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20/09/2013 | BELGIQUE | N°F.12.0084.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 septembre 2013, F.12.0084.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

5093



NDEG F.12.0084.F

Commune de Saint-Josse-ten-Noode, representee par son college desbourgmestre et echevins, dont les bureaux sont etablis àSaint-Josse-ten-Noode, avenue de l'Astronomie, 13,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Louvain, Koning Leopold I straat, 3, et ayantpour conseil Maitre Dominique Lambot, avocat au barreau de Bruxelles, dontle cabinet est etabli à Ixelles, rue Vilain XIIII, 17, ou il est faitelec

tion de domicile,

contre

Sheraton Brussels HOTEL, societe privee à responsabilite limiteean...

Cour de cassation de Belgique

Arret

5093

NDEG F.12.0084.F

Commune de Saint-Josse-ten-Noode, representee par son college desbourgmestre et echevins, dont les bureaux sont etablis àSaint-Josse-ten-Noode, avenue de l'Astronomie, 13,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Louvain, Koning Leopold I straat, 3, et ayantpour conseil Maitre Dominique Lambot, avocat au barreau de Bruxelles, dontle cabinet est etabli à Ixelles, rue Vilain XIIII, 17, ou il est faitelection de domicile,

contre

Sheraton Brussels HOTEL, societe privee à responsabilite limiteeanciennement denommee Sheraton Brussels Hotel & Towers, dont le siegesocial est etabli à Saint-Josse-ten-Noode, place Rogier, 3,

defenderesse en cassation,

ayant pour conseil Maitre Xavier Thiebaut, avocat au barreau de Liege,dont le cabinet est etabli à Liege, rue Simonon, 13, ou il est faitelection de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 15 fevrier 2012par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* article 159 de la Constitution ;

* articles 6 et 464, specialement 1DEG, du Code des impots sur lesrevenus, coordonne par l'arrete royal du 10 avril 1992, confirme parla loi du 12 juin 1992 ;

* articles 1er, 2 et 3 du reglement-taxe vote le 28 novembre 2001 par leconseil communal de Saint-Josse-ten-Noode, etablissant une taxe surles chambres d'hotels et de pensions, à partir du 1er janvier 2002,pour une periode de cinq ans.

Decisions et motifs critiques

Pour rejeter l'appel de la demanderesse comme non fonde et la condamneraux depens, l'arret decide que :

« Aux termes de l'article 464, 1DEG, du Code des impots sur les revenus1992, `les communes ne sont pas autorisees à etablir [...] des centimesadditionnels à l'impot des personnes physiques, à l'impot des societes,à l'impot des personnes morales et à l'impot des non-residents ou destaxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impots, sauftoutefois en ce qui concerne le precompte immobilier'.

Cette interdiction, qui est une exception legale à l'autonomie fiscaledes communes, entend interdire aux communes d'etablir tant un impotcommunal par application d'un pourcentage sur le montant de l'impot surles revenus que des taxes similaires calculees en fonction des elementsvises par l'impot sur les revenus ou en fonction du montant de cet impot(Conseil d'Etat, arret nDEG 210.392 du 13 janvier 2011).

S'il est admis que les communes peuvent lever des taxes qui soit sontcalculees à partir d'elements qui ne sont ni representatifs niproportionnes au montant des revenus, soit frappent des entreprisesindependamment de leurs resultats et benefices, par contre, est une taxesimilaire aux impots sur les revenus prohibee par l'article 464, 1DEG, duCode des impots sur les revenus 1992, celle qui est etablie par lereglement-taxe litigieux, en ce qu'il prend pour base d'imposition lesrevenus bruts issus de la location des logements ou locaux.

En l'occurrence, comme l'a dejà souligne le premier juge, la taxelitigieuse est de 10 p.c. des revenus perc,us pour chaque location dechambres d'hotels ou d'appartements garnis.

Or, de tels revenus qui forment l'assiette de la taxe communale contesteefont partie des benefices d'exploitation de la [defenderesse] etconstituent les benefices imposables à l'impot des societes entrant encompte de maniere essentielle dans la determination de la base imposableà l'impot des societes.

En vain, la [demanderesse] allegue-t-elle que la taxe litigieuse estetablie sur les revenus bruts de la [defenderesse] alors que seules lesrecettes nettes sont soumises à l'impot des societes.

La cour [d'appel] se refere aux motifs pertinents du premier juge sur cepoint.

Il importe peu, en effet, pour la similarite interdite que la baseimposable à l'impot sur les revenus soit le revenu net, des lors que lerevenu net est inclus dans le revenu brut et resulte de la deduction decharges de celui-ci.

L'article 464, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992 est viole desque les autorites locales font porter l'assiette des taxes qu'ellesetablissent sur des elements de revenus qui contribuent de maniereessentielle à determiner la base imposable (qui vise aussi bien lesrevenus nets que les revenus bruts, les premiers etant necessairementinclus dans les seconds) aux impots sur les revenus. Ainsi que le Conseild'etat l'a dejà juge, en frappant un revenu brut, la taxe frappenecessairement le revenu net compris dans celui-ci et elle constitue deslors un prelevement supplementaire à l'impot sur les revenus et une taxesimilaire que l'article 464, 1DEG, prohibe (voir Conseil d'etat, arretnDEG 210.392 du 13 janvier 2011 ; voir aussi Cass., 5 mai 2011,F.10.0006.F).

L'appel n'est pas fonde ».

Griefs

L'article 464, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992 interdit auxcommunes d'etablir « des centimes additionnels à l'impot des personnesphysiques, à l'impot des societes, à l'impot des personnes morales et àl'impot des non-residents, ou des taxes similaires sur la base ou sur lemontant de ces impots, sauf toutefois en ce qui concerne le precompteimmobilier ».

Cette interdiction legale constitue une restriction à l'autonomie fiscaledes communes. Partant, elle est d'interpretation restrictive.L'interdiction edictee par l'article 464, 1DEG, precite s'applique, d'unepart, aux centimes additionnels aux impots sur les revenus (exceptionfaite des taxes additionnelles à l'impot des personnes physiques dont laperception est autorisee par l'article 465 du Code des impots sur lesrevenus 1992) et, d'autre part, à toutes autres impositions communalesqui, sans pour autant constituer des centimes additionnels, sont des taxessimilaires aux quatre impots sur les revenus (impot des personnesphysiques, impot des societes, impot des personnes morales, impot desnon-residents), calculees sur la base ou sur le montant de ces impots.

Pour qu'une taxe communale puisse etre consideree comme etant similaireaux impots sur les revenus au sens de l'article 464 precite, elle doit,d'abord, etre de meme nature que les impots sur les revenus. Or, pourrappel, les impots sur les revenus sont des impositions directes, quifrappent une situation durable. Pour etre visee par l'article 464, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992, la taxe doit, ensuite, etrecalculee sur la base ou sur le montant des impots sur les revenus.Conformement à l'article 6 du meme code, le revenu imposable à l'impotsur les revenus est constitue de l'ensemble des revenus nets, diminue desdepenses deductibles, des categories de revenus taxables à l'impot surles revenus. Partant, sauf les exceptions limitativement prevues par laloi fiscale, c'est le montant global net des differentes categories derevenus taxables, deduction faite des charges supportees en vue del'acquisition ou de la conservation desdits revenus, dont la loi fiscaleadmet la deduction, qui constitue la base de l'impot sur les revenus.

A cet egard, la circonstance qu'une taxe communale soit calculee sur labase d'un element qui entre en ligne de compte pour le calcul de l'impotsur les revenus n'en fait pas necessairement une taxe prohibee parl'article

464, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992. En d'autres termes,ledit article 464, 1DEG, n'interdit pas de lever une taxe communale surles recettes brutes d'une activite, des lors que cette base differefondamentalement de la base de l'impot des personnes physiques comme decelle de l'impot des societes, de l'impot des personnes morales et del'impot des non-residents. En effet, la base de ces impots ne doit pasetre confondue avec un element isole - tel que le montant brut desrecettes ou du produit de la location - qui entre en ligne de compte pourle calcul de la base imposable aux impots sur les revenus.

Il ressort des constatations de l'arret que : - le reglement-taxelitigieux a ete arrete en la seance du conseil communal du 28 novembre2001, qu'il etablit une taxe sur les chambres d'hotels et de pensions, àcharge de toute personne physique ou juridique, qui donne en location,dans un but lucratif, des chambres ou appartements garnis dans les hotels,pensions, maisons de « garnis » ou tout immeuble generalementquelconque, à des personnes non inscrites aux registres de populationcomme residant dans ces parties d'immeubles (article 1er) ; - la taxe estfixee à 10 p.c. de la somme perc,ue à raison de chaque locationdistincte (article 2) ; - la taxe est etablie sur le prix paye par lelocataire à raison de l'occupation et des prestations accessoires deservice, eclairage et chauffage, mais abstraction faite de la taxe de 10p.c. visee à l'article 2 (article 3) ; - le redevable doit rentrer unedeclaration mensuelle indiquant le nombre de locations consenties, lemontant des sommes perc,ues et celui de la taxe à acquitter (article 4).

Ces constatations impliquent que la taxe communale en litige est perc,uesur la base des sommes perc,ues à raison de chaque location priseindividuellement, c'est-à-dire à raison des revenus bruts lies àl'activite de location.

Il s'ensuit que l'arret, qui rejette l'appel de la demanderesse et lacondamne aux depens, aux motifs que l'article 464, 1DEG, du Code desimpots sur les revenus 1992 est viole des que les autorites locales fontporter l'assiette des taxes qu'elles etablissent sur des elements derevenus qui contribuent de maniere essentielle à determiner la baseimposable (qui vise aussi bien les revenus nets que les revenus bruts,les premiers etant necessairement inclus dans les seconds) aux impots surles revenus, ne justifie pas legalement sa decision et viole :

- les articles 6 et 464, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992,dans la mesure ou la taxe en litige ne constitue pas une taxe similaireaux impots sur les revenus, calculee sur la base ou le montant de cesimpots, par le seul fait qu'elle est calculee sur la base d'un element durevenu brut qui entre en ligne de compte pour le calcul de la baseimposable aux impots sur les revenus, la base imposable aux impots sur lesrevenus ne se confondant pas avec un element isole pris en considerationpour la determination de cette base ;

- les articles 1er, 2 et 3 du reglement-taxe vote le 28 novembre 2001 parle conseil communal de Saint-Josse-ten-Noode, etablissant une taxe sur leschambres d'hotels et de pensions, à partir du 1er janvier 2002, pour uneperiode de cinq ans, dans la mesure ou la taxe instauree par leditreglement, calculee comme un pourcentage des sommes perc,ues à l'occasionde chaque location distincte, ne constitue pas une taxe similaire auximpots sur les revenus, calculee sur la base ou le montant de ces impots,en raison de la seule circonstance qu'elle prend comme base de calcul unelement du revenu brut qui intervient dans la base imposable aux impotssur les revenus ;

- l'article 159 de la Constitution, dans la mesure ou il refuse de faireapplication du reglement-taxe de la demanderesse alors que ledit reglementn'instaure nullement une taxe contraire à l'article 464, 1DEG, du Codedes impots sur les revenus 1992.

III. La decision de la Cour

Sur la fin de non-recevoir opposee au pourvoi par la defenderesse etdeduite de l'absence d'autorisation de former un pourvoi en cassationdonnee par le conseil communal au college des bourgmestre et echevins dela demanderesse :

Le 10 octobre 2012, la demanderesse a depose au greffe de la Cour, enannexe à son memoire en replique, un extrait certifie conforme de ladeliberation du conseil communal du 30 mai 2012 autorisant le college desbourgmestre et echevins à ester en justice dans le cadre de ce dossier.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le moyen :

En vertu de l'article 464, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992,les provinces, les agglomerations et les communes ne sont pas autoriseesà etablir des centimes additionnels à l'impot des personnes physiques,à l'impot des societes, à l'impot des personnes morales et à l'impotdes non-residents ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant deces impots, sauf toutefois en ce qui concerne le precompte immobilier.

En raison de la separation voulue par le legislateur entre la fiscalitelocale et la fiscalite de l'Etat, la similarite des taxes doit etreappreciee du point de vue de la base de calcul. Une taxe locale fondeedirectement sur l'un des elements essentiels de determination de la based'un impot vise par l'article 464, 1DEG, constitue une taxe similaireinterdite.

Tel est le cas d'une taxe communale sur les hotels calculee sur lesrevenus bruts produits par la location et les prestations accessoires deservices, eclairage et chauffage, ces revenus constituant un elementessentiel dans la determination de la base de l'impot sur les revenusfrappant l'exploitant de l'hotel.

L'arret constate que le reglement-taxe sur les chambres d'hotels et depensions adopte le 28 novembre 2001 par la demanderesse dispose, en sonarticle 2, que « la taxe est fixee à 10 p.c. de la somme perc,ue àraison de chaque location distincte », en son article 3, que « la taxeest etablie sur le prix paye par le locataire à raison de l'occupation etdes prestations accessoires de services, eclairage et chauffage, maisabstraction faite de la taxe de 10 p.c., [etant] precise que, si le prixde location se trouve incorpore dans un forfait comprenant d'autresprestations, le redevable devra declarer à concurrence de quel montant lalocation figure dans ce forfait, sans que ce montant puisse etre inferieurau prix normal de location sans prestations et, en tout cas, au tiers duprix global » et, en son article 4, que « le redevable doit rentrer unedeclaration mensuelle indiquant le nombre de locations consenties, lemontant des sommes perc,ues et celui de la taxe à acquitter ».

En considerant que « les revenus perc,us pour chaque location de chambresd'hotels [...] qui forment l'assiette de la taxe communale contestee fontpartie des benefices d'exploitation de la [defenderesse] et constituentdes benefices imposables à l'impot des societes rentrant en compte demaniere essentielle dans la determination de la base imposable à l'impotdes societes », que « l'article 464, 1DEG, du Code des impots sur lesrevenus 1992 est viole des que les autorites locales font porterl'assiette des taxes qu'elles etablissent sur des elements de revenus quicontribuent de maniere essentielle à determiner la base imposable [...]aux impots sur les revenus » et que, « en frappant un revenu brut, lataxe frappe necessairement le revenu net compris dans celui-ci et [...]constitue des lors un prelevement supplementaire à l'impot sur lesrevenus et une taxe similaire que l'article 464, 1DEG, prohibe », l'arretjustifie legalement l'annulation des taxes litigieuses.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de huit cent douze euros cinquante centimesenvers la partie demanderesse et à la somme de cent trente et un eurosvingt-quatre centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Martine Regout, Gustave Steffens et Sabine Geubel, et prononce en audiencepublique du vingt septembre deux mille treize par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Andre Henkes, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | G. Steffens |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

20 SEPTEMBRE 2013 F.12.0084.F/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.12.0084.F
Date de la décision : 20/09/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-09-20;f.12.0084.f ?
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