Cour de cassation de Belgique
Arret
375
NDEG C.12.0627.F
J. P.,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,
contre
COMMUNE DE VIROINVAL, representee par son college communal, dont lesbureaux sont etablis à Viroinval (Nismes), Parc communal, 1,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.
NDEG C.12.0629.F
J. P.,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,
contre
COMMUNE DE VIROINVAL, representee par son college communal, dont lesbureaux sont etablis à Viroinval (Nismes), Parc communal, 1,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation inscrit au role general sous le numero C.12.0629.Fest dirige contre le jugement rendu le 23 mars 2011 par le tribunal depremiere instance de Dinant, statuant en degre d'appel.
Le pourvoi en cassation inscrit au role general sous le numero C.12.0627.Fest dirige contre le jugement rendu le 13 juin 2012 par le meme tribunal.
Le president de section Albert Fettweis a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
A l'appui du pourvoi inscrit au role general sous le numero C.12.0629.F,le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 703, specialement alinea 2, 861, 867, 1042, 1056 et 1057 duCode judiciaire ;
- article 149 de la Constitution.
Decisions et motifs critiques
Le jugement attaque du 23 mars 2011, apres avoir mentionne qu'en la causeR.G. nDEG 10/254/A, le demandeur, en tant qu'appelant, est oppose à« l'administration communale de Viroinval representee par son collegedes bourgmestre et echevins, en la personne de son receveur regional, dontles bureaux sont etablis à Nismes, Parc communal, intimee », declare que
l'appel forme en cette cause par requete du 15 mars 2010, deposee augreffe le 18 mars 2010, n'est pas recevable et fonde sa decision sur lemotif suivant :
« [La defenderesse] plaide, à juste titre, que cet appel n'est pasrecevable, l'administration communale de Viroinval n'etant pas unepersonne ayant la personnalite juridique, et plus particulierementlorsqu'elle est designee comme etant `l'administration communale deViroinval, representee par son college des bourgmestre et echevins, en lapersonne de son receveur regional' ».
Griefs
1. En vertu de l'article 1057, 3DEG, du Code judiciaire, l'acte d'appelqui n'est pas forme par conclusions (donc notamment la requete d'appelvisee à l'article 1056, 2DEG, du Code judiciaire) doit contenir, à peinede nullite, les nom, prenom et domicile ou, à defaut de domicile, laresidence de l'intime.
Selon l'article 703, alinea 2, du Code judiciaire, si la partie intimeeest une personne morale, son identite est suffisamment relatee dans l'acted'appel par l'indication de sa denomination, de sa nature juridique et deson siege social.
Aux termes de l'article 861 du Code judiciaire, « le juge ne peutdeclarer nul un acte de procedure que si l'omission ou l'irregularitedenoncee nuit aux interets de la partie qui invoque l'exception ».
Par ailleurs, il suit de l'article 867 du Code judiciaire que l'omissionou l'irregularite de la forme d'un acte ne peut entrainer la nullite« s'il est etabli par les pieces de la procedure que l'acte a realise lebut que la loi lui assigne ou que la formalite non mentionnee a, enrealite, ete remplie ».
Les articles 703, 861 et 867 du Code judiciaire sont rendus applicables endegre d'appel par l'article 1042 de ce code.
2. Il suit des articles 861 et 867 du Code judiciaire que l'irregularitedans la mention de l'intime dans une requete d'appel, par exemple comme enl'espece, la designation d'une commune par les termes l' « administrationcommunale », ne peut etre sanctionnee de nullite ou d'irrecevabilite quesi cette erreur a nui à l'intime en l'empechant de se considerer commeintime et en le privant de la possibilite d'exercer pleinement son droitde defense.
3. En l'espece, le demandeur faisait valoir en termes de conclusions quele jugement du premier juge avait ete prononce « entre la commune deViroinval et le sieur J. P. » en sorte que la mention dans l'acte d'appelde l' « administration communale de Viroinval, representee par soncollege des bourgmestre et echevins, en la personne de son receveurregional » n'avait pu lui causer aucun prejudice puisque la commune avait« regulierement comparu à l'audience ».
En presence de pareilles conclusions, le jugement attaque n'a pu, deslors, dire l'appel du demandeur introduit par la requete deposee le 18mars 2010 irrecevable aux seuls motifs qu'elle mentionnait comme partieintimee « l'administration communale de Viroinval, representee par soncollege des bourgmestre et echevins, en la personne de son receveurregional » et que cette administration n'avait pas la personnalitejuridique sans constater que cette mention erronee avait nui à la communede Viroinval en l'empechant de se considerer comme intimee et d'exercerpleinement son droit de defense.
Ce faisant, en effet, le jugement attaque viole les dispositions du Codejudiciaire visees au moyen et plus specifiquement les articles 861 et 867de ce code.
à tout le moins, à defaut de comporter la constatation dans ses motifsd'un grief dans le chef de la defenderesse et des raisons de celui-ci, lejugement attaque ne permet pas à la Cour d'exercer son controle delegalite. Il n'est des lors pas regulierement motive (violation del'article 149 de la Constitution).
A l'appui du pourvoi inscrit au role general sous le numero C.12.0627.F,le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
Articles 33, 35, 38, 867, 1042 et 1051 du Code judiciaire
Decisions et motifs critiques
Apres avoir rappele que, par son jugement du 23 mars 2011, le tribunalavait reserve à statuer sur la recevabilite de la seconde requete d'appeldeposee au greffe le 18 juin 2010, le jugement attaque du 13 juin 2012decide que l'appel ainsi forme en la cause nDEG 10/594/A n'est pasrecevable des lors qu'il n'a pas ete forme dans le delai legal et fonde sadecision sur les motifs suivants :
« Position du tribunal
Selon l'article 867 du Code judicaire, `l'omission ou l'irregularite de laforme d'un acte, y compris le non-respect des delais vises par la presentesection ou de la mention d'une formalite, ne peut entrainer la nullite,s'il est etabli par les pieces de la procedure que l'acte a realise le butque la loi lui assigne ou que la formalite non mentionnee a, en realite,ete remplie'.
Par signification, il y a lieu d'entendre la remise, par exploitd'huissier, d'une copie conforme de l'acte que l'huissier doit signifier.
Il existe plusieurs modes de signification pour lesquels le Codejudiciaire prevoit une hierarchie dont le non-respect n'est, en principe,pas sanctionne à peine de nullite, sous reserve de l'abus de droit, de laviolation du principe de loyaute ou des droits de la defense et du dol (G. de Leval, Elements de procedure civile, 2e ed., Larcier, 109)
Les parties s'accordent sur le fait que [le demandeur] a rec,u la copie dujugement du juge de paix de Couvin le 26 avril 2010.
En consequence, [le demandeur] a certainement eu connaissance de ladecision du juge de paix de Couvin du 23 avril 2009 le 26 avril 2010.
Or, sa requete d'appel n'a ete visee au greffe de ce tribunal que le
18 juin 2010, soit pres de deux mois apres la reception du jugement et unan apres la remise de la copie au parquet.
En l'espece, le tribunal considere que [le demandeur] est forclos de sonappel des lors que la signification à parquet a atteint le but qui luiest assigne par la loi, c'est-à-dire la remise de la copie du jugement[au demandeur], lequel n'a introduit son appel que tardivement.
En outre, il echet de preciser à cette partie que sa lecture de l'arretde la Cour de cassation du 19 avril 2002 est erronee. Cette juridictionconfirme la position du tribunal en considerant que la signification àparquet est irreguliere mais que le moyen ne peut etre accueilli à defautd'interet compte tenu de l'article 867 du Code judiciaire.
En consequence, le tribunal considere que l'appel n'est pas recevable,n'ayant pas ete forme dans le delai legal ».
Griefs
1. Le delai pour interjeter appel est d'un mois à partir de lasignification du jugement (article 1051, alinea 1er, du Code judiciaire).
Pour faire courir le delai d'appel, la signification doit etre reguliere,sans que l'auteur de la signification puisse se prevaloir du principedepose dans l'article 867 du Code judiciaire (rendu applicable en degred'appel en vertu de l'article 1042 de ce code).
2. Si la signification n'est pas faite à personne par application del'article 33 du Code judiciaire, elle a lieu en regle au domicile ou, àdefaut de domicile, à la residence du destinataire (article 35 du Codejudiciaire). A defaut d'avoir pu respecter les formalites de l'article 35du Code judiciaire, il est procede, en regle, conformement à l'article38, S: 1er, du Code judiciaire.
Ce n'est que par l'exception à ces principes qu'il peut etre procede àune signification par remise de la copie de l'exploit au procureur du Roi(article 38, S: 2, du Code judiciaire). L'article 38, S: 2, alinea 4, duCode judiciaire enonce à cet egard que la signification au procureur duRoi est non avenue si la partie à la requete de laquelle la significationa ete accomplie « connaissait le domicile elu ou, le cas echeant, laresidence du signifie ».
Le demandeur faisait valoir à cet egard dans ses conclusions d'appelapres jugement du 23 mars 2011 qu'il etait parfaitement possible deproceder à la signification du jugement du premier juge conformement auxarticles 33, 35 ou le cas echeant 38, S: 1er, du Code judiciaire, en sorteque la signification au procureur du Roi etait irreguliere et non avenue.
3. Ayant constate en l'espece, comme le demandeur le faisait valoir, quela signification « à parquet » etait « irreguliere », le jugementattaque n'a des lors pu declarer tardif l'appel interjete par requetedeposee au greffe le
18 juin 2010, sans violer les dispositions visees au moyen et specialementles articles 867 et 1051, alinea 1er, du Code judiciaire.
III. La decision de la Cour
Les pourvois sont diriges contre des jugements rendus dans deux causes quiont ete jointes par les juges d'appel. Il y a lieu de les joindre.
Sur le pourvoi inscrit au role general sous le numero C.12.0629.F :
Sur le moyen :
En vertu de l'article 1057, alinea 1er, 3DEG, du Code judiciaire, hormisle cas ou il est forme par conclusions, l'acte d'appel contient, à peinede nullite, les nom, prenom et domicile ou, à defaut de domicile, laresidence de l'intime.
Conformement à l'article 703, alinea 2, de ce code, l'identite despersonnes morales est, en regle, suffisamment relatee dans tout acte deprocedure par l'indication de leur denomination, de leur nature juridiqueet de leur siege social.
L'irregularite de l'acte d'appel resultant d'une erreur dans les mentionsrelatives à l'identite de l'intime, sans erreur sur sa personne, estsanctionnee d'une nullite soumise aux articles 861 et 867 du Codejudiciaire. La nullite ne peut, des lors, etre prononcee que sil'irregularite nuit aux interets de la partie qui invoque l'exception ets'il n'est pas etabli par les pieces de la procedure que l'acte a realisele but que la loi lui assigne.
Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que le jugementdu premier juge du 23 avril 2009 est rendu en cause du demandeur et de «la commune de Viroinval, representee par son college des bourgmestre etechevins, en la personne du receveur regional, dont les bureaux sontetablis à Viroinval (Nismes), Parc communal » tandis que la requeted'appel est dirigee contre « l'administration communale de Viroinval,representee par son college des bourgmestre et echevins, en la personne deson receveur regional, dont les bureaux sont etablis Parc communal, 1, àNismes ».
En declarant l'appel irrecevable au motif que « l'administrationcommunale de Viroinval [n'est] pas une personne ayant la personnalitejuridique, plus particulierement lorsqu'elle est designee comme etant`l'administration communale de Viroinval, representee par son college desbourgmestre et echevins, en la personne de son receveur regional' », sansexaminer si cette erreur commise dans les mentions de la requete d'appelrelatives à l'identite de la partie intimee nuisait aux interets de lapartie qui invoquait l'exception et si les pieces de la procedureetablissaient que la requete d'appel avait realise le but que la loi luiassigne, le jugement attaque du 23 mars 2011 viole les dispositionslegales precitees.
Le moyen est fonde.
Sur le pourvoi inscrit au role general sous le numero C.12.0627.F :
Sur le moyen :
Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par la defenderesse et deduitedu defaut d'interet :
La defenderesse soutient que la decision du jugement attaque du 13 juin2012 de dire l'appel du demandeur tardif est legalement justifiee des lorsque la signification du jugement du premier juge faite le 18 juin 2009 auprocureur du Roi est reguliere.
Le jugement attaque tient toutefois cette signification pour irreguliereet, des lors que cette consideration n'est pas critiquee par le moyen, laCour ne saurait y substituer la sienne sans exceder ses pouvoirs.
La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.
Sur le fondement du moyen :
La signification irreguliere faite au procureur du Roi d'un jugement renduen premier ressort ne fait pas courir le delai d'appel.
La circonstance qu'une telle signification est remise ulterieurement ausignifie ne rend pas cette signification reguliere et ne fait pasdavantage courir le delai d'appel à partir de la date de cette remise.
L'application de l'article 867 du Code judiciaire, en vertu duquell'irregularite d'un acte ne peut entrainer la nullite, s'il est etabli parles pieces de la procedure que l'acte a realise le but que la loi luiassigne, n'a pas pour effet de faire courir le delai d'appel à partir dela date de la remise au signifie de l'acte de signification irregulier.
Le jugement attaque, qui considere que, des lors que le demandeurreconnait avoir rec,u l'acte de signification litigieux d'un agent depolice, « la signification à parquet a atteint le but lui assigne par laloi, c'est-à-dire la remise de la copie du jugement [au demandeur] », nejustifie pas legalement sa decision de declarer irrecevable l'appelinterjete par le demandeur plus d'un mois apres la reception de ces actes.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Joint les pourvois inscrits au role general sous les numeros C.12.0627.Fet C.12.0629.F ;
Casse les jugements attaques des 23 mars 2011 et 13 juin 2012 ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge des jugementscasses ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie les causes devant le tribunal de premiere instance de Namur,siegeant en degre d'appel.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le president de section AlbertFettweis, les conseillers Martine Regout, Mireille Delange et MichelLemal, et prononce en audience publique du vingt-sept septembre deux milletreize par le president Christian Storck, en presence de l'avocat generalThierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
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| M. Regout | A. Fettweis | Chr. Storck |
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27 SEPTEMBRE 2013 C.12.0627.F/
C.12.0629.F/11