pas legalementjustifie.
4. Contrairement à ce que l'arret attaque considere, pourl'application de l'article 39 de l'arrete royal du 30 mars 1967, lepecule de vacances simple afferent à la remuneration variableconstitue la contrepartie de prestations de travail effectuees enexecution d'un contrat de travail dans la mesure ou ce pecule devacances a ete gagne au cours de la periode de reference de douzemois precedant le mois au cours duquel les vacances sont prises etest proportionnel au travail anterieurement preste.
Dans la mesure ou, en vertu de l'article 42 de l'arrete royal du30 mars 1967, la « remuneration brute » visee à l'article 39 dumeme arrete royal porte sur toutes les remunerations soumises auxretenues sociales, pour l'application de l'article 39, il y a lieude considerer le pecule de vacances simple en tout cas - meme s'ilne constitue pas la contrepartie de prestations de travail - commeune remuneration effective à prendre en compte pour le pecule devacances par le seul motif qu'il est soumis aux retenues sociales.
5. Il s'ensuit que l'arret attaque n'a pas legalement decide que lepecule de vacances simple ne fait pas partie de la « remunerationbrute » visee à l'article 39, alinea 1er, de l'arrete royal du30 mars 1967 au motif qu'il ne constitue pas la contrepartie deprestations de travail effectuees en execution d'un contrat detravail (violation des dispositions legales citees en tete du moyen,plus specialement de l'article 39, alinea 1er, de l'arrete royal du30 mars 1967 determinant les modalites generales d'execution deslois relatives aux vacances annuelles des travailleurs salaries),qu'il ne decide pas davantage legalement qu'aucune disposition de laloi du 28 juin 1971 ne permet de considerer qu'une somme determineeconstitue une remuneration effective ou fictive à prendre en comptepour le pecule de vacances par le seul motif qu'elle donne lieu àla perception de cotisations de securite sociale (violation detoutes les dispositions legales citees en tete du moyen, plusspecialement des articles 41 et 42 de l'arrete royal du 30 mars 1967determinant les modalites generales d'execution des lois relativesaux vacances annuelles des travailleurs salaries) et qu'enconsequence, il n'ecarte pas legalement le pecule de vacances simpleafferent à la remuneration variable de l'exercice precedent de labase de calcul du pecule de vacances simple et double afferent à laremuneration variable et ne deboute pas legalement le demandeur desa demande tendant au paiement des cotisations de securite socialecalculees sur ce pecule de vacances simple (violation desarticles 14, S:S: 1er et 2, de la loi du 27 juin 1969 revisantl'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securite sociale destravailleurs, 23, alineas 1er et 2, de la loi du 29 juin 1981etablissant les principes generaux de la securite sociale destravailleurs salaries, 38, 39, 41, 42 de l'arrete royal du 30 mars1967 determinant les modalites generales d'execution des loisrelatives aux vacances annuelles des travailleurs salaries, 9 deslois relatives aux vacances annuelles des travailleurs salaries,coordonnees le 28 juin 1971, 19, S: 1er, alinea 1er, de l'arreteroyal du 28 novembre 1969 pris en execution de la loi du 27 juin1969 revisant l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant lasecurite sociale des travailleurs et 2 de la loi du 12 avril 1965concernant la protection de la remuneration des travailleurs).
III. La decision de la Cour
X. XI. 1. En vertu de l'article 39 de l'arrete royal du 30 mars1967 determinant les modalites generales d'execution des loisrelatives aux vacances annuelles des travailleurs salaries, lepecule de vacances des employes dont la remuneration estvariable est calcule en fonction des remunerations brutesgagnees pour les douze mois qui precedent le mois au coursduquel les vacances sont prises, augmentees eventuellementd'une remuneration fictive pour les journees d'interruption detravail assimilees à des journees de travail effectif.
XII. Alors que l'article 41 de l'arrete royal du 30 mars 1967enumere les journees d'interruption de travail qui sontassimilees à des journees de travail effectif pour le calculdu pecule de vacances, l'article 42 du meme arrete royalprevoit que, pour le calcul du pecule de vacances afferent àla remuneration variable, les journees d'interruption detravail enumerees à l'article 41 ne sont pas considereescomme des journees assimilees mais comme des journees detravail effectif, lorsque l'employeur a l'obligation dedeclarer celles-ci comme telles pour le calcul descotisations de securite sociale.
XIII. 2. Il suit de ces dispositions que, pour le calcul du peculede vacances, l'assimilation des journees d'interruption detravail à des journees de travail effectif n'a de sens quesi ces journees d'interruption de travail ne donnent paslieu au paiement d'une remuneration soumise aux retenuessociales.
XIV. 3. En vertu de l'article 19, S: 1er, de l'arrete royal du28 novembre 1969 pris en execution de la loi du 27 juin 1969revisant l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant lasecurite sociale des travailleurs, la partie du pecule devacances qui correspond à la remuneration normale des joursde vacances est consideree comme remuneration au regard de lasecurite sociale et est prise en compte pour le calcul descotisations de securite sociale.
XV. 4. Il s'ensuit que, bien que les jours de vacances constituentdes journees d'interruption de travail et qu'en vertu del'article 41 de l'arrete royal du 30 mars 1967, ils ne soientpas assimiles à des journees de travail effectif, pourl'application de l'article 39 du meme arrete royal, il y alieu de considerer le pecule de vacances simple afferent àces jours comme une remuneration effective et non comme uneremuneration fictive pour journees assimilees.
5. En decidant que, pour les employes dont la remuneration estvariable, le pecule de vacances simple ne fait pas partie de laremuneration brute au sens de l'article 39, alinea 1er, de l'arreteroyal du 30 mars 1967 au motif qu'il ne constitue pas lacontrepartie d'une prestation de travail effectuee en executiond'un contrat de travail et qu'aucune disposition de la loi du28 juin 1971 ne permet de considerer qu'une somme determineeconstitue une remuneration effective ou fictive à prendre encompte pour le pecule de vacances, l'arret viole l'article 39 del'arrete royal du 30 mars 1967 determinant les modalites generalesd'execution des lois relatives aux vacances annuelles destravailleurs salaries.
Le moyen est fonde.
* Par ces motifs,
* La Cour
* * Casse l'arret attaque ;
* Ordonne que mention du present arret sera faite en marge del'arret casse ;
* Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par lejuge du fond ;
* Renvoie la cause devant la cour du travail de Bruxelles.
* Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, àBruxelles, ou siegeaient le president Christian Storck, lesconseillers Koen Mestdagh, Alain Simon, Mireille Delange etAntoine Lievens, et prononce en audience publique du septoctobre deux mille treize par le president Christian Storck,en presence de l'avocat general Henri Vanderlinden, avecl'assistance du greffier Johan Pafenols.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Mireille Delangeet transcrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
Le greffier, Le conseiller,
7 octobre 2013 S.11.0122.N/1