La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/09/2013 | BELGIQUE | N°C.12.0386.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 septembre 2013, C.12.0386.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

3929



NDEG C.12.0386.F

EOS AREMAS BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, rue Ravenstein, 60,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. D. B. et

2. L. M.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu l

e 6 mars 2012 parla cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conc...

Cour de cassation de Belgique

Arret

3929

NDEG C.12.0386.F

EOS AREMAS BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, rue Ravenstein, 60,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. D. B. et

2. L. M.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 6 mars 2012 parla cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente trois moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 2 et 2036 du Code civil ;

- article 82 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites, avant samodification par la loi du 4 septembre 2002 modifiant la loi du 8 aout1997 sur les faillites, le Code judiciaire et le Code des societes ;

- article 82 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites, dans la versionintroduite par l'article 29 de la loi du 4 septembre 2002 precitee ;

- principe general du droit de la non-retroactivite des lois.

Decisions et motifs critiques

L'arret dit que la mise en oeuvre au 26 novembre 2008 de la cession deremuneration figurant au cahier-type annexe à l'acte authentique du 18mai 1988 est irreguliere, en ordonne la mainlevee et condamne lademanderesse au remboursement à la defenderesse de la somme de 7.999,09euros à majorer des interets au taux legal, par tous ses motifs reputesici integralement reproduits et, specialement, aux motifs que :

« Il convient en outre de rappeler que le conjoint du failli, qui estcodebiteur avec celui-ci d'une dette contractee avant la faillite par lesdeux epoux et dont le conjoint du failli est des lors personnellementtenu, est libere de son obligation à cette dette par l'effet del'excusabilite (...).

La decharge du conjoint du failli, prevue par le deuxieme alinea del'article 82, s'applique desormais à l'ensemble des dettes du failliauxquelles il est personnellement tenu, que ce soit par l'effet desdispositions legales ou par sa volonte, que ce soit à titre de caution ouen tant que codebiteur solidaire (...).

Que ce soit comme caution ou comme codebiteur du failli, le conjointprofite de l'excusabilite du failli et se trouve decharge des engagementssouscrits avec lui ou pour lui (...).

La decharge du conjoint est generale, la loi ne prevoyant pas d'exception,que ce soit pour le cas ou la dette est egalement propre au conjoint dufailli ou pour le cas ou la dette n'a pas ete contractee à des finsstrictement professionnelles (...).

Les consequences juridiques de la declaration d'excusabilite retroagissentjusqu'à la date de la faillite et des dettes existantes à ce moment.

Comme le conjoint du failli declare excusable beneficie des memesavantages d'une liberation, cela concerne egalement les memes dettes quiexistaient à la date de la faillite ».

Griefs

Dans sa version initiale, l'article 82 de la loi du 8 aout 1997 sur lesfaillites disposait que « si le failli est declare excusable, il ne peutplus etre poursuivi par ses creanciers. Si le failli n'est pas declareexcusable, les creanciers recouvrent le droit d'exercer individuellementleur action sur ses biens ».

Sur la base de la loi dans cette version, la declaration d'excusabiliteaccordait ainsi au failli une exception purement personnelle au sens del'article 2036 du Code civil. La declaration d'excusabilite n'avait aucunerepercussion sur la situation du conjoint du failli.

L'article 29 de la loi du 4 septembre 2002 modifiant la loi du 8 aout 1997sur les faillites, le Code judiciaire et le Code des societes a instaureun nouvel article 82 disposant desormais que « l'excusabilite eteint lesdettes du failli et decharge les personnes physiques qui, à titregratuit, se sont rendues caution de ses obligations. Le conjoint du failliqui s'est personnellement oblige à la dette de son epoux est libere decette obligation par l'effet de l'excusabilite ».

Aux termes de l'article 2 du Code civil et du principe general du droit dela non-retroactivite des lois, la loi ne dispose que pour l'avenir et ellen'a point d'effet retroactif. En vertu de cette disposition, si la loinouvelle est, en principe, directement applicable non seulement à dessituations nees à partir de son entree en vigueur mais aussi aux effetsfuturs de situations nees sous l'empire de la loi ancienne qui seproduisent ou se poursuivent sous l'empire de la loi nouvelle, cetteapplication immediate ne peut deroger à des droits irrevocablement fixes.

Il s'ensuit que :

Premiere branche

Ainsi que le constate l'arret, le tribunal de commerce de Huy a cloture lafaillite du defendeur en prononc,ant son excusabilite par jugement du

27 novembre 2000. à cette date, l'article 82 de la loi du 8 aout 1997sur les faillites n'attachait d'autre effet à la declarationd'excusabilite du failli que la suspension des poursuites à son encontre.Les effets de la declaration d'excusabilite envers les creanciers desepoux ont ainsi ete irrevocablement fixes à cette date en ce sens qu'ellene beneficiait pas au conjoint du failli.

L'arret, qui decide que la defenderesse est en mesure de beneficier del'excusabilite octroyee au defendeur aux motifs que « les consequencesjuridiques de la declaration d'excusabilite retroagissent jusqu'à la datede la faillite et des dettes existantes à ce moment », viole, partant,les articles 2 et 2036 du Code civil et meconnait le principe general dudroit vise au moyen, ainsi que l'article 82 de la loi du 8 aout 1997 surles faillites avant sa modification par la loi du 4 septembre 2002. Enappliquant illegalement au litige l'article 29 de la loi du 4 septembre2002 modifiant cet article 82, il viole egalement ce dernier dans laversion introduite par la loi du 4 septembre 2002.

Seconde branche

à tout le moins, à supposer que l'article 29 de la loi du 4 septembre2002 emporte l'extinction des dettes du conjoint meme lorsque la decisionsur l'excusabilite a ete prononcee sous l'empire de la loi anterieure,cette extinction ne peut s'appliquer qu'à partir de l'entree en vigueurde la loi du

4 septembre 2002, soit le 1er octobre 2002.

L'arret condamne la demanderesse à rembourser à la defenderesse la sommede 7.999,09 euros en principal, s'en referant aux details des conclusionsdes defendeurs. Il la condamne ainsi à rembourser l'integralite dessommes versees ensuite de la saisie-arret depuis decembre 1999, puis dessommes versees volontairement à partir de decembre 2000, attribuant ainsiun effet retroactif depuis decembre 1999 à l'article 29 de la loi du 4septembre 2002. Il viole, partant, l'article 2 du Code civil et meconnaitle principe general du droit de la non-retroactivite des lois ainsi quel'article 82 de la loi du 8 aout 1997 dans sa version initiale, qui etaitapplicable aux poursuites contre le conjoint du failli anterieurement au1er octobre 2002, et dans sa version modifiee par la loi du 4 septembre2002, qui n'etait pas applicable aux poursuites à l'encontre du conjointdu failli avant le 1er octobre 2002.

Deuxieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 1134, 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- article 1138, 2DEG, du Code judiciaire ;

- article 149 de la Constitution ;

- principe general du droit dit principe dispositif ;

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense.

Decisions et motifs critiques

L'arret dit que la mise en oeuvre au 26 novembre 2008 de la cession deremuneration figurant au cahier-type annexe à l'acte authentique du 18mai 1988 est irreguliere, en ordonne la mainlevee et condamne lademanderesse au remboursement à la defenderesse de la somme de 7.999,09euros à majorer des interets au taux legal, par tous ses motifs reputesici integralement reproduits et, specialement, aux motifs que :

« Comme le fait valoir à juste titre (la defenderesse), le cahier-typedoit etre lu et interprete conformement aux regles du droit desobligations. Les clauses doivent s'interpreter les unes par les autres(article 1161 du Code civil). Dans le doute, la convention s'interpretecontre celui qui a stipule (la demanderesse) et en faveur de celui qui acontracte l'obligation (les defendeurs) (article 1162 du Code civil).

La clause de l'article 8 du cahier-type fait une distinction entre ledebiteur (en l'espece [le defendeur]) et la caution (en l'espece [ladefenderesse]). Or, l'article 9 (qui prevoit la cession de remuneration)precise que c'est `la partie debitrice' qui accorde une cession deremuneration.

L'article 2 du cahier-type prevoit une solidarite et indivisibilite entrela partie debitrice, ses heritiers et ayants droit.

Comme le cahier-type fait une distinction entre `la partie debitrice' et`la caution' et que la cession de remuneration n'est prevue que pour lapartie debitrice seule, la cession operee à l'encontre de (ladefenderesse) n'est pas justifiee.

Dans les conditions de l'espece, au vu des pieces auxquelles la cour[d'appel] peut avoir egard, la (demanderesse) ne demontre pas que (ladefenderesse) a souscrit une cession de remuneration ».

Griefs

L'acte de pret du 18 mai 1988 - auquel est annexe le cahier-type desclauses et conditions generales relatives aux prets hypothecaires, qui enfait partie integrante - mentionne qu'il est pris entre, d'une part,« monsieur R. S. (...), agissant en qualite de mandataire de la SocieteAnonyme `AG de 1824' (...), denommee ci-apres `la compagnie creanciere',et, d'autre part, (le defendeur) (...) et son epouse (la defenderesse)(...), l'ensemble des comparants d'autre part etant denomme ci-apres `lapartie debitrice', lesquels ont declare avoir arrete ce qui suit :

La partie debitrice reconnait devoir à la compagnie susdite la somme deun million huit cent mille francs, qu'elle declare avoir rec,ue cejourd'hui, en presence du notaire, de la susdite compagnie creanciere, àtitre de pret à interet.

Ce pret nDEG 75012569/02 a ete fait et accepte moyennant la garantiehypothecaire ci-apres exprimee et en outre aux charges, clauses etconditions contenues dans le cahier-type, restant annexe aux presentes etqui sera applicable dans tous les points ou il n'y est pas deroge ci-apreset en outre aux conditions suivantes : (...) ».

Aux termes de l'article 8 du cahier-type des clauses et conditions

generales :

« La partie debitrice declare que le present emprunt a ete contracte pourles besoins de la partie comparante d'autre part sub littera A qui seule aencaisse tout le capital emprunte.

En consequence, la partie comparante d'autre part sub littera B ne devraetre consideree que comme caution vis-à-vis de la partie comparanted'autre part sub littera A, celle-ci devant faire seule le remboursementdu capital prete.

Cette declaration ne pourra etre opposee à la compagnie creanciere enverslaquelle la partie debitrice est solidairement obligee ».

L'article 9 du meme cahier-type stipule quant à lui que :

« Pour plus de garantie tant du remboursement du capital des avances deprimes d'assurance sur la vie et contre l'incendie que du paiement desinterets du capital prete et des interets sur les avances de primesprecitees, indemnite de remploi et de tous autres frais eventuels nonprivilegies de poursuites et de procedures auxquels le remboursement dupresent pret pourrait donner lieu, mais seulement en cas de defaut depaiement dans la quinzaine de la date d'exigibilite desdites sommes, lapartie debitrice declare ceder et deleguer au profit de la compagniecreanciere et jusqu'à concurrence des sommes exigibles en vertu despresentes avec toute preference et priorite et pour ladite compagniecreanciere les toucher sur sa simple quittance en dehors de la partiecedante, les loyers, indemnites et toutes autres sommes qui pourraient luirevenir à quelque titre que ce soit du chef de tous immeubles appartenantà la partie debitrice, ainsi que la partie saisissable des appointements,salaires et remunerations quelconques et toutes sommes auxquelles lapartie debitrice aurait droit à quelque titre que ce soit ».

L'arret rappelle qu'en date du 18 mai 1988, la defenderesse et ledefendeur avaient souscrit un pret hypothecaire aupres de la societeanonyme AG de 1824 - aux droits de laquelle elle succede - et que ce pretavait ete souscrit pour l'acquisition de l'immeuble familial, que lademanderesse contestait que la defenderesse puisse etre consideree commecaution, le defendeur etant seul « la partie debitrice », et que soitapplicable en l'espece la distinction faite à l'article 8 du cahier-typeannexe à l'acte authentique entre « la partie comparante (...) sublittera A qui seule a encaisse tout le capital emprunte » et « la partiecomparante sub littera B » qui « ne devra etre consideree que commecaution vis-à-vis de la partie comparante (...) sub littera A, celle-cidevant faire seule le remboursement du capital prete », en faisant valoirque « l'acte authentique relatif au pret hypothecaire ne comporte pas unepartie comparante `sub littera A' et une autre `sub littera B' ; quel'acte authentique hypothecaire du 18 mai 1988 reprend : `et d'autre part: (le defendeur)... et son epouse, (la defenderesse)..., l'ensemble descomparants d'autre part etant denomme ci-apres « la partie debitrice »'».

à titre subsidiaire, la demanderesse faisait encore valoir que « ausurplus (...) l'article 8 prevoit bien que `cette declaration ne pourraetre opposee à la compagnie creanciere envers laquelle la partiedebitrice est solidairement obligee' ; que, des lors, les partiess'etaient engagees de maniere solidaire et indivisible à l'egard de la(demanderesse), au niveau de l'obligation à la dette ».

Premiere branche

L'acte de pret rappele ci-dessus mentionnant expressis verbis que ladefenderesse et le defendeur sont ensemble « la partie debitrice »,laquelle « reconnait devoir à la compagnie (creanciere) la somme de unmillion huit cent mille francs, qu'elle declare avoir rec,ue ce jourd'hui(...) à titre de pret à interet », et ne comportant pas de partiecomparante « d'autre part sub littera B », l'arret, qui considere que ladefenderesse n'etait pas « la partie debitrice » qui « accorde cessionde remuneration », donne de l'acte de pret auquel est annexe lecahier-type une interpretation inconciliable avec ses termes et meconnait,partant, la foi qui lui est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322du Code civil).

Deuxieme branche

Par aucune consideration, l'arret ne rencontre le moyen deduit del'identification de la « partie debitrice » et de l'absence de partiecomparante sub littera B dans l'acte de pret et n'est, partant, pasregulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution).

Troisieme branche

Par aucune consideration, l'arret, qui considere que la cession deremuneration operee à l'encontre de la defenderesse n'est pas justifieedes lors que pareille cession n'etait prevue que pour la partie debitriceet non pour la caution et que l'article 8 du cahier-type fait unedistinction entre le debiteur et la caution, ne repond au moyen propose àtitre subsidiaire par la demanderesse et deduit de ce qu'aux termes duditarticle 8, la declaration y contenue n'etait pas opposable à la compagniecreanciere. Il n'est, partant, pas regulierement motive (violation del'article 149 de la Constitution).

Quatrieme branche

Dans ses conclusions de synthese d'appel, la defenderesse faisait ledecompte suivant - enterine par l'arret - des sommes dont elle demandaitle remboursement :

« a) les fonds preleves consecutivement à la saisie-arret execution denovembre 1999 puisque la non-suspension des mesures d'execution àl'encontre du conjoint a ete jugee anticonstitutionnelle en sorte qu'ilfaut en conclure que c'est abusivement que (la demanderesse) a procede àladite recuperation ;

Sauf erreur, il s'agit des sommes suivantes : 16.899 francs (prime de find'annee 1999) + 2.706 francs (retenue sur decembre 1999) + 11 x 3.000francs, soit 52.605 francs ou 1.304,04 euros ;

b) les sommes versees entre decembre 2000 et novembre 2002, soit entrele jugement d'excusabilite et l'entree en vigueur du texte consacrant la decharge du conjoint puisqu'il s'agit d'une loi dite reparatricecorrigeant une situation jugee anticonstitutionnelle ; durant cetteperiode, l'on comptabilise, sauf erreur, 23 paiements de 74,37 euros,soit une somme de 1.710,51 euros ;

c) par application immediate de la loi du 4 aout 2002, tous lesversements effectues posterieurement au 1er octobre 2002, lesquelsdoivent etre consideres comme indus puisque la (defenderesse) etait parle fait de la loi dechargee de ses obligations, soit :

de novembre 2002 à fin octobre 2005 : 36 x 74,37 euros ou 2.677,32 euros,

de novembre 2005 à mai 2006 : 7 x 75 euros, soit 522 euros, soit un totalde 3.202,32 euros ;

d) Pour le meme motif et vu la mise en oeuvre d'une cession deremuneration illicite :

retenues sur salaire en decembre 2008 : 731,75 euros + 385,01 euros, soit1.116,76 euros,

retenue sur salaire en janvier 2009 : 351 euros,

retenue sur salaire en fevrier 2009 : 314,46 euros, soit un total de1.782,22 euros ».

Elle demandait, à titre tres subsidiaire, pour l'irregularite alleguee dela cession de remuneration, la somme de 1.782,22 euros en principal.

La defenderesse n'a jamais soutenu que la seule irregularite de la cessionde remuneration entrainait pour la demanderesse l'obligation de rembourserla somme totale de 7.999,09 euros en principal.

Si l'arret doit etre lu en ce sens qu'il fonde la condamnation de lademanderesse à rembourser à la defenderesse la somme de 7.999,09 euros - et non seulement le montant de 1.782,22 euros preleve par la voie de lacession de remuneration - sur ce que « la mise en oeuvre de la cession deremuneration est irreguliere », il alloue plus que demande à ce titre, meconnait le principe dispositif et viole l'article 1138, 2DEG, du Codejudiciaire qui le consacre et, à tout le moins, le droit de defense de lademanderesse.

Troisieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 1134, 1142, 1146 à 1155, 1319, 1320, 1322 et 1690 du Codecivil ;

- articles 1138, 2DEG, 1390ter, alinea 2, et 1539 à 1544 du Codejudiciaire ;

- articles 27 à 35 de la loi du 12 avril 1965 sur la protection de laremuneration ;

- article 149 de la Constitution ;

- principe general du droit dit principe dispositif ;

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense.

Decisions et motifs critiques

L'arret dit que la mise en oeuvre au 26 novembre 2008 de la cession deremuneration figurant au cahier-type annexe à l'acte authentique du 18mai 1988 est irreguliere, en ordonne la mainlevee et condamne lademanderesse au remboursement à la defenderesse de la somme de 7.999,09euros à majorer des interets au taux legal, par tous ses motifs reputesici integralement reproduits et, specialement, aux motifs que :

« La (demanderesse) n'explique pas pourquoi avoir mis en oeuvre laprocedure de saisie-arret execution entre les mains de l'employeur de (ladefenderesse) (ministre de la Defense nationale et Office national desvacances annuelles) par exploit du 26 novembre 1999.

Certes, le fait qu'un creancier hypothecaire soit reste pendant plusieursannees sans executer une cession de remuneration n'entraine pasl'extinction de son droit.

Mais, par le fait de recourir à une saisie-arret execution à la fin de1999 (pour un credit du 18 mai 1988) - et de ne pas executer une cessionde remuneration -, la (demanderesse) a fait croire (aux defendeurs)qu'elle ne comptait pas (ou, tout au moins, ne comptait plus) mettre enoeuvre la cession de remuneration mais qu'elle comptait au contrairesuivre la procedure normale de la saisie-arret execution.

Il n'y a pas de prescription mais la (demanderesse) a induit (lesdefendeurs) en erreur quant à l'actualite de la cession de remuneration.La sanction de cette faute est une sanction en nature, l'interdiction dese servir de l'acte de cession de remuneration ».

Griefs

Premiere branche

En vertu de l'article 1134 du Code civil, une partie contractante peutengager sa responsabilite contractuelle à l'egard d'une autre partie sielle commet un abus de droit ou si elle n'execute pas ses obligations debonne foi et si, de ce fait, elle cause à l'autre partie un dommagecontractuel au sens des articles 1142, 1146 à 1155 du meme code.

La cession de remuneration, au sens des articles 1690 du Code civil,1390ter, alinea 2, du Code judiciaire et 27 à 35 de la loi du 12 avril1965 sur la protection de la remuneration, est un mode d'execution desobligations. Ce mode se distingue certes de la saisie-arret executionregie par les articles 1539 à 1544 du Code judiciaire et notamment de lasaisie sur salaire, en ce qu'il est contractuel et en ce qu'il instaureune procedure simplifiee qui ne necessite pas le recours à un huissier.Il ne ressort toutefois pas des dispositions qui regissent respectivementla saisie-arret execution et la cession de remuneration que la premiereserait un mode « normal » d'execution des obligations alors que laseconde ne le serait pas.

Les seuls faits constates par l'arret sont que la demanderesse a choisitout d'abord de mettre en oeuvre une saisie-arret entre les mains del'employeur de la defenderesse, le ministere de la Defense nationale etl'Office national des vacances annuelles, par exploit du 26 novembre 1999pour un credit du 18 mai 1988, que cette saisie « a fait l'objet d'unemainlevee amiable suite à l'engagement pris par (la defenderesse) le 3decembre 1999 d'effectuer un versement mensuel de 3.000 francs », que cesversements mensuels se sont poursuivis « jusqu'au 5 mai 2006 » et que,le 26 novembre 2008, la demanderesse a mis en oeuvre la cession deremuneration. De ceux-ci ne peut se deduire un abus de droit ou uneinexecution de mauvaise foi de ses obligations contractuelles. Endeduisant de ces circonstances une faute, consistant en ce que lademanderesse a induit les defendeurs en erreur quant à l'actualite de lacession de remuneration, l'arret viole les articles 1134 et 1690 du Codecivil, 1390ter, alinea 2, et 1539 à 1544 du Code judiciaire et lesarticles 27 à 35 de la loi du 12 avril 1965 sur la protection de laremuneration.

En outre, à supposer meme que la demanderesse ait commis une faute eninduisant les defendeurs en erreur quant à l'actualite de la cession deremuneration, l'arret n'explique pas quel dommage specifique - autre quecelui consistant pour la defenderesse à avoir paye sa dette par la voied'une autre modalite que celle de la saisie-arret - cette faute auraitentraine, faute qui justifierait la sanction en nature, etantl'interdiction de se servir de la cession et la condamnation auremboursement des retenues sur salaire obtenues suite à l'execution decette cession.

En prononc,ant la mainlevee de la cession et en condamnant la demanderesseà rembourser les retenues suite à l'execution de la cession, l'arretviole, partant, les articles 1134, 1142 et 1146 à 1155 du Code civil.

A tout le moins, à defaut d'expliquer quel serait le dommage distinct dufait de payer sa dette que la defenderesse aurait subi, l'arret n'est pasregulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution) et nepermet pas à la Cour d'exercer son controle sur la legalite de ladecision (violation de l'article 149 de la Constitution).

Deuxieme branche

En termes de conclusions de synthese, les defendeurs se bornaient àcontester « qu'une cession de remuneration puisse etre mise en oeuvrepour la premiere fois plus de dix ans apres la resiliation du contrat »,sans aucune autre argumentation.

Ils ne soutenaient pas avoir ete induits en erreur quant à l'actualite dela cession de remuneration par le recours à une saisie-arret execution en1999. Ils ne soutenaient pas que la modalite d'execution qu'est la cessionde remuneration aurait un caractere anormal par rapport à la saisie-arretexecution qui aurait un caractere « normal ». Ils ne soutenaient pas quele choix de mettre en oeuvre la cession de remuneration apres avoir mis enoeuvre une saisie-arret puis donne mainlevee de celle-ci aurait cree, dansleur chef, un dommage specifique autre que le paiement de la dette de ladefenderesse.

L'arret, qui decide que la demanderesse a induit les defendeurs en erreurquant à l'actualite de la cession de remuneration des lors que, « parle fait de recourir à une saisie-arret execution à la fin de 1999 (pourun credit du 18 mai 1988) - et de ne pas executer une cession deremuneration - (elle) a fait croire (aux defendeurs) qu'elle ne comptaitpas (ou, tout au moins, ne comptait plus) mettre en oeuvre la cession deremuneration mais qu'elle comptait au contraire suivre la procedurenormale de la saisie-arret execution », et que cette faute justifie lasanction en nature qu'est l'interdiction de se servir de l'acte de cessionde la remuneration et l'obligation de rembourser les sommes retenues parla voie de cette cession, retient ainsi dans le chef de la demanderesseune faute ayant cause un dommage sur la base d'elements de fait quin'avaient pas ete invoques par les defendeurs, sans permettre à lademanderesse de s'en expliquer, violant son droit de defense(meconnaissance du principe general du droit relatif au respect des droitsde la defense).

Troisieme branche

A supposer meme que l'arret ait legalement pu deduire une faute dans lechef de la demanderesse consistant à avoir « induit (les defendeurs) enerreur quant à l'actualite de la cession de remuneration » et deciderque « la sanction de cette faute est (...) l'interdiction de se servir del'acte de cession de remuneration », il ne peut legalement s'en deduirela condamnation de la demanderesse à rembourser à la defenderesse nonseulement la somme de 1.782,22 euros en principal prelevee par la voie dela cession de remuneration et reclamee à ce titre par la defenderesseselon le decompte de cette derniere mais egalement les sommes perc,ues parla voie de la saisie-arret ou payees ensuite de la mainlevee amiable decelle-ci.

Si l'arret doit etre lu en ce sens qu'il fonde la condamnation de lademanderesse à rembourser à la defenderesse la somme de 7.999,09 eurosen principal sur la faute de celle-ci ci-dessus rappelee et surl'interdiction de se servir de l'acte de cession, (i) il alloue plus qu'iletait demande à ce titre, meconnait le principe dispositif et violel'article 1138, 2DEG, du Code judiciaire et, à tout le moins, le droit dedefense de la demanderesse, et (ii) il ne justifie pas legalement sadecision quant au dommage consecutif à la faute retenue (violation desarticles 1142 et 1146 à 1155 du Code civil).

Quatrieme branche

Dans les conclusions de synthese des defendeurs - rappelees à laquatrieme branche du deuxieme moyen et reputees ici à nouveau

reproduites - , auxquelles l'arret se refere, ceux-ci distinguaient lesdifferentes sommes perc,ues par la demanderesse par differents moyens(saisie-arret, engagement de paiements apres la mainlevee amiable decelle-ci et cession de remuneration) et indiquaient qu'avait ete preleveepar « la mise en oeuvre d'une cession de remuneration illicite » lasomme en principal de « 1.782,22 euros ».

La demanderesse ne contestait pas ce decompte et, partant, ne contestaitpas que la somme de 1.782,22 euros avait ete prelevee par la mise enoeuvre de la cession de remuneration.

Si, en considerant « que la cession de remuneration est irreguliere etque sa mainlevee s'impose, que c'est à bon droit que (la defenderesse)demande le remboursement des sommes irregulierement recuperees par la(demanderesse) ; que le montant total des sommes recuperees ainsi s'eleveselon (la defenderesse) à 7.999,09 euros (pour le detail : conclusions(des defendeurs) page 17) ; que la (demanderesse) ne formule pasd'objection quant à ce calcul », l'arret estime, d'une part, que ladefenderesse demandait le remboursement de 7.999,09 euros au titre desomme recuperee par la voie de la cession de remuneration et, d'autrepart, que la demanderesse ne formulait pas d'objection à cet egard, ildonne des conclusions de la defenderesse et de la demanderesse uneinterpretation inconciliable avec leurs termes et meconnait partant, lafoi qui leur est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Codecivil).

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

En regle, une loi nouvelle s'applique non seulement aux situations quinaissent à partir de son entree en vigueur mais aussi aux effets futursdes situations nees sous le regime de la loi anterieure qui se produisentou se prolongent sous l'empire de la loi nouvelle, pour autant que cetteapplication ne porte pas atteinte à des droits irrevocablement fixes.

L'arret, qui constate que, par jugement du 27 novembre 2000, le tribunalde commerce de Huy a cloture la faillite du defendeur et a prononce sonexcusabilite, considere que la defenderesse, en tant que conjoint dudefendeur, est liberee de son obligation de remboursement du solde del'emprunt hypothecaire souscrit par les defendeurs, en vertu de l'article82, alinea 2, de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites.

L'article 29 de la loi du 4 septembre 2002 modifiant la loi du 8 aout 1997sur les faillites, le Code judiciaire et le Code des societes, publiee aumoniteur belge du 21 septembre 2002, qui a etendu les effets del'excusabilite au conjoint du failli, est entre en vigueur, à defaut dedisposition transitoire particuliere, le 1er octobre 2002.

Dans sa version applicable au moment ou le defendeur a ete declareexcusable, l'article 82 de la loi du 8 aout 1997 dispose que, s'il estdeclare excusable, le failli ne peut plus etre poursuivi par sescreanciers et que, s'il n'est pas declare excusable, les creanciersrecouvrent le droit d'exercer individuellement leur action sur ses biens.

Il ne resulte ni de cet article ni d'aucune autre disposition legale envigueur à la date de la declaration d'excusabilite du defendeur que leconjoint du failli qui s'est personnellement oblige à la dette de sonepoux est libere de cette obligation par l'effet de l'excusabilite.

En reconnaissant le benefice des effets de l'excusabilite du defendeur àla defenderesse, l'arret viole l'article 2 du Code civil et l'article 82de la loi du 8 aout 1997, dans sa version applicable aux faits.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur le deuxieme moyen :

Quant à la premiere branche :

L'acte de pret du 18 mai 1988 mentionne qu'il est pris entre, d'une part,« monsieur R. S. [...] agissant en qualite de mandataire de la societeanonyme `AG de 1824' [...] denommee ci-apres `la compagnie creanciere',et, d'autre part, [le defendeur] et son epouse [la defenderesse] [...],l'ensemble des comparants d'autre part etant denomme ci-apres `la partiedebitrice', lesquels ont declare avoir arrete ce qui suit : la partiedebitrice reconnait devoir à la compagnie susdite la somme de un millionhuit cent mille francs, qu'elle declare avoir rec,ue ce jourd'hui », etque « ce pret (...) a ete fait et accepte (...) aux charges, clauses etconditions contenues dans le cahier-type, restant annexe [à cet acte] ».

L'article 8 du cahier-type des clauses et conditions generales stipule :« La partie debitrice declare que le present emprunt a ete contracte pourles besoins de la partie comparante d'autre part sub littera A, qui seulea encaisse tout le capital emprunte. En consequence, la partie comparanted'autre part sub littera B ne devra etre consideree que comme cautionvis-à-vis de la partie comparante d'autre part sub littera A, celle-cidevant faire seule le remboursement du capital prete. Cette declaration nepourra etre opposee à la compagnie creanciere, envers laquelle la partiedebitrice est solidairement obligee ».

L'article 9 du meme cahier-type enonce qu'en garantie du remboursementdudit pret, « la partie debitrice declare ceder et deleguer au profit dela compagnie creanciere et jusqu'à concurrence des sommes exigibles envertu des presentes [...] les loyers, indemnites et toutes autres sommesqui pourraient lui revenir à quelque titre que ce soit du chef de tousimmeubles appartenant à la partie debitrice, ainsi que la partiesaisissable des appointements, salaires et remunerations quelconques ettoutes sommes auxquelles la partie debitrice aurait droit à quelque titreque ce soit ».

L'arret, qui considere que la defenderesse n'est pas la partie debitricequi accorde une cession de remuneration, donne de l'acte de pret et desarticles 8 et 9 du cahier-type precites une interpretation inconciliableavec leurs termes, partant, viole la foi due à ces actes.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur le troisieme moyen :

Quant à la deuxieme branche :

Dans leurs conclusions d'appel, les defendeurs demandaient la mainlevee dela cession de remuneration pratiquee à charge de la defenderesse et lacondamnation de la demanderesse à rembourser les sommes perc,ues par cebiais, en contestant qu'une cession de remuneration puisse etre mise enoeuvre pour la premiere fois plus de dix ans apres la resiliation ducontrat.

Pour decider que la cession de remuneration est irreguliere, l'arretconsidere que, « par le fait de recourir à une saisie-arret-execution àla fin de 1999 (pour un credit du 18 mai 1988) - et de ne pas executer unecession de remuneration -, la [demanderesse] a fait croire [auxdefendeurs] qu'elle ne comptait pas (ou tout au moins plus) mettre enoeuvre la cession de remuneration mais qu'elle comptait au contrairesuivre la procedure normale de la saisie-arret-execution », que lademanderesse « a induit [les defendeurs] en erreur quant à l'actualitede la cession de remuneration » et que « la sanction de cette faute estune sanction en nature, l'interdiction de se servir de l'acte de cessionde remuneration ».

En fondant sa decision sur ce moyen non invoque par les parties, sans lesoumettre à la contradiction de celles-ci, l'arret meconnait le droit dedefense de la demanderesse.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres branches des moyens, qui nesauraient entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en ce qu'il rec,oit l'appel ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge du

fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, et prononceen audience publique du six septembre deux mille treize par le presidentde section Albert Fettweis, en presence de l'avocat general Andre Henkes,avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
|-----------------+----------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
+------------------------------------------------+

6 SEPTEMBRE 2013 C.12.0386.F/22


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0386.F
Date de la décision : 06/09/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-09-06;c.12.0386.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award