Cour de cassation de Belgique
Arret
7761
NDEG C.12.0091.F
1.a) F. C.,
b) S. d. B.,
c) M. d. B.,
d) S. d. B.,
en qualite d'heritiers venant ensemble aux droits de feu C. S.,
2. D. S.,
3. N. S.,
demandeurs en cassation,
representes par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,
contre
1. REGION DE BRUXELLES-CAPITALE, representee par son gouvernement, en lapersonne du ministre-president, dont le cabinet est etabli à Bruxelles,rue Ducale, 7-9,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,
2. A. S.,
3. L. F.,
defendeurs en cassation,
representes par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 14 septembre2011 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Les demandeurs presentent trois moyens libelles dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions legales violees
* article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, faità Paris le 20 mars 1952 et approuve par la loi du 13 mai 1955 et,pour autant que de besoin, cette loi d'approbation ;
* articles 16, 144 et 149 de la Constitution ;
* principe general du droit relatif à la separation des pouvoirs ;
* articles 17, 18 et 1138, 4DEG, du Code judiciaire ;
* articles 1382 et 1383 du Code civil.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque, « statuant à nouveau quant à ce, declare [la courd'appel] sans juridiction pour faire injonction à la premiere[defenderesse] de retirer les deux arretes de classement litigieux et den'adopter aucun nouvel arrete de classement portant sur les bienslitigieux ; pour le surplus, rec,oit la demande originaire ainsi que lesdemandes nouvelles formees par les [demandeurs] devant la cour [d'appel],sauf en tant qu'[ils] demandent la condamnation de la premiere[defenderesse] à abroger les deux arretes de classement litigieux et àn'adopter aucun nouvel arrete de classement portant sur les bienslitigieux ».
Ces decisions sont fondees sur les motifs suivants :
Au point 16, l'arret attaque constate que l'action des demandeurs tendaitnotamment à entendre « condamner la [premiere defenderesse] à repareren nature le prejudice futur [...] cause aux [demandeurs] en retirant ou,à tout le moins, en abrogeant ces deux arretes [soit les arretes des
13 octobre 2005 et 9 novembre 2006 relatifs au classement de certainsmeubles et objets garnissant le palais ...] dans les huit jours de lasignification de l'arret à intervenir et en n'adoptant aucun nouvelarrete de classement - provisoire ou definitif - concernant les biensmeubles litigieux, le tout à peine d'une astreinte de 30.000.000 eurospar infraction ».
Au point 19 in fine, l'arret considere que :
« La demande - qui tend à faire constater que des arretes de classementportent illicitement et fautivement atteinte à un droit de propriete, quise fonde sur l'article 1382 du Code civil et les articles 16 de laConstitution et 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, et quireclame sur la base de ces dispositions des dommages et interets et desmesures preventives pour l'avenir - est une contestation ayant pour objetun droit subjectif civil au sens de l'article 144 de la Constitution ;
Elle n'a pas le meme objet qu'un recours en annulation porte devant leConseil d'Etat ».
Au point 20, l'arret attaque poursuit en ces termes :
« Cependant, comme l'indique la [premiere defenderesse], la cour[d'appel] ne pourrait lui enjoindre de retirer ou d'abroger les arretes declassement litigieux. En effet, un tel pouvoir ne resulte pas de l'article159 de la Constitution qui n'autorise les cours et tribunaux de l'ordrejudiciaire qu'à refuser l'application d'actes administratifs illegaux ;
Par ailleurs, l'article 1382 du Code civil ne commande la reparation ennature que lorsqu'elle est possible. Tel n'est pas le cas en l'espece, deslors que la [premiere defenderesse], confrontee au constat (eventuel) queles arretes litigieux seraient illegaux, pourra encore apprecier, dans lerespect des principes en cause, s'il y a lieu de les retirer avec effetretroactif ou de les abroger pour l'avenir. Au surplus, l'inopposabilitecommandee par l'article 159 de la Constitution, jointe à des dommages etinterets eventuels, procurerait aux [demandeurs] une reparation et uneprotection adequates, de sorte qu'[ils] ne justifient en tout etat decause pas de l'interet requis pour demander le retrait ou l'abrogation desarretes litigieux ;
Enfin, la violation eventuelle de l'article 16 de la Constitution et del'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentalesn'appellerait, comme mesure reparatrice, que l'octroi de dommages etinterets, ces deux dispositions interdisant [...], non pas qu'une mesureadministrative prive un administre de son droit de propriete sur un bien,mais qu'il l'en prive sans indemnite adequate ».
Griefs
Premiere branche
1. Au point 16, l'arret constate que, parmi les mesures sollicitees en vuede la reparation de leur prejudice futur, les demandeurs demandaient qu'ilsoit fait injonction à la premiere defenderesse de retirer les arretes declassement litigieux et de n'adopter aucun nouvel arrete de classementportant sur les biens litigieux.
2. Or, d'une part, l'arret decide au point 19 que la demande a pour objetun droit subjectif civil au sens de l'article 144 de la Constitution entant qu'elle a pour objet des mesures preventives pour l'avenir, y comprisdonc l'injonction de retirer les arretes de classement litigieux et den'adopter aucun nouvel arrete de classement portant sur les bienslitigieux.
Mais, d'autre part, l'arret decide dans son dispositif que la cour d'appelest sans juridiction pour faire injonction à la premiere defenderesse deretirer les deux arretes de classement litigieux et de n'adopter aucunnouvel arrete de classement portant sur les biens litigieux.
3. Par consequent, l'arret comporte des dispositions contradictoires surle point de savoir s'il a ou non juridiction pour ordonner le retrait desarretes de classement litigieux et faire interdiction à la premieredefenderesse d'adopter un nouvel arrete de classement portant sur lesbiens litigieux (violation de l'article 1138, 4DEG, du Code judiciaire)et, etant entache d'une contradiction dans ses motifs equivalente à uneabsence de motifs, n'est pas regulierement motive (violation de l'article149 de la Constitution).
4. A tout le moins, apres avoir constate que la demande, en tant qu'elleportait sur des mesures preventives pour l'avenir - y compris donc leretrait ou, à tout le moins, l'abrogation des arretes de classementlitigieux et l'interdiction adressee à la premiere defenderesse d'adopterun nouvel arrete de classement portant sur les biens litigieux -, a pourobjet un droit subjectif civil, l'arret attaque n'a pu legalement declarerla cour d'appel sans juridiction pour connaitre d'une telle demande(violation de l'article 144 de la Constitution).
Deuxieme branche
1. En vertu des articles 17 et 18 du Code judiciaire, l'action ne peutetre admise si le demandeur n'a pas qualite et interet pour la former.
Son droit subjectif fut-il conteste, la partie au proces qui pretend etretitulaire d'un tel droit a l'interet et la qualite requis pour introduireune demande en justice. L'examen de l'existence ou de la portee du droitsubjectif invoque releve, non pas de la recevabilite, mais du bien-fondede la demande.
2. Au point 16, l'arret attaque constate que l'action des demandeurstendait notamment à entendre « condamner la [premiere defenderesse] àreparer en nature le prejudice futur [...] cause aux [demandeurs] enretirant ou, à tout le moins, en abrogeant ces deux arretes [soit lesarretes des
13 octobre 2005 et 9 novembre 2006 relatifs au classement de certainsmeubles et objets garnissant le palais ...] dans les huit jours de lasignification de l'arret à intervenir et en n'adoptant aucun nouvelarrete de classement - provisoire ou definitif - concernant les biensmeubles litigieux, le tout à peine d'une astreinte de 30.000.000 eurospar infraction ».
Par consequent, les demandeurs se pretendaient titulaires d'un droitsubjectif au retrait ou, à tout le moins, à l'abrogation des arretes declassement litigieux ainsi qu'à l'obtention d'une injonction faisantinterdiction à la premiere defenderesse d'adopter un nouvel arrete declassement des biens litigieux.
3. Toutefois, au point 20, l'arret attaque decide que « l'inopposabilitecommandee par l'article 159 de la Constitution, jointe à des dommages etinterets eventuels, procurerait aux [demandeurs] une reparation et uneprotection adequates, de sorte qu'[ils] ne justifient en tout etat decause pas de l'interet requis pour postuler le retrait ou l'abrogation desarretes litigieux ».
Par ailleurs, dans son dispositif, il « rec,oit la demande originaireainsi que les demandes nouvelles formees par les [demandeurs] devant lacour [d'appel], sauf en tant qu'[ils] reclament la condamnation de lapremiere [defenderesse] à abroger les deux arretes de classementlitigieux et à n'adopter aucun nouvel arrete de classement portant surles biens litigieux », declarant donc la demande irrecevable dans cettemesure.
4. En declarant irrecevable la demande des demandeurs tendant au retraitou, à tout le moins, à l'abrogation des arretes de classement litigieuxainsi qu'à l'obtention d'une injonction faisant interdiction à lapremiere defenderesse d'adopter un nouvel arrete de classement des bienslitigieux, alors que les demandeurs se pretendaient titulaires d'un droitsubjectif à l'obtention de telles mesures et que l'examen de l'existencede ce droit subjectif relevait, non de la recevabilite de la demande, maisde son fondement, l'arret attaque viole les articles 17 et 18 du Codejudiciaire.
Troisieme branche
1. En vertu de l'article 144 de la Constitution, le pouvoir judiciaire estcompetent tant pour prevenir que pour reparer une lesion illicite d'undroit civil.
2. Il resulte des articles 1382 et 1383 du Code civil que la victime d'undommage resultant d'un acte illicite a le droit d'en exiger la reparationen nature si elle est possible et ne constitue pas l'exercice abusif d'undroit ; que le juge a le pouvoir de l'ordonner, notamment en prescrivantà l'auteur du dommage les mesures destinees à faire cesser l'etat dechose qui cause le prejudice.
3. Conformement au principe general du droit relatif à la separation despouvoirs, l'autorite administrative qui, par un acte illicite, porteatteinte aux droits civils d'une personne et lui cause de ce fait undommage, n'echappe pas à l'obligation de reparer en nature ce dommage,lorsqu'une telle reparation est possible et n'est pas constitutive d'abusde droit.
En effet, les cours et tribunaux ne s'immiscent pas dans l'exercice despouvoirs legalement reserves à cette autorite lorsque, aux fins deretablir entierement dans ses droits la partie lesee, ils ordonnent lareparation en nature du prejudice et prescrivent à l'administration desmesures destinees à mettre fin à l'illegalite dommageable.
4. La seule maniere d'assurer la reparation en nature du prejudice causepar l'adoption d'arretes de classement illegaux consiste dans le retraitde ces arretes ou, à supposer qu'un tel retrait ne soit plus legalementpossible, en leur abrogation.
En effet, en vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, celui qui, parsa faute, cause un dommage à autrui, est tenu de reparer integralement cedommage, ce qui implique le retablissement du prejudicie dans l'etat ou ilserait demeure si l'acte dont il se plaint n'avait pas ete commis. Entreles differentes manieres possibles de reparer en nature le dommage causepar un arrete de classement illegal, le juge est donc tenu d'ordonner lamesure qui assure l'effacement le plus complet possible des consequencesjuridiques de cet acte, à savoir son retrait retroactif. Ce n'est qu'aucas ou un tel retrait ne serait pas legalement possible qu'il doit secontenter d'en ordonner l'abrogation pour l'avenir.
Le choix entre le retrait ou l'abrogation d'un arrete de classementillegal ne releve donc pas du pouvoir d'appreciation discretionnaire del'administration mais represente pour celle-ci et pour le juge l'exerciced'une competence liee.
5. A tout le moins, à supposer meme que le choix entre le retrait oul'abrogation d'un arrete de classement illegal releve du pouvoird'appreciation discretionnaire de l'administration, celle-ci n'est pasmoins tenue d'une obligation de resultat de retablir la victime dans sesdroits.
Il en resulte que le juge qui constate l'existence d'un tel pouvoird'appreciation discretionnaire de l'administration entre plusieurssolutions legales possibles pour realiser la reparation en nature ne peutse borner à decider qu'une telle reparation en nature est impossible maisdoit, au contraire, condamner l'administration à reparer en nature ledommage cause par l'adoption des arretes de classement illegaux en luilaissant le choix de la voie permettant d'atteindre ce but.
6. Au point 20, l'arret decide qu'il ne peut enjoindre à la premieredefenderesse de retirer ou d'abroger les arretes de classement litigieuxdes lors qu'un tel pouvoir ne resulte ni de l'article 159 de laConstitution ni de l'article 1382 du Code civil. A cet egard, il considereque cette derniere disposition « ne commande la reparation en nature quelorsqu'elle est possible et que tel n'est pas le cas en l'espece, des lorsque la [premiere defenderesse], confrontee au constat (eventuel) que lesarretes litigieux seraient illegaux, pourra encore apprecier, dans lerespect des principes en cause, s'il y a lieu de les retirer avec effetretroactif ou de les abroger pour l'avenir ».
7. Ce faisant, l'arret decide illegalement qu'en cas de constat del'illegalite des arretes de classement, la premiere defenderesse aurait lechoix entre le retrait et l'abrogation de ces arretes, de sorte qu'il endeduit illegalement que la reparation en nature du dommage cause parl'adoption de ces arretes serait impossible, alors que le principe de lareparation integrale impose d'ordonner la forme de reparation en naturequi efface de la maniere la plus complete possible les consequences del'acte illegal de l'autorite (violation de l'article 144 de laConstitution, du principe general du droit relatif à la separation despouvoirs et des articles 1382 et 1383 du Code civil).
A tout le moins, à defaut de rechercher et d'indiquer dans ses motifs sile retrait de ces arretes de classement aurait en l'espece ete possible,l'arret met la Cour dans l'impossibilite de controler la legalite de sadecision et n'est, des lors, pas regulierement motive (violation del'article 149 de la Constitution).
A titre subsidiaire, l'arret n'a pu legalement deduire de l'existence d'unchoix de l'administration entre le retrait et l'abrogation de ces arretesque la reparation en nature etait impossible mais aurait du ordonner lareparation en nature du dommage cause par l'adoption de ces arretes, sansprejudice du choix de la premiere defenderesse de la voie à adopter pourassurer cette reparation en nature (violation de l'article 144 de laConstitution, du principe general du droit relatif à la separation despouvoirs et des articles 1382 et 1383 du Code civil).
Quatrieme branche
1. En vertu de l'article 144 de la Constitution, le pouvoir judiciaire estcompetent tant pour prevenir que pour reparer une lesion illicite d'undroit civil.
2. Il resulte des articles 1382 et 1383 du Code civil que la victime d'undommage resultant d'un acte illicite a le droit d'en exiger la reparationen nature si elle est possible et ne constitue pas l'exercice abusif d'undroit.
Par consequent, la circonstance que l'octroi de dommages-interets,combines avec l'application de l'article 159 de la Constitution,accorderait à la victime une reparation et une protection adequates nejustifie pas legalement le refus de lui accorder la reparation en naturede son dommage.
3. Au point 20, l'arret decide qu'il ne peut enjoindre à la premieredefenderesse de retirer ou d'abroger les arretes de classement litigieuxdes lors qu'un tel pouvoir ne resulte ni de l'article 159 de laConstitution ni de l'article 1382 du Code civil. A cet egard, il considereà propos de cette derniere disposition que « l'inopposabilite commandeepar l'article 159 de la Constitution, jointe à des dommages et interetseventuels, procurerait aux [demandeurs] une reparation et une protectionadequates, de sorte qu'[ils] ne justifient en tout etat de cause pas del'interet requis pour postuler le retrait ou l'abrogation des arreteslitigieux ».
4. Ce faisant, l'arret rejette illegalement la demande de reparation ennature du dommage subi par les demandeurs sans constater qu'une tellereparation en nature aurait ete impossible ou constitutive d'abus de droit(violation des articles 144 de la Constitution et 1382 et 1383 du Codecivil).
Cinquieme branche
1. En vertu de l'article 144 de la Constitution, le pouvoir judiciaire estcompetent tant pour prevenir que pour reparer une lesion illicite d'undroit civil.
2. Il resulte des articles 1382 et 1383 du Code civil que la victime d'undommage resultant d'un acte illicite a le droit d'en exiger la reparationen nature si elle est possible et ne constitue pas l'exercice abusif d'undroit.
3. Il resulte de la combinaison de l'article 16 de la Constitution et del'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, fait àParis le 20 mars 1952 et approuve par la loi du 13 mai 1955, que touterestriction au droit de propriete doit menager un juste equilibre entreles exigences de l'interet general de la communaute et les imperatifs dela sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu et que, dans le casd'une privation de propriete, celle-ci ne peut intervenir que moyennantune juste et prealable indemnite.
Il ne resulte toutefois pas de ces dispositions qu'au cas ou un acteadministratif est adopte en meconnaissance de celles-ci, il soit deroge auprincipe de la reparation en nature, lorsqu'elle est demandee par lavictime de cet acte constitutif de faute.
4. Au point 20, l'arret decide qu'il ne peut enjoindre à la premieredefenderesse de retirer ou d'abroger les arretes de classement litigieuxdes lors qu'un tel pouvoir ne resulte ni de l'article 159 de laConstitution ni de l'article 1382 du Code civil. A cet egard, il considereà propos de cette derniere disposition que « la violation eventuelle del'article 16 de la Constitution et de l'article 1er du Premier Protocoleadditionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales n'appellerait, comme mesure reparatrice, quel'octroi de dommages et interets, ces deux dispositions interdisant commeon le verra, non pas qu'une mesure administrative prive un administre deson droit de propriete sur un bien, mais qu'il l'en prive sans indemniteadequate ».
5. Ce faisant, l'arret decide illegalement que les articles 16 de laConstitution et 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales excluentque l'administre sollicite la reparation en nature du prejudice cause parl'adoption d'un acte administratif contraire à ces dispositions(violation des articles 1er du Premier Protocole additionnel à laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales ainsi que, pour autant que de besoin, de sa loid'approbation, 16, 144 de la Constitution, 1382 et 1383 du Code civil).
Deuxieme moyen
Dispositions legales violees
* article 1er de la Convention de Grenade du 3 octobre 1985 pour lasauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe, approuvee par laloi du
8 juin 1992 et, pour autant que de besoin, cette loi d'approbation ;
- articles 149 et 159 de la Constitution ;
- articles 206, 1DEG, a), 222 et 226 du Code bruxellois de l'amenagementdu territoire, coordonne par l'arrete du gouvernement de la Region deBruxelles-Capitale du 9 avril 2004, ci-apres designe comme le CoBAT ;
- articles 516, 517, 524 et 525 du Code civil.
Decisions et motifs critiques
L'arret dit les demandes originaires et nouvelles des demandeurs nonfondees, confirme le jugement entrepris quant aux depens et condamne lesdemandeurs aux depens d'appel.
Ces decisions sont fondees sur les motifs suivants :
« 23. Il resulte de cet enseignement, que la cour [d'appel] s'approprie,que la [premiere defenderesse] peut confier, par decret, à songouvernement la mission de proteger, au titre de monument, non seulementun bien immobilier, mais egalement les biens culturels qui en font partieintegrante, et notamment l'equipement complementaire et les elementsdecoratifs ;
24. C'est exactement ce que fit le legislateur bruxellois en inserant, parson ordonnance du 4 mars 1993 relative à la conservation du patrimoineimmobilier, l'article 206, 1DEG, a), dans le titre V du CoBAT intitule `Dela protection du patrimoine immobilier' et en disposant que :
`Pour l'application du present titre, il faut entendre par :
1DEG patrimoine immobilier : l'ensemble des biens immeubles qui presententun interet historique, archeologique, artistique, esthetique, social,technique ou folklorique, à savoir :
a) au titre de monument : toute realisation particulierement remarquable,y compris les installations ou les elements decoratifs faisant partieintegrante de cette realisation' ;
En effet, ainsi que l'ont releve la Cour constitutionnelle dans l'arret[nDEG25/2010] à propos d'une disposition decretale qui est tres semblableà l'article 206 du CoBAT et le Conseil d'Etat dans son arret du 2 fevrier2011, en visant `les installations ou les elements decoratifs faisantpartie integrante de cette realisation', l'article 206, 1DEG, a), nelimite pas de maniere expresse cette notion aux biens qui, faisant partieintegrante de la realisation, rempliraient `par ailleurs' toutes lesconditions pour etre qualifies de biens immeubles par nature ou pardestination, mais il vise au contraire, selon le sens usuel de ces termes,tout `element decoratif', meme meuble, qui fait partie integrante deladite realisation ;
C'est en vain que les [demandeurs] se prevalent des travaux preparatoiresde l'ordonnance du 4 mars 1993 precitee et en particulier d'unedeclaration selon laquelle le secretaire d'Etat `souligne la volonte del'executif d'affirmer sa competence sur tous les elements immeubles parnature ou par destination', car le texte qui etait alors en discussion n'afinalement pas ete retenu, l'executif ayant depose un amendement tendantà le remplacer par une definition reprise de l'article 1er, 1DEG, de laConvention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe,faite à Grenade le 3 octobre 1985 et approuvee par la loi du 8 juin 1992,pour le motif, egalement releve par le Conseil d'Etat, que cetteformulation etait plus complete. `En effet, l'expression « toute oeuvrearchitecturale ou sculpturale » pourrait limiter le monument à ces deuxseules expressions artistiques. La nouvelle formulation permet d'envisagerl'art pictural, les mosaiques et autres realisations' (Doc. Cons. Reg.Brux-Cap., sess. 1992-1993, A-165/2, p.30 ) ;
La notion d' `elements decoratifs' vise donc indubitablement des biensmeubles et non pas uniquement des immeubles par destination ;
25. Dans son arret du 2 fevrier 2011, le Conseil d'Etat observe à justetitre que c'est à la Convention de Grenade, et plus particulierement aurapport explicatif de cette convention, qu'il convient de se referer pourinterpreter les notions de `decoratif' et `de partie integrante'. Eneffet, l'article 206 du CoBAT a voulu integrer cette convention dans ledroit de la Region de Bruxelles-Capitale ;
Or, ainsi que l'indique adequatement l'arret du Conseil d'Etat, `il y estexpose que les installations et elements decoratifs faisant partieintegrante des edifices s'entendent « des realisations artistiques outechniques s'integrant à l'architecture et conc,ues en fonction meme decette architecture »', le rapport poursuivant en ces termes : ` laConvention se rapporte aux batiments et aux sites. Toutefois, compte tenude l'importance des objets mobiliers qui ont un lien particulier avec lesedifices proteges ou ils s'inserent, une attention supplementaire devraitetre portee à la possibilite de leur etendre la protection del'ensemble' ;
Les installations ou les elements decoratifs qui font partie integranted'une realisation architecturale au sens de l'article 206 du CoBAT sontdonc, non pas une notion esthetique, mais bien une notion juridique quidesigne ceux qui sont tellement attaches à un monument qu'ils contribuentà en determiner l'interet historique, archeologique, artistique,esthetique, social, technique ou folklorique, de sorte que, comme lerelevait le Conseil d'Etat, la protection du monument doit necessairement,pour etre pleine et entiere, s'etendre à ces objets, `independamment dela valeur intrinseque qu'ils pourraient avoir de maniere isolee parrapport à l'ensemble dans lequel ils s'inserent, et que s'averentindifferentes leur qualification en droit civil et l'identite de leursproprietaires, ces considerations etant depourvues de pertinence pourdelimiter la partie de l'ensemble qui merite la protection au titre demonument' ;
Le thesaurus etabli par le reseau europeen du patrimoine - qui classeraitencore aujourd'hui le monument en utilisant les notions du droit civil -est sans effet sur ces qualifications juridiques propres à l'article 206du CoBAT ;
26. L'article 206 du CoBAT a donc introduit une notion de droitinternational conventionnel, propre à la protection des monuments et dessites, dans le droit interne et il s'interprete sans reference auxdistinctions du Code civil entre les meubles, les immeubles par nature etles immeubles par destination ou par incorporation. Il n'y a, des lors,pas lieu de rechercher, en l'espece, si les biens vises par les arretes declassement litigieux sont, ou non, des immeubles par destination, ni sil'inscription du palais ... a eu une influence sur la nature mobiliere ouimmobiliere des objets vises à l'annexe II des arretes de classementlitigieux, mais uniquement de verifier qu'il s'agit d'installations oud'elements decoratifs faisant partie integrante des batiments du palais... ou de son jardin dans le sens qui vient d'etre indique ».
Faisant application de ces principes, l'arret decide ensuite que tantl'arrete de classement du 9 novembre 2006 que celui du 13 octobre 2005 ontpu legalement considerer que les biens classes constituent desinstallations ou elements decoratifs faisant partie integrante du palais...
En particulier, l'arret enonce au point 28 à propos de l'arrete declassement du 9 novembre 2006 :
« En estimant que tous les biens inventories dans l'annexe II de cetarrete doivent etre classes au titre d'installations ou d'elementsdecoratifs participant d'une oeuvre d'art totale, la [premieredefenderesse] n'a pas commis une erreur manifeste d'appreciation qu'ilconviendrait de censurer. Ainsi que le Conseil d'Etat l'a releve, `cettemotivation du classement est largement etayee par les pieces versees audossier administratif' et `elle est corroboree par l'abondantedocumentation scientifique' que produit la [premiere defenderesse], telsque l'avis de la Commission royale des monuments et des sites et surtoutle rapport de la direction des monuments et des sites selon lequel lesmeubles et objets sont pleinement associes à l'oeuvre totale etconstituent une collection indissociable de celle-ci, sous reserve d'uneminorite qui n'a pas ete reprise par l'arrete du 9 novembre 2006, la cour[d'appel] se referant au nDEG 8 [de son] arret ainsi qu'au passage de cerapport reproduit au feuillet 31 de l'arret du Conseil d'Etat ;
La cour [d'appel] rejoint l'analyse du Conseil d'Etat selon laquelle, `surla base de ces elements, la [premiere defenderesse] a pu, sans meconnaitrel'article 206, 1DEG, a), du CoBAT, estimer que les objets classes par lesecond acte attaque presentent un « lien indissociable » avec le palais... lien qui est de nature historique, artistique et esthetique, et qu'ilsen font partie integrante, en sorte qu'ils contribuent à determiner lavaleur du monument et du jardin classes anterieurement et qu'ils doiventdonc etre proteges in situ avec ceux-ci, leur deplacement etant de natureà porter atteinte à l'integrite de la realisation remarquable àproteger'. Des lors que le palais ... peut etre considere comme une oeuvred'art totale, `le lien existant entre celui-ci et sa decoration ainsi queson ameublement est particulierement fort, en sorte que l'ensemble peutenglober de maniere certaine tous les objets, memes les plus usuels, quiont ete specialement conc,us pour faire partie de la realisation' ;
C'est donc à tort que les [demandeurs] tentent de contester ce lien àl'egard d'un certain nombre d'objets ».
Griefs
Premiere branche
1. L'article 1er de la Convention de Grenade du 3 octobre 1985 pour lasauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe, approuvee par la loidu
8 juin 1992, dispose que, « aux fins de la presente convention,l'expression `patrimoine architectural' est consideree comme comprenantles biens immeubles suivants : 1. Les monuments : toutes realisationsparticulierement remarquables en raison de leur interet historique,archeologique, artistique, scientifique, social ou technique, y comprisles installations ou les elements decoratifs faisant partie integrante deces realisations ».
Il resulte du texte de cette disposition ainsi que de son Rapportexplicatif que, pour entrer dans le champ d'application de la Convention,les installations et elements decoratifs faisant partie integrante d'unmonument doivent revetir la qualite de bien immeuble.
2. Il resulte des articles 222 et 226 du CoBAT que, sur le territoire dela Region de Bruxelles-Capitale, seuls les biens relevant du patrimoineimmobilier sont susceptibles de faire l'objet de la procedure declassement prevue par ces dispositions.
Le patrimoine immobilier au sens de ces dispositions est defini comme suitpar l'article 206 du CoBAT :
« Pour l'application du present titre, il faut entendre par : 1DEGpatrimoine immobilier : l'ensemble des biens immeubles qui presentent uninteret historique, archeologique, artistique, esthetique, scientifique,social, technique ou folklorique, à savoir : a) au titre de monument :toute realisation particulierement remarquable, y compris lesinstallations ou les elements decoratifs faisant partie integrante decette realisation ».
Il resulte du texte de cette disposition ainsi que de ses travauxpreparatoires que, pour pouvoir faire l'objet de la procedure declassement prevue aux articles 222 et 226 du CoBAT, les installations etelements decoratifs faisant partie integrante d'un monument doiventrevetir la qualite de bien immeuble, par nature ou par destination, ausens des articles 516, 517, 524 et 525 du Code civil.
3. Par les motifs reproduits en tete du moyen, l'arret decide quel'article 206, 1DEG, a), doit etre interprete en ce sens qu'il a introduitdans le droit interne une notion de droit international conventionnelautonome par rapport aux distinctions du Code civil entre meubles etimmeubles, de sorte que les installations et elements decoratifs faisantpartie integrante d'un monument relevent du patrimoine immobilier au sensde cette disposition et sont des lors susceptibles de faire l'objet de laprocedure de classement prevue par les articles 222 et 226 du CoBAT, memes'ils sont depourvus de la qualite d'immeuble par nature ou pardestination au sens du droit civil.
Ce faisant, l'arret meconnait tant la portee du droit internationalconventionnel auquel il se refere (violation de l'article 1er de laConvention de Grenade du 3 octobre 1985 et, pour autant que de besoin, desa loi d'approbation) que la notion de biens relevant du patrimoineimmobilier (violation des articles 206, 1DEG, a), 222 et 226 du CoBATainsi que, pour autant que de besoin, 516, 517, 524 et 525 du Codecivil).
Seconde branche
1. Il resulte des articles 222 et 226 du CoBAT que, sur le territoire dela Region de Bruxelles-Capitale, seuls les biens relevant du patrimoineimmobilier sont susceptibles de faire l'objet de la procedure declassement prevue par ces dispositions.
Le patrimoine immobilier au sens de ces dispositions est defini comme suitpar l'article 206 du CoBAT :
« Pour l'application du present titre, il faut entendre par : 1DEGpatrimoine immobilier : l'ensemble des biens immeubles qui presentent uninteret historique, archeologique, artistique, esthetique, scientifique,social, technique ou folklorique, à savoir : a) au titre de monument :toute realisation particulierement remarquable, y compris lesinstallations ou les elements decoratifs faisant partie integrante decette realisation ».
Le patrimoine immobilier constitue donc une notion legalement definie.Lorsqu'elle entame une procedure de classement ou adopte un arrete declassement definitif, la competence de la premiere defenderesse est doncliee dans la mesure ou il s'agit de determiner si les biens dont leclassement est envisage relevent ou non du patrimoine immobilier. Cettequestion n'implique aucun exercice d'un pouvoir d'appreciationdiscretionnaire.
2. Aux termes de l'article 159 de la Constitution, les cours et tribunauxn'appliqueront les arretes et reglements generaux, provinciaux et locauxqu'autant qu'ils seront conformes aux lois.
Les juridictions contentieuses ont, en vertu de cette disposition, lepouvoir et le devoir de verifier la legalite interne et la legaliteexterne de tout acte administratif sur lequel est fondee une demande, unedefense ou une exception.
Ce controle de legalite n'est pas limite aux irregularites manifestes dontcet acte pourrait etre affecte.
En particulier, lorsqu'il controle la legalite d'un acte administratif quine peut etre adopte qu'à certaines conditions et que l'une d'elle faitl'objet d'une definition legale, le juge ne peut se borner à censurer leserreurs manifestes d'appreciation de l'administration dans l'applicationde cette definition legale mais est tenu de censurer toute meconnaissancede cette definition legale.
3. Il ressort du point 28 de l'arret, reproduit en tete du moyen, que,pour decider que l'arrete de classement du 9 novembre 2006 adopte par lapremiere defenderesse ne meconnaissait pas l'article 206, 1DEG, a), duCoBAT, l'arret s'est borne à controler si la premiere defenderessen'avait pas commis « une erreur manifeste d'appreciation qu'ilconviendrait de censurer » mais s'est abstenu de controler si cet arretede classement ne meconnaissait pas, meme marginalement, la notion legalede patrimoine immobilier.
4. Ce faisant, l'arret :
1DEG meconnait la notion legale de patrimoine immobilier (violation desarticles 206, 1DEG, a), 222 et 226 du CoBAT) ;
2DEG meconnait les limites du controle qu'il est tenu d'exercer sur lalegalite des actes administratifs, lequel n'est pas limite auxirregularites manifestes (violation de l'article 159 de la Constitution) ;
3DEG à tout le moins, à defaut de rechercher et de constater dans sesmotifs si l'arrete du 9 novembre 2006 ne meconnaissait pas, mememarginalement, la notion legale de patrimoine immobilier, met la Cour dansl'impossibilite de controler la legalite de sa decision et n'est, deslors, pas regulierement motive (violation de l'article 149 de laConstitution).
Troisieme moyen
Dispositions legales violees
- article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, fait àParis le 20 mars 1952 et approuve par la loi du 13 mai 1955 et, pourautant que de besoin, cette loi d'approbation ;
- article 16 de la Constitution ;
- articles 206, 1DEG, a), 222, 226 et 232 du Code bruxellois del'amenagement du territoire, coordonne par l'arrete du gouvernement de laRegion de Bruxelles-Capitale du 9 avril 2004, ci-apres designe comme leCoBAT ;
- article 815 du Code civil ;
- article 510 du Code des societes.
Decisions et motifs critiques
L'arret dit les demandes originaires et nouvelles des demandeurs nonfondees, confirme le jugement entrepris quant aux depens et condamne lesdemandeurs aux depens d'appel.
Ces decisions sont fondees sur les motifs suivants :
« 30. Les [demandeurs] denoncent encore la violation de l'article 16 dela Constitution et de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales en ce que le classement des biens litigieux les priverait dela possibilite de jouir des biens classes et d'en disposer. [Ils]soutiennent qu'[ils] subissent une expropriation de fait des lors qu'[ils]ne peuvent acceder à ces meubles sans l'accord du proprietaire des lieuxet que, compte tenu de l'impossibilite de les deplacer, [ils] ne peuventles vendre qu'au proprietaire des lieux ou à des tiers qui feraientl'acquisition de l'ensemble constitue par l'immeuble et les meublesclasses. Or, soulignent-[ils], cette expropriation de fait ne s'accompagned'aucune indemnisation ;
31. L'article 16 de la Constitution dispose que nul ne peut etre prive desa propriete que pour cause d'utilite publique, dans les cas et de lamaniere etablis par la loi et selon une juste et prealable indemnite.L'article 1er du Premier Protocole additionnel dispose pour sa part que :
`Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul nepeut etre prive de sa propriete que pour cause d'utilite publique et dansles conditions prevues par la loi et les principes generaux du droitinternational.
Les dispositions precedentes ne portent pas atteinte au droit quepossedent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugentnecessaires pour reglementer l'usage des biens conformement à l'interetgeneral ou pour assurer le paiement des impots ou d'autres contributionsou amendes' ;
L'article 1er du Premier Protocole additionnel enonce ainsi le respect dela propriete, soumet la privation (totale) de propriete à certainesconditions et autorise la reglementation de l'usage des biens ;
Les mesures privatives de propriete au sens des dispositions susditessont, non seulement les transmissions du titre juridique au sens strictpar l'effet d'une expropriation, d'une nationalisation ou d'uneconfiscation, mais egalement les expropriations de fait, c'est-à-direcelles qui visent la paralysie complete des prerogatives de la propriete.Il resulte de la combinaison des deux dispositions precitees que de tellesmesures doivent trouver une base legale dans le droit interne,c'est-à-dire un fondement juridique dans une norme en vigueur qui doitelle-meme etre conforme aux normes superieures du droit interne. Cettebase legale doit etre accessible, suffisamment precise et previsible.Elles doivent poursuivre une cause d'utilite publique, dans le cadre d'unjuste equilibre entre les interets en presence, la cause d'utilitepublique relevant du pouvoir discretionnaire d'appreciation des autoritescompetentes soumis au controle marginal de l'erreur d'appreciation quiconsiste à verifier si la cause invoquee est manifestement etrangere àl'utilite publique invoquee ;
Enfin, elles doivent, en regle, s'accompagner d'une indemnite juste etprealable, raisonnablement equivalente à la valeur du bien ;
32. Le classement litigieux ne prive pas les [demandeurs] de leurpropriete au profit du proprietaire de l'immeuble ou ils se trouvent, deslors qu'il n'entraine pas, par lui-meme, la transformation de ces elementsen biens immeubles par destination dont la propriete serait acquise auproprietaire de l'immeuble, la societe anonyme Compagnie immobiliereS.A.S. ;
Par ailleurs, aucune disposition du CoBAT n'interdit aux [demandeurs], enleur qualite de proprietaires indivis des biens litigieux, d'en ceder lapropriete à un tiers ou de les partager avec les autres co-indivisaires.Le transfert de propriete demeure possible, theoriquement et pratiquement,soit entre co-indivisaires, soit à la societe anonyme proprietaire desbatiments, soit encore à un tiers acquereur de l'ensemble (meubles etimmeubles), soit enfin à un tiers acquereur des meubles classes ayantobtenu du proprietaire des lieux un droit d'occupation pour jouir de sonacquisition, cette possibilite etant tout à fait realisable puisque les[demandeurs] possedent la majorite des actions de la societe anonyme precitee et trois des quatre sieges de direction de cette societe ;
Pour le surplus, dejà avant les arretes de classement, le transfert depropriete à un tiers par l'un des co-indivisaires des biens meublesnecessitait des operations de partage prealables tandis que le transfertde propriete de la totalite des biens necessitait l'accord de tous lesindivisaires, ces contraintes resultant de l'indivision dans laquelle setrouvent les [demandeurs] et les deuxieme et troisieme [defendeurs]. Dememe, le partage des biens classes moyennant leur subdivision en lotsdemeure realisable ;
Enfin, les difficultes eventuelles pour l'un ou l'autre desco-indivisaires d'exercer son droit d'user des biens classes, à lessupposer etablies (un accord ayant pu intervenir entre eux pour ne pasuser des biens litigieux), ne trouveraient pas leur cause dans les arretesde classement, puisqu'ils permettent d'user des choses classees à lacondition de ne pas les utiliser ou d'en modifier l'usage d'une manieretelle qu'ils perdent leur interet selon les criteres definis à l'article206, 1DEG, du CoBAT, mais dans l'indivision dejà rappelee ci-dessus etles droits immobiliers de la Compagnie immobiliere S.A.S. Ainsi, dejàavant les arretes de classement, l'un ou l'autre des proprietaires indivisdes meubles litigieux ne pouvait s'en attribuer la jouissance qu'avecl'accord des autres co- indivisaires et celui du proprietaire des lieux ;
Le classement en cause ne s'analyse donc pas en une expropriationpuisqu'il n'ote pas toute portee au droit de propriete des [demandeurs],alors meme que la valeur de transmission des biens litigieux seraitdiminuee par l'effet de leur classement ;
33. Le classement entraine incontestablement des restrictions au droit depropriete des [demandeurs] des lors que, selon l'article 232 du CoBAT, ilemporte l'interdiction de detruire les meubles classes en tout ou enpartie, de les endommager ou de les deplacer, à moins que leur sauvegardene l'exige imperativement et à la condition que les garanties necessairespour leur demontage, transfert et remontage dans un lieu approprie soientprises ;
En l'espece, ces restrictions ne sont pas critiquables. En effet :
- elles resultent d'une disposition legale expresse, conforme aux normessuperieures, previsible et connue ;
- le classement poursuit un but legitime dans le cadre de la protection dupatrimoine culturel que recherche la [premiere defenderesse] en accordavec la Convention de Grenade du 3 octobre 1985 evoquant expressement laprotection des objets mobiliers ayant un lien particulier avec l'edificeprotege ;
- ce but legitime repond à des preoccupations d'interet general, leConseil d'Etat ayant rappele dans son arret du 2 fevrier 2011 que seul uncontrole marginal peut etre exerce par les cours et tribunaux surl'appreciation de cet interet par la [premiere defenderesse]. Il n'est pasmanifestement errone de considerer que le classement des biens litigieuxrencontre l'interet general historique, esthetique et artistique et ce,bien que l'interieur du palais ... ne soit pas, pour l'heure, accessibleau public et ne puisse etre visite, la visibilite par le public n'etantpas une condition fixee par le CoBAT pour le classement de tels biens etn'ayant pas ete prevue par les arretes litigieux ;
- la mesure de classement est proportionnee à la protection d'unpatrimoine d'une valeur exceptionnelle, attestee notamment par sonclassement sur la liste du patrimoine mondial par le comite du patrimoinemondial de l'Unesco et elle porte uniquement sur les meubles, objets etelements de decoration qui ont pu etre consideres comme faisant partieintegrante de l'oeuvre d'art totale ;
- enfin, la legalite de cette mesure n'est pas critiquable (voir lesprecedents developpements de la cour [d'appel] relatifs à l'article 206du CoBAT) ;
La violation de l'article 16 de la Constitution et de l'article 1er duPremier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales n'est donc pas etablie ».
L'arret releve par ailleurs au point 4 ce qui suit :
« Par l'effet de devolutions successorales successives, les [demandeurs][...] sont egalement, avec les deuxieme et troisieme [defendeurs], lesproprietaires indivis des meubles meublants et des objets decoratifs [...]qui garnissent encore le palais ...».
Griefs
1. Les articles 16 de la Constitution et 1er du Premier Protocoleadditionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, fait à Paris le 20 mars 1952 et approuve par laloi du 13 mai 1955, consacrent le droit au respect de la propriete.
Pour etre compatible avec ces dispositions, une atteinte au droit d'unepersonne au respect de ses biens doit d'abord respecter le principe de lalegalite et ne pas revetir un caractere arbitraire. Elle doit egalementmenager un juste equilibre entre les exigences de l'interet general de lacommunaute et les imperatifs de la sauvegarde des droits fondamentaux del'individu. Cet equilibre est rompu si la personne concernee a eu à subirune charge speciale et exorbitante.
En cas de privation de propriete, le juste equilibre exige le versementd'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, sans quoiil y aurait une atteinte excessive aux droits des particuliers.
Par ailleurs, meme hors le cas d'une privation de propriete, l'absenced'indemnisation est l'un des facteurs à prendre en compte pour etablir siun juste equilibre a ete respecte.
2. Il resulte des articles 222 et 226 du CoBAT que, sur le territoire dela Region de Bruxelles-Capitale, les biens relevant du patrimoineimmobilier sont susceptibles de faire l'objet de la procedure declassement prevue par ces dispositions.
Le patrimoine immobilier au sens de ces dispositions est defini comme suitpar l'article 206 du CoBAT :
« Pour l'application du present titre, il faut entendre par : 1DEGpatrimoine immobilier : l'ensemble des biens immeubles qui presentent uninteret historique, archeologique, artistique, esthetique, scientifique,social, technique ou folklorique, à savoir : a) au titre de monument :toute realisation particulierement remarquable, y compris lesinstallations ou les elements decoratifs faisant partie integrante decette realisation ».
3. Selon l'article 232 du CoBAT, il est interdit :
1DEG de demolir en tout ou en partie un bien relevant du patrimoineimmobilier classe ;
2DEG d'utiliser un tel bien ou d'en modifier l'usage de maniere tellequ'il perde son interet selon les criteres definis à l'article 206, 1DEG;
3DEG d'executer des travaux dans un tel bien en meconnaissance desconditions particulieres de conservation ;
4DEG de deplacer en tout ou en partie un bien relevant du patrimoineimmobilier classe, à moins que la sauvegarde materielle du bien l'exigeimperativement et à condition que les garanties necessaires pour sondemontage, son transfert et son remontage dans un lieu approprie soientprises.
4. Lorsqu'une mesure de classement frappe des installations et elementsdecoratifs faisant partie integrante d'un monument, l'article 232, 4DEG,du CoBAT a pour effet d'interdire le deplacement de ces objets, alors memequ'ils ne revetiraient pas la qualite d'immeuble par nature ou pardestination.
Des lors, lorsque le proprietaire de ces objets n'est pas le proprietairedu monument dont ils font partie integrante, la mesure de classementaboutit à la consequence que :
1DEG le proprietaire des objets classes ne peut plus user de ceux-ci sansl'accord du proprietaire du monument pour acceder à ce dernier ;
2DEG si le proprietaire des objets classes peut encore theoriquementdisposer librement de leur propriete, la possibilite de ceder ceux-ci setrouve pratiquement tres limitee puisque tout acquereur potentiel setrouverait confronte à la meme limitation du droit d'usage et neconsentira donc à l'acquisition de ces objets qu'à la condition d'avoirpu egalement trouver un accord avec le proprietaire du monument quant àl'acquisition de ce dernier ou, à tout le moins, d'un droit d'acces àcelui-ci.
Ces limitations au droit d'usage et de disposition des objets classesrepresentent une atteinte à la substance meme du droit de propriete.
5. De ce qui precede, il resulte qu'en l'absence de toute indemnisation,une mesure de classement d'objets mobiliers faisant partie integrante d'unmonument constitue, lorsque ces objets n'appartiennent pas à la memepersonne que le proprietaire du batiment, une atteinte equivalente à uneprivation de propriete ou, à tout le moins, une atteinte constitutive decharge speciale et exorbitante qui rompt le juste equilibre entre lesexigences de l'interet general de la communaute et les imperatifs de lasauvegarde des droits fondamentaux de l'individu.
A cet egard, ni la circonstance que les objets classes se trouventpresentement en indivision ni celle que le monument appartiennepresentement à une societe anonyme qui serait controlee par lesproprietaires des objets classes ne peuvent etre prises en considerationdes lors qu'il s'agit de circonstances essentiellement temporaires etcontingentes.
En effet, d'une part, nul n'est tenu de demeurer en indivision en vertu del'article 815 du Code civil, de sorte que le partage des objets classespeut en principe etre demande à tout instant. D'autre part, les actionsd'une societe anonyme sont en principe cessibles conformement à l'article510 du Code des societes, de sorte que le controle de la societeproprietaire des monuments n'est jamais definitivement acquis.
6. Par les motifs reproduits en tete du moyen, l'arret constate que lesbiens faisant l'objet de la mesure de classement au motif qu'ils fontpartie integrante du palais ... appartiennent indivisement aux demandeurset aux deuxieme et troisieme defendeurs, tandis que le palais ...appartient quant à lui à la societe anonyme Compagnie immobiliere S.A.S.
Il decide ensuite, en substance, que la mesure de classement de ces objetsne constitue pas une privation de propriete aux motifs que leur transfertde propriete demeure possible, theoriquement et pratiquement, des lors queles demandeurs possedent la majorite des actions de la societe anonymeproprietaire du palais ... et trois des quatre sieges de direction decette societe. Il decide par ailleurs que les restrictions apportees audroit d'usage et de disposition des demandeurs sur les objets classesresultent de la situation d'indivision dans laquelle ils se trouvent etdes droits de la Compagnie immobiliere S.A.S. plutot que de la mesure declassement.
Enfin, il decide en substance que les restrictions apportees au droit depropriete des demandeurs sur les objets classes ne sont pas critiquablesdes lors qu'elles sont prevues par la loi, poursuivent un but legitimed'interet general et sont proportionnees à la protection d'un patrimoined'une valeur exceptionnelle.
7. Ce faisant, l'arret ne deduit pas legalement de ses constatationsqu'en l'absence de toute indemnisation des demandeurs, la mesure declassement adoptee par la premiere defenderesse realise un juste equilibreentre les exigences de l'interet general de la communaute et lesimperatifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu(violation de toutes les dispositions visees en tete du moyen).
8. A titre subsidiaire, les demandeurs invitent la Cour à poser à laCour constitutionnelle la question prejudicielle suivante avant de statuersur le moyen :
Les articles 206, 1DEG, a), 222, 226 et 234 du Code bruxellois del'amenagement du territoire, coordonne par l'arrete du gouvernement de laRegion de Bruxelles-Capitale du 9 avril 2004, violent-ils l'article 16 dela Constitution, combine avec l'article 1er du Premier Protocoleadditionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, fait à Paris le 20 mars 1952 et approuve par laloi du 13 mai 1955, compte tenu des restrictions qu'ils apportent au droitd'usage et de disposition des biens concernes, s'ils sont interpretes ence sens qu'ils permettent le classement sans indemnisation d'objetsmobiliers faisant partie integrante d'un monument dans l'hypothese ou cesobjets n'appartiennent pas à la meme personne que le proprietaire dumonument ? »
III. La decision de la Cour
Sur le deuxieme moyen :
Quant à la premiere branche :
D'une part, l'article 1er de la Convention de Grenade du 3 octobre 1985pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe dispose qu'auxfins de cette convention, l'expression « patrimoine architectural » estconsideree comme comprenant les biens immeubles suivants : 1. lesmonuments : toutes realisations particulierement remarquables en raison deleur interet historique, archeologique, artistique, scientifique, socialou technique, y compris les installations ou les elements decoratifsfaisant partie integrante de ces realisations.
Cette disposition, qui ne contient que des definitions, n'a pas pour objetde consacrer des obligations ou des droits dont les justiciablespourraient se prevaloir et, partant, n'a pas d'effet direct dans le droitinterne.
D'autre part, le patrimoine immobilier pouvant faire l'objet de laprocedure de classement prevue par les articles 222 et 226 du Codebruxellois de l'amenagement du territoire, coordonne par l'arrete dugouvernement de la Region de Bruxelles-Capitale du 9 avril 2004, estdefini par l'article 206, 1DEG, a), de ce code comme etant l'ensemble desbiens immeubles qui presentent un interet historique, archeologique,artistique, esthetique, scientifique, social, technique ou folklorique, àsavoir, au titre de monument, toute realisation particulierementremarquable, y compris les installations ou les elements decoratifsfaisant partie integrante de cette realisation.
Par installations ou elements decoratifs faisant partie integrante de larealisation protegee au titre de monument, il y a lieu d'entendre toutobjet qui, en raison du lien historique, archeologique, artistique,esthetique, social, technique ou folklorique qui l'unit à cetterealisation, contribue à en determiner la valeur socio-culturelle,artistique ou historique.
Contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, l'article206, 1DEG, a), precite n'impose pas que ces objets revetent en outre laqualite d'immeuble par nature ou par destination.
Le moyen, en cette branche, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
L'arret considere, par ses motifs propres et par appropriation des motifsde l'arret du Conseil d'Etat du 2 fevrier 2011, qu' « en estimant quetous les biens inventories dans l'annexe II de [l'arrete de classement du9 novembre 2006] doivent etre classes au titre d'installations oud'elements decoratifs participant d'une oeuvre d'art totale, la Region deBruxelles-Capitale n'a pas commis une erreur manifeste d'appreciationqu'il conviendrait de censurer » et que « cette motivation du classementest largement etayee par les pieces versees au dossier administratif etcorroboree par l'abondante documentation scientifique que produit la[premiere defenderesse], tels que l'avis de la Commission royale desmonuments et des sites et surtout le rapport de la direction des monumentset des sites selon lequel les meubles et objets sont pleinement associesà l'oeuvre totale et constituent une collection indissociable decelle-ci ».
Par appropriation des motifs de l'arret precite du Conseil d'Etat, l'arretconsidere que, « `sur la base de ces elements, la [premiere defenderesse]a pu, sans meconnaitre l'article 206, 1DEG, a), du Code bruxellois del'amenagement du territoire, estimer que les objets classes par [l'arretedu 9 novembre 2006] presentent un « lien indissociable » avec le palais..., lien qui est de nature historique, artistique et esthetique, etqu'ils en font partie integrante, en sorte qu'ils contribuent àdeterminer la valeur du monument et du jardin classes anterieurement etqu'ils doivent donc etre proteges in situ avec ceux-ci, leur deplacementetant de nature à porter atteinte à l'integrite de la realisationremarquable à proteger' » et que, « des lors que le palais ... peutetre considere comme une oeuvre d'art totale, `le lien existant entrecelui-ci et sa decoration ainsi que son ameublement est particulierementfort, en sorte que l'ensemble peut englober de maniere certaine tous lesobjets, meme les plus usuels, qui ont ete specialement conc,us pour fairepartie de la realisation' ».
Par ces considerations, l'arret ne limite pas son controle de legalite del'arrete de classement du 9 novembre 2006 aux irregularites manifestesdont cet acte pourrait etre affecte mais examine si cet arrete nemeconnait pas la notion de patrimoine immobilier telle qu'elle estconsacree par l'article 206, 1DEG, a), du Code bruxellois de l'amenagementdu territoire.
Pour le surplus, par les considerations precitees, l'arret ne meconnaitpas cette notion legale de patrimoine immobilier et permet à la Courd'exercer son controle de legalite.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Sur le troisieme moyen :
Si une mesure de classement d'un bien peut constituer une restriction àl'usage du droit de propriete de son proprietaire, elle n'emporte pas unedepossession effective de ce bien.
Dans la mesure ou il invoque la violation de l'article 16 de laConstitution, qui s'applique en cas d'expropriation pour cause d'utilitepublique, laquelle suppose un transfert de propriete force ayant poureffet une perte de propriete, partant, une depossession effective d'unbien, le moyen manque en droit.
Contrairement à ce que soutient le moyen, l'arret ne justifie pasuniquement sa decision que « le classement litigieux ne prive pas les[demandeurs] de leur propriete » par la consideration que les demandeurspossedent la majorite des actions de la societe anonyme proprietaire dupalais ... et trois des quatre sieges de direction de cette societe et queles restrictions apportees au droit d'usage et de disposition sur lesobjets classes resultent de la situation d'indivision dans laquelle ils setrouvent et des droits de la Compagnie immobiliere S.A.S. plutot que de lamesure de classement.
L'arret fonde egalement cette decision sur la consideration, independantede la precedente, que le classement litigieux « n'entraine pas, parlui-meme, la transformation [des] elements [classes] en biens immeublespar destination dont la propriete serait acquise au proprietaire del'immeuble, la [societe] Compagnie immobiliere S.A.S. » et que « letransfert de propriete [des biens classes] demeure possible, theoriquementet pratiquement, soit entre co-indivisaires, soit à la societe anonymeproprietaire des batiments, soit encore à un tiers acquereur del'ensemble (meubles et immeubles), soit enfin à un tiers acquereur desmeubles classes ayant obtenu du proprietaire des lieux un droitd'occupation pour jouir de son acquisition ».
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
Pour le surplus, dans leurs troisiemes conclusions additionnelles et desynthese d'appel, les demandeurs faisaient valoir, s'agissant de l'article1er du Premier Protocole additionnel à la Convention europeenne desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, que « laCour europeenne des droits de l'homme decide [...] que, sans le versementd'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, uneprivation de propriete constitue normalement une atteinte excessive etqu'une absence totale d'indemnisation ne saurait se justifier [...] quedans des circonstances exceptionnelles », que « la mesure de classementlitigieuse aboutit à deposseder definitivement les [demandeurs] desmeubles qui garnissent le palais ... », qu' « une telle expropriation defait des [demandeurs] est intervenue sans juste et prealable indemnite »et qu' « elle est donc contraire [à l'article] 1er du PremierProtocole », et demandaient, à titre principal, notamment, de « direpour droit que [les] deux arretes sont constitutifs de faute ayant porteatteinte au droit de propriete des [demandeurs] en les privant pourl'essentiel de leur droit sur les meubles litigieux ».
Les demandeurs n'ont pas fait valoir devant la cour d'appel qu'enl'absence de toute indemnisation, la mesure de classement d'objetsmobiliers faisant partie integrante d'un monument, adoptee par la premieredefenderesse, constitue une charge speciale et exorbitante qui rompt lejuste equilibre entre les exigences de l'interet general de la communauteet les imperatifs de sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu.
Dans la mesure ou il invoque pour la premiere fois devant la Cour laviolation de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales en faisant valoir que l'arret ne deduit pas legalement deses constatations qu'en l'absence de toute indemnisation, la mesure declassement adoptee par la premiere defenderesse realise un juste equilibreentre les exigences de l'interet general de la communaute et lesimperatifs de sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, le moyen,en cette branche, est nouveau, partant, irrecevable.
La demande de poser une question prejudicielle à la Courconstitutionnelle est basee sur la premisse inexacte que les articles 206,1DEG, a), 222, 226 et 234 du Code bruxellois de l'amenagement duterritoire contiennent un transfert de propriete force.
Il n'y a pas lieu de poser une question prejudicielle, des lors que laviolation alleguee n'est pas possible.
Sur le premier moyen :
Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen, en toutes ses branches, parles defendeurs et deduite du defaut d'interet :
Par les considerations vainement critiquees par les deuxieme et troisiememoyens, l'arret justifie legalement sa decision que la premieredefenderesse n'a commis aucune faute en adoptant les arretes de classementquerelles.
Dirige contre les considerations de l'arret relatives à la demande dereparation en nature du dommage subi en raison de la faute alleguee, lemoyen, en ces branches, est denue d'interet, partant irrecevable.
La fin de non-recevoir est fondee.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux depens.
Les depens taxes à la somme de huit cent soixante-quatre euros quinzecentimes envers les parties demanderesses, à la somme de trois centnonante-cinq euros soixante et un centimes envers la premiere partiedefenderesse et à la somme de trois cent nonante-cinq euros soixante etun centimes envers les deuxieme et troisieme parties defenderesses.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Michel Lemal etMarie-Claire Ernotte, et prononce en audience publique du treize juin deuxmille treize par le president Christian Storck, en presence de l'avocatgeneral Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.
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| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
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| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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13 JUIN 2013 C.12.0091.F/14