Cour de cassation de Belgique
Arret
5725
NDEG P.13.1497.F
ETAT BELGE, represente par le secretaire d'Etat à l'Asile et lamigration, à l'integration sociale et à la lutte contre la pauvrete,dont les bureaux sont etablis à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maitres Elisabeth Derriks et Anais Detournay, avocatsau barreau de Bruxelles,
contre
D. A.
etranger, prive de liberte,
defendeur en cassation.
I. la procedure devant la cour
Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 19 aout 2013 par la courd'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un memoire annexe au present arret, encopie certifiee conforme.
L'avocat general Damien Vandermeersch a depose des conclusions au greffele 6 septembre 2013.
A l'audience du 11 septembre 2013, le conseiller Gustave Steffens a faitrapport et l'avocat general precite a conclu.
II. la decision de la cour
Le moyen est pris notamment de la violation des articles 27, 62 et 72 dela loi du 15 decembre 1980 sur l'acces au territoire, le sejour,l'etablissement et l'eloignement des etrangers. Il est reproche à l'arretde censurer la mesure privative de liberte sur la base de considerationsexcedant les limites du controle de legalite incombant au pouvoirjudiciaire.
Le controle institue par l'article 72 de la loi porte sur la validiteformelle de l'acte, notamment quant à l'existence de sa motivation, quantà sa conformite tant aux regles de droit international ayant des effetsdirects dans l'ordre interne qu'à la loi du 15 decembre 1980, ainsi qu'aupoint de vue de la realite et de l'exactitude des faits invoques parl'autorite administrative.
L'article 27, S: 3, alinea 1er, de la loi du 15 decembre 1980, remplacepar l'article 7 de la loi du 19 janvier 2012, prevoit que l'etranger qui arec,u un ordre de quitter le territoire et n'y a pas obtempere dans ledelai imparti, peut etre detenu en vue de son eloignement, à moins qued'autres mesures suffisantes mais moins coercitives puissent etreappliquees efficacement à cette fin.
L'arret constate notamment
* que le defendeur s'est oppose à deux tentatives de rapatriement ;
* qu'il ne s'est pas oppose à la troisieme, l'avion ayant du fairedemi-tour en raison de problemes techniques ;
* que le defendeur affirme avoir fait l'objet, à l'occasion de cettetentative avortee, de violences disproportionnees de la part de sesgardiens des son retour au centre d'hebergement ;
* que l'Etat belge impute lesdites violences à l'etranger lui-meme ;
* que l'interesse a fait l'objet d'une intervention chirurgicale à lasuite de ces faits ;
* qu'il s'est constitue partie civile ;
* qu'une quatrieme tentative de rapatriement a echoue en raison du refusverbal du defendeur, ce qui a donne lieu à un nouveau requisitoired'ecrou qui est la decision administrative attaquee.
L'arret releve que le requisitoire susdit est motive par reference àl'article 27 de la loi. Selon les juges d'appel, l'acte mentionne que ledefendeur s'est vu notifier le 23 novembre 2012 une interdiction d'entreesur le territoire pour une duree de trois ans, qu'il n'a pas donne suiteà l'ordre de quitter le territoire notifie le 15 avril 2013, et quemalgre l'ecrou precedent, il a empeche l'execution de la mesured'eloignement organisee le 11 juillet 2013.
L'arret ne considere pas que cette motivation est inexistante, entacheed'une erreur manifeste d'appreciation en fait ou contraire à la loi.L'arret ne dit pas non plus qu'apres la quatrieme tentative derapatriement du defendeur, l'administration disposait encore de mesuresmoins coercitives qu'un nouvel ecrou, pour l'eloigner effectivement.
Pour conclure neanmoins à l'illegalite de la mesure privative de liberte,l'arret enonce, d'une part, qu'elle ne tient pas compte de la circonstanceque le defendeur ne s'est pas oppose à la troisieme tentative derapatriement et, d'autre part, qu'elle ne refute pas l'affirmation dudefendeur suivant laquelle il a interet à demeurer en Belgique pourcontinuer à y recevoir des soins et etre entendu dans le cadre de saplainte.
Mais ni les dispositions legales visees au moyen ni aucune autre nesubordonnent la legalite d'un requisitoire d'ecrou à l'obligation, pourl'autorite administrative, de mentionner que l'etranger ne s'est pasoppose à une des tentatives de rapatriement dont il a fait l'objet, ou derefuter ses allegations quant aux interets, fussent-ils legitimes, qui lepoussent à vouloir demeurer dans le pays ou il est entre illegalement.
En decidant que l'acte administratif querelle est illegal parce que samotivation ne tient pas compte « des elements propres à la cause », lesjuges d'appel n'ont pas justifie legalement leur decision.
A cet egard, le moyen est fonde.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arret attaque ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;
Laisse les frais à charge de l'Etat ;
Renvoie à la cause à la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises enaccusation, autrement composee.
Lesdits frais taxes à la somme de deux cent septante-quatre eurosseptante-sept centimes dus.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le chevalier Jean de Codt, president de section, president,Frederic Close, president de section, Benoit Dejemeppe, Pierre Cornelis etGustave Steffens, conseillers, et prononce en audience publique du onzeseptembre deux mille treize par le chevalier Jean de Codt, president desection, en presence de Damien Vandermeersch, avocat general, avecl'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
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| F. Gobert | G. Steffens | P. Cornelis |
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| B. Dejemeppe | F. Close | J. de Codt |
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11 SEPTEMBRE 2013 P.13.1497.F/1