Cour de cassation de Belgique
Arret
331
NDEG C.12.0381.F
J. D. P.,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,
contre
C. M.,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre les jugements rendus les
28 octobre 2011 et 23 mars 2012 par le tribunal de premiere instance deNivelles, statuant en degre d'appel.
Le conseiller Martine Regout a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente deux moyens.
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la premiere branche :
Il ressort du proces-verbal d'audience qu'à l'audience du 10 fevrier2012, les debats ont ete repris ab initio devant les trois juges qui ontrendu le jugement attaque du 23 mars 2012.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur l'affirmation contraire,manque en fait.
Quant à la deuxieme branche :
Aux termes de l'article 301, S: 7, du Code civil, sauf si les parties ontconvenu expressement le contraire, le tribunal peut, ulterieurement, à lademande d'une des parties, augmenter, reduire ou supprimer la pension, si,à la suite de circonstances nouvelles et independantes de la volonte desparties, son montant n'est plus adapte.
Le jugement attaque du 23 mars 2012 considere que le « revenu actuel [dudemandeur] provenant de la conversion de son capital-pension s'eleve à3.857 euros par mois », que le demandeur « reste donc en defautd'apporter la preuve d'une diminution de son revenu qui etait de 3.245euros en 2009 » et que « son disponible a, en outre, augmente dans lamesure ou il partage une partie de ses charges avec sa compagne ».
En deduisant de ces considerations que « rien ne permet de considererque, par suite de circonstances nouvelles et independantes de la volontedes parties, le montant de la pension alimentaire apres divorce octroye à[la defenderesse] n'est plus adapte », et que « rien ne justifie enoutre d'ordonner [à la defenderesse] des productions de documents qui nepourraient justifier une modification de la pension à laquelle [elle]peut pretendre », le jugement attaque du 23 mars 2012 repond auxconclusions du demandeur faisant valoir que, « pour statuer sur unemodification eventuelle d'une pension alimentaire apres divorce, il estimperatif de pouvoir comparer les revenus et epargnes [...] des deuxparties » et demandant la production de pieces complementaires par ladefenderesse.
Il permet en outre à la Cour d'exercer son controle de legalite.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la troisieme branche :
L'enonciation que « rien ne permet de considerer que, par suite decirconstances nouvelles et independantes de la volonte des parties, lemontant de la pension alimentaire apres divorce octroye à [ladefenderesse] n'est plus adapte » suffit à justifier la decision derejeter la demande de reduction de ce montant introduite par le demandeur.
Le moyen, qui, en cette branche, critique la consideration surabondante dujugement attaque selon laquelle « la somme mensuelle de 800 euros[allouee precedemment par la cour d'appel] est necessaire à [ladefenderesse] pour assurer le maintien des conditions d'existence durantla vie commune », est irrecevable à defaut d'interet.
Quant à la quatrieme branche :
Il ressort des conclusions apres reouverture des debats de la defenderesseque celle-ci soutenait, d'une part, que l'indemnite de cessation defonction constituait un capital-pension verse en une fois au demandeur parl'Organisation mondiale des douanes et, d'autre part, que cet employeuravait verse en outre mensuellement au demandeur des « traitements,indemnites et allocations correspondant à la duree du preavis ».
Dans la mesure ou il repose sur l'affirmation que, selon la defenderesse,les montants verses mensuellement par l'Organisation mondiale des douanescorrespondent aux revenus engendres par l'indemnite de cessation defonction, le moyen, en cette branche, manque en fait.
Par ailleurs, le jugement attaque du 28 octobre 2011 considere que,
« lorsqu'une indemnite de cessation de fonction est allouee au momentd'une retraite professionnelle dans des conditions ne donnant droit àaucune pension de retraite viagere par versements successifs, cetteindemnite peut etre consideree comme un capital-pension qui n'a pas pourobjet, lors d'une retraite professionnelle, d'assurer une pension avecuniquement les revenus de ce capital, comme le considere [le demandeur],mais avec ce capital lui-meme » et qu'« un capital-pension peut etrecompare à une pension de retraite normalement indexee dans la mesure dela rente viagere mensuelle indexee que ce capital permet d'obtenir dansles conditions normales du marche des banques et assurances », et ordonnela reouverture des debats pour obtenir « à cet egard [...] deseclaircissements des parties ».
Apres avoir constate que, « malgre la demande du tribunal [...], aucunedes deux parties ne fournit d'indication quant à l'evaluation de cetterente mensuelle », le jugement attaque du 23 mars 2012 procede lui-memeà cette evaluation en appliquant « le coefficient pour un homme de 61ans (age [du demandeur] en 2009) des tables de capitalisation de Levie,soit 13,93 ».
Ce faisant, le jugement attaque ne modifie pas la cause de la demande etne souleve pas une contestation qui n'a pas ete soumise à lacontradiction des parties.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Sur le second moyen :
Quant à la premiere branche :
Le juge est tenu d'examiner la nature juridique des pretentions formuleesdevant lui et, quelle que soit la qualification que les parties leur ontdonnee, peut suppleer aux motifs invoques, des lors qu'il n'eleve aucunecontestation dont les parties ont exclu l'existence, qu'il se fondeuniquement sur des faits regulierement soumis à son appreciation et qu'ilne modifie pas l'objet de la demande. Il a en outre l'obligation, enrespectant les droits de la defense, de relever d'office les moyens dedroit dont l'application est commandee par les faits specialement invoquespar les parties au soutien de leurs pretentions.
Dans ses conclusions de synthese d'appel, la defenderesse demandait lacondamnation du demandeur à lui payer, d'une part, la somme de 2.500euros au titre de dommages et interets pour appel temeraire et vexatoireet, d'autre part, la somme de 900 euros d'indemnite de procedure d'appel.
Elle justifiait sa demande d'indemnite pour appel temeraire et vexatoirepar les motifs suivants : « L'on peut envisager aisement l'importance desdevoirs de defense supplementaires necessites par cette nouvelle procedure- par ailleurs inutile - engagee par [le demandeur] » ; « lamultiplication de ces procedures emporte egalement et inevitablement desinquietudes et des frais supplementaires auxquels [la defenderesse] doitfaire face ; ces multiples procedures aboutissent à annihiler purement etsimplement les effets benefiques du versement des pensions alimentaires ;cette situation abusive et anormale merite d'etre sanctionneeindependamment des indemnites de procedure fixees par la loi, lesquellessont dues dans le cadre d'un proces mene normalement et sans hargne niexces ».
Dans ses conclusions additionnelles et de synthese, le demandeur faisaitvaloir que la defenderesse « reitere sa demande en appel, estimantqu'elle subit un prejudice [...] du fait de l'existence de fraisd'avocat ; que c'est l'unique raison invoquee par [la defenderesse] pourjustifier l'etendue de son `prejudice' ; que cette demande est contraireà la loi du 21 avril 2007 relative à la repetibilite des honoraires etdes frais d'avocat puisque la participation aux devoirs de defense est,depuis cette loi, forfaitairement couverte par l'indemnite de procedure »et que « le seul prejudice pretendument subi par [la defenderesse] est,à lire ses conclusions, lie aux frais d'avocat, ce qui est dejà couvertpar l'indemnite de procedure et ne peut aller au-delà ».
En decidant que la demande de la defenderesse « doit s'analyser dans lecadre de la demande de l'indemnite de procedure à une demande del'indemnite de procedure maximale qui s'eleve à 2.000 euros à la placede l'indemnite de procedure de base de 900 euros ; [que le demandeur]releve à juste titre que les frais d'avocat sont couverts par l'indemnitede procedure ; [que] l'article 1022, S: 3, du Code judiciaire precise quele montant de l'indemnite peut etre reduit ou augmente par une decisionspecialement motivee qui tient compte notamment de la complexite del'affaire [et que], en l'espece, le tribunal constate que la procedured'appel a necessite une instruction approfondie (depot de plusieurs ecritsde procedure, jugement ayant ordonne la reouverture des debats, plusieursaudiences de plaidoirie) qui justifie la fixation de l'indemnite deprocedure à l'indemnite maximale de 2.000 euros », le jugement attaquedu 23 mars 2012 donne aux faits invoques par la defenderesse une nouvellequalification juridique sans elever une contestation dont les partiesexcluaient l'existence.
Par ailleurs, des lors qu'il proposait lui-meme en conclusions que leprejudice pretendument subi par la defenderesse soit couvert parl'indemnite de procedure, le demandeur a pu faire valoir sa position quantà une eventuelle augmentation de l'indemnite de procedure mise à sacharge et ses droits de defense n'ont pas ete violes.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la seconde branche :
En allouant à la defenderesse une indemnite de procedure de 2.000 eurosapres avoir requalifie sa demande en demande d'indemnite de proceduremaximale, le jugement attaque n'augmente pas d'office le montant del'indemnite de procedure mais statue sur la demande formulee par ladefenderesse dans les limites de celle-ci.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux depens.
Les depens taxes à la somme de six cent soixante et un eurosquatre-vingt-deux centimes envers la partie demanderesse et à la somme decent trente et un euros vingt-quatre centimes envers la partiedefenderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le president de section AlbertFettweis, les conseillers Martine Regout, Mireille Delange et MichelLemal, et prononce en audience publique du vingt-sept septembre deux milletreize par le president Christian Storck, en presence de l'avocat generalThierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
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| M. Regout | A. Fettweis | Chr. Storck |
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27 SEPTEMBRE 2013 C.12.0381.F/6